Section I
Le droit public des choses
§ 34. Suite ; les effets de l’expropriation
(42) L’effet principal de l’expropriation est celui qui répond à sa nature : le transfert de propriété.
Les charges et restrictions qui, dans le cours de la procédure, pourront avoir été imposées à la propriété immobilière prennent fin ; par contre, il y a des conséquences qui s’y attachent : le droit de prendre possession et l’obligation de payer l’indemnité.
Il se peut aussi que, dans le cours de la procédure ou postérieurement, des incidents se produisent, anticipent sur tels ou tels de ces effets, les modifiant ou bien les annulant.
I. — La propriété de l’immeuble est enlevée au sujet au profit d’une entreprise publique ; telle est la substance même de l’institution. Il s’agit de déterminer d’une manière plus précise cet effet.
1) Dans les anciennes doctrines, on ne pouvait pas encore se faire à l’idée qu’une transmission de propriété peut s’expliquer autrement que par les formes du droit civil, c’est-à-dire par les formes auxquelles on était habitué. Par conséquent, autrefois, dans l’opinion dominante, l’expropriation n’était qu’une vente forcée1.
(43) Quand on en vint à reconnaître que les règles du contrat de vente n’étaient pas applicables, on chercha d’abord à lui substituer une obligation de droit civil, qui ne serait pas celle d’un contrat déterminé, mais une obligation sui generis, présentant une certaine analogie avec l’obligation du vendeur. Cette obligation serait créée par l’expropriation. L’acquisition de la propriété s’effectuerait alors par l’exécution de cette obligation moyennant la tradition de l’objet2.
Renonçant à l’appui du droit civil et à toute sorte de rapports intermédiaires, la doctrine actuelle enseigne (44) que l’effet de l’expropriation découle immédiatement d’un acte de la puissance publique qui, par sa nature même, appartient essentiellement au droit public3.
Tout d’abord naturellement, pour qualifier cet acte, on a tâtonné d’une manière assez incertaine et maladroite. C’était chose trop nouvelle, que l’administration, par ses actes, pût produire des effets juridiques si sensibles dans la sphère du droit civil, et devant être respectés par les tribunaux. On ne croyait pouvoir légitimer ce fait qu’en parlant d’une acquisition en vertu de la loi, ou bien en appelant l’acte même une lex specialis4. Ou bien encore, on cherchait un appui (45) direct dans la justice civile ; on supposait un droit d’exproprier préexistant, droit que l’autorité d’expropriation n’aurait eu qu’à reconnaître par un acte de juridiction5. Il a fallu que l’idée de l’acte administratif se développât et entrât dans notre manière de penser, pour que tout cela reçût une explication simple et naturelle. Si nous appelons acte administratif le prononcé de l’expropriation, nous lui attribuons une valeur juridique spéciale et déterminée. Au moins dans le sens que nous avons toujours tenu à réserver à cette expression, l’expropriation ne veut pas simplement dire, — ce qui suffit à tant d’auteurs, — qu’il s’agit d’une chose appartenant à la sphère de l’administration, d’une mesure administrative, etc. Un acte administratif, pour nous, est la détermination obligatoire de ce qui, dans le cas particulier, doit être de droit pour le sujet (Comp. t. I, § 8, II, no 1 et 2). L’acte administratif, — de même qu’il crée des devoirs d’obéir ou de payer une somme d’argent, de même qu’il accorde aux sujets des droits de jouissance sur (46) les choses publiques ou des créances sur l’Etat, — peut, aussi enlever la propriété ; et quand il fait cela au profit d’une entreprise publique, il forme l’élément efficient dans l’expropriation6.
C’est ainsi que l’expropriation se met en complète harmonie avec l’ensemble de nos institutions du droit administratif.
2) L’effet de l’expropriation, par lequel est enlevée la propriété, pourra en lui-même être conçu de deux manières différentes. Ou bien on l’entend comme dirigé contre le propriétaire qu’il dépouille de sa propriété ; cette propriété est, par la force de l’acte d’expropriation, transmise de ce dernier à l’entrepreneur. Le droit à l’expropriation, comme on dit, a alors un caractère personnel7. Ou bien l’on se représente la puissance publique comme s’emparant directement de la chose pour l’affecter à l’entreprise ; le fait que celui qui en était jusqu’alors propriétaire perd sa propriété n’en est que la conséquence : l’expropriation a un caractère réel8.
(47) La différence de ces manières de concevoir les choses n’a pas trouvé une expression adéquate dans les mots « personnel » et « réel ». En effet, la première théorie ne reconnaît pas la création d’une obligation personnelle de l’exproprié, laquelle ne transférerait la propriété que par son exécution ; selon cette théorie même, l’effet est réel. Mais l’effet n’est réel que pour soustraire la propriété à cette personne déterminée ; dans cette manière de voir, c’est la note personnelle. L’autre conception, au contraire, fait saisir la chose par la puissance publique d’une manière absolue, écartant le propriétaire quel qu’il soit. Donc, en réalité, la différence porte sur le point de savoir si l’acquisition qui a lieu au profit de l’entreprise se produit à titre de successeur, d’une manière dérivée, ou indépendamment du droit d’un certain auteur, d’une manière originaire9.
Cette différence d’opinion a des conséquences pratiques assez importantes.
Dans le premier cas, l’expropriation ne fait que remplacer l’aliénation volontaire du propriétaire attaqué ; dès lors, pour que l’acquisition de la propriété au profit de l’entreprise ait son plein effet, la (48) condition indispensable est qu’on soit tombé sur le véritable propriétaire, dont la propriété doit être acquise à l’entrepreneur.
Dans le second cas, au contraire, il ne sera question ni de la volonté ni de la capacité d’un auteur en vue de procurer le droit. Il est bon, — c’est même prescrit par la loi, — qu’on mette le propriétaire actuel en cause et que l’on dirige la procédure contre la personne de celui-ci. Mais cette condition de la validité formelle de l’acte pourra très bien être remplie par des équivalents plus faciles, que la loi trouvera suffisants pour ménager au propriétaire actuel les égards qui lui sont dûs : publications à faire, mise en cause d’un propriétaire apparent, etc. Ces formalités remplies, la propriété sera acquise à l’entrepreneur à l’égard de tous, spécialement à l’égard du véritable propriétaire si on ne l’a pas touché.
Or nous avons vu que c’est bien de cette dernière manière que, selon les lois, il est procédé dans l’expropriation (Comp. § 33, III ci-dessus). Il est donc évident que dans l’expropriation, telle qu’elle est conçue par ces lois, l’acte administratif saisit la propriété de la chose directement et avec une force originaire ; il ne s’agit pas d’une succession dans le droit d’un auteur10.
(49) 3) L’entrepreneur, celui à qui appartient l’entreprise pour laquelle l’expropriation a lieu, acquiert par là la propriété de l’immeuble.
La manière dont s’effectue cette acquisition est partout la même, quel que soit l’entrepreneur, que ce soit l’Etat, la commune ou un particulier concessionnaire. Elle s’effectue toujours en vertu du décret d’expropriation, lequel est toujours rendu au nom de l’Etat, le véritable expropriant. Mais quant à la façon dont, par suite de cet acte, la propriété parvient à l’entrepreneur poursuivant, on conçoit deux solutions différentes adaptées à la nature différente des personnes qui pourront se présenter dans cette fonction. On (50) peut arriver à l’homogénéité de l’expropriation en ce point, soit en faisant descendre l’Etat entrepreneur au niveau d’un simple particulier, soit en élevant le rôle du concessionnaire et de la commune au niveau de l’Etat expropriant.
Pour opérer dans le premier sens, on rencontre tout ce qui donne à l’expropriation son caractère de droit public, dans l’action de l’autorité d’expropriation c’est cette autorité qui représente seule la puissance publique contre l’entrepreneur d’une part, et le propriétaire à exproprier de l’autre. Elle sert d’intermédiaire entre ces parties opposées pour procurer à l’une la propriété de l’autre, qu’elle enlève et attribue, ou qu’elle adjuge, si l’on veut, à la façon d’un tribunal statuant sur une demande en partage. L’entrepreneur est, comme l’exproprié, le sujet sur lequel se produit cette action de la puissance publique. Si l’Etat lui-même est l’entrepreneur, il est naturellement une toute autre personne que celle au nom de laquelle prononce l’autorité d’expropriation. Il est le Fisc, le simple particulier auquel l’Etat, par ses magistrats, fait donner ou adjuger l’immeuble qu’il enlève à un autre particulier. Il l’est au même titre que dans le cas où l’expropriation est dirigée contre lui pour l’entreprise d’une commune ou d’un concessionnaire. On utilise donc encore la personnalité double de l’Etat pour rendre compte de la structure de notre institution, tout à fait dans l’esprit et selon la recette de notre ancienne doctrine de l’époque de l’Etat sous le régime de la police11.
(51) Il est plus conforme aux idées dominantes du droit actuel de laisser l’Etat dans sa sphère naturelle, même quand il se présente comme gérant les grandes entreprises publiques. Dans cette fonction, il n’est pas le fisc, le « simple particulier ». Il fait de l’administration publique sous une autre forme, mais avec le même caractère général que quand il fait accomplir, dans ce but, des actes d’autorité. Il n’y a donc pas deux personnes différentes qui agissent ici ; il n’y en a qu’une seule, l’Etat, restant dans la sphère du droit public, représenté seulement de deux manières, — comme c’est le cas dans la justice criminelle, par le juge et par le ministère public. L’autorité qui dirige l’entreprise publique formule, en première ligne, la volonté de l’Etat ; pour donner plus de garanties au sujet, cette volonté est soumise à une espèce de contrôle ; l’autorité d’expropriation lui donne, au nom de ce même Etat, sa forme définitive, et, parce que cela doit être un contrôle seul efficace pour le sujet. Le résultat de cette action combinée est tout simplement la propriété de l’Etat qui agit et prend. Le fait que la propriété ainsi acquise est désormais à la disposition des autorités dirigeant l’entreprise et non pas de l’autorité d’expropriation, provient de la distinction intérieure des compétences ; mais cela ne justifie pas l’idée que l’Etat, par l’entremise de son autorité d’expropriation, procure ou donne ou adjuge l’immeuble à un Etat qui, d’après ces expressions, ne lui serait pas entièrement identique.
Les choses sont essentiellement les mêmes, quand il s’agit d’une entreprise d’une commune ou d’un concessionnaire. Ici encore, l’expropriation représente une action combinée de l’administration publique. Seulement, par suite de la reconnaissance du corps d’administration propre et de la concession accordée, la portion d’administration publique dont dépend (52) l’entreprise est déléguée à une personne distincte de l’Etat. Elle entre dans la procédure non pas comme son fonctionnaire, mais en vertu d’un droit propre ; par conséquent, les effets de l’expropriation se produisent pour elle et contre elle. Le transfert de propriété se produit encore par le décret final qui prononce l’expropriation au nom de l’Etat ; la commune et le concessionnaire recueillent cette propriété au nom de la portion de l’administration publique qui leur appartient et en vertu de laquelle ils ont exercé, dans la procédure, la collaboration qui lui est due. L’Etat ne leur donne pas l’immeuble ; il ne le leur adjuge pas ; il leur a donné antérieurement la capacité d’avoir leur portion d’administration publique ; il en tire seulement cette conséquence, que l’expropriation, moyennant les mêmes contrôles, aura, pour leur entreprise, le même effet direct que pour ses entreprises propres.
4) Il est une autre question intimement liée à ce que nous venons d’exposer.
La propriété acquise à l’entrepreneur est, en règle, sans doute, une propriété de droit civil ; elle peut, après coup, par la construction de la route, etc., être transformée en domaine public (Comp. 36, I, ci-dessous) ; mais c’est là une autre question. De là cette proposition : L’expropriation est une institution du droit public dont les effets appartiennent au droit civil12.
Cela ne semble offrir aucune difficulté, quand il s’agit d’un entrepreneur autre que l’Etat. Mais quand (53) c’est l’Etat lui-même qui à la fois prononce l’expropriation et acquiert la propriété, l’institution présente une certaine contradiction qui lui serait inhérente. L’Etat y apparaît comme puissance publique ; il agit selon le droit public ; l’effet de son action ne forme qu’une partie intégrante de cette action. Comment se peut-il que, tout à coup, dans cette action, il soit quelque chose autre que la puissance publique, à savoir justement tout le contraire de la puissance publique, une personne comme les simples sujets, soumise au droit civil et au principe de ce droit : l’égalité générale ?
Seule, la doctrine qui considère le Fisc comme une personne morale distincte, intervenant dans l’expropriation à côté de l’Etat, peut se tirer de ce dilemme : l’Etat exproprie et reste ainsi sur le terrain du droit public jusqu’au bout ; mais la propriété est donnée par lui au fisc qui, de son côté, acquiert comme personne privée la propriété de droit civil, tout comme la commune ou l’entrepreneur concessionnaire. Nous n’admettons pas que, pour sauver les apparences, on nous dise : par le mot de fisc, nous n’avons en vue qu’ « un côté » de la personnalité unique de l’Etat. En fait, en se servant ainsi du fisc, on le traite en personne distincte collaborant avec l’Etat dans l’expropriation. En effet, c’est ainsi seulement qu’on parvient à expliquer comment une institution du droit public peut avoir des effets appartenant au droit civil13. Cette idée du fisc une fois admise, la (54) porte est ouverte pour introduire, dans la théorie de l’expropriation, toute sorte d’éléments propres au droit civil, et qui, dans notre doctrine, ne font que la dénaturer.
