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Préfaces au Droit administratif allemand

Le droit dministratif allemand. Tome 1

Citer : Otto Mayer, 'Préfaces au Droit administratif allemand, Le droit dministratif allemand. Tome 1 ' : Revue générale du droit on line, 2019, numéro 30197 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=30197)


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PRÉFACE DE M. BERTHÉLEMY

[I] Les travaux de M. le professeur Otto Mayer sont connus, en France, de tous ceux qui s’intéressent aux questions de droit public.
Personne n’ignore avec quelle science et quelle conscience l’éminent auteur a initié ses compatriotes à la connaissance du droit administratif français. Il acquiert un nouveau titre à notre gratitude en empruntant notre idiome pour nous initier nous-mêmes à la connaissance du droit administratif de l’Allemagne.

L’entreprise a un trop haut intérêt pour n’être pas accueillie avec toute la faveur qu’elle mérite. Elle vient très à propos, d’ailleurs, au moment où les études de droit administratif prennent, chez nous, une orientation nouvelle.
Dans notre pays comme dans les Etats allemands, le droit administratif est de construction moderne. Il est né et s’est développé lorsque « le régime du droit » –– je dirais plus volontiers « le régime de la légalité » –– a succédé au « régime de la police ».

L’administration de l’ancienne monarchie française était essentiellement discrétionnaire. Elle n’était contenue par aucune règle juridique. C’est [II] très improprement qu’on aurait pu parler en ce temps de droit administratif puisqu’il n’existait aucune limite précise aux pouvoirs des agents du roi, aucune procédure obligatoire pour l’exercice de leurs fonctions, aucunes libertés que les « sujets » pussent faire prévaloir sur les commandements donnés au nom du « Souverain ».

Le régime moderne issu de la Révolution française repose sur des principes radicalement contraires. On caractérise la transformation qui s’est opérée en disant que la souveraineté nationale a été substituée à la souveraineté personnelle des rois. « La chose principale, c’est que la loi seule commande ; ce qui a été désiré si douloureusement au cours des luttes des anciens parlements est maintenant réalisé. La loi est placée au-dessus de toutes les autres autorités de l’Etat ».1

La loi doit être, d’ailleurs, l’expression de la volonté générale. La conformité de la volonté générale aux décisions formulées par la majorité des élus de la nation est acceptée comme un postulat nécessaire, et c’est sur ce postulat qu’est instauré le nouvel ordre politique.

Le prince n’en est pas forcément exclu, et la monarchie moderne s’accommode sans difficulté des principes de la Révolution. Le monarque sera le premier fonctionnaire de l’Etat ; il peut être aussi le représentant le plus qualifié de la nation, collaborateur plus ou moins obligé du groupe d’hommes [III] dont les suffrages sont tenus pour l’expression de la volonté générale. Comme les autres citoyens, cependant, il subit la loi qu’il a préparée ou consentie. C’est en définitive la loi seule qui règne ; aucune autorité n’existe que par elle ; les actes de l’administrateur, qui ont en elle leur justification et leur sanction, y trouvent en même temps leur limitation et en reçoivent leur forme obligatoire. Désormais, les rapports de l’administration et des administrés prennent un caractère juridique. Les administrés ont des droits dont le respect s’impose à l’organe de la souveraineté. Leur activité reste libre et leur indépendance est absolue dans tout le domaine que la loi n’atteint pas.

Dans l’État moderne construit sur cette base, l’administration ne peut plus être en aucun cas l’intervention discrétionnaire des agents chargés de maintenir l’ordre. C’est une machine savante, composée de rouages multiples et complexes ; chacun de ces rouages a ses contours précis et sa fin propre : il s’agit de donner satisfaction, par des solutions nettement arrêtées, aux besoins très divers des administrés, d’organiser tout un système de précautions et de garanties, de régler, par des transactions où l’infinie variété des situations sera minutieusement prévue, les inévitables conflits qui surgissent entre les droits des individus et les pouvoirs des détenteurs de l’autorité.

