Section II
Les obligations spéciales
§ 45. Le pouvoir hiérarchique (Dienstgewalt)
(67) L’obligation de servir, quelle qu’ait été son origine, crée une puissance juridique spéciale qui sera exercée au nom de l’Etat ou du corps d’administration propre sur l’obligé, pour maintenir celui-ci et le diriger dans l’accomplissement exact de ses devoirs. Cette puissance, c’est le pouvoir hiérarchique (Dienstgewalt).
Pour chaque obligé, il y a, dans la hiérarchie, une autorité placée au dessus de lui pour exercer ce pouvoir, c’est son supérieur (Dienstvorgesetzter), son autorité hiérarchique (Dienstbehörde).
Le pouvoir du supérieur hiérarchique se développe dans deux formes distinctes : l’ordre hiérarchique et le pouvoir disciplinaire.
I. — L’ordre hiérarchique.
Ce qui fait l’objet de l’obligation de servir se trouve en partie fixé par des règles de droit, en partie déterminé d’une manière générale par l’acte administratif qui a créé cette obligation.
Tirer les conséquences correctes pour le cas spécial, c’est justement l’un des objets de l’obligation de servir. Mais ces conséquences pourront aussi être tirées par des instructions que le maître fait donner.
L’obligation de servir selon le droit public signifie (68) un rapport de sujétion spéciale1. L’instruction est l’acte par lequel ce rapport produit son effet : elle détermine, d’une manière obligatoire, la conduite du subordonné. Elle a la nature d’un ordre (Comp. t. II, p. 35). Elle s’appelle un ordre hiérarchique, pour indiquer le rapport de sujétion spéciale qui est à sa base.
L’instruction peut être émise dans la forme d’un ordre individuel ou dans la forme d’une règle générale, comme prescription de service (Dienstvorschrift), ordonnance d’administration (Verwaltungsverordnung), réglementation de l’armée (Armeebefehl). Dans ce dernier cas, malgré sa forme générale, l’instruction n’est pas une règle de droit. Elle n’est pas soumise aux formes de publication prescrites pour celle-ci ; elle est notifiée par la voie du service, c’est-à-dire d’une manière qui suffit pour que l’obligé faisant son devoir puisse en prendre connaissance2. Elle ne participe pas non plus à la prépondérance de la règle de droit sur l’acte individuel ; au contraire, l’ordre individuel visant le cas plus directement et d’une manière plus déterminée l’emporte ici sur la prescription générale3.
(69) L’effet de l’ordre hiérarchique est le devoir d’obéissance du subordonné. Désobéir à l’ordre, c’est violer l’obligation de servir en vertu de laquelle cet ordre a été émis ; cela entraînera les conséquences qui y sont attachées4.
Le supérieur hiérarchique, de son côté, ne peut pas, en vertu du rapport de sujétion, commander tout ce qui lui plaît. Son droit de commander a certaines limites, dans lesquelles il doit se maintenir pour être valablement exercé. Le subordonné a le droit d’examiner, avant d’obéir, si ces limites ont été observées ou non. Ces limites forment, en mène temps, les limites de son devoir d’obéir5.
La question est de savoir quelles sont ces limites.
(70) 1) Pour que le devoir d’obéir existe pour le subordonné, il est nécessaire que l’ordre se présente, extérieurement, sous la forme d’un ordre hiérarchique pour ce subordonné6.
Pour cela, il faut : qu’il émane de son supérieur ; sur ce point, il n’y aura guère de doutes. — Il faut aussi que, par son contenu, l’ordre soit relatif à la conduite dans le service, c’est-à-dire prescrive une chose qui puisse être comprise dans l’obligation de servir7.
Sont exclues, à ce dernier point de vue, les activités qui, par leur nature, sont tout à fait en dehors du cercle d’affaires à gérer par l’obligé ou qui ne sont exigées que dans l’intérêt personnel de celui qui donne l’ordre. D’un autre côté aussi, la vie privée du subordonné ne peut pas faire l’objet d’un ordre ; sa conduite, à cet égard, n’est pas indifférente pour le service ; mais elle ne peut pas être déterminée par des (71) ordres du supérieur. Avant tout, le devoir d’obéir a sa limite dans la loi pénale : un acte par lequel l’obligé se rendrait punissable ne peut jamais être compris dans son obligation de servir ; par conséquent, un ordre hiérarchique n’est pas possible à cet égard8.
Tout ce qui ne sort pas du cadre de l’obligation de servir pourra faire l’objet d’un ordre valable pour l’obligé. Il suffit que le supérieur, avec son ordre, reste vis-à-vis de lui dans cette compétence générale ; alors, son opinion et sa volonté sont seules décisives sur la question, pourvu que l’ordre soit admissible et convenable ; et il est raisonnable qu’il en soit ainsi9.
2) Mais une question se pose : le droit reconnu au subordonné d’examiner l’ordre du supérieur, doit embrasser encore autre chose. La difficulté consiste à en donner la mesure exacte.
Quand le droit public moderne a apparu, il était naturel que, de prime abord, il y eût partout une certaine tendance à en exagérer les principes. Ainsi, on a établi l’axiome que chaque fonctionnaire doit être responsable des mesures prescrites par ses supérieurs (72) et qu’il met à exécution ; par conséquent, il a le droit et même il a le devoir d’examiner ces mesures et de refuser d’obéir, quand il trouve qu’elles ne sont pas tout à fait régulières. De cette manière, on a cru avoir trouvé une nouvelle garantie de l’autorité absolue de la loi : chaque fonctionnaire en est constitué le gardien vis-à-vis de ses supérieurs10.
En fait, cela ne s’est jamais réalisé ; ce serait vraiment le monde renversé ; il y aurait là une négation complète de la force propre à l’ordre hiérarchique : cet ordre a pour but de déclarer péremptoirement au subordonné ce que, d’après le droit et la loi, il doit faire pour remplir son devoir de servir ; il faut qu’il puisse s’y fier, et il faut aussi qu’il s’y conforme ; sans quoi, le pouvoir de commander qui appartient au supérieur n’aurait aucune valeur11.