En réalité, nous n’avons rien à faire avec le fisc. Partout, c’est l’Etat qui agit, représenté dans la procédure par des compétences distinctes. La question relative à l’effet de l’institution doit être résolue d’une autre manière.
L’expropriation a un caractère de droit public ; l’Etat, dans tout ce qu’il y fait par ses différents représentants, ne sort pas du terrain du droit public ; cela s’applique à l’expropriation entière jusqu’au dernier moment de la procédure, y compris son résultat immédiat : l’Etat s’emparant de la chose pour son entreprise. L’Etat a anéanti les droits existant sur la chose et qui s’y opposent ; il en a acquis la domination universelle et souveraine ; par là s’achève l’expropriation. Aussi, jusqu’à ce point, il n’est pas question de droit civil. Tout a été du droit public.
Mais arrêtons-nous là. Parvenu à cette situation, l’Etat pourra entrer dans des relations juridiques nouvelles. Comment celles-ci doivent-elles être appréciées ? Ceci n’est pas une question relative à la nature de l’expropriation ; c’est une question relative à la nature de cette situation. La domination universelle d’une chose corporelle, selon sa nature, devra être considérée, en règle, comme tombant dans la sphère de l’économie privée ; par conséquent, les relations nouvelles s’y attachant pour la personne qui en est revêtue, seront susceptibles d’être soumises au droit civil. Nous y reviendrons en traitant du domaine public (voir § 35 ci-dessous). Que cette domination (55) ait été le résultat d’un achat (droit civil) ou d’une expropriation (droit public), cela n’entraîne aucune différence.
Il faut donc dire : quand l’expropriation est arrivée à son terme, une nouvelle période commence, qui, considérée en elle-même, pourra faire apparaître l’Etat comme propriétaire selon le droit civil ; en règle, il en sera ainsi. Mais ce n’est pas l’expropriation qui aura produit des effets selon le droit civil ; la situation qu’elle a créée est telle que le droit civil sera applicable aux relations ultérieures qui pourront en découler14.
Il n’en sera pas autrement, quand la commune ou un entrepreneur concessionnaire doivent profiter des effets de l’expropriation. Représentant à la place de l’Etat leur entreprise publique dans l’expropriation, (56) ils accomplissent une fonction qui appartient au droit public ; ils obtiennent pour eux l’effet — qui est également de droit public, — de s’emparer de la chose. Cette situation juridique une fois obtenue pourra entrainer pour eux des relations juridiques nouvelles ; ce sont elles qui dorénavant devront être jugées d’après le droit civil, à moins qu’il n’y ait des raisons spéciales ; auquel cas, la situation, penchant par sa nature vers le droit civil, devra s’élever au-dessus de cette sphère.
Ainsi, nous n’avons pas besoin de transiger, d’une façon quelconque, avec les manières de voir usitées autrefois et qui s’inspiraient plus ou moins du droit civil. L’expropriation appartient au droit public jusqu’au bout, y compris ses effets ; ceux-ci ne forment qu’une partie intégrante de l’expropriation15.
5) Le moment où se produit cet effet est déterminé par la nature de l’expropriation. Il s’agit de l’effet d’un acte d’autorité, d’un acte administratif ; c’est donc (57) à l’accomplissement de cet acte que l’effet s’attache. Quand la procédure s’avance progressivement par des actes successifs, l’acte essentiel est celui qui décrète que la propriété des immeubles spécialement déterminés est enlevée au profit de l’entreprise déterminée.
Comme tous les actes administratifs, cet acte ne produit son effet qu’au moment de sa notification. Celle-ci peut consister dans une communication spéciale, dans une signification faite à l’adversaire dans la procédure d’expropriation, à l’exproprié véritable ou présumé. Conformément à la tendance de cette procédure d’accorder à la poursuite des facilités, il se peut qu’on reconnaisse comme suffisantes certaines publications, ou le dépôt de l’acte dans un bureau administratif avec sommation aux intéressés d’en prendre connaissance.
La notification de l’acte ordonnant le transfert de propriété contient, par la nature même de cet acte, l’accomplissement (la perfection) de l’expropriation ; en d’autres termes, l’effet qui lui est propre, à savoir d’enlever la propriété, se produit à ce moment même16.
(58) Il se peut que des prescriptions spéciales opèrent un déplacement de ce moment décisif. Le décret qui (59) prononce l’expropriation pourra aussi être susceptible d’être attaqué par les voies de recours. Dans ce dernier cas, l’efficacité de l’acte et l’accomplissement de l’expropriation seront peut-être remis à l’époque où le moyen de recours sera vidé ou le délai pour se pourvoir sera expiré. La règle est ici, comme partout en matière administrative, que ni la possibilité d’un recours, ni le recours formé n’ont d’effet suspensif. Le cas échéant, l’effet juridique produit sera révoqué avec effet rétroactif17.
Il se peut également que, en considération de certains intérêts, l’expropriation soit provisoirement restreinte à un effet incomplet ou soumise à des conditions encore à remplir. A l’inverse, certains effets juridiques ayant un caractère préparatoire peuvent s’attacher tout de suite à des degrés précédents de la procédure, de sorte que l’une ou l’autre des parties (60) soit déjà liée ou obligée dans une certaine mesure. Nous rencontrerons plusieurs cas de ce genre. La notification de l’acte administratif reste toujours le point fixe autour duquel tournent toutes ces variations.
II. — A l’expropriation accomplie s’attachent des suites juridiques ultérieures, effets de ses effets, effets secondaires qui ne perdent pas cette nature, même quand, étant donné le temps où ils se produisent, on les fait précéder l’accomplissement de l’expropriation.
Ces effets de second rang sont surtout de deux espèces : le droit de prendre possession et l’obligation d’indemniser.
1) L’expropriation n’enlève directement que la propriété. La possession reste, même après l’expropriation, à l’exproprié, de sorte qu’on peut songer à la possibilité d’un retour de la propriété par voie de prescription acquisitive18.
Mais l’entreprise, au profit de laquelle l’expropriation a été prononcée, est une portion de l’administration publique, — que l’Etat lui-même se présente comme entrepreneur ou une commune ou un entrepreneur concessionnaire. L’administration publique maintient par elle-même ses droits qui ont été mis hors de contestation, en établissant un état de choses conforme à ces droits et en le défendant contre les sujets par les moyens de la puissance publique. Elle y procède partout de sa propre autorité. En ce sens, les lois déclarent que l’expropriation accomplie a l’effet d’un envoi en possession. Elle aura cet effet même sans une déclaration expresse. Mais la loi peut exiger (61) un acte spécial par lequel une autorité désignée décrète l’envoi en possession ; cet effet de l’expropriation dépend alors de l’accomplissement de cette formalité19. D’un autre côté, cet effet de l’expropriation pourra être anticipé par un envoi en possession provisoire (Comp. no 2 ci-dessus) ; le pouvoir d’obtenir la chose existe alors par lui seul avant l’expropriation accomplie et sans transfert de propriété.
Le pouvoir s’exerce par la prise de possession effective de l’objet de l’expropriation. Contre cette mesure il n’y a pas d’action possessoire, au profit de l’exproprié ou même d’un tiers prétendant avoir sur la chose des droits qui n’auraient pas été compris dans l’expropriation : l’expropriation, de même que l’envoi en possession prononcé séparément, ont à cet égard encore un effet général, originaire et qui agit contre tout le monde20.
(62) S’opposer à la prise de possession par des voies de fait constitue un acte illégal ; les attaques dirigées contre les employés qui en sont chargés seront repoussées par la légitime défense. Les mesures de contrainte qui pourront devenir nécessaires contre des personnes ou des choses pour obtenir et pour défendre la possession, auront lieu dans les formes de la contrainte de police : refuser à l’entreprise publique un immeuble qui lui est nécessaire et qui lui a été attribué légalement, c’est apporter un trouble à l’activité propre de l’administration publique (t. II, § 24, I, no 1)21. L’autorité ordinaire de police prête les moyens de contrainte. Dans tous les cas, il n’y a pas lieu à une demande judiciaire pour être mis en possession ; elle est superflue.
2) La seconde suite de l’expropriation, c’est l’obligation d’indemniser. L’individu auquel, par l’expropriation, a été imposé le sacrifice de sa propriété ou d’un autre droit sur la chose, acquiert, par cela même, un droit à une compensation en argent. Ce droit existe contre celui au profit duquel le sacrifice lui a été imposé, contre l’entrepreneur qui a poursuivi (63) l’expropriation ; par conséquent, selon les cas : l’Etat lui-même, la commune, ou le concessionnaire.
Ce droit à indemnité n’est pas une particularité de l’expropriation. Ce n’est qu’une application spéciale d’une institution générale ; en traitant de cette institution (Comp. t. IV, § 53 et 54 ci-dessous), nous exposerons la nature juridique de ce droit, ainsi que son étendue et la manière de le faire valoir. Ce qui est spécial à l’expropriation, c’est la manière dont, en vertu de prescriptions expresses de la loi, la solution de la question de l’indemnité est combinée avec le côté opposé des effets de l’expropriation, avec ceux qui profitent à l’entrepreneur. On en a fait dépendre ces derniers, comme d’une condition à remplir ; et, d’un autre côté, on a prévu des mesures destinées à parer aux inconvénients qui pourraient résulter de ces retards.
C’est de ces deux sortes de complications de la procédure d’expropriation, que nous devons maintenant nous occuper.
La prestation de l’indemnité, d’après la nature des choses, devrait suivre l’expropriation ; car ce n’est qu’avec l’accomplissement et l’exécution de l’expropriation, qu’est achevé le sacrifice qu’elle doit compenser22. Mais les lois ont exigé, presque unanimement, une indemnité préalable. Elles entendent donner par là à l’intéressé une certaine garantie contre les retards que l’administration, une fois qu’elle aurait obtenu satisfaction, pourrait apporter. Pour rendre cette exigence efficace, on fait dépendre, à partir d’une certaine époque, la légalité de la procédure ultérieure dirigée contre le propriétaire attaqué, de la (64) solution de la question d’indemnité23. Cette époque peut être choisie de différentes manières, et la conformation juridique des choses varie en conséquence. Il faut donc faire des distinctions.
L’époque la plus avancée que la loi puisse choisir est celle où, dans le progrès de la procédure d’expropriation, les choses sont arrivées à ce point que les différents immeubles et parcelles d’immeubles, réclamés par l’administration pour son entreprise, sont fixés, et qu’il manque simplement à prononcer le dernier mot auquel s’attache l’effet de l’enlèvement de la propriété : l’acte administratif formel qui décrète l’expropriation est imminent. La loi peut exiger qu’on surseoie et que l’on règle d’abord la question de l’indemnité24. Ici donc, ce point s’insère dans (65) le centre même de la procédure de l’expropriation ; la prestation préalable de l’indemnité devient une condition de la validité du prononcé de l’expropriation. Le prononcé ne doit pas avoir lieu antérieurement ; s’il intervient quand même, c’est alors une question d’organisation de la protection du droit, que de savoir par quel moyen on en obtiendra la révocation25.
(66) Le second système fait un pas de plus. La loi permet que l’expropriation soit prononcée avant le règlement de l’indemnité. Mais l’effet juridique de cet acte dépend de la prestation de l’indemnité ; celle-ci joue le rôle d’une condition suspensive. En conséquence, l’expropriation n’est pas accomplie avant ce moment, sa perfection est retardée, elle ne se produit qu’avec l’accomplissement de cette condition. La pression exercée sur l’entrepreneur, afin de l’amener à régler la question de l’indemnité, est la même que dans le premier cas ; seulement l’expropriation a toujours besoin ici d’un certificat spécial de son efficacité ; elle n’est pas certifiée directement par l’acte d’expropriation même. C’est peut-être un inconvénient26.
Mais la pression qui doit s’exercer sur l’entrepreneur sera peut-être considérée comme étant suffisante quand on lui refuse la possibilité de se mettre en possession de l’immeuble exproprié avant le règlement de l’indemnité. Cela nous amène au troisième système : le prononcé de l’expropriation se fait valablement et définitivement avant l’indemnité ; l’expropriation elle-même est accomplie par ce prononcé ; mais la prise de possession qui, en vertu du (67) transfert de propriété, devait se faire, est soumise à la condition de l’indemnité préalable27. Dès lors, le pouvoir de l’administration publique de réaliser son droit elle-même est provisoirement suspendu ; la prise de possession par la voie de contrainte est illégale, la résistance n’est pas un délit (sauf les prérogatives des fonctionnaires exécutifs de la police : t. II, § 25, I) ; contre une prise de possession qui serait intervenue quand même, l’action possessoire a lieu.
Ces mesures protectrices qui doivent garantir le droit à indemnité donnent, en outre, naissance à une institution complémentaire.
En faveur de l’entrepreneur, il se crée une procédure d’urgence, en vue de lui permettre de s’emparer provisoirement des objets de l’expropriation, sans être exposé aux retards que pourrait entraîner la solution complète de la question d’indemnité28.
(68) Quand l’indemnité est fixée et que seul le paiement ne peut pas se faire, soit que l’exproprié refuse de le recevoir, soit que des tiers réclament l’indemnité comme leur appartenant, les règles sur les offres de paiement et la consignation pourront peut-être suffire pour sortir d’embarras. Du moins, l’opinion commune sera assez disposée à appliquer cette institution du droit civil à l’indemnité d’expropriation, qu’elle ne distingue guère d’une créance dépendant du droit civil. A mon avis, cette application ne s’entend pas d’elle-même. Mais quand on l’admet, la consignation dûment faite de la somme fixée remplacera utilement le paiement de l’indemnité en vue de rendre efficace le décret d’expropriation.