Le droit administratif implique, sous le régime de la légalité, l’existence d’un appareil considérable.
[IV] Cet appareil n’a pu se former d’un seul jet ; il s’est construit pièce à pièce ; chaque pièce n’a reçu sa forme définitive qu’a près des tâtonnements plus ou moins nombreux et des retouches plus ou moins profondes.
Constater et coordonner les règles éparses édictées au fur et à mesure de la manifestation des besoins auxquels on entendait satisfaire, en déterminer le sens, en indiquer la portée, en définir le fonctionnement, en apprécier les résultats, telle fut la tâche ingrate, lourde et presque exclusive de ceux qui, dans les deux premiers tiers du XIXe siècle, ont écrit sur le droit administratif français.

Nous avons aujourd’hui d’autres préoccupations. Le droit administratif a sa jurisprudence presque établie, ses usages à peu près fixés. La théorie, cependant, n’en est pas achevée puisque l’accord n’existe, entre ceux qui agitent ces intéressants problèmes, ni sur la nature de l’organisation de la puissance publique, ni sur les principes supérieurs auxquels doivent obéir les manifestations de l’activité administrative.

Pour nous armer dans les controverses auxquelles ces questions donnent naissance, nous cédons volontiers à la tentation d’emprunter des arguments tout faits à la philosophie juridique de nos collègues d’Allemagne et aux solides ouvrages de droit public dont ils ont enrichi la science. On peut regretter que nous nous arrêtions insuffisamment à l’étude des institutions mêmes qui [V] ont servi de matière première à ces constructions théoriques.

Sans aucun doute, la similitude est grande entre les solutions pratiques du droit administratif allemand et celles qui ont prévalu en France. Gardons-nous cependant de méconnaître la différence caractéristique qui existe entre les deux législations et qui tient apparemment aux conditions dans lesquelles elles se sont développées.

Le passage du régime de la police au régime du droit s’est fait en France d’un seul coup. M. Otto Mayer constate la brusquerie avec laquelle les idées nouvelles y ont été formulées et mises immédiatement à exécution. La destruction complète des vieux cadres de l’activité administrative, l’abolition des anciennes formules, la suppression d’organismes vermoulus qui apparaissaient comme des instruments de tyrannie, tel est le premier objectif de l’effort révolutionnaire. La Révolution fait avant tout, table rase du passé ; l’édifice nouveau qu’on élèvera sur ces ruines ne doit emprunter aucun de leurs matériaux.

Tout autre est le spectacle de ce qui s’est passé en Allemagne. C’est par une évolution pacifique et presque insensible que le régime de la légalité s’est introduit dans la chose publique, se superposant au régime de la police plutôt qu’il ne s’y substituait.

Les pouvoirs du prince ont cédé devant l’autorité de la loi dans tous les cas où la loi s’est prononcée ; ils se sont maintenus, sans que leur [VI] physionomie primitive fût modifiée, dans le vaste champ des matières qui échappent à l’action de la loi.

« N’oublions pas, dit M. Otto Mayer, que pour l’administration existe la possibilité d’agir en dehors de la sphère de l’exécution de la loi, en dehors de toute direction de la part de la loi. Tel est le cas toutes les fois qu’il n’y a pas de loi en la matière. » — Qu’est-ce donc que l’action administrative en dehors de la sphère d’exécution de la loi, sinon la survivance partielle du régime de la police ?
« Le droit français, dit encore M. Otto Mayer est particulièrement instructif pour nous parce qu’il est toujours en avance sur le nôtre de quelques pas ». Cette avance se manifeste précisément ici : le régime de la légalité, progrès incontestable sur le régime de la police, est intégralement réalisé dans le droit administratif de la France. On ne saurait en dire autant du droit de l’Allemagne où la voluntas regis garde à côté de la souveraineté nationale une place assez large pour ressembler encore à la suprema lex.
Cette différence assez tranchée entre les principes qui dominent le régime administratif de l’un et l’autre pays se reflète dans la conception qu’ont les savants allemands du fondement de l’autorité publique.
Convient-il d’envisager l’Etat moderne, comme une personne réelle ou figurée, héritière des droits subjectifs de souveraineté dont les princes étaient [VII] jadis titulaires ? N’est-il pas préférable de ne voir dans l’expression « souveraineté nationale » qu’une formule commode pour nier la subordination de la nation à toute souveraineté personnelle ? Les savants allemands acceptent la première solution. La seconde nous paraît plus conforme aux doctrines individualistes de la Révolution française d’où le droit public moderne est sorti.

