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Cour EDH, gde ch, 10 avril 2019, n° P16-2018-001, avis consultatif relatif à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention

Citer : Revue générale du droit, 'Cour EDH, gde ch, 10 avril 2019, n° P16-2018-001, avis consultatif relatif à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention, ' : Revue générale du droit on line, 2019, numéro 48858 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=48858)


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Décision citée par :
  • Christophe De Bernardinis, B. Le juge constitutionnel et les droits fondamentaux consacrés par la ConvEDH
  • Marjorie Brusorio-Aillaud, La filiation de la mère d’intention en droit positif
  • Camille LEROY, La gestation pour autrui en droit pénal français
  • Joël Andriantsimbazovina, La Convention européenne des droits de l’homme, un instrument structurant de la société européenne


GRANDE CHAMBRE

AVIS CONSULTATIF

relatif à la reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation

entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger

et la mère d’intention

demandé par

la Cour de cassation française

(Demande no P16-2018-001)

STRASBOURG

10 avril 2019

Cet avis est définitif. Il peut subir des retouches de forme.

La Cour européenne des droits de l’homme, siégeant en une Grande Chambre composée de :

Guido Raimondi, président,

Angelika Nußberger,

Linos-Alexandre Sicilianos,

Robert Spano,

Vincent A. De Gaetano,

Jon Fridrik Kjølbro,

André Potocki,

Faris Vehabović,

Iulia Antoanella Motoc,

Branko Lubarda,

Yonko Grozev,

Carlo Ranzoni,

Georges Ravarani,

Pauliine Koskelo,

Tim Eicke,

Péter Paczolay,

Lado Chanturia, juges,

et de Roderick Liddell, greffier,

Après en avoir délibéré en chambre du conseil le 20 mars 2019,

Rend l’avis que voici, adopté à cette date :

PROCÉDURE

1.  Par une lettre du 12 octobre 2018 adressée au greffier de la Cour européenne des droits de l’homme (« la Cour »), la Cour de cassation française a demandé à la Cour, en vertu de l’article 1 du Protocole no 16 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« le Protocole no 16 »), de rendre un avis consultatif sur les questions reprises au paragraphe 9 ci-dessous.

2.  Le 3 décembre 2018, le collège de cinq juges de la Grande Chambre de la Cour, composé conformément aux articles 2 § 3 du Protocole no 16 et 93 § 1 du règlement de la Cour (« le règlement »), a décidé d’accepter cette demande.

3.  La composition de la Grande Chambre a été arrêtée le 4 décembre 2018 conformément aux articles 24 § 2 h) et 94 § 1 du règlement.

4.  Par des lettres du 7 décembre 2018, le greffier de la Cour a informé les parties à la procédure interne que le Président de la Grande Chambre les invitait à soumettre à la Cour des observations écrites sur la demande d’avis consultatif dans un délai expirant le 16 janvier 2019 (articles 3 du Protocole no 16 et 94 § 3 du règlement). Dans ce délai, des observations écrites ont été produites conjointement par Dominique Mennesson, Fiorella Mennesson, Sylvie Mennesson et Valentina Mennesson. La procureure générale près la Cour d’appel de Paris n’a pas produit d’observations écrites.

5.  Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a présenté des observations écrites en application de l’article 3 du Protocole no 16. La Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe n’a pas usé de ce droit.

6.  Des observations écrites ont en outre été reçues des gouvernements britannique, tchèque et irlandais, du Défenseur des droits, du centre d’études interdisciplinaires du genre du département de sociologie et de la recherche sociale de l’université de Trente, ainsi que des organisations non gouvernementales AIRE Centre, Helsinki Foundation for Human Rights, ADF International, Coalition internationale pour l’abolition de la maternité de substitution, et Association des médecins catholiques de Bucarest, que le président avait autorisés à intervenir (article 3 du Protocole no 16). L’organisation non gouvernementale Child Rights International Network, également autorisée à intervenir, n’a pas produit d’observations.

7.  Les observations reçues ont été communiquées à la Cour de cassation, qui n’a pas formulé de remarque (article 94 § 5 du règlement).

8.  Après la clôture de la procédure écrite, le Président de la Grande Chambre a décidé qu’il n’y avait pas lieu de tenir une audience (article 94 § 6 du règlement).

