Section II
Les obligations spéciales
§ 44. Le service professionnel de l’Etat
(43) Le placement au service professionnel de l’Etat ou d’un corps d’administration propre est la création d’une obligation de servir selon le droit public, en vertu du consentement de l’obligé et dans le but de lui déférer une fonction publique1.
Ces personnes morales pourront aussi se procurer des ouvriers par la voie du contrat de louage de service d’après le droit civil. Cela n’est pas possible toutes les fois qu’il s’agit d’exercer la puissance publique par des actes d’autorité ou par des mesures de contrainte. Pour les actes de simple gestion, en principe le choix est libre. Mais il est dans nos usages de n’employer les formes d’un contrat du droit civil que pour certaines prestations d’un caractère subalterne2. Dès lors, (44) même en faisant abstraction des formalités extérieures qui signalent le placement au service de l’Etat, il arrive rarement que, dans un cas donné, on puisse être dans l’incertitude quant à l’espèce dont il s’agit.
I. — La nature juridique de l’acte par lequel s’effectue le placement au service de l’Etat, a été soumise, dans le cours de l’histoire, à des appréciations différentes. A l’origine et avant la séparation du droit civil et du droit public, cet acte était envisagé comme un contrat ordinaire dans le sens du droit civil3. L’idée du régime de la police, — d’après laquelle on peut exiger des sujets tout ce qui est nécessaire aux buts de l’Etat, — amène enfin à la doctrine qui ne voit ici aussi qu’un acte unilatéral de l’autorité ; si le sujet requis donne son consentement, ce n’est que la reconnaissance de son devoir préexistant de sujet4. L’Etat constitutionnel n’admet pas, à défaut d’un fondement légal, qu’une pareille atteinte soit portée à la liberté, sans autre autorisation que celle qu’elle se donne à elle-même. Dès lors, le rapport de service d’Etat ne pourra être créé qu’avec le consentement de l’intéressé.
Quant à savoir si l’on doit ou non voir là un contrat, cela est devenu l’objet d’une controverse très vive5.
(45) Tout le monde, il est vrai, se déclare aujourd’hui d’accord pour attribuer au droit public l’acte lui-même, ainsi que l’obligation de servir créée par cet acte. Seulement, comme nous sommes encore loin de pouvoir dire que tous ceux qui parlent de droit public en ont aussi une idée claire et nette, dont ils sont résolus à tirer les conséquences exactes, cet accord ne suffit pas pour produire des résultats concordants. Très souvent, on se contente de constater que l’intérêt public est en jeu, ou de donner à ce que l’on continue à traiter comme un véritable « contrat de service », le titre honorifique de contrat de droit public.
Pour nous, le droit public donne les idées dominantes pour tous les détails des institutions qui lui appartiennent : ces institutions doivent nécessairement se ressentir de ce qu’elles sont construites sur la base de l’inégalité juridique des sujets en cause.
Dès lors, ce qui, dans l’acte juridique du placement au service de l’Etat produit effet, ce doit être la volonté de l’Etat, l’acte administratif contenant la nomination ; le consentement du sujet pour lequel cet acte est émis n’a que la valeur d’une condition à observer, condition essentielle, d’ailleurs, pour la validité de l’acte. Cet effet existe, comme dans tous les actes administratifs, au moment de la notification, de la déclaration qui en est faite en due forme à la personne nommée.
Il est d’usage, — ou même il est expressément prescrit par la loi, — de rédiger la nomination par écrit ; ce titre s’appelle la patente (Bestallung) ; la notification se fait alors par la remise de la patente6.
(46) La nomination ne doit pas et ne peut pas exercer une pression en vue de l’acception, comme cela a lieu pour l’appel à la fonction d’honneur obligatoire. D’un autre côté, la nomination ne prétend jamais avoir seulement la valeur d’une offre ; elle tend à produire immédiatement son effet7. Par conséquent, elle suppose existante la condition de sa validité, à savoir le consentement de la personne nommée. Ce consentement n’a besoin d’aucune forme. Il peut s’être manifesté par une sollicitation expresse ou résulter tacitement de la conduite de la personne nommée ; c’est ainsi qu’il y a toujours un grand nombre d’individus qui, en passant les examens ou en démontrant autrement leurs qualifications, se mettent à la disposition de l’Etat. Quand il y a le moindre doute, on éclaircira ce point par des informations ou par des pourparlers. Une nomination faite à tout hasard, qui placerait la personne nommée devant la question de savoir si elle veut rendre la nomination valable en déclarant (47) qu’elle l’accepte ou la faire tomber, serait contraire à la solennité de l’acte et à la dignité de celui qui l’accomplit.
Toutefois, une erreur reste possible ; le consentement n’existait peut-être pas dans le cas donné. Il peut s’y ajouter après coup, expressément ou tacitement. Si cela n’a pas lieu, la nomination n’est pas valable. Mais il ne faut pas croire que, par le fait de la contradiction, la nomination tombe d’elle-même, — comme une offre de contracter lorsqu’on ne peut pas faire la preuve qu’elle a été acceptée ; sans quoi, il serait bien étonnant qu’on n’eût pas soin de s’assurer, pour un acte de cette importance, la preuve d’un fait nécessaire pour lui permettre de produire son effet. C’est ici que se manifestent la nature de droit public et la force spéciale de cet acte. L’acte d’autorité qui ordonne une chose — que ce soit un jugement ou un acte administratif, — constate, par cela même, que les conditions de sa validité à cet effet sont remplies. Ce principe général trouve ici son application8. La personne qui a reçu sa nomination ne peut pas simplement refuser en déclarant : je n’ai pas voulu ; il faut qu’elle forme un recours contre l’acte. La nullité n’est qu’un moyen de justifier ce recours. Tant que la nomination n’a pas été retirée ou annulée, elle continue à produire son effet, lequel provient de sa force intrinsèque9.