Nous nous refusons à voir, dans la conception nouvelle de la souveraineté, un faisceau de droits subjectifs de la collectivité, devant lesquels les droits de l’individu s’anéantissent sous réserve des libertés que le souverain daigne concéder à chacun de nous.

Benjamin Constant signalait, dans son Cours de politique constitutionnelle2, l’erreur de ceux qui accordent à la souveraineté du peuple un pouvoir sans bornes… « Ils ont vu dans l’histoire, un petit nombre d’hommes, ou même un seul, en possession d’un pouvoir immense, qui faisait beaucoup de mal ; mais leur courroux s’est dirigé contre les possesseurs du pouvoir, et non contre le pouvoir lui-même. Au lieu de le détruire, ils n’ont songé qu’à le déplacer. C’était un fléau ; ils l’ont considéré comme une conquête. Ils en ont doté la société entière… »
N’encourt-on pas ce reproche lorsqu’entre le [VIII] régime aboli il y a cent ans et l’ère dans laquelle nous vivons on n’aperçoit que cette différence : les droits subjectifs de l’État substitués aux droits subjectifs du prince ?
Nous admettons sans difficulté que les décisions tenues pour l’expression de la volonté générale s’imposeront à tous avec la même rigueur que les ordres les plus arbitraires du monarque le plus absolu. Nous tenons cependant pour constant que les libertés individuelles ne sont pas des concessions de la volonté générale. Elles ne sont pas ce que les individus ont reçu de la collectivité ; elles sont ce qu’ils n’ont pas abdiqué dans l’intérêt de la collectivité.

« Tous vos sujets disait à Louis XIV un de ses courtisans, vous doivent leur personne, leurs biens, leur sang, sans avoir le droit de rien prétendre. En vous sacrifiant tout ce qu’ils ont, ils font leur devoir et ne vous donnent rien puisque tout est à vous. » — Un tel langage nous apparaîtra-t-il moins archaïque et en opposition moins violente avec les principes modernes de notre droit constitutionnel, si, dans la phrase, nous substituons à la personne réelle du roi cette personne figurée : l’État ?
C’est très improprement à mon sens, que l’on considère l’exercice de la souveraineté nationale par les autorités constituées comme l’exercice des droits subjectifs de la personne « État ». On m’excusera de reproduire ici la critique déjà faite ailleurs de cette conception que je regarde, quand [IX] il s’agit du droit français, comme inexacte, dangereuse et inutilement compliquée.3

« La fiction de personnalité n’est indispensable que s’il s’agit de représenter l’État comme sujet de droits ; les personnes seules, en effet, ont des droits. Or, c’est une erreur que de voir dans l’usage de la puissance publique un exercice de droits. Les agents qui commandent n’exercent pas les droits du souverain ; ils exercent sa fonction.

Je tiens en outre cette conception pour dangereuse : quand on regarde la puissance comme l’exercice d’un droit on est fatalement conduit à diminuer les droits certains des individus au profit des droits prétendus de la collectivité. Si l’on envisage au contraire la puissance publique comme l’exercice d’une fonction nécessaire, on n’a pas la tentation d’empiéter sur les droits des citoyens pour accroître le rôle du gouvernement, qui agit pour la collectivité.