Par suite d’une réaction que ces exagérations ne pouvaient manquer de provoquer, l’opinion dominante à l’heure actuelle est que le subordonné n’a un droit d’examen qu’en ce qui concerne la question de compétence générale. Cela comprendrait les deux conditions sur l’existence d’un ordre véritable hiérarchique, que nous venons d’établir sous le n. 1. Mais autre chose est visé par là et qui n’y est pas (73) encore compris. Le subordonné ne doit pas seulement examiner la compétence de son supérieur vis-à-vis de lui-même, c’est-à-dire la compétence d’émettre cet ordre hiérarchique ; on vise en première ligne la compétence extérieure, vis-à-vis des autres sujets qui ne sont pas compris dans le lien de l’obligation de servir et sur lesquels le supérieur veut produire un effet par l’intermédiaire du subordonné12. C’est donc la vieille doctrine, quoique très atténuée : le subordonné est encore constitué gardien de l’ordre légal à l’encontre de son supérieur ; il est chargé de lui refuser obéissance dans le cas où cet ordre légal serait violé ; seulement, au lieu de veiller sur la légalité de l’acte de son supérieur en général, il ne le contrôle que sur ce point spécial. Mais cette opinion n’en reste pas moins exposée aux critiques que l’on pouvait soulever contre la première, laquelle était encore plus prétentieuse : s’il y a ordre hiérarchique, l’appréciation qui est faite dans cet ordre de la légalité de la mesure à exécuter doit lier le subordonné pour la question de compétence générale aussi bien que pour (74) les autres questions de droit. Du reste, en règle, le subordonné ne sera pas à même d’apprécier l’acte qu’il doit aider à exécuter, tous les détails n’étant pas à sa connaissance. Dès lors, le droit d’examen dont on voudrait l’investir n’aurait guère d’importance pratique.
Ce qu’il y a de vrai dans tout cela, et ce qui effectivement apparaît comme une limite nouvelle à l’obéissance dûe par le subordonné, c’est encore une question de compétence, mais d’une compétence spéciale pour déterminer l’obligation de service du subordonné.
L’ordre du supérieur, même si les conditions indiquées au n. 1 sont remplies, est sans effet et l’obéissance pourra être refusée, quand l’ordre se heurte contre un ordre hiérarchique, plus fort. L’obligé peut avoir plusieurs supérieurs, placés aux différents degrés de la hiérarchie : si le supérieur plus élevé commande, le subordonné est délié de l’obéissance vis-à-vis de l’ordre contraire du supérieur d’un rang inférieur. Dans le service militaire, c’est toujours le supérieur qui parle le dernier qui a raison.
Il y a aussi des cas où le même fonctionnaire est attaché à différentes branches de l’administration, représentées par des autorités différentes ; d’ordinaire, ce n’est pas à lui à distinguer ce qui appartient à chacune de ces branches et à refuser obéissance quand il croit voir, dans ce qui lui a été commandé, un empiètement sur le domaine de l’autre autorité ; mais si les deux autorités lui commandent, dans le conflit, il n’aura à obéir qu’à celle dont la compétence prévaut en cette affaire. Le conflit des autorités qui lui sont préposées le force, à procéder à un examen, et lui en donne le droit. L’ordre de l’autorité que cette matière concerne le moins, — quoiqu’il soit en lui-même un ordre hiérarchique valable — est refoulé par le droit plus fort de l’autre supérieur.
(75) Ce droit plus fort pour déterminer l’obligation de servir pourra aussi être donné à l’obligé lui-même. Cela n’a lieu que pour certaines espèces de fonctions, et même pour certaines espèces d’actes. Le bon ordre du service consiste essentiellement dans la liberté du subordonné de décider lui-même et sous sa propre responsabilité ce qu’il aura à faire. Il est, pour ainsi dire, sa propre autorité supérieure. Dans ces hypothèses, on dit qu’il y a fonctions autonomes.
L’exemple le plus frappant nous est fourni par les fonctionnaires de la justice. Ils sont soumis à un pouvoir hiérarchique qui peut leur donner des ordres. Mais, en ce qui concerne l’activité juridictionnelle proprement dite, ils doivent trouver, par eux-mêmes, ce qui constitue leur devoir. L’ordre que le supérieur voudrait leur adresser touchant cette activité, est considéré comme une immixtion inadmissible ; il se heurte contre un droit plus fort ; il ne produit pas d’obligation d’obéir13.
Ce principe n’existe pas seulement pour les tribunaux civils et criminels ; on n’hésite pas à l’appliquer aux tribunaux administratifs comme sous entendu, même si la loi n’en parle pas expressément. Une autonomie de même nature se trouve aussi établie, par prescription spéciale, au profit de fonctions purement administratives14 ; ou même, elle résulte de la nature de l’activité fonctionnelle, quand il s’agit, par exemple, de la mission de professer une science. Surtout (76) la fonction d’honneur, qui sert par exemple à constituer les soi-disantes autorités délibérantes (Beschlussbehörden), a obtenu, pour ce qui fait l’essentiel de son activité, la même indépendance que celle du juge de profession. De plus, cela a lieu dans une large mesure pour les fonctions des corps d’administration propre, fonctions d’honneur ou de profession. Enfin, pour les agents d’exécution (Vollstreckungsbeamte), l’autonomie est au moins reconnue en ce qui concerne l’observation des formes auxquelles la loi a soumis certains actes de leur fonction : l’huissier, de même que le porteur de contrainte qui lui est assimilé, ne doit procéder à une saisie qu’en vertu d’un titre exécutoire, dûment expédié, qu’il doit avoir entre ses mains, et aucun ordre hiérarchique ne pourra l’en dispenser. De même, l’arrestation dépend de l’expédition du mandat d’amener, l’emprisonnement de la remise des titres et certificats prescrits ; le fonctionnaire qui y procède aura à examiner, pour lui seul, si les formalités suffisent pour lui permettre d’agir.