(48) Mais, à ce point décisif, les partisans les plus décidés d’un véritable contrat de service d’Etat cherchent eux-mêmes à justifier la particularité que présente l’acte de nomination. Par les tournures — différentes entre elles — qu’ils donnent aux choses, ils parviennent à concentrer toute la force de production du rapport juridique dans la volonté de la partie la plus élevée et à enlever à la volonté du sujet toute importance équivalente10. C’est ainsi que l’idée fondamentale (49) de l’acte juridique du droit public reçoit quand même sa réalisation ; et tout semble s’arranger. Seulement il est difficile de comprendre comment on peut croire pouvoir concilier avec tout ceci l’idée d’un véritable contrat. Avec la notion de l’acte administratif prise dans toute sa force, l’explication est simple et complète.
II. — Le rapport de service de droit public, qui a pour point de départ l’acte de nomination, se développe encore, d’une manière spéciale, par une série de degrés.
1) Le cercle des personnes dans lequel le choix peut se faire, est plus ou moins étroitement limité par les conditions de capacité prescrites pour chaque espèce de fonction. Ce n’est pas le premier pas dans le sens d’une obligation, une disposition à être obligé, comme il en existe une pour les services forcés et pour les fonctions d’honneur. Ces conditions ne sont fixées que dans l’intérêt public ; si l’on ne les observe pas et si l’on excède les limites du cercle, la personne nommée n’est pas lésée dans ses droits. Dès lors, l’obligation de servir se produit ici, sans état juridique (50) préparatoire, spontanément par l’acte de nomination.
Cela signifie que l’obligé est maintenant à la disposition de son maître de service, l’Etat, lequel va pouvoir exiger de lui des services de la catégorie de ceux visés par la nomination. L’Etat en use en lui assignant un cercle d’affaires déterminé, dans lequel il devra exercer son activité. Sans cette assignation, l’individu ne doit aucune activité ; et même, il n’est pas autorisé à s’occuper des affaires de l’Etat. L’acte par lequel s’effectue cette assignation, c’est la délation de la fonction. C’est par cet acte que l’obligation de servir reçoit la forme plus prononcée du devoir de la fonction11.
L’obligation de service forcé reçoit une intensité correspondante par le fait de l’entrée en service actif ; dans la fonction d’honneur, l’obligation de servir et le devoir de la fonction coïncident. C’est seulement dans le service d’Etat professionnel que l’on trouve deux actes d’autorité distincts produisant chacun l’un de ces deux effets.
Il n’est pas nécessaire que ces deux actes se présentent séparés ; ils peuvent être réunis dans un seul et même acte : avec le placement au service de l’Etat peut se faire directement la délation d’une fonction déterminée. Mais il se peut que le placement au service ait lieu seul, la délation de la fonction étant réservée à un acte ultérieur.
Dans tous les cas, la nomination, par sa nature, (51) a pour but de déférer une fonction d’une certaine espèce ; c’est le seul moyen de donner à l’obligation créée son utilité. L’indication de la fonction dans la nomination même détermine d’avance le contenu de cette obligation. C’est seulement à des services compris dans l’espèce de fonction indiquée que la personne nommée est engagée.
Dans ce cadre, le patron détermine librement la fonction à déférer ; dans ce cadre également, il est libre de changer plus tard la fonction, à moins qu’il n’en soit empêché par l’effet de l’inamovibilité, laquelle lui défend de retirer ainsi une fonction déférée (Comp. no 2 ci-dessous). C’est ainsi que des avancements, des déplacements dans une autre fonction du même caractère, avec ou sans changement de domicile officiel, peuvent être ordonnés. La délation de la fonction, ainsi que toutes les modifications qui pourront intervenir, sont des actes unilatéraux, qui, pour être valables, n’ont plus besoin du consentement de l’intéressé. Ce consentement est remplacé par l’obligation de servir, créée une fois pour toutes. Ces actes secondaires ne font que la mettre en œuvre.
Au contraire, la délation d’une fonction non comprise dans le contenu de l’obligation de servir constituée, n’est possible qu’au moyen d’un changement dans cette obligation, changement qui l’étendrait à ces nouvelles exigences. Cela suppose, pour être valable, un nouveau consentement de l’intéressé, consentement qui peut être déclaré tacitement par le fait de l’entrée dans la nouvelle fonction.
2) La fonction a pour condition l’obligation de servir ; elle prend fin avec elle. Mais la fonction pourra seule prendre fin, en laissant subsister l’obligation de servir. Il y a encore là une différence avec la fonction d’honneur acceptée.
Comme l’exercice d’une fonction est la forme dans (52) laquelle s’accomplit l’obligation de servir, l’obligé ne peut pas se démettre de sa fonction quand bon lui semble. L’obligation de servir continuant d’exister, la fonction ne peut prendre fin que par un acte du maître, qui retire la fonction déférée.
Cet acte correspond au non-emploi de l’obligé dans le rapport de service du droit civil. Mais à la différence de ce qui a lieu en droit civil, ici le patron, en principe, n’est pas libre de retirer la fonction. La fonction confère au fonctionnaire un pouvoir juridique sur la portion d’administration publique qu’il est appelé à gérer ; par conséquent, cela peut devenir pour lui l’objet d’un droit public individuel. Il ne doit gérer la fonction qu’au nom de l’Etat et comme, représentant. Mais c’est justement cette représentation qui fait l’objet de son droit12. Par la délation de la fonction, qui concède ce pouvoir, le droit est créé directement ; et en tant que droit, il est intangible, à moins que, par la loi ou par une réserve faite dans l’acte de délation même, il y ait, pour la révocation, un fondement légitime. C’est en ce sens que l’on parle ici d’un droit de retirer la fonction, droit qui peut appartenir ou ne pas appartenir au gouvernement13.
(53) Ce retrait de la fonction apparaît, dans notre langue officielle, sous des désignations renfermant toujours une allusion à l’obligation de servir, qui subsiste malgré le retrait : mise en disponibilité (Zurverfügungstellung), mise à la retraite provisoire.
Ce retrait se trouve, dans les législations actuelles, réglé de trois manières différentes.
