Section II
Les obligations spéciales
§ 48. Les charges de préférence et les charges réunies
(130) Des charges publiques peuvent être imposées aux individus de telle manière que la connexité avec l’entreprise publique se manifeste dans la forme juridique de l’imposition. La charge conserve déjà, par cela même, un caractère distinct de l’impôt ; elle peut, à la différence des charges communes, avoir un objet de prestation, qui, en lui-même, serait identique à celui de l’impôt, c’est-à-dire à l’obligation de payer une somme d’argent. Les deux formes qui se présentent ici sont celles des charges de préférence et des charges réunies.
I. — La charge publique qui constitue une charge de préférence se caractérise par le motif qui en justifie l’imposition sur l’individu et qui sert à expliquer les détails de sa réglementation. Ce motif, c’est que l’imposé est censé être particulièrement intéressé à l’existence et à l’entretien de l’entreprise publique. Ce fondement matériel fait rentrer l’obligation dans la notion générale de la charge, comme nous venons de l’établir au § précédent. La prestation elle-même confirmera ce caractère par son objet, lorsqu’il s’agit d’une prestation en nature ; mais il n’est pas nécessaire qu’il en soit ainsi. L’essentiel, c’est qu’une valeur pécuniaire soit livrée à l’entrepreneur ; la charge de préférence, au contraire de la charge (131) commune, se présente d’ordinaire sous la forme d’une somme d’argent à payer. Si le paiement à faire par l’individu ne doit couvrir qu’une partie des frais, — que l’excédent reste à la charge de l’entrepreneur, ou qu’il soit couvert par des coobligés, — nous sommes en présence de contributions spéciales (Comp. t. II, p. 190).
1) L’intérêt particulier que suppose la charge, signifie que l’entreprise qui exige des dépenses d’installation et d’entretien existe pour ces individus, exclusivement ou de préférence à d’autres. Ils sont donc censés être la cause de ces frais ; par conséquent, ils doivent les supporter.
La charge de préférence trouve sa sphère d’application en partie dans les établissements et entreprises publics pour l’usage desquels des taxes aussi sont perçues. Les deux institutions financières sont alors placées l’une à côté de l’autre, indépendantes et clairement distinctes. La charge, il est vrai, peut aussi signifier ici l’obligation, pour un corps d’administration proposé, de remplir sa tâche (Comp. § 60 ci-dessous). La distinction à faire se présente cependant très nettement dans le cas où la charge de préférence est placée à côté des autres obligations sous forme de contribution spéciale. Ainsi, par exemple, à propos de la voirie communale, il se peut que les trois institutions soient réunies : la charge d’administration propre incombant à la commune apparaît sous la forme de l’obligation générale de supporter tous les frais de la voirie qui ne seront pas couverts autrement ; la charge de préférence des propriétaires riverains, sous forme de contributions spéciales pour la construction des rues ; enfin, la taxe due par quiconque se servira des chemins, sous forme de péage.
Toutefois, des charges de préférence et surtout des contributions spéciales sont dues aussi pour des entreprises (132) pour l’usage desquelles aucune taxe n’est perçue : digues d’inondation, caisses de secours de toute sorte.
La contribution spéciale a, comme la taxe, le caractère d’un équivalent. Mais la taxe est l’équivalent d’une prestation passagère dont on jouit dans un cas donné ; la contribution est l’équivalent pour l’existence de l’entreprise qui présente, pour le débiteur, un intérêt général et continu ou est censée avoir ce caractère1.
1) L’intérêt particulier à l’existence de l’entreprise n’est que la raison intrinsèque du paiement à faire. Ce devoir ne reçoit la force d’une obligation que par sa réalisation dans les formes juridiques qui lui conviennent. Cela peut avoir lieu de différentes manières ; il ne faut pas voir notre institution dans toute forme dans laquelle cela se produit, quoique le mot de contribution spéciale, justifié par le fondement économique commun, soit appliqué d’une manière générale à tous les cas où existent des prestations partielles pour l’entreprise.
L’intérêt particulier à une entreprise publique peut trouver son expression dans la soumission volontaire à une contribution. Des particuliers peuvent s’engager ainsi par des promesses, en vue d’amener l’exécution d’une entreprise publique en général, ou l’exécution avec des modalités qui leur conviendront d’une manière spéciale. Il y en a beaucoup d’exemples dans la construction des chemins de fer, des routes, des ponts, de barrages afin d’obtenir un débit d’eau plus (133) régulier, dans la création d’établissements d’instruction publique. L’obligation de payer la contribution devenant parfaite par l’acceptation expresse ou tacite de l’entrepreneur devra être considérée comme une obligation contractuelle du droit civil. En tout cas, notre institution n’est pas en jeu ; il ne s’agit pas d’une obligation imposée au sujet2. — Des communes et autres corps d’administration propre peuvent, d’une manière semblable, favoriser une entreprise de l’Etat par des subventions ; il y a là un acte de gestion des affaires publiques de la commune ; par conséquent, cela appartient, par nature, au droit public, mais cela ne nous regarde pas non plus ; comp. § 60 ci-dessous. — L’entrée volontaire ou forcée dans une association destinée à gérer une entreprise publique manifeste également un intérêt particulier à cette entreprise et entraîne l’obligation de payer des contributions à cet effet. Mais l’obligation aux contributions reçoit ici une base nouvelle dans la qualité de membre de l’association ; cela indique encore qu’il y a là une institution différente de celle dont nous nous occupons ; comp. § 56 no 2 ci-dessous.
Il n’y a charge de préférence que dans le cas où l’obligation de contribuer ou l’obligation particulière en général est constituée dans les formes du droit (134) public par une imposition qui sera mise sur le redevable, non pas d’après son libre consentement et son bon vouloir, ni en vertu de sa qualité de membre de l’association, mais — comme il convient à la notion d’imposition — dans l’exercice de la plénitude de la puissance publique.
Les formes dans lesquelles cette imposition peut s’effectuer sont, d’après le droit actuel, la loi d’une part, l’acte administratif d’autre part.
L’ancien droit nous a légué toute sorte d’obligations d’accomplir des prestations pour les frais d’une entreprise publique ; leur titre, c’est l’usage. On les traite aujourd’hui d’obligations de droit public, quand elles répondent, par leur contenu, à ce qui aujourd’hui est une charge publique. Elles pourront se ranger, selon les cas, dans la catégorie des charges communes ; la plupart ont le caractère de charges de préférence. Des exemples se trouvent dans les corvées qui incombent aux riverains d’un chemin public dans l’intérêt de l’entretien de ce chemin, et surtout dans les nombreuses prestations qui, dans les villes, sont à la charge des propriétaires de maisons pour les voies publiques3.