LES QUESTIONS POSÉES

9.  Les questions posées par la Cour de cassation dans sa demande d’avis consultatif sont ainsi formulées :

« 1.  En refusant de transcrire sur les registres de l’état civil l’acte de naissance d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une gestation pour autrui, en ce qu’il désigne comme étant sa « mère légale » la « mère d’intention », alors que la transcription de l’acte a été admise en tant qu’il désigne le « père d’intention », père biologique de l’enfant, un État-partie excède-t-il la marge d’appréciation dont il dispose au regard de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ? À cet égard, y a-t-il lieu de distinguer selon que l’enfant est conçu ou non avec les gamètes de la « mère d’intention » ?

2.  Dans l’hypothèse d’une réponse positive à l’une des deux questions précédentes, la possibilité pour la mère d’intention d’adopter l’enfant de son conjoint, père biologique, ce qui constitue un mode d’établissement de la filiation à son égard, permet-elle de respecter les exigences de l’article 8 de la Convention ? »

LE CONTEXTE ET LA PROCÉDURE INTERNE DANS LE CADRE DESQUELS S’INSCRIT LA DEMANDE D’AVIS

10.  Dans l’arrêt Mennesson c. France (no 65192/11, CEDH 2014 (extraits)), la Cour a examiné sous l’angle de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (« la Convention ») l’impossibilité pour deux enfants nées en Californie d’une gestation pour autrui et les parents d’intention d’obtenir en France la reconnaissance de la filiation légalement établie entre eux aux États-Unis. Les requérants ont précisé que, conformément au droit californien, la mère porteuse n’avait pas été rémunérée mais seulement défrayée (voir le paragraphe 8 de l’arrêt).

11.  La Cour a conclu qu’il n’y avait pas eu violation du droit des enfants et des parents d’intention au respect de leur vie familiale, mais qu’il y avait eu violation du droit au respect de la vie privée des enfants.

12.  S’agissant du second point, la Cour a souligné que « le respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain, ce qui inclut sa filiation », et qu’« un aspect essentiel de l’identité des individus est en jeu dès lors que l’on touche à la filiation » (voir le paragraphe 96 de l’arrêt). Elle a ajouté que « le droit au respect de la vie privée [des enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui], qui implique que chacun puisse établir la substance de son identité, y compris sa filiation, se trouv[ait] significativement affecté [par la non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre ces enfants et les parents d’intention] ». Elle en a déduit que se posait « une question grave de compatibilité de cette situation avec l’intérêt supérieur des enfants, dont le respect doit guider toute décision les concernant » (voir les paragraphes 96 et 99 de l’arrêt).

13.  La Cour s’est ensuite prononcée expressément sur la question de la reconnaissance du lien de filiation entre les deux enfants et le père d’intention, qui était leur père biologique. Elle a jugé ce qui suit(paragraphe 100 de l’arrêt) :

« [L’]analyse [rappelée ci-dessus] prend un relief particulier lorsque, comme en l’espèce, l’un des parents d’intention est également géniteur de l’enfant. Au regard de l’importance de la filiation biologique en tant qu’élément de l’identité de chacun (…), on ne saurait prétendre qu’il est conforme à l’intérêt d’un enfant de le priver d’un lien juridique de cette nature alors que la réalité biologique de ce lien est établie et que l’enfant et le parent concerné revendiquent sa pleine reconnaissance. Or non seulement le lien entre les [enfants] requérantes et leur père biologique n’a pas été admis à l’occasion de la demande de transcription des actes de naissance, mais encore sa consécration par la voie d’une reconnaissance de paternité ou de l’adoption ou par l’effet de la possession d’état se heurterait à la jurisprudence prohibitive établie également sur ces points par la Cour de cassation (…). La Cour estime, compte tenu des conséquences de cette grave restriction sur l’identité et le droit au respect de la vie privée des [enfants] requérantes, qu’en faisant ainsi obstacle tant à la reconnaissance qu’à l’établissement en droit interne de leur lien de filiation à l’égard de leur père biologique, l’État défendeur est allé au-delà de ce que lui permettait sa marge d’appréciation. »

14.  Dans sa demande d’avis consultatif, la Cour de cassation indique que sa jurisprudence a évolué postérieurement à l’arrêt Mennesson. La transcription de l’acte de naissance d’un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger est désormais possible pour autant qu’il désigne le père d’intention comme étant le père de l’enfant lorsqu’il en est le père biologique. Elle demeure impossible s’agissant de la maternité d’intention. L’épouse du père, mère d’intention, a toutefois maintenant la possibilité d’adopter l’enfant si les conditions légales sont réunies et si l’adoption est conforme à l’intérêt de l’enfant, ce qui crée un lien de filiation à son égard, l’adoption de l’enfant du conjoint étant par ailleurs facilitée par le droit français.