C’est enfin une source d’inutiles complications : si l’usage de la puissance est l’exercice de droits subjectifs de l’État, voilà donc des droits d’un genre tout nouveau, tels que les individus n’en peuvent avoir. Les individus, les uns à l’égard des autres, n’ont pas de droits de contrainte. L’État, qui a ces droits, ne les tient pas de sa seule personnalité si cette personnalité [X] n’est que l’assimilation fictive à une personne naturelle. Le fait qu’on le regarde comme une personne ne peut lui attribuer que les droits des personnes.
Les auteurs dont je refuse de suivre le sentiment, sentent bien cette difficulté : non contents de la fiction qui fait de la collectivité un être moral, ils y ajoutent une autre fiction plus compliquée donnant à cet individu une personnalité plus étendue. Ils expriment cela en disant que l’État est une « personne publique ». C’est là que nous voyons une complication inutile. Si nous nous bornons en effet à l’État les attributs ordinaires de la personne humaine, la fiction de personnalité est commode et simple ; on comprend clairement ce qu’elle veut dire, mais elle ne suffit pas, dans le droit, moderne pour expliquer les actes de souveraineté. Si l’on tient au contraire à étendre la fiction de personnalité aux actes de souveraineté, on se voit obligé de la dénaturer : pourquoi, alors, y avoir recours ? »
De quoi s’agit-il en définitive ? D’expliquer pourquoi des hommes, organes de l’État ou représentants de l’État, peu importe la qualification qu’on leur donne, — disons même plus simplement fonctionnaires de l’État —, ont le pouvoir juridique de commander à leurs concitoyens. La Constitution, tenue pour l’expression de la volonté générale a dit par quels procédés seraient désignés les hommes qui « voudraient » la loi et ceux qui auraient mission de la faire observer. Aux [XI] uns ou aux autres, a-t-elle de la sorte conféré des droits ? Nullement ! Elle les a investis de pouvoirs, de charges, de fonctions. C’est l’agent lui-même qui a charge d’agir. En quoi cette charge s’explique-t-elle mieux si nous la tenons pour l’exercice d’un droit, de l’État ?

Au point de vue du langage, il peut être commode de comparer l’Etat à une personne, même quand on l’envisage comme puissance publique en un seul mot, on synthétise ainsi l’ensemble des fonctionnaires investis par la volonté générale de la fonction d’agir pour la collectivité. Prise comme expression d’une vérité juridique, cette comparaison ne projette, sur les faits qu’il s’agit d’expliquer, aucune clarté supplémentaire.
Les fonctionnaires élus ou nommés conformément à la volonté générale n’ont pas de droits subjectifs dont la portée indécise menace nos libertés individuelles. Ils n’ont que le rôle rigoureusement mesuré, strictement arrêté par la formule même du texte qui le leur attribue. Ne disons pas que, détenteurs collectifs de l’autorité suprême, ils peuvent tout, sauf ce qui leur est interdit. La vérité c’est qu’ils n’ont que les pouvoirs limités que leur a conférés la volonté générale.

Ce que j’écris ici me parait exact s’il s’agit de l’Etat français, de l’administration française, du droit français. Le droit allemand ne s’accommode pas de ces explications : à aucun moment de son développement, nous ne le voyons franchir le fossé qui sépare la conception ancienne de la souveraineté [XII] (droits subjectifs illimités du souverain), de la conception qu’on en peut avoir dans l’État moderne. Ce qu’en pensent les écrivains qui ont exposé la théorie du droit public allemand est d’accord avec les institutions positives de leur pays. L’étude du droit administratif de l’Allemagne en fournira, par mainte et mainte particularité, la démonstration pratique.

Familiarisé avec nos méthodes et avec notre tournure d’esprit, avec les détails de notre droit autant qu’avec les nuances de notre langue, l’éminent écrivain à qui nous devons le présent ouvrage sera pour nous, à travers les difficultés que présente cette étude, le guide le plus sûr et le mieux qualifié.