Dans une certaine mesure, nous voyons maintenue purement et simplement la libre disposition du maître sur la fonction qu’il défère. Cela a lieu d’une manière générale, pour les officiers14. D’après le droit de la Bavière, de la Saxe et d’une série de petits Etats, cela s’applique aussi à tous les fonctionnaires autres que les fonctionnaires judiciaires, par conséquent aux fonctionnaires administratifs15. D’après le droit prussien, qui en particulier a servi de modèle à la loi sur les fonctionnaires de l’Empire, ce libre retrait de la fonction n’est admis que vis-à-vis d’une certaine catégorie de fonctionnaires administratifs qu’on désigne sous le nom de fonctionnaires politiques16.
A côté de cela, il existe un droit de retrait restreint, qui ne peut être exercé que pour des motifs déterminés. C’est le cas, d’après le droit de l’Empire, pour tous les fonctionnaires administratifs, lorsqu’il s’agit de changer l’organisation des autorités, et que la (54) fonction dont cet individu avait été investi doit disparaître à cette occasion17.
Enfin, le droit de retirer la fonction peut être exclu complètement. Cela a lieu non seulement quand la loi l’ordonne d’une manière expresse, mais toutes les fois que ne sont pas remplies les conditions dont la loi a fait dépendre l’autorisation qu’elle donne de retirer la fonction. De même, quand la loi, à l’égard d’une certaine catégorie de fonctions, n’a rien ordonné du tout en ce qui concerne le retrait, la possibilité du retrait ne serait pas sous-entendue18. Dans ce cas, néanmoins, il y aurait un moyen de s’assurer ce droit ; ce serait d’insérer une réserve expresse dans l’acte de nomination19.
Il existe encore, à côté du retrait proprement dit de la fonction, un retrait provisoire qui est appelé suspension, suspension provisoire du service, suspension provisoire de la fonction. La suspension a toujours lieu seulement pour causes déterminées ; elle peut être prononcée directement comme peine au cours d’une procédure disciplinaire (Comp. § 45, II, ci-dessous) ; ou bien elle se présente comme effet (55) accessoire d’une instruction pénale ou disciplinaire introduite20.
Le retrait de la fonction et la suspension ont ceci de commun, qu’ils laissent tous deux subsister le rapport de service quant à l’obligation. La suspension laisse aussi subsister la fonction, — en droit, tout au moins — ; elle la met seulement en inactivité de fait. Elle est ordonnée pour un certain délai ou pour la durée de certaines circonstances qui sont censées être incompatibles avec l’exercice convenable de la fonction. Ce délai ou ces circonstances une fois passés, la fonction reprend d’elle-même tous ses effets ; si l’on parle souvent ici d’une « réinstallation dans la fonction », cela signifie non pas une délation nouvelle de la fonction, mais seulement une admission de fait à l’exercice de l’activité qui lui est propre.
Le véritable retrait de la fonction opère annulation de l’effet de la délation de la fonction. Comme l’obligation de servir continue, l’ancienne fonction ou une autre fonction rentrant dans le même cadre général pourra toujours être déférée de nouveau à l’obligé, dont le consentement n’est pas même nécessaire. Mais il y a alors un nouvel acte créateur, ayant le même caractère que la délation originaire de la fonction.
3) De même qu’à la délation de la fonction correspond le retrait de la fonction, de même à la nomination (56) pour le service de l’Etat correspondent les causes qui mettent fin à l’obligation de servir. Si, par la nomination, la fonction devenait juridiquement possible, cette possibilité s’éteint d’elle-même à la suite de ces causes.
Il nous faut distinguer, comme dans le rapport de service du droit civil, les causes ordinaires et les causes extraordinaires qui mettent fin à notre rapport de service professionnel.
Des causes ordinaires peuvent être prévues spécialement lors de la nomination. L’acte administratif qui crée le rapport juridique et qui le détermine, est susceptible de comprendre toute sorte de clauses, pourvu qu’elles s’accordent avec la nature de ce rapport juridique et qu’elles ne soient pas exclues par une prescription de la loi. L’assentiment de la personne nommée, — assentiment dont dépend la validité de l’acte en général, — couvre également ces détails. Il y a donc des nominations pour une durée fixe21, à dénonciation avec un certain délai, à révocation conditionnelle22, à révocation libre.
Des nominations ainsi qualifiées n’existent, dans nos usages, que pour certaines espèces de fonctions, c’est-à-dire pour créer les obligations de servir qui concernent ces fonctions. Il s’agit de certains agents et employés inférieurs. Mais elles peuvent aussi caractériser un provisorium, par lequel le fonctionnaire doit passer avant d’obtenir sa nomination définitive ; avec cette signification, elles sont d’une application plus étendue.
La nomination définitive, qui implique donc l’absence (57) de ces clauses restrictives, est la règle. Si la loi prescrit, pour certaines fonctions, une nomination définitive, c’est que l’intérêt public ne veut pas que ces fonctions soient exercées par des individus placés dans une situation plus ou moins précaire. Par conséquent, sans doute, la personne nommée qui a donné son consentement ne serait pas fondée à se plaindre ; mais, dans l’intérêt public, la délation d’une fonction de ce genre à un fonctionnaire non qualifié ne serait pas valable et le rapport de service, ainsi créé dans un but illicite, ne le serait pas non plus23.
Quand le contrat de service, en droit civil, ne décide rien sur la manière dont ce rapport doit prendre fin, il y aura — par l’effet d’une convention tacite et sous entendue — un droit de dénonciation, des deux côtés, à l’effet de résoudre le rapport avec un délai convenable ; la loi ou les usages déterminent le délai qui est censé avoir été convenu.
Il en est tout autrement dans le rapport de service d’Etat professionnel, dépendant du droit public. Quant à l’Etat, il n’existe, à son profit, aucun droit de se désister ou de dénoncer ; pour parler le langage du droit public, le renvoi pur et simple du fonctionnaire professionnel est exclu. Telle est, du moins, la situation dans le droit actuel ; c’est le résultat presque nécessaire d’un développement qui a eu pour point de départ des manières de voir bien différentes.