La procédure d’urgence, telle qu’elle est prévue par les lois, intervient, lorsque la procédure ordinaire de consignation ne peut pas servir parce que la somme à payer à titre d’indemnité n’est pas encore fixée.
Elle suppose une déclaration d’urgence au profit de l’entreprise, prononcée sur la demande de l’entrepreneur par l’autorité compétente. Dans ce cas, l’indemnisation préalable du propriétaire peut être remplacée par une somme d’argent, fixée par une estimation provisoire et consignée à son profit, ou même, s’il l’exige, effectivement payée.
Ainsi est levé l’obstacle que la loi, pour obéir au principe de l’indemnité préalable, avait opposé au progrès de la procédure. C’est la forme donnée à cet obstacle qui détermine le point où cette procédure d’urgence devient nécessaire, ainsi que l’effet qu’elle aura à produire : elle permettra de prononcer immédiatement l’expropriation29, en amènera la perfection qui avait été suspendue30, ou rendra (69) l’expropriation accomplie exécutoire par la prise de possession moyennant un ordre d’autorisation de l’autorité31.
Dans tous les cas, le but essentiel de la procédure d’urgence est de dégager le pouvoir propre de l’entreprise, à l’effet de se saisir effectivement de l’immeuble qui lui est destiné.
III. — La marche ordinaire de l’expropriation pourra être compliquée par des incidents provoqués par des actes spéciaux des intéressés, tendant à en avancer les effets, ou à les écarter, ou même à les révoquer. Ce sont tantôt des conventions qui interviennent entre les intéressés, tantôt des déclarations unilatérales émanant de l’une ou de l’autre partie.
1) L’entrepreneur et son adversaire pourront, à tout moment de la procédure, en arrêter le progrès ou la simplifier, en s’entendant sur les points à régler par les décrets de l’autorité, en statuant sur l’expropriation elle-même ou sur l’indemnité. Un pareil accord a la nature d’une convention, et d’une convention du droit civil. On sort de la procédure d’expropriation ; il s’établit entre parties égales un accord sur la propriété d’une chose et sur ce qui doit être payé en compensation. La procédure d’expropriation n’en est touchée qu’indirectement, en ce qu’elle est devenue sans objet pour les points qui ont été réglés par la convention. Cette convention n’est pas nécessairement un contrat de vente. Il faut envisager son contenu spécial ainsi que la partie spéciale de l’ensemble de l’expropriation et de ses accessoires qui doit être amenée ainsi à son terme32.
La convention peut avoir pour but de faire céder (70) provisoirement la possession, afin que les travaux puissent commencer. La prise de possession qui s’ensuit, ainsi que la défense de la possession ainsi acquise rentreront alors immédiatement dans la sphère de l’entreprise publique pour revêtir les formes propres à l’administration publique (Comp. II no 1 ci-dessus).
La convention peut aussi ne concerner que l’indemnité seule, le transfert de la propriété ayant déjà été effectué par la voie de l’expropriation ; elle aura alors pour point de départ le droit à indemnité qui est déjà né et qui appartient au droit public ; la convention le remplace par une obligation de payer conventionnelle et dépendant du droit civil. La condition du paiement préalable de l’indemnité, dont dépend l’effet de l’expropriation, peut être réservée au profit de cette obligation nouvelle ; à défaut d’une réserve expresse, il faudra admettre que cette condition disparaît avec l’extinction (par une novation ?) de la créance originaire qu’elle visait. Pour le reste, l’expropriation elle-même n’est pas touchée par cette espèce de convention.
Mais la convention pourra aussi avoir pour but la cession de la propriété qui n’a pas encore été enlevée. Elle rend alors l’expropriation superflue, quelqu’avancée qu’elle puisse être ; la procédure tombe d’elle- même ; seule, la convention subsiste.
Quelle est la nature d’une convention de cette espèce ? Cela dépend de son contenu spécial.
Une cession conventionnelle de ce genre peut comprendre aussi la fixation de l’équivalent à payer pour la chose cédée. C’est alors un contrat de vente ou d’échange pur et simple, produisant tous les effets qu’un pareil contrat comporte d’après le droit civil ; mais ce contrat est aussi lié en principe par toutes les conditions et formes dont le droit civil exige l’accomplissement (71) pour qu’un contrat de cette espèce produise son effet.
Le fait que l’expropriation est imminente n’est qu’un motif de plus qui fait conclure cette vente ; la vente peut servir dans ce but aussi bien quand l’expropriation n’est pas encore commencée que quand elle approche déjà du terme de la procédure. Cela n’a aucune influence sur la nature même du contrat33.
(72) Toutefois, en vertu de prescriptions spéciales de la loi, les contrats de cette espèce jouissent souvent de certains privilèges. Il faudra seulement que la procédure d’expropriation soit déjà commencée et que, tout au moins, l’entreprise soit reconnue comme étant propre à justifier l’expropriation. Dans ce cas, les cessions volontaires qui pourront servir à couper court à la procédure seront favorisées par la loi.
A cet effet, d’une part, on facilite l’accomplissement des formalités prescrites ; surtout, on admet que l’acte notarié ou judiciaire, exigé par le Code civil, pourra être remplacé utilement par le procès-verbal de l’autorité d’expropriation34.
(73) Mais on accorde aussi à un pareil contrat une force spéciale. L’expropriation, comme nous l’avons vu (§ 33, III ci-dessus), est poursuivie contre le propriétaire présumé. C’est avec celui-là aussi qu’est conclu le contrat de vente par lequel se terminera l’expropriation. Or l’expropriation présente cet avantage qu’elle produit son effet originairement, qu’elle rend l’entrepreneur propriétaire, même dans le cas où son adversaire ne l’était pas. La cession d’un immeuble par contrat de vente n’ayant pas, par sa nature, d’effet pareil, laisserait subsister, pour l’entrepreneur, une certaine incertitude qui n’inciterait guère à s’en servir pour couper court à la procédure. Ici la loi intervient en faveur du contrat, et lui attribue, — à la condition de remplir les mêmes formalités que celles qui doivent protéger les intérêts des tiers, telles que les publications dans les journaux, etc. — l’effet extinctif qui appartient à l’acte d’acquisition de droit public qu’il doit remplacer.
Par suite de cet emprunt, l’acte ne cesse pas d’être un contrat de vente ; ces effets extinctifs ne sont pas sans exemple même dans la sphère du droit civil35.
(74) Le contrat de cession pourra aussi se faire de telle sorte que l’équivalent, spécialement le prix d’achat, ne soit pas fixé ; cette fixation devra se faire d’après la procédure prescrite par la loi pour l’indemnité d’expropriation. Un pareil contrat n’est valable qu’autant que la procédure d’expropriation est déjà commencée ; c’est ainsi seulement, en effet, que sera fondée la compétence de l’autorité directrice de la fixation d’indemnité ; cette autorité ne pourrait pas être rendue compétente par la seule convention des parties.
Un pareil contrat n’est pas un contrat de vente. On pourrait bien alléguer que, pour le contrat de vente, il suffit, si le prix n’est pas encore fixé, que du moins soient donnés les éléments qui permettent de le faire ; par exemple, qu’on ait renvoyé, pour cette fixation, à l’arbitrium d’un tiers ou même de l’une des parties contractantes36. Mais l’assimilation de notre cas ne peut pas être admise. Il n’est pas ici créé d’arbitre ; l’autorité qui statue sur l’indemnité doit entrer en fonction selon sa compétence légale ; elle doit non pas évaluer le prix d’achat qui répondrait aux circonstances, mais allouer l’indemnité légale fixée d’après les principes propres à cette indemnité légale.
La valeur véritable de ce renvoi à la procédure d’indemnité est plutôt celle d’une réserve. Les parties (75) font transférer la propriété pour couper court à la procédure d’expropriation commencée et pour en avancer les effets ; mais la procédure ne doit être ainsi terminée qu’en ce qui concerne ses effets directs, et non pas dans ses suites ultérieures ; pour celles-ci, on se réserve de procéder selon les prescriptions de la loi.
Dès lors, le propriétaire cédant aura son équivalent dans le fait que sa cession, pour ouvrir le droit à l’indemnité à fixer, est mise à la place de l’acte qui termine ordinairement la procédure d’expropriation. Les obligations résultant pour lui de ce contrat n’en devront pas moins être appréciées d’après le modèle des obligations d’un vendeur37. D’un autre côté, les lois attachent à ces cessions avec réserve de l’indemnité, en vue de faciliter leur conclusion et de faire disparaître les droits des tiers, les mêmes privilèges qu’elles attachent aux contrats de vente qui remplacent l’expropriation, y compris la question d’indemnité38.
2) La procédure d’expropriation pourra être interrompue non seulement par une convention, mais aussi par une renonciation unilatérale, par le désistement.
(76) Ce désistement ne peut s’entendre que de la part de l’entrepreneur ; car le propriétaire ne fait que subir l’expropriation ; c’est l’entrepreneur qui la met en mouvement, qui la poursuit ; lui seul aussi peut ne plus la vouloir.
La possibilité d’un désistement de l’entrepreneur prend fin par la perfection de l’expropriation (Comp. I, no 5 ci-dessus). Dès que, en vertu du décret d’expropriation, le transfert de propriété s’est opéré, il ne peut plus être question d’un simple désistement ; il y aurait alors révocation de cet effet, réacquisition de la propriété par l’exproprié ; et cela est soumis à des considérations toutes différentes39.
Le désistement de l’expropriation s’effectue tantôt par une déclaration expresse, — cela aura surtout lieu, quand on renonce à l’entreprise entière ou que tout au moins, à cause d’une modification du projet, un immeuble jusque-là visé ne parait plus être nécessaire ; — tantôt le désistement résulte simplement du fait qu’on ne poursuit plus l’expropriation. Dans quelles conditions est-on dans ce cas, et surtout combien de temps le retard doit-il avoir duré, il y aurait là une question d’appréciation. Mais la loi fixe des délais pendant lesquels l’entrepreneur doit accomplir les actes qui lui incombent ; ou bien elle permet à l’autorité de les fixer, et attache à l’inobservation de ces délais les effets de la mise en demeure, spécialement aussi la présomption d’une renonciation à l’expropriation. Cela donne au désistement le caractère d’une déchéance40.
(77) Ce désistement définitif, ainsi que le fait par l’entrepreneur de laisser trainer la procédure, pourront être préjudiciables au propriétaire ; la loi a établi des prescriptions pour lui assurer une certaine protection. Les moyens de protection sont le droit de poursuivre lui-même la procédure, et le droit à une indemnité pour cause d’expropriation inachevée.
La poursuite de la procédure, originairement, n’appartient pas au propriétaire contre lequel elle est dirigée ; mais quand elle est arrivée à un certain point, la loi permet au propriétaire de prendre lui-même l’initiative en vue de sortir de l’indécision et d’arriver à l’indemnité d’expropriation. De cette (78) manière, non seulement on remédie aux lenteurs, mais aussi on fixe une limite, sinon juridique, du moins de fait, à l’exercice du droit de se désister.
Pour que cela soit possible, on suppose toujours que, tout au moins, la détermination de l’objet de l’expropriation a déjà eu lieu ; alors seulement, on aura une base pour évaluer le montant de l’indemnité, et un adversaire de l’entrepreneur.
Mais à partir de ce point, la mesure de ce qui sera abandonné à la poursuite personnelle de cet adversaire pourra encore être exprimée de différentes manières. Le but sera toujours l’indemnité d’expropriation. Quand la loi fait fixer cette indemnité seulement après l’accomplissement de l’expropriation, on pourra permettre au propriétaire de provoquer lui-même l’expropriation. Dès que l’objet de l’expropriation est fixé, le propriétaire peut demander le prononcé de l’expropriation, et, après le prononcé de l’expropriation —, que l’entrepreneur l’ait provoquée ou que ce soit le propriétaire à sa place —, il peut poursuivre la procédure en vue de l’indemnisation41.
Quand la fixation de l’indemnité, d’après la loi, doit avoir lieu avant le prononcé de l’expropriation, il suffira de donner le droit de poursuivre cette fixation seule. Le prononcé de l’expropriation reste alors en dehors de l’influence de celui contre lequel elle est dirigée42.
(79) La loi peut encore remettre le droit de s’emparer de la poursuite à une époque ultérieure, et ne le faire naître qu’au moment où, dans la marche ordinaire de la procédure, la fixation de l’indemnité a déjà eu lieu. Il ne s’agira alors que de faire mettre à exécution par le propriétaire intéressé ce qui a été alloué en sa faveur43.
Ces différentes espèces de droit de poursuite auront leur plein et entier effet au cas de simple retard de la part de l’entrepreneur. Mais quelle sera la situation dans le cas d’un désistement exprès ? Quelle est la valeur respective du droit de se désister qui appartient à l’un, et du droit de poursuivre qui appartient à l’autre ? Nous devons poser la question d’une manière plus générale : Comment, dans le courant de la procédure, des effets juridiques pourront-ils naître au profit de l’adversaire de l’expropriation, effets qui ne sont pas révocables par une déclaration de désistement ? Il faut, distinguer. L’entrepreneur pourra toujours écarter le prononcé de l’expropriation par la déclaration de son désistement, même dans le premier cas, où la loi permet à son adversaire de le poursuivre lui-même. Le décret d’expropriation une fois rendu et la propriété transférée, — à la requête de l’une des parties ou de l’autre, peu importe, — il n’y a plus (80) de désistement. Par conséquent, la poursuite en fixation de l’indemnité reste dans ce cas immuablement acquise à l’exproprié.