H. BERHTÉLEMY

PRÉFACE DE L’ÉDITION FRANCAISE

[XIII] Le droit administratif, dans les différentes nations qui représentent la vieille civilisation européenne, a pour base certains principes généraux qui sont partout les mêmes. Dans la littérature allemande, l’ensemble de ces principes a trouvé son expression dans l’idée du Rechtsstaat, de l’Etat régi par le droit. Le Rechtsstaat suppose, d’une part, une certaine organisation de la puissance publique, organisation qui tend à diriger, dans la mesure du possible, les agissements de l’administration d’après des règles de droit qui s’imposent à elle et qui déterminent à l’avance la situation juridique des individus sur lesquels elle agit. D’autre part, le Rechtsstaat veut aussi que ce qui doit avoir lieu dans le cas individuel soit fixé d’une manière formelle par un acte obligatoire équivalant au jugement du tribunal civil : c’est à cela que répondent l’acte administratif et surtout la justice administrative.
Dans ces conditions, il n’est pas sans intérêt de rechercher comment les idées connexes ont été appliquées dans un pays voisin et d’examiner de près ses institutions administratives. Pour le jurisconsulte français, la législation allemande doit présenter, à cet égard, un intérêt particulier. Cela se comprend facilement. La formation du droit allemand a, de tout temps, été ouverte aux influences étrangères. Pour ce qui concerne le droit public moderne, c’est surtout le droit français qui a servi de guide et de modèle. A [XIV] coup sûr, il ne faut rien exagérer ; il ne faut point vouloir expliquer tous les points communs par des emprunts au droit français. Une large part doit être faite au parallélisme des idées communes à tous les pays. Il reste, cependant, un assez grand nombre de matières dans lesquelles l’influence directe du droit français ne saurait être méconnue. Maintes fois, le droit français a été simplement copié. Plus souvent on a adopté et transformé les institutions françaises en les combinant plus ou moins avec des idées d’origine allemande.

Le droit administratif’ allemand, pour la plus grande partie, n’a point profité de l’unification de l’Empire ; il est l’œuvre des législations particulières des différents Etats. Il présente donc de grandes variétés. Nulle part, l’élément français n’est resté tout à fait étranger. Mais on pourrait classer ces législations d’après le degré d’influence qu’elles ont subi. Le jurisconsulte français reconnaitra partout des formes de son droit national ; tantôt il les retrouvera transportées dans un milieu nouveau, tantôt il les verra se heurter à des principes étrangers.

L’ouvrage, dont j’offre la traduction, occupe une place particulière dans la littérature du droit administratif allemand ; cela lui a valu des partisans et des adversaires. J’ai, dans ce livre, repoussé le système traditionnel qui se plaçait exclusivement au point de vue de la science administrative et de l’économie politique. J’ai essayé de suivre un système purement juridique, à peu près comme l’a fait Laband pour le droit public de l’empire allemand. Je reconnais que, pour édifier mon système, j’ai passé par l’école des jurisconsultes français ; j’ai beaucoup appris à l’étude de leur doctrine du droit administratif. Mais c’est bien à tort que l’on m’a reproché de vouloir introduire des manières de voir françaises et étrangères au génie [XV] du droit allemand. Le lecteur français n’hésitera pas, je l’espère, à reconnaître combien mon livre est allemand pour la manière de penser et d’exprimer les idées. Si j’ai eu l’ambition de lui voir trouver un lieu du caractère français, c’est pour la clarté du style et la netteté de l’expression. Il y a encore chez nous, il est vrai, des savants auxquels cela suffit à causer un certain malaise. Je crois inutile de les nommer.