Voici ce qui s’est passé. Lorsque, au commencement de l’époque moderne, on discutait encore la (58) question de savoir s’il y avait contrat de louage de service selon le droit civil ou imposition d’autorité de l’obligation de servir, on était, des deux côtés, presqu’unanime pour reconnaître au gouvernement un droit illimité de renvoi. Mais un autre principe avait obtenu aussi l’approbation générale, à savoir qu’on ne devait pas pouvoir enlever au fonctionnaire renvoyé sans sa faute son « état de subsistance » ; le droit au traitement devait rester intact24. On finit par le formuler comme un droit subjectif public, constitué par l’acte de nomination et qui ne pourrait être révoqué ou restreint que pour causes déterminées25. Dans cet état de choses, le droit de libre renvoi ne signifiait qu’une renonciation possible à l’équivalent du traitement, à l’obligation de servir. Cela pouvait avoir un but raisonnable dans deux sens : c’était, tout d’abord, la forme pour retirer la fonction, celle-ci tombait d’elle-même avec l’obligation de servir ; en outre, cela régularisait définitivement la situation au cas où une incapacité de servir intervenait : on renonçait à l’obligation qui ne présentait dorénavant aucune utilité26.
Mais pour ces deux choses, le droit des fonctionnaires se perfectionnant de plus en plus, des institutions particulières et bien déterminées ont été développées : le retrait de la fonction a été admis, nous l’avons vu, pour certaines hypothèses, tout en laissant subsister l’obligation de servir ; et là où le retrait n’est pas admis, le gouvernement ne peut pas tourner la loi en se servant, pour atteindre le même but, du libre renvoi ; dès lors, le libre renvoi est exclu ici. D’un autre côté, la mise à la retraite pour cause d’incapacité a été aussi soumise à des conditions et à des formes spéciales et réglée précisément dans ses effets sur le traitement ; elle ne laisse non plus aucune place au libre renvoi. Par suite, le libre renvoi, dans l’ordre des choses actuel, a perdu toute utilité pratique. Il ne resterait, pour en faire usage, que le cas d’une renonciation pure et simple : on pourrait, à l’égard d’un individu capable de faire son service et auquel on a retiré la fonction (mise en disponibilité), se servir du droit de renvoi pour affranchir cet individu de son obligation subsistante, c’est-à-dire du devoir qui lui incombe de se laisser employer de nouveau dans une fonction équivalente. Le droit au traitement, bien entendu, ne serait pas touché par cette mesure ; évidemment, cette mesure n’aurait aucun sens raisonnable. Dès lors, il n’y a plus de libre renvoi27.
(60) Au contraire, le fonctionnaire est, de son côté, toujours libre de mettre fin au rapport de service en donnant sa démission. Les lois qui règlent ce point d’une manière expresse reconnaissent unanimement cette faculté, avec cette conséquence — qui va de soi — que, par le même fait, s’éteint également le droit à des prestations ultérieures de la part de l’Etat. Mais, d’après la doctrine et la jurisprudence, le droit de démission existe même dans le cas où la loi n’en parle pas. Cela s’explique uniquement par ce fait que ce droit est prévu comme contenu tacite de la nomination, acte qui, dans le silence de la loi, détermine le rapport juridique créé par lui. De même que cet acte peut ajouter au rapport juridique des termes ou des clauses de dénonciation, de même il peut accorder à la personne qu’il oblige la faculté juridique de se libérer à tout moment ; l’obligation de servir ne sera créée qu’avec cette modalité. Cela pourrait se faire au moyen d’une clause expresse. Cela peut se faire tout aussi bien d’une manière tacite. Il faut seulement qu’il y ait, dans les circonstances, une présomption suffisante que telle est la volonté de l’acte. Or, des circonstances permettant une pareille présomption ne manquent assurément pas dans cette hypothèse. Cela résulte déjà de l’exemple du contrat de louage de service du droit civil conclu pour un temps indéterminé, et, plus encore, du fait que, pour la plupart des services d’Etat en Allemagne, tel est l’usage en vertu d’une prescription légale ou même en dehors de toute prescription. Quand rien n’a été dit à cet égard, il faut présumer qu’on n’a pas voulu s’en écarter28.
(61) Qu’il soit prévu expressément dans la loi ou admis tacitement par l’acte de nomination, toujours le droit de démissionner du fonctionnaire ne signifie qu’une chose, le droit qu’a le fonctionnaire d’être, sur sa demande, renvoyé par l’autorité. Dans le rapport de droit public, c’est toujours la volonté de la puissance publique qui prévaut ; c’est elle qui, dans la nomination, fait commencer ce rapport, c’est elle aussi qui y met fin. La volonté du sujet ne fournit qu’une condition de la validité de l’acte ou une condition de la nécessité juridique avec laquelle il est accompli. Ainsi, le rapport de service prend fin ici, non pas par l’effet de la déclaration de démission du fonctionnaire, mais par l’acte de renvoi. Il faut que cet acte soit émis, aussitôt que le renvoi est demandé. Le refus est une illégalité ; mais néanmoins il laisse subsister le rapport de service, avec tous ses effets juridiques, jusqu’à ce que, par l’annulation de cet acte injuste, la demande a été accordée et que l’illégalité disparaisse ainsi.
L’acte de renvoi n’est cependant pas obligatoire d’une manière absolue. La loi, dans quelques Etats, permet expressément aux autorités de refuser provisoirement le renvoi, si l’intérêt du service exige que le fonctionnaire reste en fonction. Il ne faut pas voir là une sévérité particulière de l’obligation de service. Il n’y a d’autre chose ici que la traduction, dans la langue du droit public, de la défense de dénoncer à contretemps, qui existe pour le contrat de droit civil.
(62) Quant à savoir s’il a été dénoncé intempestivement ou non, cette question est décidée souverainement par la volonté qui, dans ce rapport juridique, est la plus forte. Par conséquent, il faut reconnaître le refus provisoire de renvoi comme admissible et valable, même dans le cas où la loi ne l’a pas prévu spécialement29.
Des causes extraordinaires, destructives du rapport de service résultent encore de certains troubles qui peuvent survenir dans ce rapport. Elles ont toutes des correspondants dans la résolution du contrat de louage de service pour cause d’impossibilité de le remplir. L’Etat étant toujours solvable, l’impossibilité ne peut se produire que du côté du fonctionnaire. C’est l’indignité ou l’incapacité.