(135) 3) La manière dont, en droit moderne, les charges de préférence sont créées, présente avec les charges communes cette différence qu’ici les deux formes possibles d’imposition peuvent s’appliquer, et que nous ne trouvons pas exclusivement la règle de droit, comme cela a lieu pour la charge commune. Par conséquent, les charges de préférence se divisent, d’après leur origine même, en deux espèces distinctes :
Elles pourront être imposées par une règle de droit de la loi, ou ce qui est équivalent, par la règle de droit d’une ordonnance ou d’une prescription autonome, émises en vertu d’une loi. Ce sont les charges de préférence légales4.
Elles pourront aussi être imposées par une disposition, par un acte administratif qui les crée discrétionnairement dans tel cas donné : ce sont les charges de préférence individuelles.
Une charge individuelle de, cette espèce peut devenir possible en vertu d’une autorisation donnée à l’administration par la loi. Cette loi s’efforcera de fixer (136) aussi exactement que possible les conditions de l’autorisation. Ces conditions supposent toujours des faits qui désignent certains individus comme spécialement intéressés à l’existence de l’entreprise à raison des avantages qu’ils en retirent ou à raison d’un usage particulièrement intensif qu’ils en font, sans qu’il puisse y avoir un équivalent suffisant dans la forme d’une taxe. L’équité exige alors une compensation au moyen d’une contribution spéciale ou de la restitution complète des frais. L’autorité a reçu le pouvoir de donner satisfaction à cette exigence de l’équité avec une libre appréciation des circonstances de la cause5.
Mais cela peut parfois avoir lieu, sans autorisation de la loi, en vertu de la soumission de l’individu à l’acte administratif qui doit lui imposer la charge. Il ne faut pas songer aux offres de concours qui se font volontairement ; cela donne lieu non pas à l’imposition d’une charge publique, mais à un contrat de droit civil ; comp. la note 2 ci-dessus. Voici ce dont il s’agit : l’individu désire faire une installation, un ouvrage, qui a besoin de certains travaux publics pour pouvoir être réalisé. Dès lors, l’exécution de ce plan dépend du consentement de l’autorité qui représente l’intérêt public et dirige les travaux. Il se produit alors ce que nous avons déjà observé dans la permission de police à laquelle pourront être jointes les charges nécessaires dans l’intérêt de la police ; comp. t. II, p. 71 ss. De même ici, le consentement peut être donné à la condition de s’engager à supporter les frais (137) des travaux publics à exécuter, ou de payer une contribution spéciale, ou, du moins, d’en garantir le paiement futur. Par l’acceptation de ces conditions dans une déclaration expresse ou tacitement en profitant de la permission ainsi accordée, le permissionnaire s’oblige. Mais l’autorité agit vis-à-vis de lui comme puissance publique ; elle ne conclut pas un contrat ; elle fait un acte administratif. Le consentement de l’obligé, sa soumission, n’est que la condition de la validité de l’acte6.
4) La charge de préférence ne signifie pas, comme la charge commune, un cercle d’individus susceptibles d’être obligés, qui sont à la disposition et peuvent être requis dans l’intérêt de l’entreprise publique, lorsque le besoin se présentera. La charge de préférence (138) détermine d’avance les débiteurs et la mesure de leur obligation. Leur prestation peut être strictement fixée dans l’acte d’imposition de la charge, ce qui a lieu surtout dans les charges individuelles ; leur devoir peut aussi consister dans l’obligation de payer des contributions annuelles fixes.
La conséquence est que la réquisition ne joue ici aucun rôle ; l’obligation est parfaite directement dès qu’existent les faits auxquels la loi l’attache, ou par l’acte administratif qui crée la charge individuelle. La réquisition, dans ces circonstances, n’aurait que la valeur d’une mise en demeure7.
La perception des contributions en argent emploie généralement les formes des impôts. Ou bien le montant de ce qui est dû est fixé sur le modèle des impôts directs par un acte administratif qui rend l’obligation de la charge exécutoire8 ; ou bien la dette est perçue (139) sans l’intermédiaire d’un acte administratif, moyennant une simple sommation, ou sous la forme d’un timbre, en d’autres termes à la façon des impôts indirects9.
Comme moyen de contrainte, nous trouvons ici, pour toutes les obligations de payer une somme d’argent, le recouvrement par contrainte administrative ; comp. t. II, p. 306 ss. Parmi les autres prestations à effectuer, il sera surtout question ici de l’opus faciendum, de l’obligation de produire un certain résultat au profit de l’entreprise publique. Pour cela, la contrainte par substitution est le moyen tout indiqué10.
Il va sans dire que la charge de préférence étant elle-même un produit de l’équité, il ne peut être question, au profit de celui qu’elle frappe, d’une compensation, d’une indemnité de droit public, laquelle découle de la même idée d’équité.
(140) Pour le reste, nous n’aurons qu’à renvoyer à ce qui a été dit au sujet des charges communes.
II. — Les charges réunies.
L’obligation d’accomplir une prestation au profit de l’entreprise publique peut se caractériser juridiquement parce fait qu’elle est imposée à une pluralité de sujets en commun. Les institutions de la charge commune et de la charge de préférence ne visent jamais qu’un rapport juridique simple : celui qui existe entre la puissance publique et le débiteur de la charge. Ici il y a un rapport juridique entre les divers débiteurs placés les uns à côté des autres.
1) Dans le rapport avec l’Etat, avec la commune, il s’agit d’abord de charges publiques au sens que nous venons de développer ; la seule chose nouvelle, c’est une qualité spéciale qui tend à garantir la satisfaction complète du besoin de l’entreprise publique. Le résultat cherché peut être atteint complètement de la manière suivante : aux prestations isolées des individus obligés par la charge, la dépense personnelle de l’entrepreneur s’ajoute pour combler les insuffisances.