Pour avoir osé faire moi-même la traduction de ce livre, j’invoquerai les avantages que l’auteur a sur tout autre traducteur. C’est lui qui, naturellement, est le meilleur garant que le sens de l’original a été bien compris ; c’est là, pour l’auteur, le point capital et peut-être aussi pour le lecteur. L’auteur est aussi le mieux placé pour apporter les changements convenables, afin de mieux exprimer sa pensée ou même de la rectifier. C’est ce que j’ai fait en plusieurs endroits ; en particulier, pour une partie de mon exposé sur la nature des droits publics subjectifs et sur la force de la chose jugée en matière administrative, il n’existe point d’original allemand. Je puis encore invoquer, pour excuser la hardiesse de mon entreprise, ma sympathie pour la noble langue française. Mais tout cela, je le sais très bien, ne suffit pas pour faire une traduction élégante et convenable. Je n’ignore pas que j’ai besoin de beaucoup d’indulgence. Et j’aurais craint d’abuser de celle sur laquelle il m’est permis de compter si M. Gaston Jèze, mon excellent collègue, ne m’avait pas assuré son précieux concours pour apporter à ma traduction les retouches les plus nécessaires. Il ne me reste qu’à lui en exprimer mes vifs remerciements.

Leipzig, avril 1903
OTTO MAYER

PRÉFACE DE L’ÉDITION ALLEMANDE

[XVII] Lorsque j’ai eu à écrire un Droit administratif allemand, il m’a fallu remplir les conditions que, dans ma « Théorie du droit administratif français », j’avais posées pour un travail de ce genre. Toutefois, les difficultés étaient tout autres.

Le droit administratif français m’offrait un Etat unitaire avec un droit purement national. Pour le droit administratif allemand, au contraire, c’était la diversité des droits particuliers, subissant chacun à des degrés différents l’influence du droit étranger c’est-à-dire du droit français.
Là j’avais un droit tout moderne, issu d’un seul jet de la fournaise de la Révolution. Ici, c’était des transitions successives, mélangées de vestiges du passé.

Là, sur ces bases solides, je trouvais une doctrine bien assise avec une conformité remarquable dans les vues des écrivains. Je pouvais alors dire en toute sincérité que je n’étais qu’un rapporteur, ne faisant qu’exposer les faits des juristes français. Toutes les notions juridiques étant données d’une façon complète, je n’avais qu’à y apporter une expression différente et mon système personnel. Qui oserait prétendre que notre doctrine allemande sur le droit administratif soit arrivée, même approximativement, à une pareille perfection ?

Si les choses fûssent allées au gré de mes désirs, ce [XVIII] livre n’eût sans doute pas été écrit. Il fallait attendre, estimais-je, qu’une étude approfondie des détails des différentes matières eût frayé la route. Ce qu’il aurait fallu, c’était des monographies. Et, pour ma part, je m’étais déjà mis à l’œuvre pour contribuer à cette tâche. Mais lorsqu’il y a maintenant sept années l’invitation me fut adressée de collaborer à cette collection4 pour le manuel de droit administratif allemand, je ne crus pas pouvoir refuser. Peut-être avais-je quand même raison de m’attaquer courageusement à l’édifice pour le construire systématiquement d’après des vues d’ensemble. C’est pourquoi je me suis dit : avec l’aide de Dieu ! Et j’ai fait ce que j’ai pu.

Ce premier volume comprend toute la partie générale5 et, de la partie spéciale, les théories du pouvoir de police, et du pouvoir financier6, dans lesquelles la manifestation exclusive de l’autorité accuse si fortement le caractère de droit public.

Le second volume contient ensuite la théorie du droit réel public, celle des obligations spéciales de droit public : service personnel, charges publiques, concessions d’entreprises publiques, utilisation des services publics et rétributions qui s’y rattachent, etc., ainsi que la théorie, des personnes morales du droit public, en tant qu’elles appartiennent au droit administratif7. Partout nous constatons des analogies avec les institutions du droit civil qui servent de modèles. Ce volume, qui est achevé en manuscrit, paraîtra prochainement.
Je n’ai qu’une observation générale à faire touchant la terminologie.
[XIX] La langue juridique allemande est, pour notre matière, encore très imparfaite et défectueuse.

Le droit public, dans une large mesure, a besoin de faire des emprunts au droit civil ; il doit se servir des expressions du droit civil pour exposer ses théories. Je ne me suis fait aucun scrupule d’en user ainsi, ayant conscience que je maintiendrais toujours assez vigoureusement la différence entre ces deux sphères juridiques, pour qu’une confusion des idées fondamentales ne soit pas à craindre malgré l’identité des expressions.