Ainsi s’établit, il est vrai, une espèce de mécanisme dilatoire qui pourra aussi avoir une certaine valeur politique. Mais la forme juridique est non pas celle d’un contrôle exercé par le subordonné sur l’acte du supérieur pour en vérifier la légalité ou la compétence générale quant à l’effet extérieur à produire, mais celle de l’autonomie du subordonné pour apprécier la conformité de son acte à son devoir, appréciation qui ne peut pas être entravée par un ordre du supérieur.
Le subordonné reste responsable de cette appréciation. S’il n’a pas observé l’ordre du supérieur, alors que cet ordre n’exigeait de lui que ce qu’il devait faire, cela pourra avoir son importance pour la gravité des suites, parce que par là il avait été rendu attentif et mis en demeure. Mais il n’est pas en faute (77) par cela seul qu’il n’a pas obéi. L’ordre du supérieur n’a pas qualité pour donner à l’obligation de servir le caractère plus déterminé de l’obligation d’obéir. C’est tout.
II. — Le pouvoir disciplinaire.
Le maître, en droit public, n’a pas d’action pour astreindre à l’accomplissement de l’obligation de servir, telle qu’elle a été constituée originairement, ni telle qu’elle a été déterminée par un ordre hiérarchique.
On use très largement de l’application de la peine, d’un mal à infliger par la puissance publique à raison d’une conduite répréhensible.
Ces peines appartiennent en partie aux formes juridiques du droit pénal commun. Les délits de service ou professionnels ne diffèrent des délits ordinaires que par leur connexité intérieure avec l’obligation de servir qui incombe au délinquant.
La peine est encore employée par le supérieur comme moyen de contrainte pour amener à la conduite qui est due en vertu de l’obligation de servir. Le modèle est donné par la peine coërcitive en matière de police15.
(78) Il y a encore une troisième espèce de peines, qui est propre au rapport de service de droit public ; c’est la peine disciplinaire. Elle a sa source dans la nature même de ce rapport et dans sa destination particulière. Elle se rencontre encore ailleurs, lorsque, dans un rapport de sujétion spéciale, des conditions analogues se retrouvent ; mais c’est ici qu’elle a reçu son développement caractéristique.
Le rapport de service du droit public implique nécessairement la fidélité et le dévouement spécial. Toute contravention ne présente donc pas seulement en elle-même un désordre à réprimer. Ce fait isolé gagne encore une importance de beaucoup supérieure par la conclusion qu’il permet de tirer sur l’existence de sentiments qui ne sont pas conformes à cette exigence fondamentale. Il ne convient pas au service public d’avoir à sa charge un pareil élément. Par conséquent, on réagit contre la personne fautive par des peines. Ces peines sont des poenae medicinales dans le sens du droit canonique. Elles ont leur entière raison d’être dans le but qu’elles poursuivent, dans l’amélioration du service. Cette amélioration, on pourra tâcher de l’obtenir dans la personne même du délinquant. Est-elle impossible, il ne reste, comme moyen suprême, qu’à éliminer du service le membre gangrené, pour que tout au moins ce service — la chose importante avant tout — soit purifié et amélioré : quod medicamenta non sanant, ferrum sanat16.
(79) 1) Il faut déjà considérer comme moyen de peine disciplinaire les simples réprobations et réprimandes que tout supérieur est naturellement autorisé à adresser à son subordonné. Mais on comprend spécialement sous le nom de peines disciplinaires celles qui, par des degrés réglés, sont infligées suivant une procédure plus ou moins formelle et constatées officiellement pour caractériser définitivement le coupable.
Ces peines disciplinaires formelles sont divisées, selon les deux formes dans lesquelles la discipline peut tâcher d’atteindre son but, en discipline corrective et (80) discipline épurative (Zuchtdisciplin, reinigende Disciplin).
Les moyens de discipline corrective sont : l’avertissement, le blâme, les amendes et les arrêts. La discipline épurative opère par l’exclusion du service, la destitution disciplinaire. Entre les deux groupes se trouvent encore les déplacements par voie disciplinaire et les suspensions, représentant d’un côté des moyens de correction vis-à-vis du coupable, et ayant, d’autre part, un certain effet épuratif au profit du service dans l’intérêt duquel il suffit que l’individu n’exerce plus ses fonctions à tel endroit ou pendant un certain temps.
Ces moyens ne sont pas tous admis partout. Le choix de ceux qui doivent être admis dépend de la nature de l’obligation de servir. La distinction entre fonctionnaires supérieurs et fonctionnaires subalternes devient ici d’une certaine importance. Les premiers sont déjà très sensibles à l’égard d’une réaction très modérée ; celle-ci suffira donc souvent pour produire l’effet voulu. Ainsi la peine des arrêts, d’ordinaire, n’est admise que pour des fonctionnaires subalternes. Vis-à-vis des juges, on considère peut-être même l’amende comme un moyen de correction trop lourd.
On comprend que la discipline militaire ait dû se développer avec le plus d’intensité. L’armée ne peut, à aucune condition, tolérer des sentiments contraires aux devoirs qu’exige son service. De plus, dans le service militaire forcé, il s’agit d’une école destinée à former aussi rapidement que possible le moral même ; il faut ajouter que la discipline épurative se trouve exclue ; le renvoi par la voie disciplinaire ne s’accorderait pas avec un service forcé17. Il faut donc des (81) moyens de discipline corrective d’autant plus forts pour atteindre le but.
Selon l’énergie avec laquelle elles frappent, on divise encore les peines disciplinaires formelles en simples peines d’ordre et peines disciplinaires proprement dites. Des différences de procédure s’y attachent.