La première cause produit son effet sous la forme de destruction par la voie disciplinaire (Comp. § 45, II, no 1 ci-dessous) ou sous la forme de peine accessoire accompagnant certaines condamnations infligées par les tribunaux, soit que la loi attache à ces condamnations directement l’exclusion du condamné du service de l’Etat, soit qu’elle autorise les tribunaux à la prononcer30.
L’incapacité de servir met fin au rapport de service au moyen d’un acte de l’autorité qui en tire les conséquences : le congé, la mise à la retraite (Pensionierung, (63) Quiescierung, Emeritierung, Zur-Ruhe-Setzung, Verabschiedung). Cet acte intervient à la suite d’une procédure réglementée, d’office ou sur la demande du fonctionnaire. Ce dernier a intérêt à ce que le renvoi se fasse, non pas purement et simplement en accordant sa demande, mais avec la constatation que c’est pour cause d’incapacité de servir ; qu’il s’agit donc, non pas d’une démission à accorder, mais d’un congé ou d’une mise à la retraite. En effet, dans ce dernier cas seulement, la cessation du rapport de service laisse tout de même subsister le droit à une partie du traitement, le droit à la pension (Comp. § 46, I, no I ci-dessous)31.
III. —A côté du service professionnel de l’Etat, il y a, comme à côté de la fonction d’honneur, une autre espèce d’obligation de servir, présentant une certaine affinité quant au but et quant aux formes : c’est comme une reproduction affaiblie de l’original. Il s’agit de la situation juridique des individus qui, destinés à entrer plus tard au service de l’Etat comme fonctionnaires, s’y préparent, en attendant, dans un stage pratique : référendaires dans le service des tribunaux, surnuméraires de l’administration des finances, élèves de l’administration forestière.
Dans ce but, ils sont placés provisoirement au service de l’Etat ; ils sont occupés dans les bureaux d’une autorité et employés de différentes manières dans le cercle d’affaires dépendant de cette autorité. Ils font alors presque la même besogne que des fonctionnaires (64) de ce service, qui, à côté d’eux, remplissent leur devoir de fonction. Mais leur activité, d’après son but principal, tend plutôt à faire leur éducation personnelle qu’à la gestion des affaires de l’Etat ; ils accomplissent une obligation de servir selon le droit public, en travaillant à leur personne, en particulier en prenant l’habitude d’avoir une pareille obligation. Ils ressemblent, à cet égard, aux soldats appelés sous les drapeaux en vertu de leur obligation légale de service militaire, et qui eux aussi sont employés à toute sorte d’affaires dans l’intérêt de leur éducation. Ni les uns ni les autres ne sont des fonctionnaires32.
Le rapport de service se crée ici par une nomination. La nomination suppose la preuve d’une certaine éducation préparatoire, et surtout le consentement de celui qui doit être obligé ; ce consentement prendra la forme d’une pétition en vue d’être nommé. La nomination certifie alors par elle-même l’existence de toutes les conditions requises pour sa validité. Elle ressemble, dans sa construction juridique, purement et simplement à l’acte qu’on désigne sous le nom de contrat de louage pour le service de l’Etat ; si la langue était logique, elle devrait parler ici d’un contrat d’apprentissage pour le service de l’Etat.
Le second acte — la délation d’une fonction — manque. Par la nomination, l’obligation est imposée de se laisser employer en conséquence ; et cet emploi s’effectue en attribuant l’individu à une certaine autorité qui (65) lui donnera du travail. La nomination et l’attribution pourront se réunir dans un seul et même acte. Si l’autorité qui doit employer a elle-même le droit de nommer, les deux choses s’unissent dans l’admission du surnuméraire, de l’apprenti, etc. L’attribution répond ici à l’indication de la troupe dans laquelle le service militaire doit être accompli. Avec l’entrée effective en service, l’obligation de servir prend le caractère plus rigoureux du service actif : prestation de serment, pouvoir hiérarchique, obligation d’obéir, discipline. Il y a, dans ce rapport de service, des éléments juridiques appartenant à la sphère du service forcé.
Puisqu’il n’y a pas de fonction, il n’y a pas de retrait de fonction. Les affaires à gérer sont, sans formes, coupées et retirées par le supérieur.
Cette obligation de servir prend fin, en règle, par la nomination au service effectif de l’Etat. Elle peut également se terminer par le simple renvoi. L’obligé a toujours le droit de l’exiger ; on peut alors le lui refuser provisoirement dans l’intérêt du service.
Quand il s’agit de savoir si le renvoi peut avoir lieu même malgré l’individu, le caractère spécial du rapport de service aura son importance. Il n’y a pas ici de droit à la fonction ou à un traitement acquis irrévocablement. Mais ce rapport de service a cependant été créé dans le but de l’éducation, principalement dans l’intérêt de l’obligé et non pas de l’Etat. Dès lors, l’Etat ne peut pas y renoncer arbitrairement ; un simple renvoi, avant que ce but soit atteint, serait en contradiction avec ce que la nomination avait promis.
Par conséquent, le renvoi ne doit être possible que pour des causes déterminées : indignité ou incapacité. La première sera appréciée d’après les mêmes principes qui décident sur le renvoi du fonctionnaire ; seulement la procédure sera ici plus simple, plus (66) patriarcale. L’incapacité, au contraire, ne peut devenir une cause de renvoi qu’avec une modification notable : car l’incapacité est supposée dans la création même du rapport qui doit y remédier par sa force éducatrice. Par suite, l’incapacité est ici remplacée par une absence des progrès que l’on peut exiger, absence qui semble démontrer l’inutilité de toute cette entreprise33.