Les prestations individuelles des obligés placées l’une à côté de l’autre peuvent être combinées de façon à couvrir dans leur ensemble la totalité. Ainsi, l’obligation de chaque propriétaire d’immeuble urbain de faire construire devant son immeuble le trottoir et de faire nettoyer la rue, l’obligation de chaque riverain d’un ruisseau ou fossé d’assurer pour sa part le libre écoulement des eaux, produiront, comme résultat total, un trottoir ininterrompu, une rue nettoyée dans toute sa longueur, un écoulement des eaux libre jusqu’au bout.
Mais les obligés qui coopèrent ainsi en fait ne forment pas encore une union ; c’est chacun pour soi. L’union n’existe que par la coordination de tous les (141) contribuables d’une entreprise publique de manière que, par leurs charges additionnées, on obtienne le tout : chacun des individus soumis à la charge ne doit pas seulement une part fixe qui lui reviendrait spécialement ; s’il le faut, il doit le tout ; et l’obligation de chacun n’est restreinte que dans le paiement, par l’effet de la coopération des coobligés. Une union (Verband) est un ensemble de débiteurs d’une charge publique, qui doivent garantir que les prestations à partager entre eux seront suffisantes pour couvrir la totalité du besoin d’une certaine entreprise publique.
La charge qui ainsi est rendue solidaire peut, en elle-même, avoir la nature d’une charge commune. Des exemples se trouvent dans les réquisitions régionales, pour les besoins de la force armée, en bétail vivant, farines, avoine, foin et paille, d’après la loi sur les prestations de guerre, §§ 16 ss. ; des unions de réquisition sont formées à cet effet. Comp. aussi les §§ 4 et 6 de cette même loi en ce qui concerne la répartition des charges des communes entre les habitants11.
Les charges réunies pourront aussi, considérées en elles-mêmes, être des charges de préférence. Evidemment cela ne peut pas s’appliquer à des contributions spéciales calculées d’après la mesure restreinte de l’intérêt particulier du débiteur. Cela n’est pas susceptible de devenir une charge solidaire. Mais il faut que la charge de l’entreprise forme, pour tous les individus spécialement intéressés, un tout indivis, pour n’être partagée que dans ce paiement. Nous y rangeons les charges des unions pour les digues, pour l’instruction publique, des unions des chefs de famille (142) d’un district pour l’entretien d’une sage-femme à frais communs12.
La charge d’union est encore la forme employée pour imposer des prestations qui ne pourraient pas être des charges communes à cause de leur objet, ni des charges de préférence parce qu’elles ne reposent pas sur un intérêt particulier des individus obligés : savoir des prestations en argent imposées, sans avoir égard à une qualité distinctive, à tous les habitants solvables du district. C’est la réunion de tous dans le but commun de satisfaire les besoins de cette entreprise publique, qui, seule, leur donne le caractère de charge. Il faut citer ici les charges paroissiales, les charges territoriales des unions pour la voirie, des unions pour l’assistance publique. Nous sommes ici, il est vrai, tout près du point où les rapports passent dans les formes d’autres institutions et où, par conséquent, la notion de charge publique disparaît ; comp. no 3 ci-dessous.
La qualité de charge d’union ne pourra être donnée à la charge que par le titre qui a pu la créer ; la coexistence de prestations ayant un contenu égal et dues pour le même but ne suffit pas par elle-même ; quant à savoir si cette qualité spéciale doit s’ajouter, c’est là une question d’interprétation. La cause qui peut faire naître une charge d’union est, en droit moderne, exclusivement la règle de droit, par conséquent, la loi ou, en vertu d’une autorisation légale, l’ordonnance et le statut. Toutefois, de nombreuses charges d’union nous ont été léguées par notre ancien droit et reposent sur les usages.
Les individus compris dans l’union sont appelés à accomplir leur obligation, en ce qui concerne les prestations de guerre susmentionnées qui ont le caractère (143) de charges d’urgence, selon leur capacité effective ; pour les autres, d’après une règle fixe de répartition13.
La question de l’indemnité se résout d’après le caractère matériel de la charge. Des charges de préférence ne donnent pas lieu à indemnité, même quand elles sont devenues des charges d’union. Il en est de même des charges communes, lorsque, en tant que charges ordonnées, elles ne font que remplacer des impôts ; il faut dire la même chose des prestations en argent, qui, sans précédent ni dans les charges communes ni dans les charges de préférence, ne se rencontrent que dans les charges d’union ; celles-ci, en effet, sont imposées aussi comme des charges ordonnées. Il ne reste donc pour l’indemnité que les charges d’union qui, pour les individus qu’elles frappent, ont en même temps le caractère de charges fortuites : on n’indemnise que pour les prestations en cas de guerre.
2) Pour les débiteurs de la charge réunie, la communauté de la charge a cet effet final, que l’obligation de chacun décharge proportionnellement le coobligé. La même chose peut avoir lieu dans les impôts de répartition (Comp. t. II, p. 195), et, d’une manière générale, partout où une somme fixe est répartie entre une pluralité de débiteurs. Lorsque la répartition se fait exclusivement selon la capacité effective de chacun, comme cela se produit dans les prestations de guerre des unions de réquisition, charges fortuites de leur nature, la charge d’union a aussi pour seul effet cette décharge de fait. Mais lorsque le montant (144) de la part de chaque débiteur a reçu, dans l’union, une règle fixe et une détermination juridique, cet ordre de répartition présente des particularités qui appartiennent uniquement à la charge d’union. Ce n’est pas, comme par exemple dans l’impôt, un ordre immanent de l’action de la puissance publique, d’où résulte, pour chaque individu, ce qui lui revient. Le point de départ est tout opposé : l’ordre de répartition est considéré, en première ligne, comme un rapport d’obligation réciproque des individus réunis entre eux ; l’exigence de la puissance publique vient s’y attacher comme un rapport secondaire.
Cela ne s’explique que par le développement historique dont notre charge d’union est le résultat.
Les espèces les plus remarquables de ces charges et qui, en même temps, ont servi de modèle pour toute la construction juridique, datent d’une époque primitive où la puissance de l’Etat était encore loin de prétendre être le ressort indispensable de toute la vie publique. Beaucoup d’intérêts les plus importants de la communauté trouvent alors leur satisfaction dans la forme suivante : des groupes d’individus plus ou moins nombreux se réunissent pour s’en charger : c’est ainsi qu’on pourvoit aux digues, aux chemins, aux ponts, aux curages de ruisseaux, plus tard aussi aux écoles et à l’assistance publique.