2) La peine disciplinaire suppose une faute. Mais elle n’est pas encourue directement par cette faute, comme la peine de police ou la peine en matière de finances. Le fait de la faute commise procure seulement une arme à l’autorité pour obtenir du délinquant l’amélioration du service qu’elle jugera nécessaire18. S’il convient d’en faire usage et dans quelle forme, cela rentre dans l’appréciation de l’intérêt du service. Donc, le pouvoir disciplinaire ne porte pas devant les yeux un bandeau à travers les ouvertures étroites duquel il ne verrait qu’une partie de la réalité, celle qui contient la matière du délit. Elle a égard aux mérites antérieurs et aux espérances que le coupable peut présenter, au préjudice que la renommée du fonctionnaire éprouvera par la punition, à la mauvaise impression que, de l’autre côté, son immunité pourrait faire sur les autres fonctionnaires, bref à tout ce que la prudence politique peut trouver digne d’être pris en considération.
Dans la procédure suivie pour infliger la peine disciplinaire, il se produit peut-être une séparation des différents points de vue à examiner. Pour statuer sur les fautes les plus graves et infliger les peines les plus sévères qui y correspondent, des autorités disciplinaires spéciales sont constituées à côté des supérieurs ordinaires ; ou bien l’on fait fonctionner comme telles (82) des tribunaux civils ou administratifs. Ces autorités disciplinaires sont alors chargées de l’examen formel de la cause, de la constatation de la faute et de la fixation de la peine, tout cela au point de vue de la justice et de l’application égale des principes existants. Les autres vues et considérations qui caractérisent la peine disciplinaire sont de la compétence du détenteur ordinaire du pouvoir hiérarchique, lequel prend part à cette procédure de différentes manières.
Il peut y concourir en ce sens que la cour spéciale de discipline prononce d’abord, et que le supérieur ordinaire du plus haut degré ordonne ensuite définitivement ce qui doit être, en se basant sur cette déclaration, mais en appréciant encore et librement les autres points de vue de l’intérêt public. Cela a lieu surtout dans les tribunaux d’honneur des officiers.
Pour les fonctionnaires civils, au contraire, l’arrêt du tribunal disciplinaire marque la fin de la procédure. Mais ce tribunal ne procède que sur la demande du supérieur ordinaire. La procédure offre ainsi une grande ressemblance avec l’instruction criminelle ; mais tandis que, dans cette dernière, le ministère public est obligé de poursuivre toutes les fois qu’il est possible d’obtenir une condamnation, ici le supérieur n’agit que dans le cas où il le juge nécessaire dans l’intérêt du service19.
(83) 3) La peine disciplinaire peut être exclue de différentes manières.
L’exclusion n’a pas lieu, en principe, dans le cas où, à raison des mêmes faits constituant la faute disciplinaire, il y a déjà eu condamnation à une peine du droit pénal ordinaire. L’axiome ne bis in idem ne s’applique pas entre ces deux genres de peines. La discipline a son but propre ; l’individu qui a été condamné par la justice criminelle ordinaire doit encore satisfaire à cet intérêt, de même qu’il doit encore payer les indemnités pour le dommage matériel qu’il a causé20. Toutefois, les constatations du jugement de la procédure criminelle auront toujours une grande importance de fait pour l’une et l’autre, — demande en dommages-intérêts et poursuite disciplinaire. — La loi prescrit donc, pour la poursuite disciplinaire, qu’on doit toujours attendre le résultat de la procédure criminelle, ou que ce jugement la lie quand il renferme un acquittement. Ainsi il peut arriver que la poursuite disciplinaire soit exclue parce que formellement la faute est censée ne pas exister.
Par contre, la peine disciplinaire est exclue d’elle-même par le fait de l’extinction de l’obligation de servir : quand le coupable est sorti du rapport de service, il n’y a plus rien à améliorer dans le service (84) en agissant sur lui ; la peine disciplinaire a perdu son but et, par suite aussi, son droit21. Cette cessation naturellement n’a pas lieu si, malgré la fin du rapport de service, il subsiste un motif spécial de poursuivre la procédure disciplinaire. Il ne peut s’agir que d’un but accessoire, du règlement des frais occasionnés par une procédure déjà pendante, ou du retrait des droits qui pourraient sans cela rester au coupable en ce qui concerne le titre, le rang, la pension22. Cette cessation ne comprend pas non plus l’exécution des peines disciplinaires déjà infligées avant la dissolution du rapport de service23. Ces peines peuvent seulement être devenues, par ce fait, (85) sans objet ou sans force : sans objet, quand elles ne tendent pas à autre chose qu’à la dissolution de ce rapport ou même à moins que cela, par exemple, à une simple suspension ; sans force, quand il s’agit de peines dont l’effet repose uniquement sur l’autorité du supérieur vis-à-vis du subordonné, telles que l’avertissement et le blâme ; dès qu’il n’y a plus de supérieur, il n’y a plus moyen de les exécuter.
Enfin, la peine disciplinaire est exclue par l’extinction du pouvoir disciplinaire qui, par la faute commise, avait été appelé à poursuivre.