- Ce qui distingue la création d’une obligation de service professionnel de la fonction d’honneur, c’est, au point de vue juridique, l’indépendance formelle de l’obligation de servir à l’égard de la fonction à déférer. Cette obligation ici est créée et existe, sans qu’on ait déjà en vue une fonction déterminée qu’il s’agirait de remplir au moyen du service dû. Ainsi elle met l’individu à la disposition de l’Etat pour des services d’un certain caractère. L’équivalent en argent, le traitement, le salaire en est la conséquence naturelle ; mais ce n’est pas l’essentiel ; Bornhak, Preuss. St. R., II, p. 24. [↩]
- Gleim, dans Wörterbuch, I, p. 323. En Prusse, les ministères de l’intérieur, des finances et des cultes, d’après un communiqué de la Berliner Korrespondenz (feuille officielle) du mois de juillet 1895, se sont entendus sur certains principes à observer. Il est dit : « Un rapport de droit civil aura lieu en règle, quand il s’agira de prestations à salaire modique et d’un caractère plutôt mécanique, qui ne figurent au budget que parmi les dépenses matérielles ». A la différence de ces services, ceux qui dépendent du droit public sont inscrits au budget comme « places étatisées ». [↩]
- « Contractus aliquis et convertis». — On discutait seulement sur la catégorie spéciale de contrat civil qui serait applicable. Comp. les développements remarquables de Rehm, dans Annalen 1884, p. 582 ss. [↩]
- C’était le système soutenu surtout par Seuffert, Vom Verhältniss des Staates und der Diener des Staates, 1793, et par Gönner, Des Staatsdienst, 1808. [↩]
- Une liste des auteurs pour et contre dans G. Meyer, St. R., § 439, notes 15 et 17. Comp. aussi Rehm dans Annalen, 1885, p. 171 ss., et mon article dans Arch. f. öff. R., III, p. 3 ss. [↩]
- Loi d’Emp. sur les fonctionnaires, § 4 : « Tout fonctionnaire recevra, lors de sa nomination, une patente ». Rehm, dans Annalen, 1885, p. 140, et Laband, St. R. (éd. all. I, p. 426 ; éd. franç., II, p. 136), considèrent cela comme une condition de forme qui doit être observée à peine de nullité. Les motifs du R. B. G. (imprimés du R. T., 1872, I, no 9, p. 31) disent, il est vrai : « ce paragraphe exclut donc une nomination orale ». Toutefois, il serait plus conforme au texte de la loi d’interpréter cela comme une prescription d’ordre, qui, en fait, suffira pour empêcher que la nomination reste purement orale. Les motifs eux-mêmes, dans ce qui précède immédiatement la phrase que nous venons de rapporter, déclarent (p. 30 et s.) : « En ce qui concerne la forme de la nomination, il n’est cependant pas nécessaire de donner des prescriptions expresses ». — En effet, il sera à présumer que l’autorité ne voudra faire sa déclaration définitive que sous la forme de la remise de la patente ; si cependant il arrive qu’une nomination non équivoque ait fait l’objet d’une déclaration verbale du par la voie télégraphique, cela doit être valable et le titre régulier devra alors être rédigé après coup, pour le bon ordre seulement. [↩]
- Si, par exception, on fait une nomination sans être sûr du consentement de l’intéressé, on ne manquera pas d’y joindre une sorte de pression par un appel à son patriotisme ou à son dévouement personnel. Une nomination très importante s’est faite, comme on sait, par la dépêche télégraphique suivante : « Je vous nomme… refus exclu ». C’est avec cette clause que se font toutes les nominations ; seulement, d’ordinaire, si elles déclarent le refus exclu, c’est à raison d’un consentement déjà donné. [↩]
- Comp. t. 1er, § 8, II, no 3 ; t. 2e, § 20, no 1, note 16 et 17. [↩]
- Si quelques législations (Schwarzburg-Rudolstadt, loi du 1er mai 1850, § 6 ; Oldenburg, loi du 28 mars 1867, art. 18) admettent un refus « dans les trois jours de la remise de la patente », cela signifie qu’un délai est accordé pour former le recours en annulation. Ce délai expiré, la nomination ne pourra plus être attaquée pour défaut de consentement. Il va sans dire que ces lois ne veulent pas dire qu’une déclaration de consentement faite à l’avance sera nulle si une déclaration de refus intervient dans les trois jours de la notification de la nomination. Toutefois, ici comme ailleurs dans le cas de protestation immédiate, on sera très disposé à couper court à toute discussion) et à retirer simplement la nomination. — Dernburg, Preuss. Pr. R., II, p. 561, note 8, mentionne le cas suivant : « Un individu a été nommé fonctionnaire : étant gravement malade, il ignore pendant plusieurs jours l’arrivée de la patente ; néanmoins, il est devenu fonctionnaire, — à moins qu’il ne refuse plus tard — et il l’est à partir de la remise de la patente ; et il n’aura pas cessé d’être fonctionnaire, s’il meurt au cours de cette maladie ». Le « refus », évidemment, n’est pas entendu ici au sens de refus d’une offre de contracter ; c’est une expression inexacte pour désigner la demande d’annulation de l’acte. [↩]
- Seydel, Bayr. St. R., III, p. 324 ss., considère le contrat comme « la seule forme possible pour créer un rapport de service du droit public ». Cependant, il déclare : « l’état de fonctionnaire est acquis par le décret de nomination ». Comment cela ? Parce que « par la notification du décret de nomination, l’auteur de la nomination est lié » (p. 341). De plus, « une acceptation expresse ou tacite n’est pas nécessaire pour que la vocation produise son effet ; mais il faut un refus pour qu’elle n’ait pas d’effet ». C’est « le décret qui donne acte du contrat » (p. 345) ; dès lors, il constate aussi l’acceptation de l’autre partie contractante, à laquelle il reste uniquement un moyen, celui d’attaquer cet acte. Qu’est-ce à dire, sinon que ceci est tout simplement notre acte administratif sur soumission ? — Laband, St. R. (éd. all. I, p. 426 ; éd. franç. II, p. 136), adopte un système analogue : « le contrat est conclu par la remise de l’acte de nomination ». Nous appellerions cela la création d’un rapport juridique par la notification de l’acte administratif. Mais Laband veut avoir un contrat, qui se ferait à ce moment ; il parvient à l’obtenir en qualifiant la remise de la patente d’ « acceptation sans réserve », et cette acceptation de « consentement à un contrat de service ». Ce consentement, il est vrai, pourrait être exprimé dans cette acceptation ; cela est entièrement une quaestio facti, la loi n’établissant aucune présomption. Mais la première proposition, — qui voit toujours dans la remise accomplie une acceptation sans réserve, — est tout à fait insoutenable ; car, par la remise, on entend la notification ordinaire d’un acte écrit, la signification au sens de la procédure civile. Dans ce sens, Laband lui-même reconnaît que la signification pourra se faire valablement, parlant au domicile de l’intimé à un membre de sa famille ou à un domestique, pendant l’absence du premier ou pendant une maladie grave qui l’empêche d’en prendre connaissance. Dès lors, Laband a tout à fait raison lorsque, de la remise de l’acte, il fait découler la perfection du rapport juridique à créer ; mais, pour en faire un contrat, il ajoute la fiction très arbitraire d’une déclaration d’acceptation ; ce n’est pas autre chose qu’une fiction. — Rehm, dans Annalen, 1885, p. 142, s’associe à Laband, pour le fond du moins. « De même que dans la naturalisation, dit-il, la remise du décret est ici encore l’acte d’acceptation concluant ». De même que, pour Seydel, le décret donne acte de l’acceptation de l’autre partie, de même ici la signification du décret est concluante dans le sens de cette acceptation.