Ce qui est plus regrettable, c’est que beaucoup des mots qui désignent nos notions les plus importantes aient plusieurs sens et servent à des notions distinctes. C’est ainsi, par exemple, que toutes les expressions qui désignent des activités de l’Etat, signifient, dans un sens métaphorique, les lieux dont ces activités partent ; elles ont donc, à côté du sens matériel, un sens personnel.

C’est le cas, par exemple, pour les termes : gouvernement, administration, législation, police. Il y a des expressions qui acquièrent encore un sens spécial quand on les considère dans une certaine opposition : telles sont les expressions gouvernement et représentation nationale. De plus, le développement historique a donné à ces expressions un sens différent suivant les différents degrés. Je ne peux point changer cela. Il faudra établir, pour chacun de ces termes, une notion fondamentale qui lui soit propre. Si, me conformant à l’usage, je l’emploie dans un sens différent, cela devra résulter clairement de l’ensemble de l’exposé ; sans quoi, nous serions en faute.

Tout autre est le cas où l’on emploie un mot dans un sens différent parce qu’on n’est pas d’accord sur la notion même à exprimer. Les expressions l’Etat régi par le droit (Rechtsstaat), pouvoir exécutif, justice [XX] administrative, domaine public, en sont des exemples. Ici, évidemment il n’est pas possible de se réserver un usage double ; mais ce qu’une fois on a reconnu pour exact devra être maintenu et strictement suivi.
Je me suis aussi efforcé de donner à une série d’expressions usitées et qui, d’ordinaire, ont quelque chose de vague et d’indécis, un caractère plus déterminé, en les rattachant à une notion juridique. Par-là, je me mets en contradiction avec la terminologie courante à laquelle je veux imposer certaines restrictions.

J’aurais pu facilement l’éviter en choisissant chaque fois un mot nouveau, un terme étranger surtout, qui, par sa nature même, échappe à un examen aussi rigoureux du sens qu’il faut lui donner. Mais j’ai pensé qu’il fallait essayer de voir si la notion bien établie n’exerce pas une attraction suffisante sur l’expression la plus voisine. Ce serait tout au moins la voie naturelle pour arriver à la formation si nécessaire de notre langue juridique.

L’essentiel sera toujours que l’idée placée sous cette expression ait quelque valeur par elle-même, c’est-à-dire soit propre à rendre plus claire et plus facile à comprendre la variété des faits que nous offre la réalité du droit.

Strasbourg, le 3 octobre 1895.

OTTO MAYER

  1. V. infra, p. 70. [↩]
  2. Edition Laboulaye, t. I, p. 9. [↩]
  3. V. Berthèlemy, Traité élémentaire de droit administratif, 2e édit., p. 57. [↩]
  4. Systematisches Handbuch der Deutschen Rechtswissenschaft, publié sous la direction du Dr. Karl Binding, professeur à Leipzig (von Duncker et Humblot. Édit., Leipzig). [↩]
  5. C’est l’objet du tome Ier de l’édition française. [↩]
  6. Tome II de l’édition française. [↩]
  7. Tomes III et IV de l’édition française. [↩]