La poursuite en fixation de l’indemnité, que la loi aura permise avant le prononcé de l’expropriation, ne pourra plus être écartée par le désistement de l’entrepreneur, dès que la fixation formelle de l’indemnité a eu lieu ; il en résulte, pour l’adversaire de l’expropriant un droit absolu d’obtenir l’indemnité fixée. Dès lors, la procédure pour ramener à exécution cette fixation continue malgré un désistement déclaré44.
Dans tous les cas, même quand il n’y a pas de droit de poursuite au profit du propriétaire, ou que celui-ci n’a pas fait valoir ce droit, le paiement de l’indemnité une fois effectué même spontanément ne pourra pas devenir révocable par suite d’un simple désistement ultérieur de l’expropriation : la cause de l’obligation subsiste, en ce que, de cette manière, l’immeuble reste à la disposition de l’entrepreneur, qui pourra l’acquérir en provoquant le prononcé de l’expropriation ; s’il ne veut pas faire usage de cette faculté, c’est son affaire.
Dans ces cas, le droit de se désister, quoique existant juridiquement et pouvant être exercé, perd naturellement pour l’entrepreneur toute sa valeur45.
(81) Quand les choses sont arrivées à ce point, il ne se servira, d’ordinaire, du droit de se désister qu’après s’être entendu avec la personne à exproprier, afin que celle-ci ne fasse pas valoir ou ne maintienne pas ses droits à l’indemnité.
Il peut cependant arriver, dans certaines circonstances, que l’entrepreneur se désiste de l’expropriation après le paiement de l’indemnité ou après le moment à partir duquel le propriétaire, en vertu d’un droit de poursuite absolu, peut se procurer l’indemnité. Tel est, par exemple, le cas où l’entreprise entière serait abandonnée ou que, à la suite d’une modification du projet, l’entreprise serait dirigée contre d’autres immeubles et renoncerait définitivement aux conditions qui lui permettaient d’attaquer les immeubles pour lesquels l’indemnité est allouée. Le résultat serait que celui qui aurait dû être exproprié serait à la fois en possession de son immeuble et de l’indemnité. Une obligation de consentir la cession de l’immeuble par les voies du droit civil n’existerait pas ; une convention tacite à cette fin ne pourrait pas être admise d’après les prescriptions du § 313 du Code civil qui exige un acte authentique. Mais comme, dans ce cas, la possibilité d’obtenir cet immeuble par la voie de l’expropriation est également enlevée au ci-devant entrepreneur, à mon avis, il s’agit alors effectivement d’un paiement sans cause ; par conséquent, la répétition de l’indû doit avoir lieu (82) d’après les principes du Code civil, § 812 ss. Le propriétaire n’aurait cependant pas à restituer purement et simplement le montant de l’indemnité qu’il a touchée. Il ne doit rendre que ce qu’il a en trop, c’est-à-dire l’excédent de cette somme sur tout ce que la procédure d’expropriation a pu entraîner pour lui de dommageable à sa situation de fortune, à son « enrichissement » en un mot.
Le second moyen de protection accordé au propriétaire, c’est le droit à indemnité pour inaccomplissement de l’expropriation. Comment ce fait peut-il fournir la base d’une indemnité ? Voici comment les choses se passent. L’introduction d’une instance en expropriation peut causer aux propriétaires intéressés des préjudices pécuniaires considérables, préjudices qui augmentent à mesure que la procédure avance. Ces propriétaires sont mis dans l’incertitude touchant leur état de possession ; ils ne peuvent rien entreprendre de nouveau ; ils subissent même des restrictions juridiques dans la disposition de leurs immeubles. Pour tout cela, on leur accordera, à l’accomplissement de l’expropriation, une juste compensation en augmentant en conséquence le montant de la somme d’indemnité. Toutefois, si ce but n’est pas atteint et si l’accomplissement de l’expropriation ne se produit pas, cette compensation n’a pas lieu ; dès lors, une indemnité spéciale sera due (Loi d’expropr. Bav., art. 12 ; loi d’expropr. Pruss., § 42, al. 1 ; loi d’expropr. Sax., § 12, al. 6.).
La condition est donc toujours que l’accomplissement du but fasse défaut par suite d’une cessation anticipée de la procédure ; cela peut se faire jusqu’au moment où l’expropriation est achevée, soit par la déclaration du désistement, soit par la déchéance. Ajoutons encore le cas d’une déclaration de nullité (83) de la procédure ou d’un rejet de la demande de l’entrepreneur poursuivant concernant certains immeubles. Le simple retard de l’entrepreneur ne donne pas lieu à un droit à indemnité. Toutefois, la possibilité qu’a le propriétaire de mener, malgré la déclaration de désistement, la chose au but, du moins en ce qui concerne la question d’indemnité, en se servant du droit de la poursuivre lui-même, n’exclut pas le droit de réclamer l’indemnisation pour cause de désistement. D’un autre côté, le fait de demander cette indemnité implique la renonciation au droit de poursuite.
La raison et la nature juridique de l’indemnité pour cause d’inaccomplissement de l’expropriation sont exactement les mêmes que celles de l’indemnité pour l’expropriation accomplie. Il ne s’agit ni de délit, ni de faute ; il suffit que le propriétaire ait eu à subir un sacrifice au profit d’une entreprise publique. L’institution de l’indemnité de droit public garantit, dans ce cas, une compensation équitable46.
3) Après l’accomplissement des procédures d’expropriation et d’indemnisation se trouve encore, comme dernière suite et conséquence, le droit de réacquisition de l’exproprié. L’idée qui sert de point de départ est que l’exproprié peut avoir intérêt à conserver son immeuble, intérêt qui n’est pas couvert par l’indemnité qui lui a été allouée. Dès lors, si, après coup, disparaît l’intérêt public auquel cet autre intérêt a dû céder, il peut sembler juste de lui ouvrir la possibilité d’une réacquisition. Tel sera le cas lorsque (84) l’entreprise pour laquelle l’expropriation a eu lieu n’est pas exécutée, ou lorsque, en fait, il n’est pas fait usage de cet immeuble. L’expropriation n’est pas révoquée de plein droit ; mais il se peut que la loi ait créé, au profit de l’exproprié, des moyens pour en faire cesser les effets47. Cela se produit de deux manières.
La première consiste à établir un simple droit de préemption légale. On suppose que l’entrepreneur, n’ayant pas besoin de l’immeuble, cherche à l’aliéner, par conséquent à conclure une vente de droit civil. L’ancien propriétaire ou celui qui, dans la propriété du restant de l’immeuble dont on a exproprié une partie, est à sa place en qualité d’héritier ou d’ayant droit à titre particulier, pourra entrer dans ce contrat comme acheteur. On suit les règles ordinaires des droits de préemption du Code civil, § 1094 ss. L’expropriation qui a précédé ne sera plus touchée en elle-même ; elle ne forme qu’une condition matérielle pour qu’il y ait lieu au droit de préemption48.
(85) En outre, il y a le droit de réacquisition proprement dit, la « ré-expropriation » comme on a voulu l’appeler. C’est le droit de faire révoquer l’expropriation ; cela rentre donc dans la sphère de cette institution et appartient, comme l’expropriation, au domaine du droit public49.
Cela suppose que l’immeuble exproprié en fait n’est pas employé à l’entreprise publique50.
Le droit appartient à l’exproprié ou à celui qui occupe sa place au sens que nous venons d’exposer51.
La révocation s’opère alors sur la demande de l’intéressé par un décret de l’autorité. En règle, c’est l’autorité d’expropriation qui est compétente. Le décret a le caractère d’une décision ; il n’y a qu’à (86) appliquer au cas spécial et à déclarer ce que la loi a voulu52.
L’effet du décret qui admet la demande est de faire rentrer le demandeur dans la propriété de l’immeuble, à charge pour lui d’en restituer la valeur. Cette valeur peut être représentée par la somme qui a été perçue originairement à titre d’indemnité ; la loi peut aussi ordonner une nouvelle procédure pour fixer la somme à restituer dans les mêmes formes que celles qui ont été observées pour fixer l’indemnité de l’expropriation même53.
La ré-expropriation ainsi que la fixation de ré-indemnisation peuvent encore être remplacées par des conventions de droit civil, soit l’une ou l’autre, soit toutes les deux à la fois, tout comme dans la procédure originaire qui agissait en sens inverse.
- V. Rohland, Ent. R., p. 29, réunit les partisans de cette doctrine sous la rubrique : « Les théories basées sur le droit privé ». Chez nos praticiens, cette idée, quelque fausse qu’elle soit, reparaît encore. Surtout, chez les commentateurs de la loi d’expropriation Prussienne ; G. Meyer, dans son V. R., I, p. 285, note 11, en cite des exemples. Ainsi, nous lisons chez Loebell, das Preuss. Ent. ges., p. 23 : « Dans la loi actuelle encore, l’acte d’expropriation est cette convention, par laquelle le propriétaire d’un immeuble s’engage, soit volontairement soit à la suite d’une contrainte exercée par l’Etat, à céder sa propriété ». Mais la cession volontaire n’est pas une expropriation ; et quand il y a expropriation, on aura de la peine à trouver quelque chose qui ressemble à un « engagement » pris par le propriétaire. Récemment encore, Eger, Ges. über d. Ent., p. 27 ss., s’efforce de maintenir la vieille théorie par les motifs assez futiles que, d’une part, l’ancien Code général de la Prusse (Allgem. Landrecht.) partageait évidemment autrefois cette manière de voir, et que, d’autre part, on aurait quand même besoin de recourir au droit civil pour expliquer la nature de l’expropriation, puisque la propriété qu’elle procure à l’entrepreneur est du droit civil ! — Le Tribunal de l’Emp. se déclare tantôt pour la théorie de la vente forcée, tantôt contre elle : contre, 2 déc. 1884 (Samml. XII, p. 406), pour, 20 mars 1887 (Samml. XVIII, p. 345). Le Min. de l’Int. Sax. semble vouloir prendre une route intermédiaire en appelant (Sächs. Ztschft. f. Pr. I, p. 81) l’expropriation « une vente forcée, il est vrai, du côté du possesseur d’immeuble, mais volontaire du côté de l’entrepreneur » (Comp. cependant maintenant Schelcher, Ent. Ges., p. 13). Une combinaison non moins ingénieuse est celle de Gruchot, dans Beitr., IX, p. 82, qui déclare l’expropriation une lex specialis, et l’indemnité qui en résulte, un prix de vente ! [↩]
- C’est surtout la théorie que G. Meyer avait présentée dans son Recht d. Expropr., p. 184 ss. Dans son V. R., I, p. 286, il la restreint au cas où la loi ordonne que, par l’acte qui fixe l’objet de l’expropriation, l’exproprié sera obligé d’en faire la délivrance ; alors sa situation doit être « analogue à celle d’un vendeur ». Dans la 1re éd., p. 269, note 13, G. Meyer ne pouvait invoquer, outre la loi de son Lippe-Detmold du 3 février 1869, que la loi de la Hesse du 27 mai 1821, laquelle, quand on y regarde de près, ne prétend pas sérieusement établir une telle obligation à la charge de l’exproprié. Dans la 2e éd., nous voyons maintenant figurer le Lippe-Detmold seul, la Hesse ayant, dans l’intervalle, par la loi du 26 juin 1884, adopté les formules des autres législations récentes. Ce pauvre reste de la théorie originaire pourra disparaître sans inconvénient. [↩]
- En ce sens H. A. Zacharie, St. R., II, p. 116, 128 (malheureusement l’ancien jus eminens se mêle toujours à ses explications) ; le même dans Gött. Gel. Anz., 1861, I, p. 113 ss. Avec un succès décisif, Laband dans Arch. f. civ. Pr., 52, p. 169 ; la valeur de cet article réside principalement dans la réfutation critique des théories basées sur le droit privé. Depuis, ces théories ont été peu à peu abandonnées par toute la doctrine. Ce qui formait un empêchement assez considérable à ce développement, c’était l’habitude qu’on avait prise, de traiter de l’expropriation dans les systèmes du droit privé allemand (Deutsches Privatrecht), ce malheureux amalgame de tout ce qui n’entrait pas dans le système des Pandectes du droit romain. Un système du droit administratif n’existant pas, on ne savait pas placer autrement cette institution. Aujourd’hui encore, on fait, dans nos universités, des cours de droit civil particulier, où l’on s’efforce de compléter les quelques lambeaux que le droit civil de l’Empire a laissés, en y joignant l’expropriation. [↩]