L’ordre entre les individus coopérants a la nature d’une société, d’un rapport juridique qui les lie réciproquement. Il se forme aussi, d’une manière plus ou moins prononcée, une représentation de cette société, investie de certains pouvoirs pour maintenir et exécuter cet ordre. Là se développe toute la richesse des formes de l’association. Puis survient l’Etat du régime de la police ; il prend entre ses mains la direction des intérêts publics. Il ne souffre pas d’indépendance à côté de lui.
(145) Les représentations qui s’étaient formées selon les idées du droit d’association sont brisées ou réduites à des droits insignifiants de concours ou de conseil. La société elle-même continue à exister avec les obligations réciproques des membres. Mais l’Etat réclame ces obligations comme lui étant dues, pour contraindre, avec sa puissance souveraine, à leur maintien et à leur exécution. Ainsi, le devoir entre les associés devient en même temps une charge publique ; mais c’est seulement en même temps et en seconde ligne : la charge publique est attachée aux devoirs d’associé qui incombent aux membres de l’union entre eux14.
Le droit moderne fait s’effacer de plus en plus les éléments distincts d’une société, mais tend aussi à remplacer dans une mesure toujours croissante la charge d’union elle-même par la personne morale du droit public, qu’il a fait revivre (comp. n. 3 ci-dessous, p. 147). En tant qu’elle existe encore, la charge d’union (146) continue à offrir les particularités résultant de son ancienne idée fondamentale.
La répartition réglée entre les débiteurs décide aussi ce que la puissance publique pourra exiger de chacun. D’anciens arrangements entre leurs auteurs, l’usage et la prescription acquisitive qui se sont formés entre eux, déterminent leur part dans la charge, et produisent effet aussi vis-à-vis de l’Etat. On a alors la constitution existante de l’union ; il s’agit seulement de la maintenir. La législation récente, lorsqu’elle règle elle-même la forme et la proportion dans lesquelles devra se faire la répartition, est censée ordonner d’une manière absolue, abolir, par conséquent, les anciens règlements basés sur l’idée de société et ne pas admettre de dérogations qui se feraient par cette voie15. Dans la mesure où la loi aura laissé le champ libre, des modifications des parts respectives des obligés pourront aujourd’hui encore se faire par des arrangements entre les débiteurs de la charge. Mais, par eux-mêmes, ces arrangements n’auront aujourd’hui d’effet qu’entre les parties contractantes ; ils créent une obligation de droit civil de décharger tel autre débiteur et, au besoin, de lui restituer ce qu’il aura payé en trop ; une convention de ce genre pourrait aussi bien être conclue avec un tiers placé en dehors de l’union. Pour que ces arrangements touchent (147) à la charge elle-même, il faudrait le consentement de l’autre intéressé, à savoir l’Etat, c’est-à-dire de l’autorité qui représente l’Etat. Si la constitution de l’union est ainsi changée, le rapport de droit public se trouve, en effet, réglé par contrat ; c’est, en effet, le contrat qui produit le changement ; l’approbation de l’autorité n’a qu’une importance accessoire16. Le contrat et le consentement pourront aussi être déclarés tacitement ; l’usage n’est peut-être autre chose qu’une déclaration tacite de tous les intéressés, ce qui expliquerait suffisamment le rôle qu’il joue en cette matière. L’opinion commune préfère voir là un droit coutumier qui se formerait pour l’union. On arrive ainsi à reconnaître ici la coutume comme réglant des rapports de droit public, à la place d’une source de droit régulière ; comp. t. 1er § 10, IV, p. 16817.
(148) La nature spéciale de la charge d’union se manifeste encore par la façon dont le débiteur se défend contre la puissance publique au cas où celle-ci commet une exagération illégale, au cas d’aggravation. Il ne s’agit pas de simples inexactitudes dans le calcul : nous supposons le cas où l’individu requis prétend avoir été surchargé parce que, à tort, on n’a pas tenu compte de l’obligation d’un autre individu qui l’aurait déchargé en tout ou en partie. On n’attaquera pas simplement l’acte d’autorité illégal. La demande en rectification de la charge s’appuiera sur le rapport du demandeur et de l’autre débiteur qui a retiré un bénéfice à raison de la surcharge. C’est contre ce dernier que la demande est dirigée exclusivement, ou dirigée en première ligne, si l’autorité a déjà exigé la prestation. Le jugement qui interviendra alors sur le rapport juridique entre les sujets obligés, servira, conformément à la nature juridique de la charge d’union, à constater en même temps d’une manière définitive ce que la puissance publique pourra exiger de chacun18.
3) Entre le sujet d’administration publique créancier de la charge, — donc, en règle, l’Etat — et le membre de l’union débiteur de la charge apparaît maintenant, se manifestant toujours plus clairement, la (149) personne morale intermédiaire. L’union, en elle-même, formée par les débiteurs de la charge, n’est tout d’abord pas autre chose que l’expression de leur rapport juridique commun. Elle constitue la société des obligés. Le terme « Sozietät », dont on se sert souvent pour désigner des unions de ce genre, en indique exactement la nature juridique. Pour la notion de notre institution, il n’est pas essentiel que l’union soit plus que cela, qu’elle soit surtout investie d’une personnalité morale d’une espèce quelconque19. La personnalité morale peut s’y joindre. Il s’agit seulement de savoir de quelle manière cela se fait. Il ne faut pas vouloir mettre tout sur le même pied. Nous devons distinguer trois formes différentes.
Les choses se présentent de la manière la plus simple, quand s’ajoute à l’union une personne morale qui lui est propre. Il y a des charges d’union qui ne sont mises en mouvement, au profit de l’entreprise publique, que d’une manière passagère, leur produit étant immédiatement employé et consommé. C’est le cas des réquisitions régionales, des logements militaires et des autres prestations (150) militaires. Pour d’autres, il s’agit d’obtenir les moyens de créer et d’entretenir des institutions permanentes, telles que chemins, écoles, digues, etc. Les valeurs réunies pour servir à ce but présentent, pour les débiteurs, tant qu’elles subsistent, une garantie contre des réquisitions ultérieures. Ici peut se former une possession en commun de valeurs pécuniaires, et, pour la consolider, peut être créée une personne morale à laquelle cette possession est confiée. L’union ne cesse pas pour cela d’être une société, pas plus que l’association publique ou syndicale ne cesse, par la personnalité morale dont elle est revêtue, d’être, dans ses rapports intérieurs, une association. Mais l’union, avec une personnalité morale de l’espèce que nous visons ici, reste une société, même dans ses rapports extérieurs et surtout dans son rapport extérieur le plus important, celui avec la puissance publique, qui, comme auparavant, exigera les prestations directement de ses membres. La personne morale n’est qu’un accessoire. Elle appartient, par nature, au droit civil. L’union, à raison de cette personnalité, n’est pas une association du droit public. Elle peut le devenir en se transformant ; le point décisif devra être relevé20.