15.  Par une résolution adoptée le 21 septembre 2017 (CM/resDH(2017)286), le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a déclaré avoir rempli ses fonctions en vertu de l’article 46 § 2 de la Convention quant à l’exécution de cet arrêt et a décidé d’en clore l’examen.

16.  Par une décision du 16 février 2018, la cour de réexamen des décisions civiles a fait droit à la demande de réexamen du pourvoi en cassation déposée le 15 mai 2017 en application de l’article L. 452-1 du code de l’organisation judiciaire par les époux Mennesson, agissant en qualité de représentants légaux des deux enfants mineurs, contre l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 18 mars 2010 qui avait annulé la transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance américains de ces derniers.

17.  C’est dans le cadre du réexamen de ce pourvoi en cassation que la Cour de cassation a saisi la Cour de la présente demande d’avis consultatif.

18.  La Cour de cassation a sursis à statuer jusqu’à l’avis de la Cour.

DROIT ET INSTRUMENTS INTERNATIONAUX PERTINENTS

19.  La Cour renvoie notamment aux articles 2, 3, 7, 8, 9 et 18 de la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ainsi qu’aux articles 1 et 2 de son Protocole facultatif, concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

20.  La Cour a par ailleurs pris en compte les travaux de la Conférence de La Haye de droit international privé.

21.  Elle a également considéré, notamment, le rapport de la Rapporteuse spéciale des Nations unies sur la vente et l’exploitation sexuelle d’enfants, y compris la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et autres contenus montrant des violences sexuelles sur enfant, du 15 janvier 2018 (A/HRC/37/60).

ÉLÉMENTS DE DROIT COMPARÉ

22.  La Cour a procédé à une étude de droit comparé couvrant quarante-trois États parties à la Convention autres que la France : l’Albanie, l’Allemagne, Andorre, l’Arménie, l’Autriche, l’Azerbaïdjan, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, Chypre, la Croatie, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la Géorgie, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Islande, l’Italie, la Lettonie, le Liechtenstein, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, la République de Moldova, Monaco, le Monténégro, la Norvège, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République de Macédoine du Nord, la République tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Russie, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suède, la Turquie et l’Ukraine.

23.  Il en ressort que la gestation pour autrui est autorisée dans neuf de ces quarante-trois États, qu’elle parait tolérée dans dix et qu’elle est explicitement ou implicitement interdite dans les vingt-quatre autres. Par ailleurs, dans trente-et-un de ces quarante-trois États, dont douze États dans lesquels la gestation pour autrui est interdite, il est possible pour le père d’intention, père biologique, d’établir sa paternité à l’égard d’un enfant né d’une gestation pour autrui. Dans dix-neuf de ces quarante-trois États (l’Allemagne, l’Albanie, Andorre, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Belgique, l’Espagne, la Finlande, la Géorgie, la Grèce, le Luxembourg, la Norvège, les Pays-Bas, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Russie, la Slovénie et la Suède et l’Ukraine), dont sept États dans lesquels la gestation pour autrui est interdite (l’Allemagne, l’Espagne, la Finlande, le Luxembourg, la Norvège, la Slovénie et la Suède), il est possible pour la mère d’intention d’établir sa maternité à l’égard d’un enfant né d’une gestation pour autrui avec lequel elle n’a pas de lien génétique.