Le but — très raisonnable d’ailleurs — est le même dans toutes ces constructions : rattacher l’effet produit à l’acte d’autorité seul. Tous les auteurs qui n’ont pas, d’une manière ou de l’autre, eu le soin de caractériser leur « contrat de service d’Etat » comme un acte de droit public, de le dénaturer, pour ainsi dire, à la façon de Seydel et de Laband, mais qui lui laissent le caractère de simple contrat de droit civil, n’ont évidemment, autre chose qu’un contrat de droit civil ; et toute l’énergie qu’ils mettent à lui conférer le nom de « contrat de droit public » nous laisse complètement indifférents. [↩]
- Laband, St. R. (éd. all., I, p. 404 ss. ; éd. franç., II, p. 100 ss.) ; Jellinek, Subj. öff. Rechte, p. 170 ss. ; Rehm dans Annalen 1885, p. 160 ss. Pour la terminologie, ce dernier propose de distinguer entre serviteurs de l’Etat (Staatsdiener) et fonctionnaires de l’Etat (Staatsbeamten), ce qui serait certes plus logique que l’habitude commune d’appeler fonctionnaire tout individu entré au service de l’Etat pour administrer des fonctions qui lui seront déférées. [↩]
- Comp. t. 1er, § 5, II, no 2 ; Rosin dans Annalen, 1883, p. 279. Jellinek, Subj. öff. Rechte, p. 170, refuse aux fonctionnaires le droit à la fonction, pour ce motif qu’on ne saurait y trouver un « intérêt juridiquement appréciable ». L’intérêt de l’influence et de l’honneur, d’après lui, ne peut pas être « construit comme un intérêt juridique » (p. 169 note 2). Cependant Jellinek lui-même admet un droit des électeurs pour la représentation nationale et un droit de l’élu (p. 152 et p. 158), même un « droit publicistique incontestable » sur le titre, le rang et les emblèmes de la fonction (p. 172) ; nous ne voyons pas pourquoi il serait moins possible de « construire » un droit à la fonction. [↩]
- A la différence du retrait de la fonction, le congé signifie seulement un relâchement momentané de l’obligation de servir, une renonciation, de la part du créancier, à son accomplissement pour un temps déterminé. Le rongé laisse subsister la fonction dans toute sa force ; il ne retire pas le droit à la fonction, pas même provisoirement. Des actes de la fonction accomplis pendant le temps du congé sont des actes valables ; ils peuvent être contraires à la discipline, le fonctionnaire en congé dérangeant ainsi la marche des affaires telle qu’elle a été réglée en prévision de son absence. [↩]
- Laband, St. R. (éd. all. II, p. 394 ; éd. franç. IV, p. 345). [↩]
- Bavière, Staatsdiener-Edikt, §19 ; Saxe, l. du 7 mars 1855, § 19 ; Seydel, Bayr. St. R., III, p. 385 ; G. Meyer, St. R., § 154, note 2. [↩]
- R. B. G., § 25 ; Prusse, 1. du 21 juillet 1852, § 87. [↩]
- R. B. G., § 29 ; Prusse, 1. du 21 juillet 1852 § 87 (on n’exige même pas que la nouvelle organisation ait pour effet de faire disparaître cette fonction : Fr. Seydel, Dienstvergehen, p. 271). D’après quelques législations particulières, cette mesure est même admise en cas de maladie prolongée : G. Meyer, St. R., § 154, note 3. [↩]
- Dans ce sens spécialement il a été décidé que, d’après la législation de la Prusse, la mise en disponibilité ne s’applique pas aux fonctionnaires des corps d’administration propre, aux fonctionnaires « médiats » de l’Etat, parce que la loi du 21 juillet 1852 qui forme la base du droit de retrait de la fonction, ne les vise pas ; Fr. Seydel, Dienstvergehen, p. 274. [↩]
- Une réserve de ce genre pourrait donc être faite dans la nomination d’un fonctionnaire de corps d’administration propre en Prusse. Les fonctionnaires de l’Empire, au contraire, pourront bien, d’après R. B. G., § 2, être nommés avec réserve d’une dénonciation ou d’une libre révocation, mais non pas avec réserve de mise en disponibilité pour des cas autres que ceux prévus par les §§ 24 et 25 de la loi. [↩]
- G. Meyer, St. R., p. 481, voudrait aussi admettre une défense de faire des actes de la fonction pour cause « d’inconvénients », — par suite arbitrairement, — lorsqu’il y aurait péril en la demeure. Mais les prescriptions qu’il invoque (R. B. G., § 131 ; Prusse, loi du 21 juillet 1852, § 54 ; Württemb. Staatsdienerges., art. 114, etc.) disent seulement que, dans les cas où une suspension pour cause d’introduction d’une procédure disciplinaire ou pénale pourrait être ordonnée régulièrement par l’autorité administrative suprême, cette même mesure pourra être prise par un supérieur immédiat, s’il y a péril en la demeure. Il s’agit donc simplement d’un déplacement de compétence. Les causes qui autorisent la suspension ne se trouvent pas augmentées. [↩]
- Exemple : les contrats de rengagement, d’après l’ordre de cabinet (Pruss.) du 8 juillet 1876 ; Laband, St. R. (éd. all. II, p. 699 ; (éd. franç. V, p. 354). [↩]
- C’est le cas de révocation pour omission de fournir le cautionnement prescrit ; comp. 46, II, no 3 ci-dessous. [↩]
- Cela s’applique surtout aux fonctions judiciaires, d’après G. V. G., § 6. Les jugements rendus par un juge nommé contrairement à cette règle ne seraient pas entachés de nullité. En effet, la nomination, même non valablement faite, produit son effet juridique, tant qu’elle n’a pas été retirée ou qu’elle n’a pas été soumise à un contrôle institué à cet effet. C. Pr. O., § 513, I et Stf. Pr. O. § 377, I n’autorisent pas un contrôle dans ce sens. [↩]