(151) Il y a une seconde hypothèse dans laquelle peuvent se réunir la charge d’union et la personnalité morale ; c’est lorsque la sphère extérieure de la charge est déterminée soit pour le tout, soit seulement en ce qui concerne l’exécution, d’après les limites territoriales d’un corps d’administration propre, l’exécution ayant lieu, dans tous les cas, par les soins des agents du corps d’administration propre. C’est ce qui a lieu pour les logements militaires et pour certaines autres prestations au profit de la force armée, et aussi pour les unions pour l’assistance publique, pour les chemins, pour l’instruction publique. Il n’y a d’abord là qu’une coexistence tout à fait extérieure de cette personne morale et de l’union, bien que, comme nous allons le voir tout à l’heure21, elles (152) aient une tendance à se confondre. Mais même sans qu’il y ait confusion, elles peuvent être placées dans une certaine connexité juridique. La prestation à laquelle est obligée la totalité de l’union, peut être constituée en même temps comme une obligation incombant au corps d’administration propre. Cela donne alors une garantie plus forte pour la satisfaction des besoins de l’entreprise publique. La loi s’est servie de ce renforcement de la charge pour la perception des prestations en temps de guerre. Cette charge de la commune est d’une tout autre nature que celle dont nous parlons ici ; comp. le § 60 ci-dessous.
L’obligation du corps d’administration propre, placée à côté de l’obligation de l’union, aura d’abord pour effet de pousser la représentation du corps d’administration propre à mettre énergiquement à exécution les devoirs de l’union. Ce qui ne pourra être obtenu ainsi sera fourni par les moyens du corps d’administration propre ; celui-ci couvrira ses dépenses de la manière qui lui est prescrite par sa constitution ; cela sort encore tout à fait de la sphère de la charge publique. Cette charge, du reste, n’est pas définitivement transférée à la commune ; elle continue à être, en première ligne, une charge de l’union, qui sera requise de nouveau à la prochaine occasion22.
Enfin, il est possible que la charge d’union passe, avec l’entreprise pour laquelle elle existait, à une personne morale du droit public. Il se peut qu’un corps (153) d’administration propre, volontairement ou par suite d’une extension de ses attributions faite par la loi, se charge de l’entreprise et en couvre désormais les frais par ses moyens personnels : des écoles communales, des chemins communaux sont établis et les communes ou corps d’administration propre supérieurs remplacent les anciennes unions pour l’instruction publique ou pour l’assistance publique.
Il se peut aussi que l’union elle-même se transforme en une association de droit public, en vue de diriger et d’entretenir l’entreprise dont s’agit. La société qui en est chargée devient l’entrepreneur ; l’union pour les digues devient une association pour les digues. Il importe peu que l’ancien nom d’union (Verband) ou de société (Sozietät) soit conservé ; matériellement, la situation juridique s’est profondément modifiée. Désormais, il ne s’agit plus d’une charge publique dans le sens de l’institution dont nous parlons ; nous sommes en présence des attributions d’une personne morale de droit public ; pour les individus, il s’agit non plus des obligations d’une charge, mais de devoirs qui leur incombent en leur qualité de membres du corps de droit public qui aura à faire ces dépenses. La charge publique se trouve absorbée par les éléments d’une autre institution ; comp. le § 60 ci-dessous.
- Neumann, Die Steuer, p. 327. Rappelons que la contribution spéciale, — ainsi que la rétribution — sont originairement des notions qui appartiennent à la science des finances. La notion juridique de la contribution spéciale est tantôt plus large, tantôt plus étroite ; comp. t. II, p. 191, note 3. Cette thèse trouvera sa justification dans ce qui sera exposé au texte. [↩]
- Le droit français considère les obligations de payer une subvention, résultant des offres de concours, comme des obligations du droit public : l’acceptation par l’autorité est un acte administratif qui impose l’obligation ; comp. ma Theorie d. Franz. V. R., p. 360. — Bayr. Ob. G. H., 26 nov. 1875 (Samml., V, p. 598) rapporte le cas où un propriétaire s’engage, vis-à-vis de la commune, à fournir gratis le bois de construction nécessaire pour un nouveau pont communal à construire. Oberst. L. G., 22 février 1884 (Reger, V, p. 470) parle de l’engagement pris par un propriétaire d’entretenir un chemin communal à condition que la commune construise un nouveau chemin. L’un et l’autre engagement sont considérés comme des conventions ordinaires, comme des « titres de droit privé ». Telle est l’opinion commune en Allemagne ; nous l’acceptons provisoirement ; peut-être cependant, une autre appréciation serait-elle possible. [↩]
- O. V. G., 26 déc. 1881 : obligation pour les propriétaires de maisons riveraines de nettoyer la rue, obligation existant en vertu d’une « observance » : comp. t. 1er p. 171. O. V. G., 13 février 1884 : une observance obligeant les propriétaires à entretenir les trottoirs. Sächs. Ztschft, f. Pr., IX, p. 241 (Gilbert) : « des obligations particulières existant au profit de chemins à construire ». — D’un caractère spécial, quoique d’un contenu semblable, sont les vieilles charges du droit public dont il est question dans R. G., 26 juin 1880 (Reger, V, p. 113) : obligation d’entretenir un chemin, incombant à un propriétaire en vertu d’un ancien bail héréditaire ; Württemb. Gerichtsblatt, XVIII, p. 378 : obligation du prince de subvenir aux frais d’une école acceptée lors de la sécularisation de biens d’église, par conséquent une charge du fisc actuel. Dans cette catégorie, il faut ranger également les « charges de complexion » (Komplexlasten) du droit de la Bavière et du Württemb : Bl. f. adm. Pr., 1877, p. 33 ss., Württemb. Arch. f. R., XXII, p. 372 ; l’on cite comme exemples les obligations inhérentes à l’ensemble de certaines possessions immobilières de fournir le traitement d’un ecclésiastique, de supporter les frais d’entretien d’une église ainsi que d’autres édifices publics, d’entretenir un taureau reproducteur. — Dans Bl. f. adm. Pr., 1884, p. 383 ss., et O. V. G., 2 déc. 1887 (Samml. IX, p. 287), on cherche à résoudre la question de la distinction à faire entre les charges publiques et les charges de droit privé, en identifiant ces dernières à des « droits réels » qui formeraient, comme tels, l’opposé des droits publics. Mais en tant que « charges réelles » aussi, ces obligations pourraient appartenir au droit public (comp. § 47 note 7 ci-dessus, p. 118) : leur caractère réel les distingue non pas du droit public, mais seulement de notre institution de la charge publique. [↩]