24.  Les modalités d’établissement ou de reconnaissance d’un lien de filiation entre les enfants nés d’une gestation pour autrui et les parents d’intention varient d’un État à un autre, plusieurs pouvant par ailleurs être ouvertes dans un même État. Il peut notamment s’agir de l’enregistrement de l’acte de naissance étranger, de l’adoption ou de procédures judiciaires autres que l’adoption. En particulier, l’enregistrement de l’acte de naissance étranger est possible dans seize des dix-neuf États membres visés par l’étude dans lesquels la gestation pour autrui est tolérée ou autorisée (l’Albanie, Andorre, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Belgique, la Géorgie, la Grèce, la République de Moldova, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Russie, le Royaume-Uni, la République de Macédoine du Nord et l’Ukraine) et dans sept des vingt-quatre États dans lesquels elle est interdite (l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande, l’Islande, Malte, la Norvège et la Turquie), du moins en ce qu’il désigne un parent d’intention ayant un lien génétique avec l’enfant. Il est possible de faire établir ou reconnaitre le lien enfant-parent d’intention par une procédure judiciaire autre que l’adoption dans les dix-neuf États dans lesquels la gestation pour autrui est autorisée ou tolérée et dans neuf des vingt-quatre États dans lesquels elle est interdite. Quant à l’adoption, elle est possible dans cinq des États autorisant ou tolérant la gestation pour autrui (l’Albanie, la Belgique, les Pays-Bas, le Portugal et la République tchèque), et dans douze des vingt-quatre États qui l’interdisent (l’Allemagne, la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, l’Espagne, la Finlande, l’Islande, le Luxembourg, la Norvège, la Slovénie, la Suède et la Turquie), en particulier à l’égard des parents qui n’ont pas de lien génétique avec l’enfant.

L’AVIS DE LA COUR

I.CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES

25.  La Cour rappelle que, comme l’indique le préambule du Protocole no 16, la procédure d’avis consultatif a pour but de renforcer l’interaction entre elle et les autorités nationales et de consolider ainsi la mise en œuvre de la Convention, conformément au principe de subsidiarité, en donnant la possibilité aux juridictions nationales désignées de lui demander un avis sur « des questions de principe relatives à l’interprétation ou à l’application des droits et libertés définis par la Convention ou ses protocoles » (article 1 § 1 du Protocole no 16) qui se posent « dans le cadre d’une affaire pendante devant elle[s] » (article 1 § 2 du Protocole no 16). L’objectif de la procédure n’est pas de transférer le litige à la Cour, mais de donner à la juridiction qui a procédé à la demande les moyens nécessaires pour garantir le respect des droits de la Convention lorsqu’elle jugera le litige en instance (voir le point 11 du rapport explicatif). La Cour n’est compétente ni pour se livrer à une analyse des faits, ni pour apprécier le bien-fondé des points de vue des parties relativement à l’interprétation du droit interne à la lumière du droit de la Convention, ni pour se prononcer sur l’issue de la procédure. Son rôle se limite à rendre un avis en rapport avec les questions qui lui ont été soumises. C’est à la juridiction dont émane la demande qu’il revient de résoudre les questions que soulève l’affaire et de tirer, selon le cas, toutes les conséquences qui découlent de l’avis donné par la Cour pour les dispositions du droit interne invoquées dans l’affaire et pour l’issue de l’affaire.

26.  La Cour déduit par ailleurs de l’article 1 §§ 1 et 2 du Protocole no 16 que les avis qu’elle est amenée à rendre en application de ce protocole doivent se limiter aux points qui ont un lien direct avec le litige en instance au plan interne. Leur intérêt est également de fournir aux juridictions nationales des orientations sur des questions de principe relatives à la Convention applicables dans des cas similaires.

27.  La présente demande d’avis consultatif s’inscrit dans le contexte d’une procédure interne visant au réexamen du pourvoi en cassation des requérants dans l’affaire Mennesson, affaire dans laquelle la Cour a conclu qu’il n’y avait pas eu violation du droit au respect de la vie familiale des requérants mais du droit au respect de la vie privée des enfants (paragraphe 11 ci-dessus). Il apparaît ainsi que le litige interne porte sur la reconnaissance dans l’ordre juridique français, eu égard au droit au respect de la vie privée des enfants, d’un lien de filiation entre une mère d’intention et des enfants nés à l’étranger par gestation pour autrui et issus des gamètes du père d’intention et d’une tierce donneuse, dans un cas où l’acte de naissance étranger peut faire l’objet d’une transcription en ce qu’il désigne le père d’intention dès lors qu’il est le père biologique des enfants.

28.  Le litige interne ne concerne donc pas le cas où l’enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger est issu des gamètes de la mère d’intention.

29.  Il en résulte également que l’avis ne concernera pas le cas où il y a eu procréation pour autrui, c’est-à-dire où l’enfant est issu des gamètes de la mère porteuse. Les questions de la Cour de cassation ne visent du reste pas cette situation.