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About Otto Mayer

1846 - 1924 Jurisconsulte allemand

L'auteur

Otto Mayer

1846 - 1924 Jurisconsulte allemand

Sommaire

  • A propos de la réédition du Droit administratif allemand d’Otto Mayer
  • Tome 1 : Partie générale
    • Préfaces au Droit administratif allemand
    • Table des abréviations
    • Introduction
      • §1 : La notion de l’administration
      • §2 : Le droit administratif et sa doctrine
    • Section 1 : Le développement historique du droit administratif
      • § 3 : Le droit de supériorité des princes
      • § 4 : l’Etat sous le régime de la police (der Polizeistaat)
      • §5 : l’Etat sous le régime du droit (Rechtsstaat)
    • Section 2 : Principes généraux du droit administratif
      • §6 : Pouvoir législatif et pouvoir exécutif
      • §7 : La force obligatoire de la loi administrative
      • §8 : La force obligatoire de l’acte administratif
      • §9 : Les droits individuels publics
      • §10 : Les sources du Droit administratif
      • §11 : Rapports des institutions juridiques administratives avec le droit civil
    • Section 3 : Les voies de droit en matière administrative
      • § 12 : Le droit de recours
      • § 13 : La justice administrative. – Généralités
      • § 14 : Continuation. — Des matières contentieuses
      • § 15 : Continuation. — Effets de la chose jugée
      • § 16 : Attribution des tribunaux civils
      • § 17 : Suite. — La responsabilité civile des fonctionnaires
  • Tome 2 : Partie spéciale. Police. Finance.
    • Section 1 : Le pouvoir de police
      • § 18 : La notion de police
      • § 19 : Les limites du pouvoir de police
      • § 20 : L’ordre de police
      • § 21 : La permission de police
      • § 22 : La peine de police (Polizeistrafe)
      • § 23 : La contrainte de police ; l’exécution par contrainte
      • § 24 : La contrainte directe
      • § 25 : Cas particuliers de la contrainte par l’emploi de la force
    • Section 2 : Le pouvoir financier (Die Finanzgewalt)
      • § 26 : La loi du budget et le pouvoir financier
      • § 27 : L’impôt ; modalités de l’imposition
      • § 28 : Facilités accordées aux débiteurs de l’impôt
      • § 29 : Modifications et extinction de la dette
      • § 30 : L’ordre de finance (Finanzbefehl)
      • § 31 : La pénalité en matière de finance
      • § 32 : La contrainte en matière de finance
  • Table des matières du Tome II
  • Tome 3 : Le droit public des choses. Exportation. Domaine public, etc.)
    • Section 1 : Le droit public des choses
      • § 33 : L’expropriation pour cause d’utilité publique ; procédure
      • § 34 : Suite ; les effets de l’expropriation
      • § 35 : Le domaine public ; définition et détermination
      • § 36 : Le régime juridique de la propriété publique
      • § 37 : Droits d’usage sur les choses publiques ; l’usage de tous
      • § 38 : Suite ; la permission spéciale d’usage
      • § 39 : Suite ; la concession d’usage spécial
      • § 40 : La servitude de droit public
      • § 41 : Restriction à la propriété pour cause d’utilité publique
  • Table des matières du Tome III
  • Tome 4 : partie spéciale. Les obligations spéciales. Les personnes morales. etc
    • Section 2 : Les obligations spéciales
      • § 42 : Le service de l’Etat ; sa nature juridique et ses différentes espèces
      • § 43 : Le service forcé et le service des fonctionnaires d’honneur
      • § 44 : Le service professionnel de l’Etat
      • § 45 : Le pouvoir hiérarchique (Dienstgewalt)
      • § 46 : Droits pécuniaires résultant du rapport de service
      • § 47 : Les charges publiques ; charges communes
      • § 48 : Les charges de préférence et les charges réunies
      • § 49 : Concession d’entreprise publique
      • § 50 : Droits et obligations du concessionnaire
      • § 51 : Avantages résultant d’une entreprise publique
      • § 52 : Droits correspondants de l’entreprise publique
      • § 53 : Indemnité pour dommages causés par l’administration
      • § 54 : Limites extérieures du droit à indemnité
    • Section 3. Les personnes morales
      • § 55 : La personnalité morale dans le droit public
      • § 56 : Les différents principes d’organisation
      • § 57 : Comment prend naissance le corps d’administration propre
      • § 58 : Le droit de la représentation
      • § 59 : Le pouvoir de surveillance
      • § 60 : Charges de l’administration propre ; communautés d’intérêts
      • § 61 : Extinction du corps d’administration propre
    • Appendice
      • § 62 : Le droit international fédéral
  • Index bibliographique
  • Table alphabétique des matières
  • Table générale des matières

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