- Ici comme pour la charge commune, la question se pose de savoir si le pouvoir d’imposer par une règle de droit de pareilles charges spéciales est compris dans les autorisations générales de la police (Comp. § 47, note 4 ci-dessus). Il est certain que cela n’est pas compris dans la notion moderne de la police (Comp. t. II, § 19, note 15, p. 33). Cependant on répond d’ordinaire dans un sens affirmatif : O. V. G., 8 nov. 1876 ; Bl. f. adm. Pr., 1876, p. 37 ss. ; Ob. G. H., 6 mars 1835. On invoque un usage spécial qui attribuerait ces choses au pouvoir de police : Bl. f. adm. Pr. 1888, p. 104 ; O. L. G. München, 19 oct. 1886 ; comp. aussi V. G. H , 1er février 1884 (Samml. II, p. 530). Tout cela me semble être très difficile à admettre. [↩]
- Il faut citer ici les contributions spéciales pour l’entretien des chemins, lesquelles pourront être imposées aux entrepreneurs de carrières, mines, fabriques, à raison de l’intensité de l’usage qu’ils font de ces chemins et des dégâts qu’ils y causent ; v. Reizenstein dans Wörterbuch. II, p. 909. Dans une mesure très large et avec une manière particulière de calculer la contribution, cette forme est appliquée pour l’indemnité de plus-value de la loi Française du 16 sept. 1807, art. 30-32, encore en vigueur en Alsace-Lorraine et dans le Palatinat : ma Theorie des Franz. V. R., p. 358. [↩]
- O. Tr., 5 juin 1877 (Str. 99, p. 182) : D’après la loi Pruss. du 3 janv. 1845, §§ 25 et 26, une permission de police est nécessaire pour établir une maison d’habitation en dehors des agglomérations d’habitations formées par les communes. Ceci posé, l’autorité de police avait accordé la permission à condition que le demandeur construirait un canal d’égoût qui, à la suite de son établissement, aurait dû être installé par la commune pour raison de salubrité publique. La ville construit elle même l’égoût ; le colon est obligé de l’indemniser des frais. — O. V. G., 25 avril 1878 : Le statut local défend de construire dans une rue qui n’est pas encore en état ; l’administration communale accorde des exceptions, en posant des conditions pour les travaux provisoires nécessaires ; la permission une fois donnée, ces travaux deviennent obligatoires pour le demandeur. O. V. G., 1er nov. 1887 admet, dans un cas semblable, la condition de stipuler des garanties pour les contributions spéciales de voirie qui pourront être dues (Comp. § 46 note 32 ci-dessus). Des conditions de ce genre ne peuvent être imposées que dans l’intérêt public à raison duquel la permission a été réservée. Il n’est pas possible d’en établir arbitrairement à l’occasion d’autres permissions, spécialement pour de pures permissions de police ; O. V. G., 6 déc. 1878 : l’autorité de police délivre une permission de construire à la condition de payer à la commune les contributions de voirie ; cela n’est pas possible. — Une hypothèse intéressante se trouve relatée dans Bl. f. adm. Pr. 1871, p. 352 : Une route publique doit être coupée par un canal d’usine. Il faut le consentement de l’autorité chargée de la police de la voirie, lequel n’est donné qu’après arrangement entre le meunier et la commune propriétaire de la route. Le meunier s’engage, pour lui-même et pour ses ayants-cause, à construire et à entretenir le pont devenu nécessaire. Cet arrangement « n’acquiert une existence définitive que par le consentement de l’autorité ». L’obligation ainsi créée est une charge de préférence imposée au meunier par l’acte administratif, en vertu de sa soumission déclarée dans l’arrangement avec la commune. L’obligation de réparer le pont passe à tous les successeurs du premier débiteur, qui profiteront du canal d’usine nécessitant le pont. [↩]
- Ce point a eu son importance surtout pour les contributions spéciales de voirie. La rue est achevée, la maison construite ; avant que la contribution ne soit fixée et exigée, la maison est vendue. Qui sera débiteur ? Il faut s’attacher au moment de la naissance de la dette. Dans l’ancien droit prussien, il a été jugé, en ce qui concerne la charge de pavage de la rue, que la dette est née au moment où les travaux ont été terminés ; mais on avait admis que cette dette avait un caractère de charge réelle et passait ainsi à l’acquéreur de l’immeuble. O. Tr., 4 oct. 1870 (Str. 79, p. 248), 16 nov. 1876 (Str. 97, p. 25). On a renoncé maintenant à ajouter cet élément inutile. O. V.G., 2 nov. 1885, statuant sur les contributions spéciales pour les rues d’après la loi du 2 juillet 1875, § 15, déclare : sont « débiteurs les individus qui, au moment de la construction d’un bâtiment, auront la propriété de l’immeuble ». Donc la dette ne passe plus de plein droit à celui qui succède à la propriété. Comp. aussi O. V. G., 16 nov. 1888. [↩]
- Un exemple dans les contributions spéciales pour les rues d’après la loi prussienne du 2 juillet 1875, § 15. Les contributions à payer sont évaluées d’autorité et « réparties », v. Brauchitsch, Verw. gesetze, IV, p. 359 note. — R. G., 8 juillet 1886 (Samml. XVII, p. 200) les appelle des impôts communaux indirects, et R. G., 22 sept. 1888 (Samml. XXII, p. 200) des impôts communaux purement et simplement ; cela ne doit pas être entendu au sens strict. L’obligation qui incombe aux propriétaires de maisons de payer les frais de pavage est appelée, dans O. V. G., 6 juillet 1886, charge réelle de droit public, et le soi-disant « impôt de pavage » qui sert à recouvrer ces frais, est traité d’impôt communal direct ; mais le tribunal ajoute que cela constitue non pas « une rétribution pour l’usage d’un établissement communal, représentant l’équivalent de prestations déterminées et individuelles de la part de la commune et la valeur de ces prestations, mais une contribution en argent à répartir, d’après des règles générales, à la façon d’un impôt, sur la classe des propriétaires de maison et destinée à couvrir les frais d’une entreprise communale qui décharge ces propriétaires ». Il y a là une définition assez exacte de la charge de préférence et qui relève surtout très bien ses rapports avec l’impôt direct. [↩]