Cela peut coïncider avec le cas que nous venons d’exposer ; mais il en peut être autrement. L’extinction d’un pouvoir disciplinaire peut se produire avec cet effet que le coupable n’est plus soumis à aucune obligation de servir selon le droit public24 ; ou en ce sens seulement qu’il change de patron, passe du service d’un corps d’administration propre dans celui de l’Etat, et vice-versa25 ; ou bien que, tout en gardant le même patron, il entre dans une autre branche de service, pour laquelle a été établie une autre organisation du pouvoir disciplinaire : cette dernière (86) branche de service n’est pas du tout appelée à poursuivre à cause de la faute antérieure, et l’ancien pouvoir disciplinaire n’en est plus chargé26. Cette cause d’extinction n’a pas d’effet, quand, au moment où elle survient, la procédure disciplinaire a été déjà introduite. Il se peut que, pour ce cas, on ait donné à l’autorité supérieure le droit d’empêcher le fait même qui amènerait l’extinction du pouvoir disciplinaire, c’est-à-dire le droit de refuser la démission demandée tant que la procédure disciplinaire introduite ne sera pas terminée. Ce droit ne va pas de soi, car il ne s’agit pas alors de retenir provisoirement l’obligé dans l’intérêt du service (Comp. § 44, I, no 3 ci-dessus). Si, toutefois, le rapport de service, après l’introduction de (87) la procédure, se termine d’une manière quelconque, alors le principe de la procédure civile devra trouver son application, à savoir que, par l’ouverture de l’instance, la compétence est fixée irrévocablement et reste intacte, quoique les raisons sur lesquelles elle s’était fondée disparaissent après coup. Donc, le pouvoir disciplinaire auquel cet individu, pour toutes les mesures qu’on prendra désormais, ne sera plus soumis, reste en vigueur pour achever ce qui a été commencé. La force, il est vrai, avec laquelle ce pouvoir pourra encore agir, sera restreinte par l’effet même du fait de la cessation du rapport de service : la condamnation disciplinaire, comme il a été dit ci-dessus, pourra ainsi perdre son objet ou la forme caractéristique de son exécution27.
- Comp. t. 1er, p. 137. C’est donc à bon droit que Laband, St. R. (éd. all. I, p. 408 et 412 ; éd. franç., II, p. 107 et p. 113), parle tantôt de « rapport de sujétion » et tantôt de « rapport de service de droit public ». De même, Rehm dans Annalen 1885, p. 146. [↩]
- Comp. t. 1er, p. 131 et t. 2, p. 257. Un exemple très instructif nous est fourni par la « publication » de l’ordonnance sur l’armée dans la Feuille officielle de l’armée (Armeeverordnungsblatt) 1888, p. 226. [↩]
- Comme dans les rapports de sujétion du droit des finances ; comp. t. 2, p. 269. La conséquence, c’est qu’on comprend par désobéissance à un ordre hiérarchique tout spécialement l’inexécution d’un ordre individuel, ce qui entraîne aussi une pénalité spéciale : Hecker dans Gerichtssaal XXI, p. 506, — Les ordres ici peuvent émaner de supérieurs auxquels l’usage de notre langue refuserait la qualité d’autorité ; du moins, il est contraire à cet usage de désigner comme autorité un chef de bureau ou un sous-officier. Quand on parle de « l’autorité préposée au service » (Vorgesetzte Dienstbehörde), on a toujours en vue une fonction plus élevée, ayant le rang et la situation extérieure d’une autorité administrative générale. Toutefois, les ordres de ces supérieurs d’un rang beaucoup moins élevé ont exactement la force et la nature juridique d’actes administratifs. Comme il existe entre ces deux notions un rapport nécessaire, l’acte administratif signalant toujours l’autorité (Comp. t. 1er p. 120), nous aurons à constater que, dans les rapports de sujétion, la qualité d’autorité peut appartenir à une fonction d’une importance moindre. C’est encore une particularité de ce rapport ; nous la verrons se développer encore plus largement dans la sphère du pouvoir des établissements publics (Comp. § 52, II, ci-dessous). [↩]
- S’il n’avait pas ces conséquences, l’ordre hiérarchique ne serait pas un ordre ; comp. t. 2e p. 50. — Il est complètement faux de vouloir simplement identifier le devoir d’obéir et celui de servir. Ainsi Schultze, Preuss. St. R., I, p. 315. Cela constituerait un bien piteux accomplissement du devoir, puisque l’on ne ferait que ce qui a été commandé. Du reste, la notion de l’obéissance du subordonné ne comprend pas les devoirs de la fonction qui sont déterminés par des prescriptions et par des commandements exprès. Des commandements peuvent être donnés aux fonctionnaires, comme à tout sujet, par la règle de droit de la loi ou de l’ordonnance. On ne parle d’obéissance du subordonné que vis-à-vis de commandements qui reposent sur la base particulière de l’obligation de servir et du pouvoir hiérarchique ; Seydel, Baye. St. R., III, p. 390. [↩]
- Lorsqu’il n’y a pas de droit d’examen, l’obligation d’obéir est absolue ; l’ordre couvre la responsabilité du subordonné pour les actes illégaux accomplis (t. 2, § 17, I, no 1) ; d’un autre côté, l’acte de la fonction, accompli conformément à un ordre reçu, est censé être légal, lorsqu’il s’agit d’apprécier, au point de vue du droit pénal, la résistance qu’il éprouve (t. 2, § 25, I, no 2). Nous trouvons donc ici un complément à ces deux doctrines ; Binding, Stf. R., I, p. 305. [↩]
- Seydel, Bayr. St. R., III, p. 391 : « Par conséquent, dans ce sens formel, celui auquel un ordre a été donné comme ordre hiérarchique aura le droit et le devoir d’examiner si vraiment il y a ordre hiérarchique ». [↩]