30.  Il en résulte de plus que l’avis ne portera ni sur le droit au respect de la vie familiale des enfants ou des parents d’intention, ni sur le droit au respect de la vie privée des parents d’intention.

31.  L’avis de la Cour portera en conséquence sur deux points.

32.  Il portera en premier lieu sur la question de savoir si le droit au respect de la vie privée, au sens de l’article 8 de la Convention, d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une gestation pour autrui, qui requiert la reconnaissance en droit interne du lien de filiation entre celui-ci et le père d’intention lorsqu’il est le père biologique, requiert également la possibilité d’une reconnaissance en droit interne d’un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention, désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la « mère légale », dans la situation où l’enfant a été conçu avec les gamètes d’une tierce donneuse, et où le lien de filiation entre l’enfant et le père d’intention a été reconnu en droit interne.

33.  Il portera en second lieu sur la question de savoir si, dans l’affirmative, le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention, requiert que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l’état civil de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger, ou s’il admet qu’elle puisse se faire par d’autres moyens, tels que l’adoption de l’enfant par la mère d’intention.

34.  Pour formuler son avis, la Cour prendra dûment en compte les observations écrites et les pièces produites par les divers participants à la procédure (paragraphes 4-6 ci-dessus). Elle souligne toutefois qu’il ne s’agit pas pour elle de répondre à chacun des moyens et arguments qui lui sont soumis, ni de développer en détail les fondements de sa réponse, dès lors que, en application du Protocole no 16, son rôle n’est pas de statuer contradictoirement sur des requêtes contentieuses par un arrêt ayant force obligatoire mais, dans un délai aussi rapide que possible, de fournir à la juridiction qui a procédé à la demande une orientation lui permettant de garantir le respect des droits de la Convention lorsqu’elle jugera le litige en instance.

II.SUR LE PREMIER POINT

35.  Il résulte de la jurisprudence de la Cour que l’article 8 de la Convention demande que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance du lien entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et le père d’intention lorsqu’il est le père biologique. Comme indiqué précédemment, la Cour a en effet expressément conclu dans l’arrêt Mennesson précité que l’absence d’une telle possibilité emportait violation du droit de l’enfant au respect de sa vie privée, tel qu’il se trouve garanti par cette disposition (Mennesson, précité, §§ 100-101; voir aussi Labassee c. France, no 65941/11, 26 juin 2014, ainsi que Foulon et Bouvet c. France, nos 9063/14 et 10410/14, 21 juillet 2016, et Laborie c. France, no 44024/13, 19 janvier 2017).

36.  En rapport avec ce qui précède, la Cour relève qu’à ce jour, sa jurisprudence met un certain accent sur l’existence d’un lien biologique entre l’enfant et au moins l’un des parents d’intention (voir les arrêts cités ci-dessus, ainsi que l’arrêt Paradiso et Campanelli c. Italie [GC] (no 25358/12, § 195, 24 janvier 2017). Elle rappelle à cet égard que la question à examiner en l’espèce inclut explicitement un élément factuel selon lequel le père d’intention a un lien biologique avec l’enfant concerné. La Cour va circonscrire sa réponse en conséquence. Elle précise toutefois qu’elle pourrait être appelée à l’avenir à développer sa jurisprudence dans ce domaine, étant donné en particulier l’évolution de la question de la gestation pour autrui.

37.  Pour se prononcer dans le cadre de la présente demande d’avis consultatif (paragraphes 32, 34 et 36 ci-dessus) sur la question de savoir si l’article 8 de la Convention requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance du lien entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention deux facteurs ont un poids particulier : l’intérêt supérieur de l’enfant et l’étendue de la marge d’appréciation dont disposent les États parties.

38.  S’agissant du premier facteur, la Cour se réfère au principe essentiel selon lequel, chaque fois que la situation d’un enfant est en cause, l’intérêt supérieur de celui-ci doit primer (voir, en particulier, Paradiso et Campanelli, précité, § 208, X c. Lettonie [GC], no 27853/09, § 95, CEDH 2013, Mennesson, précité, §§ 81 et 99, Labassee, précité, §§ 60 et 78, et Wagner et J.M.W.L. c. Luxembourg, no 76240/01, § 133, 28 juin 2007).