- Ainsi la loi d’assurance pour l’invalidité et la vieillesse se sert de la forme du timbre, propre aux impôts indirects (Comp. t. II, p. 211), pour recouvrer les contributions dues : l’obligation de la charge existe sans l’intervention d’un acte administratif, à l’insu de l’autorité ; et elle est acquittée à son insu. — Les charges des propriétaires de maisons concernant le nettoyage, l’arrosage, etc., des rues s’exécutent aussi, le cas échéant, sans fixation préalable de l’obligation ; il y aura tout au plus une sommation de le faire. [↩]
- C’est ainsi que s’exécutent les obligations des propriétaires de maisons de balayer la rue, d’y jeter du sable en cas de verglas, etc. C. C. H., 13 février 1864 (J. M. Bl., 1864, p. 129) : La colonne municipale fait directement le nécessaire à la place du propriétaire négligent, et la ville perçoit une indemnité fixe. Sur cette procédure de contrainte sommaire, comp. t. II, § 23 note 2, p. 110. [↩]
- Laband, St. R. (éd . all. II, p. 795 ; éd. fr. V, p. 525). [↩]
- Le droit prussien est particulièrement riche en unions de ce genre ; Foerster-Eccius, Preuss. Priv. R. IV, § 283 ; Rosin, Oeff. Genossenschaft, p. 75 ss. [↩]
- Les débiteurs de la charge peuvent être divisés en groupes distincts, ayant chacun sa représentation propre. Les communes mêmes, comprises dans l’union, sont considérées encore comme des groupes semblables suivant l’ancienne idée d’association : Gierke, Gen. R., II, p. 403. [↩]
- Sur l’historique, comp. Gierke, Gen. R., I, p, 765 ss. Il appelle ces réunions pour les intérêts de l’église, de l’école, de l’assistance publique, de l’entretien des chemins etc., « des unions à l’exemple des communes, mais poursuivant des buts spéciaux ». D’après lui, elles sont originairement des associations. L’ « Etat autoritaire », — c’est ainsi qu’il appelle l’Etat du régime de la police, — « tend à les transformer soit en simples circonscriptions administratives, soit en établissements de l’Etat avec personnalité juridique ». O. V G., 7 février 1883 (Samml., p. 69) et 15 mai 1885 (Samml. XII, p. 258) décrit le développement sous le régime de la police de la manière suivante : « Dans les idées du siècle dernier, l’Etat, dans l’exercice de son pouvoir de police pour la sûreté et le salut communs, avait devant lui comme obligés, en première ligne, les corpora responsables de l’administration publique, les « magistrats » (représentations des villes), les propriétaires des « dominiums » (propriétés féodales) et les offices du domaine de la couronne auxquels il était permis de se couvrir par des répartitions en sous-ordre, jure collectandi. Ces corpora, obligés en première ligne, sont non pas des personnes morales, mais tout simplement des autorités obligées de servir d’instruments pour le recouvrement à faire. Ce que l’on vise, ce sont les individus formant des groupes auxquels ces autorités sont préposées : ils sont les débiteurs directs des charges ; leur réunion n’est qu’une forme du recouvrement et de la répartition. [↩]
- En ce qui concerne, par exemple, les charges pour les digues, la loi prussienne du 28 janvier 1888, § 16, a établi un mode de répartition obligatoire et aboli, dans le § 17, expressément les procédés différents de répartition qui existaient « en vertu de titres spéciaux entre ces personnes ». — Pour le droit Bav., V. G. H., 13 mai 1884 (Samml. V, p. 209), établit le principe général suivant : « l’usage est, dans les matières de droit public pour lesquelles une base nouvelle a été créée par la législation, reconnu comme cause suffisante de droits et d’obligations dans le cas seulement où 1a loi l’admet expressément ». Il s’agissait de la répartition des frais d’entretien d’un pont dans le prolongement du chemin communal. — La refonte des charges de ce genre par la loi annulera aussi des arrangements conventionnels précédents : V. G. H., 25 mai 1880 (Samml. I, p. 322). [↩]
- Des contrats, en règle, ne pourront avoir d’effet, pour changer la constitution de l’union, que dans le cas où les membres sont réunis dans des groupes secondaires ayant leur représentation séparée ; comp. la note 13 ci-dessus. O. V. G., 19 déc. 1888 : Un chef de propriété exempte se charge, pour ses colons appartenant à l’union pour l’instruction publique, de fournir le bois de chauffage nécessaire à l’école. De même, à l’occasion de la formation d’une nouvelle maison d’assistance publique, une convention entre le chef d’une propriété exempte et la commune peut définir et répartir la charge à supporter en commun ; Mascher, Staatsbürger-, Niederlassungs- und Aufenthaltsrecht, sowie die Armengesetzgebung Preussens, p. 284. Bl. f.adm. Pr., 1879, p. 343 : Une convention conclue par les habitants d’une localité avec une commune voisine et les admettant à l’usage en commun de l’école de cette dernière contre remboursement de la moitié des frais à répartir « règle l’exécution de la charge d’instruction publique, résultant de l’enseignement obligatoire ; elle a été approuvée par l’autorité de police compétente ; elle appartient donc de tous côtés à la sphère du droit public ». Bl. f. adm. Pr. 1873, p. 274 : Un arrangement entre les localités intéressées pour l’entretien de chemins qui leur incombe « ne peut pas être considéré comme un contrat de droit civil ; c’est une procédure administrative en vue de satisfaire à un besoin administratif et de police ». Comp. aussi Bl. f. adm. Pr. 1880, p. 241 ss. ; O. V. G., 21 sept. 1883, 10 décembre 1884, 21 avril 1886. [↩]
- L’usage, la coutume, ont été reconnus comme décisifs pour l’obligation de concourir qui incombe aux membres de l’union par O. Tr., 19 nov. 1860 (Str. 39, p. 204) ; 14 juin 1861 (Str. 55, p. 132) ; 20 septembre 1877 (Str. 97, p. 365) ; 4 oct. 1878 (Str. 100, p. 183) ; V. G. H., 11 janv. 1881 (Samml. II, p. 460) ; Bl. f. adm. Pr. 1872, p, 220 ; 1887, p. 209. [↩]