- Laband, St. R. (éd. all. I, p. 442 ; éd. franç. I, p. 147), relève trois points à observer : il faut que l’ordre soit donné dans la forme prescrite ; il faut que celui qui l’émet ait la compétence formelle ou abstraite de le donner ; il faut enfin que le subordonné ait la compétence formelle ou abstraite de faire l’acte dont on le charge. En ce qui concerne les formes prescrites pour l’ordre hiérarchique, il n’y en a guère. Aussi il ne nous plaît pas de dire que le subordonné doit examiner sa compétence et s’il « est autorisé, en général, exécuter des actes semblables ». Il n’y a pas seulement, en effet, à agir sur le dehors, il y a aussi des affaires à gérer dans le service intérieur : rédiger un écrit, ranger un bureau, faire des exercices au pas gymnastique, faire du maniement d’armes. Tout cela peut être l’objet d’un ordre hiérarchique, dont l’examen sera possible ; on ne voudra pas parler ici de compétence du subordonné, ni d’une autorisation (Befugniss) d’agir ainsi. Nous ne relèverions pas ces impropriétés de langage, s’il n’y avait pas, derrière ces expressions, des divergences d’opinion quant au fond, sur lesquelles nous reviendrons. Dans le sens de Laband se prononcent : Rehm dans Annalen 1885, p. 83 ; Zorn, St. R., I, p. 237 ; Freund, dans Arch. f. öff. R., I, p. 135 ss. ; Seydel, Bayr. St. R., III, p. 391 ; on peut ajouter G. Meyer, St. R., p. 450. [↩]
- Goenner, Staatsdienst, p. 208 ; Seydel, Bayr. St. R., III, p. 390 note 3 ; R. G. Stf. S., VI, p. 439. — Cela revient donc à étendre l’obligation d’obéir, lorsque la loi attribue à l’ordre la force d’écarter la pénalité de faits qui sans cela seraient punissables. Tel est le cas, par exemple, pour le § 47 du Code pénal militaire, qui met le soldat à l’abri de poursuites, quand il a commis une contravention sur l’ordre d’un supérieur. L’intensité de l’obligation du service militaire éclate justement dans le fait que toutes les limites de l’ordre hiérarchique, que nous venons d’indiquer s’effacent ici : l’obligation d’obéir ne dépasse pas seulement la loi pénale ; elle est, d’une manière générale, difficile à définir ; elle ménage bien peu de chose dans la vie privée du soldat. [↩]
- Dans ce sens Laband, St. R. (éd. all. I, p. 442 ; éd. franç. II, p. 147), insiste sur le côté « formel » de l’ordre hiérarchique, qui, seul, peut être l’objet d’un examen. C’est du reste le caractère général de l’acte administratif : comp. t. 1er, § 8, p. 125 et note 7 ; t. 2, § 20 p. 49. [↩]
- Perthes, Der Staatsdienst, p. 126 : « Nulle autorité ne doit déroger au droit existant par un ordre contraire. Si toutefois cela se produit, aucun fonctionnaire ne doit donner suite à un pareil ordre », Parmi des auteurs plus récents, il faut citer Loening, V. R., p. 122, note 5. G. Meyer se range à cette opinion ; il énumère (St. R., p. 450) parmi les ordres hiérarchiques qui ne lient pas le subordonné, « des dispositions qui sont contraires au texte non équivoque de la loi ». Ici encore, la question est la suivante : Qui décidera ce que signifie le texte non équivoque de la loi ? Est-ce l’ordre du supérieur ou l’opinion du subordonné ? D’après G. Meyer, c’est cette dernière opinion qui l’emporte. [↩]
- En conséquence, Perthes, l. c., reconnaît lui-même que les supérieurs n’ont pas à tolérer tout refus d’obéissance pour cause d’illégalité de l’ordre ; sans quoi « le gouvernement ne serait pas possible ». La solution de la contradiction dans laquelle il se met ainsi viendra, espère-t-il, de la « sagesse du corps des fonctionnaires ». [↩]
- Laband, St. R. (éd. all. I, p. 443 ss. ; éd. franç. II, p. 148) : Seydel, Bayr. St. R., III, p. 391 ; Zorn, St. R., I, p. 237. C’est parce qu’on ne vise que ce côté extérieur qu’on exige la « compétence de l’autorité préposée par rapport à la circonscription et celle de l’objet », quand cependant l’ordre du supérieur ne repose que sur un rapport personnel. C’est dans la même pensée qu’on exige « la compétence ou le pouvoir du subordonné » d’exécuter la mesure, tandis qu’il peut ne s’agir que d’affaires du service intérieur (comp. la note 7 ci-dessus), et qu’on parle d’une « exécution » de la mesure, ce qui dit autre chose que l’obéissance à l’ordre du supérieur : on pense à l’effet à produire sur les autres sujets. De même, indiquer l’observation des formes prescrites comme un objet spécial de l’examen du subordonné, cela n’aurait aucun sens pratique, comme nous l’avons vu, si l’on s’en tenait à l’ordre du supérieur. Mais on y substitue, sans s’en apercevoir, la mesure à exécuter contre le tiers. C’est ainsi qu’on a pu citer comme exemple d’un examen des formes de « l’ordre qui lui a été donné » tout simplement l’examen des formes de l’expédition du jugement à exécuter : Laband, St. R. (éd. all. I, p. 442, note 2 ; éd. franç. II,. p. 152, note 2). Comp. sur une confusion analogue dans la question de l’acte fonctionnel légal, t. II, § 25 note 2. [↩]
- Seydel, Bayr. St. R., III, p. 391, note 1 : « Dès lors, il n’y a pas d’ordre hiérarchique dans l’injonction adressée au juge, contenant une immixtion illicite dans la juridiction ». A notre avis, cela serait cependant un ordre hiérarchique dans le « sens formel » de Seydel (Comp. la note 6 ci-dessus) ; seulement, cet ordre hiérarchique ne serait pas valable et ne lierait pas l’appréciation du subordonné. [↩]
- Comp. par exemple le serment à prêter par les membres de l’administration du fonds des invalides d’après la loi d’Emp. du 23 mai 1873, § 12. [↩]