- Zachariae, dans Gött. Gel. Anz., 141, I, p 119 : « La lex specialis est la cause efficiente des rapports in concreto ». L’expropriation est un « dommage pécuniaire provoqué par la lex specialis ». De même, Gruchol dans Beitr. z. Erl. d. Preuss. R., IX, p. 83 : « L’expropriation s’effectue par l’acte de droit public, appelé Enteignung, donc par l’exécution effective de la lex specialis émise ». Par ce langage peu clair, il est vrai, on voulait désigner un acte administratif. La lex specialis a figuré pendant quelque temps, dans notre littérature, comme terme technique pour le remplacer. N’a-t-on pas donné le même nom de lex specialis à l’acte administratif qui fait entrer le fonctionnaire au service de l’Etat ! Comp. H. A. Zachariae, S R. II, p. 28, note 10 ; Schmitthenner, Grundlinien, p. 498 ss. — Laband, dans Arch. f. civ. Pr. 52, p. 178, fait la remarque suivante : « l’acquisition de la propriété s’effectue plutôt par une loi » ; Grünhut, Ent. R., p. 183, dit encore plus explicitement : « c’est une acquisition par la loi (Legal-Erwerb), une acquisition qui se fait ipso jure, directement par le droit objectif », G. Meyer, V. R., I, p. 285 note 11, leur reproche, avec une apparence de raison, de faire une confusion : la loi, dit-il, ne donne que des prescriptions pour régler l’expropriation ; pour opérer celle-ci, il faut une activité spéciale soit des parties, soit de l’autorité. Mais à mon avis, Laband et Grünhut veulent bien parler d’un acte d’autorité spécial. Laband compare l’expropriation à la confiscation, et Grünhut l’appelle une mesure d’administration. Si ces auteurs invoquent la force souveraine de la loi, c’est pour rejeter énergiquement l’idée d’un contrat. Il est vrai qu’ils auraient pu s’exprimer d’une manière plus précise. [↩]
- Burkhard dans Ztschft f. Civ. R. u. Pr., N. F., 6 (1849) p. 230 : l’entrepreneur exige l’expropriation en vertu d’un droit qu’il a sur le propriétaire à raison de son entreprise ; le prononcé de l’expropriation n’est qu’un jugement qui reconnaît ce droit et adjuge la propriété. Layer, Principien d. Ent. R., p. 329, a fait revivre cette idée : l’entrepreneur, d’après lui, est investi d’un droit subjectif ayant sa base dans le droit public, et l’autorité fait un acte de juridiction pour le reconnaître ; cet acte supprime les droits existants sur l’immeuble et constitue originairement le droit réel de l’entrepreneur (p. 356). C’est bien là, en effet, ce que cet acte veut dire ; mais le droit préexistant, ainsi que la qualification d’acte de juridiction, nous semblent être des décorations inutiles. Nous verrons, du reste, les théories de Layer prendre encore une tournure toute autre ; comp. la note 23 ci-dessous. [↩]
- G. Meyer, V. R., I, p. 286, appelle le décret par lequel l’autorité dispose, un « acte administratif créant des droits » ; cela signifie pour lui une catégorie d’actes administratifs ayant des effets juridiques. Pour nous, un acte administratif, d’après sa nature, devra toujours avoir ces effets ; c’est seulement le contenu de l’acte qui détermine comment il agira. La qualification spéciale est superflue. D’autres auteurs s’expriment d’une manière moins précise. Ainsi, Grünhut, Ent. R., p. 183 : « mesure d’administration » ; Prazak, R. d. Ent., p. 48 : « acte de l’Etat » ; V. Rohland, Ent. R., p. 37 « une mesure d’administration, une disposition » ; Schelcher, Rechtswirkungen, p. 16 : « un acte de droit public ». Ce dernier, dans son Commentaire de la loi d’expr. de la Saxe, p. 21 ss. a maintenant adopté le terme d’acte administratif purement et simplement. Notre terminologie commence à se fixer. [↩]
- Seydel, Bayr. St. R. III, p. 628 : « le droit d’exproprier est personnel, non pas réel ». [↩]
- Grünhut, Ent, R., p. 180 : « La transmission de la propriété se fait par l’expropriation d’une manière absolue » ; p. 181 : « L’expropriant ne vise que l’immeuble ». Dans un sens analogue, v. Rohland, Ent. R., p. 32 ; Laband, dans Arch. f. civ. Pr., 52, p. 174 ; Prazak R. d. Ent., p. 48 ; Schelcher, Rechtswirkungen, p. 70 ss. Layer, Principien, p. 605, accepte également « ce qu’on appelle l’effet réel de l’expropriation ». [↩]
- Prazak, l. c. parle de l’expropriation directement comme d’une « manière d’acquérir originaire ». Mieux encore Schelcher, Rechtswirkungen, p. 71 : « Il s’ensuit que l’acquisition, de la part de l’entrepreneur, est de nature, non pas dérivée, mais originaire. L’entrepreneur n’acquiert pas son droit par un acte de volonté de l’exproprié, mais uniquement par un décret de la puissance publique ». Cette argumentation, il est vrai, n’est pas concluante : l’acte administratif pourrait aussi ne transférer que la propriété qui appartient à l’exproprié, à l’adversaire attaqué ; alors l’acquisition serait « dérivée ». C’est ce que Seydel veut dire. L’expropriation, d’après lui, produit son effet, sans qu’il soit question de la volonté de l’exproprié (l. c., p. 627) et sans que les formes d’une cession volontaire doivent être observées (p. 635) : « L’expropriation accomplie opère la transmission de la propriété, mais « seulement, quand l’exproprié possédait effectivement ce droit » (p. 635 note s.). Dès lors, il n’est pas question ici d’une obligation imposée au propriétaire dans le sens de la théorie ancienne ; l’expropriation, d’après Seydel, a un effet réel, mais dérivé et non pas originaire — Layer, Principien, p. 605. [↩]
- Que la prescription qui fait figurer dans le procès la partie intéressée ne constitue qu’une question de forme et non la volonté de faire dériver de cette personne le droit de l’expropriant, c’est ce que Prazak, R. d. Ent., p. 48, a très bien remarqué : l’expropriation, dit-il, est une manière d’acquérir originaire ; « donc, la question de savoir si l’exproprié était vraiment le propriétaire de l’objet enlevé n’a d’importance qu’en un sens : sans cela, en règle, les formes prescrites pour l’exercice du droit d’exproprier devront être considérées comme n’ayant pas été observées ». Comp. aussi de Lalleau, Traité de l’expropr., I, no 270. O. L. G. Dresden, 20 mai 1880 (Arch. f. civ. rechtl. Entsch. 1882, p. 569) : « L’exproprié acquiert la propriété de la chose expropriée même dans le cas où celui contre lequel la procédure a été dirigée n’était pas le véritable propriétaire. Par conséquent, le droit de propriété de l’exproprié est juridiquement une chose tout à fait indifférente pour l’expropriant et pour l’acquisition de la propriété ». Il n’en est pas autrement d’après la loi d’exprop. Bav. ; comp. § 33 note 36 ci-dessus. Seydel parait avoir été amené à l’opinion contraire, surtout par le fait que la loi appelle la personne qui, dans la procédure, est l’adversaire de l’entrepreneur, l’ « obligé de céder » ; mais il remarque lui-même (l. c., p. 647 note 4) quelle faible valeur il convient d’attacher à une telle manière de s’exprimer. Au fond, il n’appuie son opinion que sur un seul motif (Bayr. St. R., III, p. 628 note 1) : « En principe, un droit direct sur la chose, droit qui appartiendrait à l’expropriant, ne serait pas inconcevable. Mais le droit existant ne connait qu’un droit personnel qui vise le propriétaire. Cela résulte de ce que ce droit dépend du paiement de l’indemnité ». Mais l’obligation de payer une indemnité ne prouve, par elle-même, rien du tout en ce qui concerne la nature personnelle de l’atteinte ; sans cela, les dégâts causés par les manœuvres militaires devraient aussi être considérées comme étant produits par l’exercice d’un droit sur la personne. Il faudrait donc dire que le droit reçoit ici ce caractère, parce que son effet dépend du paiement de l’indemnité comme de sa condition. Mais, d’une part, nous savons que la procédure ne donne nullement la certitude que l’indemnité parviendra à la personne du véritable propriétaire ; et cependant la condition sera remplie (Bähr et Langerhans, Preuss. Enteignungsges., p. 80 ss.). D’un autre côté, ce ne sont pas toutes les lois d’expropriation qui font dépendre la transmission de la propriété d’une condition pareille ; cela n’est pas le cas, par exemple, de la loi Française, qui est devenue si importante pour nos propres législations et qui est encore en vigueur en Alsace-Lorraine. Comp. aussi la loi d’expr. Sax., § 49 ss. Est-ce que, dans ces cas, le droit de l’expropriant aurait, par exception, un caractère réel ? Peut-on faire ces distinctions ? — La force originaire de l’expropriation se manifeste encore spécialement dans l’extinction de tous les droits de jouissance ou de servitude, etc., que des tiers pourront prétendre sur l’immeuble : Bähr et Langerhans, Preuss. Ent. Ges., p. 84 ; loi d’expr. Sax., § 72 al. 1. [↩]
- C’est ainsi que les choses sont présentées, par exemple, dans Loebell, Preuss. Enteignungsges., p. 15 : « Une personne quelconque (!), homme privé, commune, ou le fisc, veut exécuter une entreprise pour laquelle il lui faut acquérir des droits appartenant à autrui. Cette personne obtient le droit d’exproprier et le fait valoir en invoquant l’entremise de l’Etat, la contrainte de l’Etat ». Eger, Comment. I, p. 4 : « le droit d’exproprier concédé par l’Etat au fisc » (!). Comp. aussi Stobbe, D. Pr. R. II, p. 17 s. [↩]
- R. G., 2 déc. 1884 (Samml. 13, p. 406) : « le droit d’exproprier et l’obligation de le subir reposent sur le droit public, mais les effets de l’exercice du droit d’exproprier, la transmission de la propriété à l’expropriant appartiennent au droit privé ». Le Tribunal a formulé ici l’opinion qui doit être considérée comme universellement admise. Comp. O. Tr. Stuttgart, 21 févr. 1872 (Seuff. Arch. 28, no 247) ; v. Rohland, Ent. R., p. 33 ; Laband dans Arch. f. civ. Pr., p. 182 ; Eger, Comment., p. 26 ss. [↩]
- La doctrine y ajoute immédiatement l’autre « effet de droit civil », l’obligation d’indemniser. La formule est constante : l’Etat enlève la propriété au profit du fisc ou de l’entrepreneur qui pourra être à sa place ; il la leur donne et impose en même temps au fisc, etc., une obligation de payer l’indemnité à l’exproprié, — obligation de droit civil, bien entendu. Ainsi Laband dans Archiv. f. civ. Pr. 52, p. 182 note 47 : « L’Etat se permet, dans l’intérêt public, une atteinte à la propriété, mais oblige le fisc ou la personne à laquelle il permet cette atteinte, d’indemniser complètement le propriétaire légitime ». C’est l’opinion générale ; seulement, tous ne savent pas l’exprimer aussi clairement. [↩]
- Comp. ce que nous avons exposé en général sur les prétendues institutions mixtes au t. I, § 11, IV. — De cette manière, nous arrivons aussi à la solution d’une question souvent discutée, celle de savoir si l’effet de l’expropriation dépend d’une inscription sur le livre foncier. Comp. surtout Schelcher, Rechtswirkungen. D’après nous, il faut distinguer. L’effet de l’expropriation est indépendant d’un changement qui pourra intervenir, au cours de la procédure, dans les indications du livre foncier quant à la personne du propriétaire : l’expropriation n’a qu’à suivre les formes légales et cela doit suffire. Le prononcé de l’expropriation supprime tous les droits sur l’immeuble, même si le contradicteur n’était pas le véritable propriétaire. Par l’expropriation, la propriété est transférée à l’entrepreneur. Mais cette propriété sera soumise désormais aux règles du droit civil ; or, si le droit civil déclare que, pour faire valoir la propriété en justice, pour en disposer par contrat, et surtout pour la mettre à l’abri des aliénations que le propriétaire précédent pourrait faire, l’inscription est nécessaire, la propriété acquise par l’expropriation se trouve soumise aux mêmes règles. C’est à la législation à prévoir les inconvénients pouvant résulter notamment d’un retard dans l’inscription de l’acquisition opérée par expropriation, et de prescrire à cet effet des mesures spéciales. Le meilleur moyen, c’est une communication faite d’office à l’autorité qui tient le livre foncier, dès que le plan parcellaire est établi, et l’inscription sur ce registre d’une mention annonçant l’expropriation qui se prépare ; puis, la procédure d’expropriation achevée, les changements intervenus seront inscrits également d’office à la diligence de l’autorité d’expropriation. Comme modèle, nous citerons les dispositions de la loi Sax. pour l’exécution du code civil, du 18 juin 1898, § 18 et 19, et la loi d’expropr. Sax. du 24 juin 1902, § 42 et 65. [↩]