39. La Cour a admis dans les arrêts Mennesson (précité, § 99) et Labassee (précité, § 78) qu’il était « concevable que la France puisse souhaiter décourager ses ressortissants de recourir à l’étranger à une méthode de procréation qu’elle prohibe sur son territoire ». Elle a toutefois relevé que les effets de la non-reconnaissance en droit français du lien de filiation entre les enfants ainsi conçus et les parents d’intention ne se limitaient pas à la situation de ces derniers, qui seuls ont fait le choix des modalités de procréation que leur reprochent les autorités françaises : ils portent aussi sur celle des enfants eux-mêmes, dont le droit au respect de la vie privée se trouve significativement affecté.

40.  L’absence de reconnaissance d’un lien de filiation entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention a ainsi des conséquences négatives sur plusieurs aspects du droit de l’enfant au respect de la vie privée. D’un point de vue général, comme la Cour l’a relevé dans les arrêts Mennesson et Labassee précités, l’absence de reconnaissance en droit interne du lien entre l’enfant et la mère d’intention défavorise l’enfant dès lors qu’il le place dans une forme d’incertitude juridique quant à son identité dans la société (§§ 96 et 75 respectivement). Il y a notamment un risque qu’il n’ait pas l’accès à la nationalité de la mère d’intention dans les conditions que garantit la filiation, cela peut compliquer son maintien sur le territoire du pays de résidence de la mère d’intention (même si ce risque n’existe pas dans le cas soumis à l’examen de la Cour de cassation, le père d’intention, qui est aussi le père biologique, ayant la nationalité française), ses droits successoraux à l’égard de celle-ci peuvent être amoindris, il se trouve fragilisé dans le maintien de sa relation avec la mère d’intention en cas de séparation des parents d’intention ou de décès du père d’intention, et il n’est pas protégé contre un refus ou une renonciation de la mère d’intentionde le prendre en charge.

41.  La Cour est consciente de ce que, dans le contexte de la gestation pour autrui, l’intérêt supérieur de l’enfant ne se résume pas au respect de ces aspects de son droit à la vie privée. Il inclut d’autres éléments fondamentaux, qui ne plaident pas nécessairement en faveur de la reconnaissance d’un lien de filiation avec la mère d’intention, tels que la protection contre les risques d’abus que comporte la gestation pour autrui (voir Paradiso et Campanelli, précité, § 202) et la possibilité de connaitre ses origines (voir, par exemple, Mikulić c. Croatie, no 53176/99, §§ 54-55, CEDH 2002‑I).

42.  Au vu des éléments indiqués au paragraphe 40 ci-dessus et du fait que l’intérêt supérieur de l’enfant comprend aussi l’identification en droit des personnes qui ont la responsabilité de l’élever, de satisfaire à ses besoins et d’assurer son bien-être, ainsi que la possibilité de vivre et d’évoluer dans un milieu stable, la Cour considère toutefois que l’impossibilité générale et absolue d’obtenir la reconnaissance du lien entre un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et la mère d’intention n’est pas conciliable avec l’intérêt supérieur de l’enfant, qui exige pour le moins un examen de chaque situation au regard des circonstances particulières qui la caractérise.

43.  S’agissant du second facteur, comme la Cour l’a rappelé dans les arrêts Mennesson (précité, § 77) et Labassee (précité, § 57), l’étendue de la marge d’appréciation dont disposent les États varie selon les circonstances, les domaines et le contexte ; la présence ou l’absence d’un dénominateur commun aux systèmes juridiques des États contractants peut constituer un élément pertinent à cet égard. Ainsi, lorsqu’il n’y a pas de consensus au sein des États membres du Conseil de l’Europe, que ce soit sur l’importance relative de l’intérêt en jeu ou sur les meilleurs moyens de le protéger, en particulier lorsque l’affaire soulève des questions morales ou éthiques délicates, la marge d’appréciation est large. Or il ressort de l’étude de droit comparé susmentionnée que, malgré une certaine évolution vers la possibilité d’une reconnaissance juridique du lien de filiation entre les enfants nés d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et les parents d’intention, il n’y a pas consensus en Europe sur cette question (paragraphe 23 ci-dessus).