- G. Meyer, St. R., § 148, note 1 ; le même dans Annalen, 1876, p. 673. Il oppose à l’amende, comme moyen de contrainte indirect, les arrêts comme moyen direct ; mais cela ne nous paraît pas justifié. — V. Bar, Stf. R., I, p. 353, parle ici d’une « soi-disante peine d’ordre proprement dite », qui est également une peine disciplinaire, mais, avant tout, un moyen de contrainte. C’est l’un ou l’autre ! — L’ancien droit de la Prusse confondait ces peines de la désobéissance avec la peine coërcitive en matière de police (comp. t. II, p. 112). Foerstemann, Pol. R., p. 403, s’y oppose avec raison. Mais la loi sur la discipline du 21 juillet 1852, § 100, est partie de cette manière de voir pour fixer le droit des peines coërcitives à prononcer contre les fonctionnaires : aujourd’hui, cela n’est plus considéré comme étant matière de police ; la ratio legis a disparu ; mais naturellement, cela n’empêche pas cette législation de continuer à être en vigueur. Comp. t. II, § 18, note 13 infine. — Le moyen de l’exécution par substitution ne s’applique pas facilement ici ; un exemple dans ma Theorie d. Franz. V. R., p. 62. Quant à l’usage de la force pour contraindre le subordonné à obéir, Mil. Stf. G. B., § 124. [↩]
- Sur l’affinité qui existe avec la censura du droit canonique, comp. Hinschius, dans Holtzendorff Rechtslex. I, p. 458 ; Le même, System des Kath. K. R., IV, p. 748 et p. 716 note 8. — Binding, Grundriss des Stf. R., p. 153 : « pas de peine dans le sens juridique, mais un moyen de correction pédagogique ». Cette dernière appellation est excellente ; seulement, à notre avis, un moyen de correction peut être en même temps une peine, quoique cela ne soit pas une peine du même caractère que celle du droit criminel commun. — Laband, St. R. (éd. all. I, p. 463 ; éd. franç. II, p. 184) : « Ce n’est pas une peine dans le sens du droit pénal, mais un moyen de maintenir dans le rapport de service la discipline et l’ordre et d’assurer l’accomplissement des devoirs du service ». Dans la tendance que l’on constate à appuyer fortement sur l’opposition contre l’ancienne doctrine qui admettait ici une sphère spéciale du droit pénal commun, un droit spécial particulier, on est allé trop loin, il est vrai, et l’on a assimilé, d’une manière excessive, la peine disciplinaire à la peine coërcitive. On l’a désignée de « moyen de contrainte pour obtenir l’accomplissement du devoir » (Laband, l. c., éd. all. I, p. 464 ; éd. franç. II, p, 185) ; elle doit être « à la place de la demande en prestation » de ce qui est dû en vertu d’un contrat (Laband, l. c., éd. all., I, p. 465 ; éd. franç. II, p. 186) ; elle est une « forme de la contrainte à la prestation » (Binding, Stf. R., I, p. 278). G. Meyer, dans Annalen 1876, p. 673 ss., a fait observer avec raison que justement la peine disciplinaire la plus grave, la destitution, en renonçant à toute prestation ultérieure, doit exclure toute idée d’une contrainte à la prestation. Laband, St. R. (éd. all., I, p. 464, note 2 ; éd. franç. II, p. 165 note 2), oppose à G. Meyer « qu’il reconnaît lui-même que la menace d’une peine est un moyen de contrainte indirect ». Mais Laband nous semble quitter ainsi le terrain sur lequel il a construit tout d’abord sa propre doctrine. En effet, le moyen de correction qui correspond à la demande judiciaire en vertu du contrat, ne pourra être représenté que par l’infliction de la peine, et non par la délégation faite aux autorités du pouvoir juridique de le faire au besoin, — délégation qui seule pourrait être considérée comme l’acte de « menace » vis-à-vis du fonctionnaire ; car il n’y a pas ici d’autre menace. Mais si l’on se contente de cette espèce de menace pour appeler la peine disciplinaire un moyen de contrainte pour obtenir la prestation, alors toutes les menaces contenues dans les règles du droit criminel ordinaire doivent être appelées des menaces au même titre et considérées également comme des moyens de contraindre à l’accomplissement du devoir ; ainsi disparaîtra la distinction que Laband s’était efforcé de faire. — L’idée d’une contrainte de prestation, qu’on a combinée sans aucune nécessité avec l’idée du moyen de correction, doit simplement être laissée de côté. [↩]
- C’est ainsi que Hecker dans Gerichtssaal XXXI, p. 495 ss., explique cette « renonciation aux moyens de la discipline épurative ». [↩]
- Laband, St. R. (éd. all. I, p. 465 ; éd. franç. II, p. 167) : « un droit, non pas une obligation juridique de l’État ». Seydel, Bayr. St. R., III, p. 482 : « son exercice est à la libre disposition du détenteur ». [↩]
- Dans cette séparation, le décret du tribunal de discipline, considéré isolément, aura la nature de la décision de juridiction ; comp. t. 1er, p. 126, p. 210. Seydel, Bayr. St. R. III, p. 483, fait des efforts pour conserver cette notion même pour des cas où l’infliction de la peine disciplinaire est entièrement dans les mains du supérieur, lequel toutefois apprécie librement s’il est aussi de l’intérêt public de poursuivre, et de poursuivre de telle ou telle manière (Comp. Seydel lui-même, l. c., p. 482). Pour lui, la question a cette importance pratique qu’il s’agit de savoir si ici la forme du contentieux administratif est applicable ou non. En effet, s’il était vrai que la justice administrative ne pourrait absolument avoir lieu que dans les cas de véritable « juridiction » au sens indiqué, elle serait évidemment écartée ici. Mais tel n’est pas le cas, pas même d’après le droit Bavarois ; comp. t. 1er, p. 214 ss. et note 11. [↩]
- Ceux qui ne veulent voir ici qu’un droit criminel spécial n’échapperont jamais à la règle : ne bis in idem. G. Meyer. St. R., p. 458, croit pouvoir se tirer d’affaire en montrant la différence qui existe entre les punitions infligées dans l’une et l’autre de ces procédures. Mais tout d’abord, il nous semble que, en général, cela ne peut pas suffire pour écarter cette règle ; et puis, il y a des cas où les moyens employés se ressemblent, ce qui ferait disparaître cette différence : il serait donc, par exemple, inadmissible de procéder à une destitution par la voie disciplinaire dans le cas où le tribunal criminel pouvant priver le fonctionnaire de la jouissance des droits civiques et, par conséquent, le déclarer déchu de sa position officielle, aurait refusé de le faire. [↩]