- Nos auteurs ne semblent même pas avoir le sentiment qu’il y a ici une question grave et difficile à résoudre. C’est que, d’une part, on est encore trop sous l’influence de la vieille doctrine du Fisc, plus puissante encore qu’on ne devrait croire, doctrine qui cache les difficultés ; d’autre part, la conscience de la différence fondamentale entre le droit civil et le droit public n’est pas encore très vive. Il n’y a que Gleim, dans Arch. F. Eisenbahnwesen VIII, p. 43, qui présente une exception très remarquable. — Notons cependant qu’il existe encore une autre opinion, soutenue par quelques auteurs, et qui, tout en se séparant de la nôtre, tend à maintenir l’homogénéité de l’expropriation et à lui conserver jusqu’au bout son caractère de droit public. C’est la thèse établie d’abord par Grünhut, Ent. R., p. 3, et à laquelle s’associe maintenant Layer, Principien, p. 654 ss. L’expropriation, d’après ces auteurs, aurait pour effet de créer directement du domaine public. Layer (l. c. note 1) ne peut pas admettre que ma manière d’établir la nature de droit public des effets de l’expropriation soit suffisante ; c’est pour cela qu’il va plus loin. Il faut dire que cette nature se manifesterait, sans doute avec une force supérieure, si l’immeuble exproprié était toujours revêtu, par l’effet de l’expropriation même, du caractère du domaine public. Malheureusement, les choses ne se passent pas aussi simplement ; il n’est pas vrai que tout immeuble exproprié devienne immédiatement dépendance du domaine public ; on ne peut affirmer le contraire que si l’on n’est pas encore arrivé à se former une idée claire et précise de ce qu’est le domaine public. Comp. aussi § 36 note 6 ci-dessous. [↩]
- En ce sens très justement, Stobbe, D. Pr. R. II, p. 175 ; de même, R. G., 24 janv. 1881 (dans Rocholl, Rechtsfälle I, p. 2 ss) : « L’expropriation, malgré le paiement préalable de la somme taxée, n’est parfaite qu’au moment et qu’autant que la société a obtenu la propriété de l’immeuble à exproprier ». — La doctrine de la vente forcée doit naturellement fixer autrement le moment de l’accomplissement : la vente, en tant que rapport d’obligations, est parfaite, dès que l’objet de la vente et le prix sont fixés entre les parties. Dès lors, cette doctrine, d’une part, exige moins que nous : il n’est pas nécessaire que le transfert de propriété ait été déjà décrété ; il suffit que les immeubles à exproprier soient déterminés. D’un autre côté, elle exige plus : il faut que l’indemnité, le prix de vente, soit fixé également. On pourra encore discuter alors s’il faut que cette somme soit déjà fixée définitivement (Häberlin dans Arch. f. civil. Pr. 39, p. 300), ou si, pour répondre à la notion de vente, il suffit qu’elle soit devenue « déterminable » (Gruchot dans Beitr. Z. Erl. d. Preuss, R. IX, p. 85). — Il est tout à fait conforme aux idées de la théorie de la vente forcée de chercher le moment de la perfection de l’expropriation dans l’instant où, au cours de la procédure, se forme, pour la première fois, « un rapport d’obligations bilatéral » entre l’entrepreneur et le propriétaire actuel. En ce sens, voyez surtout Loebell Preuss. Enteignunsges., p. 186 : par la fixation définitive du plan de l’expropriation, l’entrepreneur acquiert le droit de poursuivre la fixation, par la voie administrative, de l’indemnité et d’obtenir ensuite le prononcé de l’expropriation. Ainsi apparaissent, d’après Loebell « les premiers effets de droit civil » — pour lui, il va sans dire que tous les effets, ayant un caractère juridique, ne peuvent être que de droit civil. Mais ces effets, tout d’abord, continue-t-il, ne signifient qu’une obligation unilatérale du propriétaire de les subir. C’est seulement par la fixation de l’indemnité, que l’entrepreneur sera lié : le propriétaire obtient alors contre lui le droit à l’indemnité. A ce moment donc, en effet, « un rapport d’obligations bilatéral s’est formé » (p. 189). Nous renonçons à faire la critique de ces deux prétendues obligations qu’on obtient si péniblement ; nous nous bornerons à demander simplement si vraiment ce rapport d’obligations bilatéral est une expropriation. Sans doute, cela est toujours quelque chose de « parfait » ; mais pour être devenu parfait dans le cours de la procédure d’expropriation, ce n’est pas nécessairement l’expropriation parfaite elle-même ! Le Tribunal de l’Empire a adopté, de son côté, les vues de Loebell : R. G., 17 mars 1891 (Samml. 27, p. 365) : « un rapport d’obligations fixe » qui se produit par la fixation de l’indemnité, voilà ce qui fait la perfection de l’expropriation. Gleim lui-même, qui pourtant combat par de bonnes raisons l’opinion de Loebell, ne peut pas se soustraire à son influence sur ce point (Arch. f. Eisenbahnwesen VIII, p. 45). N’oublions pas que, d’après la loi d’expr. Pruss. dont il s’agit ici, la fixation de l’indemnité, — donc, la perfection de l’expropriation — précède le décret qui la prononce ; on reconnaît que la propriété n’est transmise que par ce décret : mais, dans cette singulière théorie de l’expropriation, cela n’a qu’une importance secondaire. — G. Meyer, V. R. I, p. 387, se sépare de cette doctrine en ce que, fidèle, en principe, à sa théorie primitive, malgré les concessions qu’il a dû faire et qui lui enlèvent toute importance pratique, il n’exige pas de contrat de vente, mais seulement une obligation sui generis de céder l’immeuble ; il n’est pas nécessaire qu’un prix soit fixé. De là sa thèse « L’expropriation est parfaite par la détermination des objets de l’expropriation » — sans transmission de la propriété, bien entendu. Mais comment cette perfection se manifeste-t-elle ? « A ce moment, les deux parties sont liées, de sorte qu’un désistement unilatéral de l’expropriant ne peut plus avoir lieu, et les risques de la chose sont dorénavant à sa charge ». Il ajoute, il est vrai : « les lois d’expropriation, ont en partie, des prescriptions contraires ». Cela a lieu dans une large mesure ; et encore devrait-on contester sérieusement les effets qu’il veut attribuer à son prétendu point de perfection. Mais qu’ils s’y attachent, que les parties soient liées, que des obligations réciproques soient nées — est-ce qu’avec cela l’expropriation est parfaite ? Qu’est-elle donc ? D’après G. Meyer, V. R. I, p. 380, « cet acte administratif, par lequel l’Etat enlève la propriété ». Peut-elle être parfaite avant que la propriété ne soit enlevée ? Evidemment, la définition qu’il donne conformément à la doctrine récente, et la fixation du point de perfection qu’il maintient conformément à son ancienne doctrine, sont en contradiction. Les « rapports d’obligations » qui, dans toutes ces théories, jouent un rôle si désastreux, ne sont en réalité que des effets secondaires, se produisant dans le cours de la procédure : des défenses de disposer imposées au propriétaire à exproprier, des droits de poursuivre la procédure qui lui sont accordés, des droits à une indemnité pour le cas d’un désistement. Nous en parlerons ci-dessous, III, no 2. [↩]
- Hartmann, Ges. über die Zwangsabtretung, p. 81 note : D’après la loi d’expropr. Bavaroise, le propriétaire peut former un recours contre le décret qui prononce l’expropriation (dans la terminologie de la loi Bav. : l’envoi en possession) ; mais « étant donné le but de la loi qu’il serait facile d’éluder sans cela, on ne devra pas attribuer à ce moyen un effet suspensif ». De même, d’après la loi française, encore en vigueur en Alsace-Lorraine, le recours en cassation contre le jugement d’expropriation n’a pas d’effet suspensif ; de Lalleau, Traité de l’expropr. I, no 348, 267. — La loi d’expropr. Saxonne, § 36, autorise l’autorité d’expropriation à refuser cet effet au recours. Comp. loi d’expropr. Prussienne, § 44 : « Par la signification du décret d’expropriation, faite au propriétaire et à l’entrepreneur, la propriété de l’immeuble est transmise à l’entrepreneur ». — C’est donc inexactement que Grünhut, Ent. R., p. 187, essaie d’établir, comme principe général, que « comme moment de la perfection il faut considérer celui où l’exproprié a épuisé les moyens de droit qu’il pouvait faire valoir contre le prononcé de l’expropriation ». [↩]
- Le Code civil all. § 900 n’admet la prescription d’immeubles qu’à la condition que celui, au profit duquel elle doit intervenir, soit en même temps inscrit comme propriétaire au livre foncier. Il se pourrait que cette condition fût remplie, l’administration ayant omis de provoquer la rectification de ce registre, qui doit se faire à la suite de l’expropriation. [↩]
- Loi d’expropr. Pruss. § 32 al. 2 : « Le prononcé de l’expropriation, à moins qu’il n’en dispose autrement, implique l’envoi en possession ». La loi d’exécution de la C. P. O. Bav., art. 51 comprend, par l’expression « envoi en possession », en même temps l’expropriation d’où elle résulte : Hartmann, Ges. über d. Zwangsabtretung, p. 80 note 4. La loi française du 3 mai 1841 art. 41 autorise le juge commissaire qui dirige la procédure de la fixation de l’indemnité, à déclarer finalement l’envoi en possession, ce qui permet à l’entrepreneur de prendre possession. Loi d’expropr. Sax. § 49 : l’autorité d’expropriation, après avoir déclaré les immeubles expropriés, doit les « assigner » immédiatement à l’entrepreneur. — G. Meyer, R. der Expropr., p. 240, appelle cela « une application analogue de la missio in bona », qui, d’après lui, serait contre les principes ; en effet, même dans le cas où l’Etat lui-même serait l’entrepreneur, il faudrait suivre ici la règle « que l’Etat, dans ses rapports pécuniaires, est traité comme une personne privée ». Mais c’est méconnaître la situation de l’entrepreneur poursuivant ; l’entreprise publique n’est pas purement et simplement un « rapport pécuniaire ». L’envoi en possession dont il s’agit ici ne pourrait nullement être assimilé à ce qu’on appelle, dans le droit civil, des privilegia fisci. [↩]
- Loi d’expropr. Sax., § 74 : « par l’assignation (envoi en possession), l’entrepreneur obtient le droit de se mettre en possession de l’objet exproprié », — O. Tr., 20 janv. 1865 (Str. 58, p. 102) admet contre l’entrepreneur une action pour troubles dans la possession, par le motif qu’au moment de sa prise en possession les conditions dont dépendait l’effet de l’expropriation n’étaient pas encore remplies. Par suite, dans le cas contraire, il aurait pu réaliser son droit lui-même. Comp. aussi O. Tr., 23 mai 1873 (Str. 90, p. 197). [↩]
- F. Seydel, Preuss. Enteignungsges., p. 107 ; l’autorité de police générale qui est appelée à exercer la contrainte de police se confond ici avec l’autorité d’expropriation ; ces fonctions peuvent aussi être séparées. — Loi d’expropr. Sax. 74 : Si celui qui est en possession de l’immeuble refuse de le céder, ou y met du retard, l’autorité d’expropriation, sur la demande de l’entrepreneur, amènera son déguerpissement par des mesures de contrainte.