44.  La Cour a toutefois également rappelé dans ces mêmes arrêts (§§ 77 et 80, et §§ 56 et 59 respectivement) que, lorsqu’un aspect particulièrement important de l’identité d’un individu se trouve en jeu, comme lorsque l’on touche à la filiation, la marge laissée à l’État est d’ordinaire restreinte. Elle en a déduit qu’il convenait d’atténuer la marge d’appréciation dont disposait l’État défendeur (ibidem).

45.  Ce qui est en jeu dans le contexte de la reconnaissance d’un lien de filiation entre des enfants nés à l’issue d’une gestation pour autrui et les parents d’intention dépasse en réalité la question de l’identité de ces enfants. D’autres aspects essentiels de leur vie privée sont concernés dès lors que sont en question l’environnement dans lequel ils vivent et se développent et les personnes qui ont la responsabilité de satisfaire à leurs besoins et d’assurer leur bien-être (voir aussi les paragraphes 40-42 ci-dessus). Ceci conforte le constat de la Cour quant à la réduction de la marge d’appréciation.

46.  En somme, vu les exigences de l’intérêt supérieur de l’enfant et la réduction de la marge d’appréciation, la Cour est d’avis que, dans une situation telle que celle visée par la Cour de cassation dans ses questions (paragraphes 9 et 32 ci-dessus) et délimitée par la Cour au paragraphe 36 ci-dessus, le droit au respect de la vie privée, au sens de l’article 8 de la Convention, d’un enfant né à l’étranger à l’issue d’une gestation pour autrui, requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention, désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la « mère légale ».

47.  Bien que le litige interne ne concerne pas le cas d’un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger et conçu avec les gamètes de la mère d’intention, la Cour juge important de préciser que, lorsque la situation est par ailleurs similaire à celle dont il est question dans ce litige, la nécessité d’offrir une possibilité de reconnaissance du lien entre l’enfant et la mère d’intention vaut a fortiori dans un tel cas.

III.SUR LE SECOND POINT

48.  Le second point concerne la question de savoir si le droit au respect de la vie privée de l’enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger, dans la situation où l’enfant a été conçu avec les gamètes d’une tierce donneuse, requiert que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l’état civil de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger, ou s’il admet qu’elle puisse se faire par d’autres moyens, tels que l’adoption de l’enfant par la mère d’intention.

49.  Il est dans l’intérêt de l’enfant qui est dans cette situation que la durée de l’incertitude dans laquelle il se trouve quant à sa filiation à l’égard de la mère d’intention soit aussi brève que possible. Comme indiqué précédemment, tant que le lien entre lui et celle-ci n’est pas reconnu en droit interne sa situation se trouve fragilisée s’agissant de plusieurs aspects de son droit au respect de la vie privée (paragraphe 40 ci-dessus).

50.  On ne saurait toutefois en déduire que les États parties soient tenus d’opter pour la transcription des actes de naissance légalement établis à l’étranger.

51.  La Cour constate en effet qu’il n’y a pas de consensus européen sur cette question : lorsque l’établissement ou la reconnaissance du lien entre l’enfant et le parent d’intention est possible, leurs modalités varient d’un État à l’autre (paragraphe 24 ci-dessus). Elle observe ensuite que l’identité de l’individu est moins directement en jeu lorsqu’il s’agit non du principe même de l’établissement ou de la reconnaissance de sa filiation mais des moyens à mettre en œuvre à cette fin. La Cour estime en conséquence que le choix des moyens à mettre en œuvre pour permettre la reconnaissance du lien enfant-parents d’intention tombe dans la marge d’appréciation des États.

52.  Outre ce constat relatif à la marge d’appréciation, la Cour considère que l’article 8 de la Convention n’impose pas une obligation générale pour les États de reconnaître ab initio un lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention. Ce que requiert l’intérêt supérieur de l’enfant – qui s’apprécie avant tout in concreto plutôt qu’in abstracto – c’est que ce lien, légalement établi à l’étranger, puisse être reconnu au plus tard lorsqu’il s’est concrétisé. Il appartient en principe non pas à la Cour mais en premier lieu aux autorités nationales d’évaluer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, si et quand ce lien s’est concrétisé.