- Cette idée dominante se trouve exposée avec toute la clarté possible dans Bl. f. adm. Pr., 16, p. 39. Comp. aussi Kanngiesser, Reichs. B. R. p. 162, 163 ; F. Seydel, Dienstvergehen, p. 150 ss. ; Gaupp, Württemb. St. R., p. 97. — Evidemment, cela est incompatible avec un simple droit criminel spécial ; par conséquent, G. Meyer, qui tient à cette manière de voir, déclare, dans Annalen 1876, p. 677, que les prescriptions des §§ 75 et 100 du R. B. G. consacrant cette règle proviennent uniquement d’une inadvertance du Reichstag. Mais nos législations particulières ordonnent la même chose. — Il nous semble que c’est là le véritable motif, pour lequel il n’a pas été constitué de pouvoir disciplinaire sur les échevins et les jurés : la discipline épurative est écartée en ce qui concerne le service forcé ; quant à exercer une discipline corrective sur un homme que, la clôture de l’audience prononcée, on ne reverra jamais, cela n’a pas de but raisonnable. Les peines du non-accomplissement du service forcé, à infliger selon les principes du droit pénal commun, suffisent donc : Seuffert, Erörterungen über die Besetzung des Schöffengerichts und Schwurgerichts p. 81 ss. Laband, St. R. (éd. all. I, p. 448 ; éd. franç. II, p. 160, 161), voudrait expliquer ce fait par le prétendu principe « que les suites disciplinaires ne peuvent atteindre que des fonctionnaires proprement dits ». Mais le soldat — qui n’est certes pas fonctionnaire — est cependant soumis à ces suites. [↩]
- Comp. la jurisprudence dans F. Seydel, Dienstvergehen, p. 150, 151. — O. Tr., 1er déc. 1871 (J. M. Bl., 1872, p. 14) retient la procédure disciplinaire même après la démission accordée, pour infliger un blâme. C’était le coupable lui-même qui, condamné en première instance, avait interjeté appel ; le tribunal croyait donc peut-être agir en faveur de l’accusé en continuant l’instance. Kanngiesser, R. B. G., p. 163, remarque avec raison que c’était aller trop loin. [↩]
- De même que des peines coërcitives déjà prononcées, quoiqu’étant de pures peines à tendance, doivent être exécutées même si leur but a disparu ; comp. t. II, § 23, p. 117. [↩]
- Kanngiesser, Reichs. B. R., p. 163, entend expliquer l’impossibilité d’une poursuite disciplinaire après la démission, par une espèce de force purifiante de l’acte de mise à la retraite, lequel signifierait « une constatation définitive du service consciencieusement rempli ». Mais la même règle s’applique aussi dans le cas où l’obligation de servir cesse de plein droit parce que le temps est expiré, comme cela arrive pour les fonctions d’honneur, et cependant ici, on ne trouvera pas d’acte spécial auquel on pourrait attacher cet effet. [↩]
- Présidence (Kreishauptmannschaft) de Zwickau, 31 mai 1880 (Sächs. Ztschr. f. Pr., I, p. 333 ss.) : Un fonctionnaire communal a passé dans le service d’une autre ville et il s’agit maintenant, pour son autorité supérieure nouvelle, de lui infliger un blâme à raison d’une faute commise dans son rapport de service. Pour cela, l’autorité nouvelle n’est pas compétente : « l’accusation n’a aucun rapport avec le serment professionnel que le fonctionnaire a prêté au conseil de ville actuel ». L’ancienne autorité supérieure, il est vrai, est aussi incompétente, par la raison qu’elle n’est plus l’autorité supérieure ; « la procédure disciplinaire reçoit ses limites chaque fois par le rapport de service existant ». [↩]
- C’est encore une conséquence de l’axiome que le droit pénal disciplinaire repose sur le pouvoir hiérarchique ; Laband, St. R. (éd. all. I, p. 465 ; éd. franç. II, p. 167) ; le même dans Marquardsen Handb. I, 1 p. 65 ; Rehm dans Annalen 1885, p. 192. Le consul de carrière ne peut pas être poursuivi disciplinairement à raison d’une faute commise par lui antérieurement en qualité de juge de commerce en fonction d’honneur, non plus que le fonctionnaire de l’administration des finances à raison des infractions à la discipline qu’il aurait commises dans sa carrière d’officier de l’armée. Un simple changement de l’autorité disciplinaire compétente à raison de la circonscription locale est indifférent, pourvu que la branche d’administration dans laquelle on sert reste la même. Chaque pouvoir disciplinaire n’existe que pour sa branche et n’agit pas au delà. — C’est dans cet ordre d’idées que l’on trouvera la réponse à la question soulevée par Seydel dans Bayr. St. R., III, p. 500 ss. D’après le droit Bavarois, les fonctionnaires mis à la retraite définitivement non seulement ont encore à remplir certains devoirs, mais sont aussi soumis à un pouvoir disciplinaire : ils restent donc, comme il nous sera permis de le dire, dans un rapport de service prolongé, quoique sensiblement atténué. Or ici on rencontre le fait « quelque peu frappant » que des fautes commises pendant le service actif et découvertes plus tard ne peuvent plus être poursuivies, alors que ces mêmes faits, s’ils étaient commis dans la retraite, pourraient être poursuivis. Cela s’explique de la manière suivante : ces individus ne sont plus placés sous le pouvoir disciplinaire constitué pour des fonctionnaires actifs ; le pouvoir disciplinaire pour des fonctionnaires mis à la retraite — pouvoir sous lequel ils sont placés — n’existe que pour cette autre espèce d’obligation de servir qui est toute différente et qui ne peut pas être mise en mouvement dans l’intérêt du service actif. [↩]
- C’est ainsi que s’expliquent les prescriptions du R. B. G., § 75, no 2. [↩]