Les mesures de contrainte sont celles que nous avons expliquées au t. II, § 23. Il faudra donc toujours commencer par enjoindre au propriétaire de déguerpir par un ordre formel. En effet, l’exécution par contrainte de la police suppose un ordre régulier à mettre à exécution. Le prononcé de l’expropriation ne contient pas un ordre ; il opère un transfert de propriété, ce qui est tout autre chose. Nous insistons sur ce point, si souvent négligé, parce que l’existence du droit administratif dépend d’une analyse minutieuse de ses institutions — aussi consciencieuse que celle qu’on a l’habitude d’appliquer aux institutions du droit civil. [↩]
- Laband dans Arch. f. civ. Pr., 52, p. 182 : « Logiquement l’expropriation est la première, l’obligation de payer l’indemnité n’en est que la conséquence ». [↩]
- Layer, Principien, p. 599, désirant écarter l’acte administratif du centre de notre institution, a imaginé à cet effet une exagération assez singulière de cette importance juridique de l’indemnité. « Le droit d’expropriation, affirme-t-il p. 603, est et reste le droit de supprimer et de créer des droits moyennant le paiement de l’indemnité et par ce paiement ». Le paiement d’indemnité serait-il donc une nouvelle espèce d’acte d’acquisition ? Non pas. Il s’agit seulement d’une analogie avec une institution bien connue du droit civil : c’est un droit d’occupation spécialement organisé pour le droit public. C’est donc par voie d’occupation que l’immeuble est acquis à l’entrepreneur ; et cette occupation reçoit son exécution d’une façon assez surprenante, il faut le dire, par le paiement de l’indemnité. « Quand l’indemnité est payée conformément à ces conditions, l’occupation s’accomplit par cela-même » (p. 604). Cette doctrine qui suppose, dans nos notions juridiques, une souplesse extraordinaire ne nous semble pas répondre à la réalité des choses. [↩]
- En ce sens : loi d’expropr. Pruss., § 32 ; loi d’exécution de la C. Pr. O. Bav., art. 51 ; Seydel, Bayr. St. H. III, t. 635 ; ancienne loi d’expropr. Sax. du 15 août 1855, § 75, 77 ; Schelcher, Rechtswirkungen, p. 32, 46. Cette organisation de la procédure a donné lieu à différents malentendus concernant la perfection de l’expropriation. Le procédé le plus naturel serait d’évaluer l’indemnité sur la base de la valeur qu’aura la chose au moment du transfert de la propriété, c’est-à-dire de la perfection de l’expropriation. Mais avec le principe de l’indemnité préalable, cela ne peut pas se faire : le moment du transfert de la propriété est encore inconnu ; il dépend du paiement que doit faire l’entrepreneur, et du temps que prendra la procédure ultérieure. Donc, pour estimer cette valeur, on se placera simplement au moment où a lieu la fixation de l’indemnité. Cela n’est injuste ni à l’égard de l’entrepreneur, ni à l’égard du propriétaire, parce qu’ils ont, l’un et l’autre, les moyens de mener sans retard la chose à bonne fin (Comp. III, no 2 ci-dessous). On n’a donc pas besoin de justifier cette manière de procéder en déplaçant la perfection de l’expropriation, et en la reportant au moment de la fixation de l’indemnité. C’est ce qu’a fait le Tribunal de l’Empire dans son arrêt du 17 mars 1891 (Samml. 37, p. 265). L’équité pourra même exiger qu’on prenne pour point de départ une époque antérieure à ce moment. Dans le cours de la procédure, des défenses de disposer peuvent avoir été adressées au propriétaire, qui l’ont empêché de faire fructifier la valeur supérieure que sa chose peut-être avait alors présentée. Des défenses de cette espèce s’attachent déjà à la désignation de l’objet de l’expropriation, ou même à la publication du plan d’expropriation provisoire ; on pourra donc choisir ces moments pour y trouver la base de la valeur à estimer. Mais on n’a pas besoin de dire que l’expropriation est déjà devenue parfaite à cette époque, ce qui ne serait pas vrai. Un exemple dans R. G., 21 sept. 1882 (Samml. 7, p. 258) ; en ce sens aussi, Schelcher, Rechtswirkungen, p. 273. Gleim, dans Arch. f. Eisenbahnwesen V, p. 64, argumente en sens contraire : il déclare cette manière de calculer l’indemnité inadmissible, parce que, « par la fixation du plan, une obligation de droit civil n’est créée ni pour l’un, ni pour l’autre ». Mais il ne s’agit pas d’obligations ; l’équité peut très bien faire choisir le point de départ de l’estimation en dehors du centre juridique de la procédure, c’est-à-dire en dehors de la perfection de l’expropriation. Pour Layer, Principien, p. 327, dans l’hypothèse dont nous parlons ici, le prononcé de l’expropriation n’est que la constatation (Beurkundung) que l’expropriation a eu lieu par suite du paiement de l’indemnité ; il reconnaît cependant que la transmission de la propriété ne s’opère effectivement que par cette constatation (p. 328). Il nous sera donc permis de croire que c’est plus qu’une constatation. [↩]
- En ce sens Gleim., dans Arch, f. Eisenbahnwesen VIII, p. 48 (en ce qui concerne le droit Prussien) : « Quand l’autorité d’expropriation procède à l’expropriation, sans que le propriétaire ait été indemnisé antérieurement selon la loi, le droit en question est quand même enlevé au propriétaire et transmis à l’entrepreneur ». Voilà donc le véritable caractère de cet acte, qui, d’après Layer, ne serait qu’un simple certificat de l’expropriation effectuée antérieurement par « occupation ». Mais c’est tout à fait conforme à ce qui se passe ordinairement en fait d’actes administratifs. Ces actes ont leurs effets juridiques, même quand les conditions de leur validité ne sont pas remplies ; ce défaut constitue seulement un motif de les faire révoquer ; c’est à l’organisation de la protection des droits de déterminer par quelles voies on obtiendra cette révocation. Comp. t. I, § 8, note 7 ci-dessus. [↩]
- En ce sens, l’ancienne loi d’expropr. Bad. du 28 août 1835, § 1 et § 83. Il y avait dans la législation de la Saxe, avant la loi d’exprop. du 24 juin 1902, certains cas exceptionnels, prévus par la loi du 15 août 1855, dans lesquels l’expropriation devait se faire non pas après le règlement de l’indemnité, mais antérieurement, à la condition de ne produire son effet qu’au moment où l’indemnisation aurait eu lieu ; Schelcher, Rechtswirkungen, p. 41, 47. — Les inconvénients dont nous parlions au texte ont conduit à remplacer ce système dans la législation récente Badoise et Saxonne ; en Bade, on a adopté, par la loi du 26 juin 1899, le système de la Prusse, tel que nous venons de l’expliquer aux notes 24 et 25 ci-dessus ; Layer, Principien, p. 326, p. 600, invoquant à cet égard l’autorité de Weïss, prétend que ce système est celui de la majorité des législations. Pour l’Allemagne, il est évident que c’est le contraire qui est vrai. [↩]
- C’est surtout la forme adoptée par la législation française, en vigueur en Alsace-Lorraine, loi du 3 mai 1841, art. 53 ; de Lalleau Traité de l’expropriation, I, no 272. — G. Meyer, dans Wörterb, I, p. 359 art. Enteignung § 7, expose très bien comment, d’après cette loi, l’expropriant, une fois l’indemnité payée ou consignée, est autorisé à se mettre en possession ; mais c’est à tort qu’il ajoute : « avec cette prise de possession la transmission de la propriété s’opère également ». La transmission de la propriété a déjà eu lieu auparavant en vertu du décret (jugement) d’expropriation. — La loi d’expropr. Sax. du 24 juin 1902 a adopté ce système avec cette différence qu’elle fait, au moins, fixer l’indemnité définitivement avant le prononcé de l’expropriation. Mais la propriété se transmet, comme en France, en vertu de ce dernier acte, sans qu’il soit besoin que l’indemnité ait été payée ou consignée préalablement. Le règlement de l’indemnité n’est qu’une condition préalable à l’envoi en possession ; encore la loi établit-elle des exceptions très importantes dans lesquelles l’entrepreneur en est dispensé. Comp. les § 40, 50, 71 de la loi citée.
C’est le système qui offre le plus de difficultés pour une conciliation avec la doctrine de Layer. Cet auteur s’en tire en déclarant, d’une part, que le système Français constitue « une anomalie » (l. c., p. 603, note 1) ; d’autre part, il y a, d’après lui, avec le jugement ou acte administratif qui prononce l’expropriation, des accommodements : « Si l’on veut, dit-il, on peut appeler cela également une occupation », occupation, qui s’opère seulement « dans des formes différentes de celles qui sont en usage dans d’autres législations ». [↩]
- Comp. sur la procédure d’urgence en général : Grünhut, Ent. R., p. 264 ss. [↩]
- Loi d’expropr. Pruss., § 34. [↩]
- Loi d’expropr. Bad. de 1835, § 83. [↩]
- Loi d’expropr Sax., § 57. [↩]
- G. Meyer, R. der Expropr., p. 212, fait une énumération des différentes conventions possibles. Quant à l’appréciation de leur contenu en ces différents cas, nous ne sommes pas d’accord. [↩]
- En ce sens Prazak, R. d. Enteignung, p. 54 : « Quand le propriétaire consent à l’expropriation et cède conventionnellement sa propriété à l’expropriant, il n’y a pas expropriation, mais un arrangement, fait sous la pression d’influences extérieures, il est vrai, mais qui devra être apprécié selon sa nature juridique spéciale ». Dès lors, si, par exemple, la cession de la propriété se fait moyennant un prix convenu, cela sera une vente. — Seydel, Bayr. St. R. III, p. 627, note 8, reproche à Prazak de ne pas voir la différence essentielle qui existe entre la nécessité de fait et la nécessité de droit ; il confond l’un et l’autre dans la phrase « pression d’influences extérieures » ; il s’agit ici d’une nécessité de droit ; si le propriétaire, sous la pression de cette nécessité, cède sa chose volontairement, ce n’est pas une vente ; d’après Seydel, cela rentre dans la notion de l’expropriation. Mais cette « nécessité de droit » n’est autre chose que la vieille idée du « droit d’exproprier », telle que Burkhard l’a formulée autrefois dans Ztschft. f. civ. R. und Pr., N. F., VI, p. 208 ss ; comp. la note 5 ci-dessus. Seydel subit encore l’influence de ce prétendu « droit à la chose, jus ad rem », et en tire des arguments ainsi que Grünhut, Ent. R., p. 185 ss., V. Rohland, Ent. R., p. 36, Schelcher, Rechtswirkungen, p. 23, 31, Layer, Principien, p. 329. Si, en général, on a renoncé à expliquer les effets de l’expropriation elle-même au moyen de cette idée, elle sert encore à enlever à la cession volontaire le caractère d’une vente ; on lui donne le caractère d’une simple soumission à ce droit préexistant. Cela résulte très clairement de ce que, par exemple, Granite expose, Ent. R., p. 166 : « Le propriétaire, dit-il, préfère se soumettre volontairement à son sort qu’il a reconnu inévitable… Il ne vend pas son immeuble ; il souffre qu’on le lui enlève… Cette soumission volontaire remplace le prononcé de l’expropriation ». Ce sont presque textuellement les expressions dont se sert Laband dans Arch. f. civ. Pr., 52, p. 172. Elles ont toutefois, chez ce dernier auteur, un sens différent ; pour Laband, il s’agit de combattre la doctrine qui admettait un acte de vente à côté de l’acte d’autorité produisant l’expropriation. « Tout aussi bien, déclare-t-il, pourrait-on établir la fiction, que le coupable, condamné à un emprisonnement, a fait avec l’administration de la prison un contrat de bail avec nourriture, ou que le fraudeur, dont les marchandises ont été confisquées, en a fait cadeau au fisc ». De même, quand on subit l’expropriation et que l’on renonce à lutter, on ne fait pas de vente, etc. Cette phrase, comme on le voit, signifie ici tout autre chose que chez Grünhut, et on ne peut que l’approuver. Cependant, Laband, lui aussi, glisse sur la même pente, quand il laisse échapper, en passant, cette phrase : « le propriétaire, qui s’est convaincu que l’expropriation est légalement possible et que l’indemnité offerte est suffisante, n’a aucun motif pour provoquer une décision de l’autorité administrative compétente ou du tribunal » ; c’est pour cela que, d’après Laband, il se laisse simplement enlever son immeuble. Evidemment ici, dans l’intention d’en finir radicalement avec les erreurs de l’opinion contraire, on s’est débarrassé de quelque chose : nous ne pouvons pas nous passer aussi de l’acte d’autorité pour nous contenter d’une soumission in abstracto. Ou bien le coupable devra-t-il faire sa prison sans jugement en vertu de sa soumission seule ; le fraudeur perdra-t-il sa propriété sans acte de confiscation par le seul fait qu’il en reconnaît la nécessité ? Naturellement, on ne veut pas le dire, mais c’est ainsi qu’on laisse la soumission de la partie à exproprier produire son effet, soumission qui n’est pas une convention et qui, cependant, remplace l’acte d’expropriation. Comment, dans ce cas la propriété devra-t-elle se transmettre ? Trois cas sont possibles : ou bien il y a un décret d’expropriation ; alors, comme Laband l’expose avec raison, une convention est inutile ; la propriété se transmet par cet acte même ; — ou bien il y a une cession conventionnelle ; alors elle remplace, on peut bien le dire, le prononcé de l’expropriation, et la propriété est transférée en vertu de cette convention ; — ou bien l’on ne provoque pas d’acte d’expropriation et il n’y a pas non plus de consentement pour faire une convention ; alors, il n’arrive rien du tout. — En ce sens, contre Laband et aussi contre Grünhut, G. Meyer dans Ztschft f. d. deutsche Gesetzgebung, VIII, p. 581, note 83. [↩]
- Loi d’exécut. Bav. à la C. P. O. art. 55 ; loi d’expropr. Pruss., § 26, al. 2 ; loi Française de 1841, art. 13. Cette dernière loi simplifie, en même temps, les formalités à remplir, quand il s’agit de céder un immeuble appartenant à un mineur. Grünhut, Ent. R., p, 192, cite par erreur, au lieu de cet art. 13, l’art. 25 de la même loi, article qui parle d’un arrangement sur l’indemnité, intervenant après l’expropriation accomplie ; cela l’entraine à des conclusions fausses. Comp, encore la loi d’expropr. Sax. § 78. Schelcher, dans son Commentaire, p. 438 note, remarque très bien qu’il s’agit ici de respecter la prépondérance du droit de l’Empire. Nous sommes, avec ces conventions, sur le terrain du droit civil. La loi d’introd. au Code civil allemand, art 109, fait bien une réserve au profit de la législation particulière, en ce qui concerne l’enlèvement de la propriété, opéré dans l’intérêt public ; mais cela ne s’applique pas directement aux conventions qui se font à l’occasion d’une pareille procédure. Dès lors, pour les y attacher plus intimement et assurer à la législation particulière la possibilité d’une réglementation indépendante du droit civil de l’Empire, il faudrait faire intervenir l’autorité administrative qui dirige l’expropriation. Cela se fait ordinairement ainsi : la convention, pour profiter de toutes ces prescriptions spéciales, doit être soumise à l’autorité d’expropriation et confirmée par elle. Toutefois, à mon avis, la question reste délicate. [↩]