- L’ancien droit prussien présentait la difficulté suivante : pour les rapports des débiteurs de la contribution entre eux, les tribunaux civils étaient compétents ; mais vis-à-vis de l’autorité, seul le recours par la voie administrative était ouvert. Si donc l’autorité avait déjà procédé à la fixation des contributions individuelles, une double procédure s’imposait ; Oppenhoff, Ressortverhältnisse, p. 105. La loi sur les compétences du 1er août 1883, §§ 56, 47, 46, renvoie aussi aux tribunaux administratifs les contestations entre les débiteurs. Si la personne requise à raison d’une charge d’instruction publique ou de voirie prétend qu’un tiers est obligé à sa place, elle ne peut pas former sa demande contre l’autorité seule ; elle doit assigner en même temps le tiers ; en tout cas, la décision à intervenir lie aussi l’autorité ; v. Brauchitsch, V. Gesetze I, p. 301. [↩]
- Rosin, Oeff. Gen., p. 52, distingue : « Ainsi, à côté des associations publiques (Genossenschaften) se placent des sociétés (Gesellschaften) de droit public ». Un exemple dans O. V. G., 9 mai 1885 (Samml. XII, p. 171) : Conformément à l’ordre de cabinet du 16 janvier 1817, des circonscriptions de sages-femmes sont formées ; les parents de chaque enfant nouveau-né, même s’ils ne font pas appel à la sage-femme officielle, devront lui payer une certaine taxe. Ils forment une union pour l’institution publique de la sage-femme. Cependant, la circonscription de la sage-femme « n’est pas une corporation publique : des organes corporatifs nouveaux pour supporter une charge de police ne peuvent pas être créés par un règlement de police ». — De même, certaines unions de réquisitions pour l’armée (comp. la note 21 ci-dessous) n’ont aucun lien avec une personne morale quelconque. Des unions d’assistance publique se présentent aussi de cette manière comme de simples circonscriptions dans lesquelles la charge de l’assistance est acquittée par les individus directement ou par l’entremise des différents corps d’administration propre compris dans la circonscription ; comp. Ordre de cab. du 17 nov. 1845, Mascher, Staatsbürg. Niederl. u. Aufenth. R., p. 404. [↩]
- C’est de cette manière que les unions pour les digues, pour l’assistance publique, pour l’entretien des maisons, pour l’instruction publique ont été dotées peu à peu de la personnalité juridique. Foerster-Eccius, Preuss. Priv. R., IV, p. 671, se contente de constater le fait, en disant à propos des maisons pour l’assistance : « elles doivent être considérées comme des personnes morales investies à l’extérieur de la capacité d’avoir la propriété de biens et d’en disposer ». De même, p. 687, pour les unions d’instruction. Dire que cette personnalité n’existe qu’à l’extérieur, cela doit certainement indiquer un caractère spécial ; on ne dit pas lequel. — Rosin, Oeff. Gen., p. 53, estime qu’il doit être permis « de conclure de la reconnaissance de la réunion comme unité juridique de droit privé à sa qualité d’universités de droit public ». Mais cela ne serait vrai que s’il n’y avait pas dans la personne morale du droit public un élément positif qui la distingue et qui consiste dans son « but final », selon la formule de Rosin, à l’accomplissement duquel elle est obligée vis-à-vis de l’Etat, ou dans l’administration publique qu’elle est destinée à faire, comme nous aimerions mieux le dire pour exprimer la même idée ; comp. le § 55 ci-dessous. Or, prenons comme exemple l’organisation d’une union d’instruction publique en Prusse, telle qu’elle se trouve exposée en tous ses détails dans Schneider et Bremen, Volksschulwesen, II, p. 62 ss. L’école — la chose principale — est entièrement réglée et dirigée par les autorités de l’Etat, au nom de l’Etat, et non pas au nom de l’union ; les dépenses à faire sont fixées de la même manière. L’union en donne les moyens, et le produit de ses contributions lui appartient en tant que personne morale tant que ces produits ne sont pas employés. Mais elle n’a même pas une représentation permanente. Des représentants ne sont convoqués que dans le cas où il s’agit de faire des actes extraordinaires d’administration des biens de l’union : acquisition et aliénation d’immeubles, etc. Jamais ils n’auront rien à dire touchant l’administration scolaire. Voilà donc la personnalité du droit civil placée à côté de l’administration publique. — La distinction qu’il s’agit de faire ici a trouvé une expression très heureuse, en ce qui concerne la personnalité des paroisses protestantes, dans Gierke, Gen. R., I, p. 766. [↩]
- Rosin, Oeff. Gen., p. 54, parle ici très justement d’ « unions pour des tâches publiques sans organisation propre ». Mais il va trop loin, quand il prétend que l’union, dans ce cas, disparaît dans le corps d’administration propre dont les organes gèrent ses affaires. Les unions de réquisitions régionales, qu’il donne comme exemple, peuvent avoir une circonscription à laquelle ne correspond aucun corps d’administration propre, comme par exemple les districts (Bezirke) dans le grand-duché de Bade. Dans ce cas, les affaires de l’union sont gérées par l’autorité ordinaire de cette circonscription, tout comme si cette autorité avait à représenter, en même temps, un corps d’administration propre. On ne voit pas pourquoi ce fait, — tout à fait compatible avec l’existence de l’union, — doit faire disparaître celle-ci, quand un corps d’administration propre existe en réalité. [↩]
- Il ne faut pas, comme le fait Rosin, Oeff. Gen., p. 53, note 44, renverser les choses et prendre pour peint de départ l’obligation du corps d’administration propre, qui devait être garantie par les individus. Au contraire, l’obligation des individus compris dans l’union est l’idée première et principale, qui peut exister sans qu’il y ait aucun rapport avec un corps d’administration propre (comp. la note 21 ci-dessus) ; la responsabilité de ce dernier corps n’est ajoutée qu’extérieurement. Elle n’est du reste jamais sous-entendue ; elle dépend entièrement de l’intention qui a inspiré les lois qui règlent les différentes charges. [↩]
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