53.  On ne saurait déduire de l’intérêt supérieur de l’enfant ainsi compris que la reconnaissance du lien de filiation entre l’enfant et la mère d’intention que requiert le droit de l’enfant au respect de la vie privée, au sens l’article 8 de la Convention, impose aux États de procéder à la transcription de l’acte de naissance étranger en ce qu’il désigne la mère d’intention comme étant la mère légale. Selon les circonstances de chaque cause, d’autres modalités peuvent également servir convenablement cet intérêt supérieur, dont l’adoption, qui, s’agissant de la reconnaissance de ce lien, produit des effets de même nature que la transcription de l’acte de naissance étranger.

54.  Ce qui compte c’est qu’au plus tard lorsque, selon l’appréciation des circonstances de chaque cas, le lien entre l’enfant et la mère d’intention s’est concrétisé (paragraphe 52 ci-dessus), il y ait un mécanisme effectif permettant la reconnaissance de ce lien. Une procédure d’adoption peut répondre à cette nécessité dès lors que ses conditions sont adaptées et que ses modalités permettent une décision rapide, de manière à éviter que l’enfant soit maintenu longtemps dans l’incertitude juridique quant à ce lien. Il va de soi que ces conditions doivent inclure une appréciation par le juge de l’intérêt supérieur de l’enfant à la lumière des circonstances de la cause.

55.  En somme, vu la marge d’appréciation dont disposent les États s’agissant du choix des moyens, d’autres voies que la transcription, notamment l’adoption par la mère d’intention, peuvent être acceptables dans la mesure où les modalités prévues par le droit interne garantissent l’effectivité et la célérité de leur mise en œuvre, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant.

56.  La Cour de cassation indique dans sa demande d’avis que la loi française facilite l’adoption de l’enfant du conjoint (paragraphe 14 ci-dessus). Il peut s’agir d’une adoption plénière ou d’une adoption simple.

57.  Le gouvernement français fait ainsi valoir qu’entre le 5 juillet 2017 et le 2 mai 2018 la quasi-totalité des demandes d’adoption entre conjoints concernant des enfants nés à l’étranger d’une gestation pour autrui ont été satisfaites. La Cour relève cependant que cette procédure n’est ouverte qu’aux parents d’intention mariés. De plus, il ressort notamment des observations en intervention du Défenseur des droits que des incertitudes persistent quant aux modalités de l’adoption de l’enfant du conjoint dans ce contexte, s’agissant par exemple de la nécessité d’obtenir le consentement préalable de la mère porteuse.

58.  Ceci étant, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer dans le cadre de son avis consultatif sur l’adéquation du droit français de l’adoption avec les critères énoncés aux paragraphes 54-55 ci-dessus. Il revient au juge interne de le faire (paragraphe 25 ci-dessus), en tenant compte de la situation fragilisée dans laquelle se trouvent les enfants tant que la procédure d’adoption est pendante.

59.  Enfin, la Cour est consciente de la complexité des questions que pose la gestation pour autrui. Elle observe que la conférence de La Haye de droit international privé a entrepris des travaux destinés à proposer une convention internationale permettant d’y répondre sur la base de principes acceptés par les États qui adhéreront à cet instrument (paragraphe 20 ci-dessus).

PAR CES MOTIFS, LA COUR, À L’UNANIMITÉ,

Rend l’avis suivant :

 

Dans la situation où, comme dans l’hypothèse formulée dans les questions de la Cour de cassation, un enfant est né à l’étranger par gestation pour autrui et est issu des gamètes du père d’intention et d’une tierce donneuse, et où le lien de filiation entre l’enfant et le père d’intention a été reconnu en droit interne :

 

1.  le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention, requiert que le droit interne offre une possibilité de reconnaissance d’un lien de filiation entre cet enfant et la mère d’intention, désignée dans l’acte de naissance légalement établi à l’étranger comme étant la « mère légale » ;

 

2.  le droit au respect de la vie privée de l’enfant, au sens de l’article 8 de la Convention, ne requiert pas que cette reconnaissance se fasse par la transcription sur les registres de l’état civil de l’acte de naissance légalement établi à l’étranger ; elle peut se faire par une autre voie, telle que l’adoption de l’enfant par la mère d’intention, à la condition que les modalités prévues par le droit interne garantissent l’effectivité et la célérité de sa mise en œuvre, conformément à l’intérêt supérieur de l’enfant.

Fait en français et en anglais, puis communiqué par écrit le 10 avril 2019, en application de l’article 94 §§ 9 et 10 du règlement de la Cour.

              Roderick LiddellGuido Raimondi
GreffierPrésident

 

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