- Goenner, Staatsdienst, p. 276. Si, dans cette doctrine, pour motiver la continuation du traitement, on parle des services que le fonctionnaire librement renvoyé continue à offrir à l’Etat, il ne faut pas penser pour cela que Goenner vise une simple mise en disponibilité. Ce qui continue de la part de ce fonctionnaire, c’est la fameuse « obligation préexistante vis-à-vis de l’Etat », qui incombe à tous les sujets ; comp. la note 4 ci-dessus. [↩]
- Ce droit est reconnu dans R. G., 11 oct. 1883 (Samml. X, p. 183). Comp. aussi Zachariae, St. R., II, p. 135, II. [↩]
- C’est la manière de raisonner pendant l’époque de transition : Perthes, der Staatsdienst in Preussen, p. 152 ss. [↩]
- G. Meyer, St. R., p. 475, croit pouvoir constater encore deux systèmes de valeur égale, qui existent en Allemagne l’un à côté de l’autre : celui de l’exclusion du libre renvoi, tel qu’il existe dans la plupart des Etats, — et celui du libre renvoi avec continuation du traitement, c’est-à-dire avec pension. Des exemples qu’il avait cités dans les premières éditions de son ouvrage, il ne reste plus maintenant que le droit de la Bavière et celui de la Hesse. Mais, pour ce dernier, G. Meyer a reconnu lui-même (2e éd., p. 447) qu’il s’agit plutôt d’une mise en disponibilité. Pour la Bavière, il est vrai, l’Edit sur les fonctionnaires (Staatsdiener. — Edict. § 19), décide que le gouvernement peut, à tout moment, donner au fonctionnaire sa démission (appelée « Dimission ») en lui laissant son « traitement d’Etat ». C’est le libre renvoi. Mais c’est aussi, comme l’observe très justement Rehm dans Annalen 1885, p. 208, l’ancienne doctrine de Goenner qui a été ainsi élevée au rang de loi et qui, comme nous pouvons l’ajouter, a pu, sous cette forme, survivre à son époque. — Pour la fonction de ministre, qui, en général, est d’un caractère exceptionnel, on admet communément qu’il existe aussi, à côté d’un libre retrait de la fonction, un libre renvoi, le souverain ayant le choix. [↩]
- L’exemple le plus important nous est fourni par la loi sur les fonctionnaires de l’Empire (R. B. G.), qui ne mentionne pas le droit pour le fonctionnaire de démissionner. Néanmoins, l’opinion presque unanime admet ce droit même pour les fonctionnaires de l’Empire. La plupart des auteurs, pour expliquer cela, ont encore recours à un prétendu droit coutumier : G. Meyer, St. R., p. 468 ; Rehm, dans Annalen, 1885, p. 201 ; Laband, St. R. (éd. all. I, p. 501 ; éd. franç., II, p. 244). Loening, V. R., p. 134, note 1, s’y oppose avec raison. Mais il va trop loin, quand il croit pouvoir nier tout à fait le droit de démission du fonctionnaire. Il faut seulement s’habituer à compter avec l’acte administratif qui crée le rapport, comme avec un acte juridique ayant une vie propre. [↩]
- Rehm, dans Annalen 1885, p. 201, fait l’énumération des différentes formes dans lesquelles on peut prévoir ici ce qu’exige l’intérêt du service. — Il se peut qu’il soit prescrit au fonctionnaire qui veut donner sa démission d’observer un certain délai de dénonciation (exemple : loi Bad. du 26 mai 1876, art. 5) ; il faut alors supposer que, en fait, on n’aura pas besoin de retarder encore la solution ; juridiquement, cela n’est pas impossible même dans cette hypothèse. [↩]
- Stf. G. B. §§ 31-36, 81, 83, 84, 87-91, 94, 95. En déclarant que la condamnation entraînera la « perte des fonctions dont le condamné pourra être investi », la loi veut dire que le rapport de service est annulé, ce qui entraîne nécessairement la perte de la fonction. [↩]
- Toutefois cela n’a pas lieu dans tous les cas ; comp. G. Meyer, St. R., p. 474. — Au lieu du renvoi pour cause d’incapacité, la loi peut faire ordonner, dans ce cas, un simple retrait de la fonction : Württemb. Staatsdienerges., art. 22 ; Bade, loi du 26 mai 1876, art. 7 ; comp. aussi la note 17 ci-dessus. Alors on reste libre de convoquer à nouveau cet individu pour le charger d’une fonction ; dans le cas où l’incapacité existe encore, l’individu pourra naturellement attaquer cette mesure. [↩]
- C’est simplement par politesse de bonne société que l’on reconnaît surtout aux référendaires une espèce de qualité de fonctionnaire. F. Seydel, Dienstvergehen, observe, en parlant d’eux (p. 204) : « si, toutefois, on veut les appeler fonctionnaires, ce ne seraient que des fonctionnaires à l’essai ». Cela n’est même pas vrai : l’idée d’une nomination à l’essai est impossible, alors qu’il est constant que cet individu est actuellement incapable d’être fonctionnaire. [↩]
- Ainsi, pour les référendaires : Prusse, loi du 21 juillet 1852, § 84. En ce qui concerne le renvoi des surnuméraires, comp. F. Seydel, Dienstvergehen, p. 265 ss. Les causes spéciales qui autoriseront le renvoi sont constatées et communiquées dans le procès-verbal de l’admission. Encore une « stipulation contractuelle » (!) pour ceux qui aiment se servir de ce terme. [↩]
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