REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l’arrêté, en date du 20 juillet 1899, par lequel M. le préfet du département de l’Hérault a élevé le conflit d’attributions dans l’instance pendante, devant le tribunal civil de Lodève, entre la dame veuve X… et autres et l’association syndicale du canal de Gignac ; Vu l’exploit, en date du 23 novembre 1898, par lequel les consorts X…, se disant créanciers de l’association syndicale du canal de Gignac, en vertu d’un jugement du tribunal de Lodève, du 24 juin 1891, ont fait assigner ladite association devant le même tribunal, en validité de saisies-arrêt formées à leur requête, les 18, 19 et 21 novembre précédent, ès mains de cinquante-cinq personnes, sur toutes sommes pouvant être dues au syndicat sus-désigné, notamment à raison de redevances ou taxes d’arrosage ;
Vu le déclinatoire d’incompétence élevé par M. le préfet de l’Hérault ; Vu le jugement du 5 juillet qui a rejeté ce déclinatoire ; Vu le jugement du 25 juillet, par lequel le tribunal a ordonné qu’il serait sursis ; Vu les lois des 21 juin 1865 et 22 décembre 1888, et le règlement d’administration publique du 9 mars 1894 sur les associations syndicales ; Vu la loi du 13 juillet 1882 qui a déclaré d’utilité publique la création d’un canal dérivé de l’Hérault ; Vu l’acte d’association syndicale approuvé par décision ministérielle du 14 mars 1883 ; Vu la loi des 16-24 août 1790 ; Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 ;
Considérant que l’association syndicale du canal de Gignac a été autorisée par arrêté préfectoral du 26 juillet 1879 ; que ces travaux ont été déclarés d’utilité publique par une loi du 13 juillet 1882 ; que des décisions ministérielles des 14 mars 1883 et 20 novembre 1891 ont approuvé le cahier des charges de l’entreprise et en ont déterminé le régime financier ;
Considérant que, par l’obligation imposée aux propriétaires compris dans le périmètre d’une association syndicale autorisée d’y adhérer sous peine d’avoir à délaisser leurs immeubles, par l’assimilation des taxes de ces associations aux contributions directes, par le pouvoir attribué aux préfets d’inscrire d’office à leur budget les dépenses obligatoires, et de modifier leurs taxes de manière à assurer l’acquit de ces charges, lesdites associations présentent les caractères essentiels d’établissements publics, vis-à-vis desquels ne peuvent être suivies les voies d’exécution instituées par le Code de procédure civile pour le recouvrement des créances sur des particuliers ; que c’était au préfet seul qu’il appartenait, en vertu des articles 58 et 61 du règlement d’administration publique du 9 mars 1894, de prescrire les mesures nécessaires pour assurer le paiement de la somme due aux consorts X…. Que l’exécution du jugement du 24 juin 1891 qui les a déclarés créanciers de l’association syndicale de Gignac, ne pouvant relever que de l’autorité administrative, il n’était pas dans les attributions du Tribunal civil de Lodève d’en connaître, et qu’en rejetant le déclinatoire élevé par le préfet, le jugement du 5 juillet 1899 a méconnu le principe de la séparation des pouvoirs ;
DECIDE :
Article 1er : L’arrêté de conflit en date du 20 juillet 1899 est confirmé.
Article 2 : Sont considérés comme non avenus l’exploit d’assignation du 23 novembre 1898 et le jugement du 5 juillet 1899.
Article 3 : Transmission de la décision au garde des Sceaux pour l’exécution.