- Loi d’expropr. Pruss., § 46 : Bähr et Langerhaus, Comment, p. 112 ; comp, la note 39 ci-dessous. Loi d’expropr. Sax, § 78. — Grünhut, Ent. R., p. 186, remarque avec raison que, grâce à ces particularités, la convention équivaut à l’expropriation ; mais il a tort de croire qu’à cause de cela cette convention est une véritable expropriation. Comp, aussi v. Rohland, Ent. R., p. 36 ; Gleim dans Arch. f. Eisenbahnwesen, V, p. 61. Il arrive très souvent, en droit civil, que des conventions font disparaître ainsi les droits de tiers (Code civil all., § 932-934 ; Code de com. all., § 366) ; on ne les appelle pas pour cela des expropriations. Et c’est avec raison. [↩]
- C’est l’avis de G. Meyer, R. der Expropr., p. 212 ; il déclare directement applicables les règles de la 1. 15, C., de contr. emt. A peu près dans le même sens se prononce F. Seydel, Preuss. Ges. über d. Ent., p. 57, note 6. R. G., 3 nov. 1880, établit en pareil cas la fiction d’un prix de vente, en vue d’obtenir pour sa décision un point de départ touchant les intérêts ; mais il nous semble, qu’on pourrait arriver à une juste solution à cet égard, sans faire un pareil détour. [↩]
- Du moins, dans le doute, les parties contractantes seront censées avoir voulu cela. Elles peuvent déterminer autrement cette obligation. Comp. sur la question d’interprétation : G. Meyer, R. der Expropr., p. 239. [↩]
- Loi d’expropr. Sax. § 78. Loi d’expropr. Pruss. § 46. Le texte de cette dernière loi ne semble viser que notre cas, celui d’une cession de l’immeuble avec réserve de la fixation de l’indemnité. R. G., 23 mai 1881 (Samml. V, p. 246) ; par conséquent, cette loi veut restreindre l’effet de la suppression des droits des tiers, prévu par le § 46, à cette espèce de convention, et le refuser à un contrat de vente complète. Mais une interprétation aussi étroite n’est pas soutenable. Supposons que les parties aient d’abord convenu la cession avec réserve de la procédure pour l’indemnité ; dans ce cas, d’après le § 46, les droits des tiers seront éteints en vertu de cette convention. Que les parties, après coup, tombent d’accord sur cette indemnité, devra-t-on, suivant la doctrine du Tribunal de l’Empire, faire revivre ces droits puisqu’il y a maintenant vente complète ? Evidemment non. Pourquoi alors devrait-il en être autrement quand la vente, au lieu de se faire successivement, est conclue d’un seul coup ? [↩]
- Seydel, Bayr. St. R. III p. 635 : « Jusqu’à l’accomplissement de l’expropriation (le transfert de propriété effectué), l’expropriant peut retirer sa demande. Mais il ne pourra pas rompre l’expropriation accomplie ». [↩]
- D’après la loi d’expropr. Pruss., § 21, à l’occasion de la désignation des immeubles à exproprier, on pourra fixer un délai maximum dans lequel l’entrepreneur devra faire usage du droit d’expropriation. Une pareille prescription pourra aussi être insérée dans l’ordonnance royale qui ouvre la procédure. Toujours l’inobservation du délai amène la péremption de la procédure, y compris l’acte qui a fixé le délai, mais non pas ce qui le précède : Loebell, Ges. über die Ent., p. 188 ; G. Meyer, dans Ztschft. f. deutsche Gesetzgebung VIII, p. 577. Le délai est observé, même quand la procédure se poursuit, pourvu que, pendant le délai, la partie poursuivante ait accompli l’acte qui lui incombe en premier lieu. En sens contraire, G. Meyer, l. c. p. 557, soutient qu’on n’a « fait usage du droit d’expropriation » que quand on a, dans ce délai, poussé les choses jusques et y compris la demande en fixation de l’indemnité : en effet, dit-il, cet acte est « le dernier qui dépende entièrement de la volonté de l’entrepreneur ». Mais nous ne voyons aucun motif pour que cela soit décisif en ce qui concerne l’observation du délai ; la loi aurait pu le prescrire, si elle le trouvait utile ; mais elle ne l’a pas fait. Toutefois, à mon avis, il va de soi que l’entrepreneur, ayant « fait usage » en temps utile, n’est pas libre de laisser ensuite les choses en l’état. Loebell, l. c., p. 42, croit qu’on devrait toujours lui fixer de nouveaux délais, d’un acte à l’autre. Mais comme la loi ne l’a pas permis, il sera préférable de s’en tenir à la simple question de savoir si l’entrepreneur, par la discontinuation de la procédure, a perdu le bénéfice de ce « faire usage », par lequel il a dû sauvegarder le délai préfixe ? C’est une question d’appréciation ; elle sera résolue par l’autorité qui prononcera la déchéance. — D’après la loi d’expropr. Bad. du 28 août 1855 et la loi Württemb. du 20 déc. 1888, l’entrepreneur doit, dans un certain délai à partir de la désignation des objets de l’expropriation, faire fixer l’indemnité, obtenir le prononcé de l’expropriation et la rendre efficace par le paiement de l’indemnité (Comp. la note 26 ci-dessus) ; faute par lui de l’avoir fait, toute la procédure tombe, y compris l’ordonnance qui avait admis l’expropriation au profit de cette entreprise. L’entrepreneur, dit-on, perd le droit d’exproprier. — Comp. aussi loi d’expropr. Sax., § 12 al. 4. [↩]
- Loi d’expropr. Française de 1841, art. 14, al. 2 : « si, dans l’année de l’arrêté qui désigne les immeubles à exproprier, l’entrepreneur n’a pas obtenu le prononcé de l’expropriation, le propriétaire est autorisé à la poursuivre » ; art. 55 : « si, dans les six mois du prononcé de l’expropriation, l’entrepreneur ne poursuit pas la fixation de l’indemnité, le propriétaire pourra la provoquer ». [↩]
- Loi d’exécution Bav. à la C. Pr. O. art. 46 al. 2 : « Si dans les six mois de la cession volontaire (avec réserve de la fixation de l’indemnité) ou du décret définitif ordonnant la cession, la procédure pour l’estimation de l’objet à exproprier n’est pas introduite, faute d’une demande de l’expropriant, le propriétaire à exproprier sera autorisé à faire cette demande ». [↩]
- Loi d’expropr. Pruss., § 52 al. 2 : « Si l’entrepreneur se désiste, après que la fixation a été déjà faite par décret du gouvernement de district, le propriétaire aura le choix de demander simplement une indemnité pour le préjudice qui lui a été causé par la procédure d’expropriation, ou d’exiger le paiement de l’indemnité fixée contre la cession de l’immeuble ». Le paiement est exigé par la voie d’une demande judiciaire ; cette demande n’est qu’un moyen pour transformer la condition à remplir avant le prononcé de l’expropriation (ce que l’indemnité signifiait dans le décret du gouvernement du district) en une obligation de payer exécutoire. Comp. les motifs de la loi dans Dalcke, das Ges. über die Enteignung, p. 126 note 103 ; G. Meyer, dans Ztschft f. deutsche Gesetzgebung VIII, p. 578, note 79. [↩]
- La loi d’expropr. Pruss., § 42 al. 2, par son texte, autorise le propriétaire à poursuivre l’indemnité spécialement dans le cas de désistement ; mais naturellement, cela comprend aussi le cas de retard dans les poursuites. D’après la législation Bav. (Comp. la note 42 ci-dessus), le propriétaire pourra même poursuivre la fixation de l’indemnité ; mais ce droit cessera si le désistement est déclaré formellement avant que cette fixation n’ait eu lieu. Dans ce cas, il ne lui sera dû qu’une indemnité pour les restrictions qu’il avait subies par suite de la procédure, conformément à la loi d’expropr., art. 12, al. 3. Après la fixation, il faut que l’exproprié puisse aussi poursuivre le paiement effectif ; sans cela, il n’y aurait pour lui aucune utilité à pouvoir obtenir la fixation. Dès que nous lui reconnaissons ce droit, il est clair qu’un désistement qui se ferait après coup ne pourrait plus le lui enlever. [↩]
- Mais pour cela on ne devra cependant pas croire, avec G. Meyer, dans Wörterbuch I, p. 359, qu’il serait créé aussi, pendant la procédure, « à la charge de l’expropriant, une obligation de prendre livraison de l’objet de l’expropriation ». C’est la vieille théorie des obligations qui précéderaient l’expropriation. Sous l’influence de cette même idée, Loebell, Ges. über d. Enteignung, p. 189, caractérise la situation d’une manière tout à fait fausse, en traitant le désistement comme la violation d’un contrat, et en appelant l’entrepreneur qui se désiste « la partie coupable ». L’entrepreneur a le droit de se désister, et l’autre a le droit de poursuivre et de retenir ce qui a été légalement payé. Il n’y a ici ni obligation réciproque, ni culpabilité. [↩]
- Le droit à indemnité, d’après la législation allemande, se poursuit régulièrement par la voie de droit ordinaire, c’est-à-dire devant les tribunaux civils, comme cela a lieu pour les indemnités dépendant du droit public en général (Comp. t. I, § 16, II). Les règles particulières concernant la compétence et les formes de la procédure, qui ont été prescrites pour l’indemnité d’expropriation, ne trouvent pas à s’appliquer à ces questions. [↩]
- G. Meyer, R. der Expropr., p. 264, admet, dans ces circonstances, un droit de réquisition qui irait de soi : « Ce droit de répétition résulte de l’expropriation même ; par conséquent, il n’a pas besoin d’être reconnu expressément par la législation particulière ». En ce sens, Grünhut, Ent. R., p. 162 ss., Schelcher, Rechtswirkungen, p. 176, imagine une institution de la « révocation par l’Etat de l’expropriation effectuée », par laquelle l’Etat pourrait, « en vertu de son droit de supériorité, déclarer l’entrepreneur qui n’a pas besoin de l’immeuble exproprié, déchu de cette propriété, pour l’attribuer de nouveau à l’exproprié, qui désire la ravoir ». Cela doit également s’entendre de soi, et l’auteur le considère directement comme faisant partie du droit existant (l. c., p. 180). Mais on ne peut voir là que de bonnes idées de lege ferenda. [↩]
- On trouvera des exemples de ces droits de préemption dans la loi d’expropr. Bad. de 1835, § 80 ; loi d’expropr. Sax. de 1855, § 7 ; loi de 1902, § 88 ; loi d’expropr. Pruss. de 1874, § 57. G. Meyer, R. der Expropr., p. 269 : « Ce n’est pas un droit résultant directement des principes généraux de l’expropriation ; dès lors, il ne peut être considéré comme existant que dans le cas où la législation particulière l’aura reconnu expressément ». [↩]
- Thiel, das Expropr. R., p. 61 et ss., appelle cela un droit de « réexpropriation » ou de « réappropriation » ; Seydel, Bayr. St. R. III, p. 642, un « Wiederenteignungsrecht » (traduction littérale de droit de réexpropriation). Il faut citer ici surtout la loi d’expropr. Bav., art. XII, al. 4, et la loi Française de 1841, art. 62. Cette dernière fait une application extensive du principe contenu déjà dans la loi d’expropr. du 7 juillet 1833. Grünhut, Ent. R., p. 162 ss., expose cette matière d’une manière très explicite, en reproduisant les thèses de la doctrine française comme des règles qui auraient une autorité universelle et qui proviendraient de la nature même des choses. La loi d’expr. Sax., § 83, établit un droit de réacquisition « pour non-emploi », à côté du droit de préemption sanctionné par le § 88. [↩]
- La loi peut déterminer, selon son bon plaisir, les faits qui donneront lieu à ce droit : ici tout est le bienfait de la loi ; rien ne s’impose comme exigé par la nature des choses. Ainsi la loi Bavaroise exige que l’entreprise entière ait cessé ; le fait que l’un ou l’autre des immeubles n’a pas été employé, ne donne aucun droit (Hartmann, Ges. über die Zwangsabtretung, p. 63, note). La loi d’expropr. Sax., § 83, est plus large. D’un autre côté, il peut suffire, pour exclure le droit de réacquisition, que l’immeuble soit utilisé par une entreprise publique autre que celle en vue de laquelle l’expropriation a eu lieu : il y a, à cet égard, une différence entre la législation de la Bavière et celle de la France (Grünhut, Ent. R., p. 166). La révocation s’applique-t-elle seulement à une véritable expropriation ou embrasse-t-elle également le cas d’une cession faite au cours de la procédure ? C’est une question d’interprétation de la loi ; la loi peut vouloir l’un aussi bien que l’autre. Comp. Grünhut, l. c., p. 163. [↩]
- Grünhut, Ent. R., p. 166 ; de Lalleau, Traité de l’expropr. II, no 1145. Loi d’expropr. Sax., § 84, 85 ; Schelcher, Comment., p. 453. [↩]
- Schelcher, Rechtswirkungen, p. 176, exige, au nom de l’institution qu’il déduit de la nature des choses, que la réexpropriation soit prononcée par un acte de libre appréciation, comme l’expropriation elle-même ; il y aurait ainsi une harmonie complète. Mais tandis que l’expropriation décrète que l’intérêt public exige tel ou tel immeuble, la réexpropriation, telle qu’elle a été créée par le droit positif, déclare que l’immeuble en question est devenu libre par le fait que l’entreprise publique qui l’avait réclamé, n’a pas été mise en œuvre ou ne l’a pas employé à son service. Ce ne sont pas des questions de libre appréciation. — Sur la question de compétence, Hartmann, Ges. über d. Zwangsabtretung, p. 62, note 4 : « Devant quelle autorité doit-on poursuivre ce droit ? Cela n’a été déterminé par aucune disposition spéciale de la loi. Mais il est évident que le droit de réacquisition, c’est-à-dire la question de savoir si les conditions de la réacquisition sont remplies, ne pourra être jugée que par les tribunaux administratifs, c’est-à-dire par le gouvernement du district et la cour administrative ; par conséquent, par les mêmes autorités qui avaient à statuer sur la question de l’obligation de céder l’immeuble ». C’est la conséquence logique de la nature même de la réacquisition. Le droit français renvoie la réacquisition devant les tribunaux civils ; cela se comprend ; d’après le droit français, les tribunaux civils sont devenus compétents pour toutes les affaires concernant l’expropriation, par exception et contrairement aux principes généraux qui leur refuseraient cette compétence : Cass., 29 mai 1867, Dalloz, 1867, I, p. 297 ; ma Theorie d. franz. V. R., p. 236. [↩]
- Loi d’expropr. Bav., art. 12, al. 4 ; loi d’expropr. française de 1841, art. 60 ; loi d’expropr. Sax., § 84, al. 2. [↩]
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