Section II
Les obligations spéciales
§ 46. Droits pécuniaires résultant du rapport de service
(88) Au rapport de service du droit public s’attachent des droits à des prestations en argent ou en valeurs pécuniaires, des droits pécuniaires. En partie, ils naissent de ce rapport même ; par conséquent, ils y sont compris et participent de sa nature de droit public. En partie, ils ne s’y rattachent qu’extérieurement en vertu d’institutions spéciales du droit public ou du droit civil. Nous aurons à faire le classement de ces différents éléments1.
I. — Les droits pécuniaires de celui qui doit le service se trouvent placés au premier rang ; ils forment le contrepoids de la prépondérance des droits de l’Etat dans l’obligation de servir en elle-même. D’après leur cause juridique, nous distinguons ces droits pécuniaires en traitement et indemnité de service.
1) Le traitement (salaire) a sa place ordinaire dans le service professionnel, tel qu’il résulte de la nomination (89) du fonctionnaire. Le traitement signifie matériellement la même chose que le salaire dans le contrat de louage d’ouvrage du droit civil : il donne au rapport de service ce côté spécial qui en fait, pour le fonctionnaire, sa profession et le fondement économique de son existence ; il fournit ainsi un motif — et ordinairement le motif le plus important — du consentement nécessaire de cet individu, lequel doit être engagé de cette façon. Le traitement est donc l’équivalent en argent de l’obligation de servir créée par la nomination, équivalent qui est dû en proportion de la durée de cette obligation, et qui échoit à des termes réguliers2.
Le droit au traitement est fondé sur un acte administratif qui l’alloue. Cet acte se joint à l’acte de nomination ; il est réuni avec lui dans un seul titre ou séparé extérieurement. Il peut fixer librement le montant dans le cas individuel — ce qui se fait très souvent, — par exemple, dans la nomination des professeurs d’université. Il peut aussi être lié dans son contenu par des règles générales établissant pour les (90) différentes classes de fonctions un tarif fixe de traitements. Des règles analogues sont établies par la loi du budget dans les états de traitements. L’administration peut les réunir spécialement dans un régulatif des traitements, ayant, en comparaison de la loi du budget, un caractère permanent. L’une et l’autre de ces fixations ne signifient d’abord qu’un plan, d’après lequel se fera l’emploi des sommes que le budget rend disponibles pour les traitements. Elles n’auront d’effet qu’au moyen de l’acte administratif qui en fera l’application. Si rien n’a été dit spécialement, la nomination elle-même renferme tacitement l’allocation de la somme destinée à une fonction analogue d’après l’état ou le régulatif. Si la loi ou l’ordonnance ont fixé, pour certaines classes de fonctions, les traitements en forme de règle de droit3, le droit à ce traitement est créé par la nomination ; il y a là une nécessité juridique ; une dérogation, même avec le consentement du fonctionnaire, ne serait pas valable.
Le traitement alloué signifie, pour le fonctionnaire, un droit subjectif de droit public au paiement de cette somme.
La protection de ce droit s’effectue, conformément aux principes généraux (t. 1er, § 16, II), en règle, au moyen d’une demande à introduire devant les tribunaux civils. Les termes échus du traitement sont soumis à la libre disposition du créancier, ces dispositions elles-mêmes étant soumises aux règles du droit civil (t. 1er, § 11, IV, no 2).
Pendant la durée du rapport de service, le traitement dû originairement peut recevoir une augmentation, soit à l’occasion de l’avancement dans une autre (91) fonction, soit par la simple allocation d’un supplément. Cela a lieu suivant des règles générales, de la même manière que la détermination du traitement originaire4. L’acte administratif contenant l’allocation a son effet par lui-même, sans qu’il y ait besoin d’une acceptation déclarée : il ne s’agit pas de conclure, ni de changer un contrat existant.
Au contraire, la privation totale ou partielle du traitement ne devient possible que par le consentement de l’intéressé, à moins qu’il n’y ait une cause juridique spéciale autorisant le maître à y procéder unilatéralement.
Ce consentement peut spécialement se trouver dans l’acceptation d’une fonction ayant une dotation (92) inférieure. La fonction restant la même, le consentement est sans effet, si le traitement est fixé dans la forme d’une règle de droit. Des retenues consenties ont surtout lieu dans le but de former un cautionnement prescrit, d’alimenter une caisse de pensions5, de couvrir le prix des uniformes achetés à frais communs ; elles peuvent aussi servir à payer un remplaçant, quand telle a été la condition d’un congé accordé. La retenue est ordonnée par l’autorité préposée en vertu du consentement.
Même sans consentement, la privation du traitement peut avoir lieu unilatéralement pour une cause spéciale. Mais cela dépend ici de règles essentiellement autres que celles qui existent pour le rapport de service du droit civil. Pour ce dernier, tout est placé sous le point de vue de l’exceptio non adimpleti contractus : le salaire peut être refusé quand, pour une cause dont le serviteur doit répondre, l’obligation d’être à la disposition du patron n’est pas accomplie. Cela ne s’applique pas purement et simplement au rapport de service du droit public6.
(93) D’un côté, une privation de traitement correspondante ne s’attache pas ici aussi directement à l’inaccomplissement du devoir. Il faut une irrégularité formelle : contravention au devoir de résidence, c’est-à-dire le fait de s’être éloigné, sans congé, du domicile de la fonction, ou, ce qui revient au même, d’éviter illicitement les localités où le service doit se faire7. Cette conduite est justifiée par un congé donné ; mais c’est justement avec ce congé qu’une retenue proportionnelle peut avoir été imposée comme condition : le fonctionnaire accepte-t-il ce congé, la retenue devient possible par son consentement ; n’accepte-t-il pas, et s’absente-t-il sans congé, il encourt la retenue par cette irrégularité8.
D’un autre côté, une privation de traitement se produit même en dehors du cas où il y a manquement au devoir d’être à la disposition pour servir, par suite de la privation de la fonction que le maître peut être autorisé à prononcer contre le fonctionnaire (Comp. § 44, II no 2 ci-dessus). Il faut citer avant tout (94) la mise en disponibilité, qui réduit le traitement à une fraction, le traitement de disponibilité (Wartegeld) ; puis la suspension, ayant le même effet ou même enlevant provisoirement tout droit à un traitement ; enfin le déplacement par voie disciplinaire, quand la fonction nouvelle est dotée d’un traitement inférieur.
Avec le rapport de service s’éteint également le droit au traitement. Mais il y a des différences, suivant la manière dont ce rapport a pris fin. Le droit au traitement ne cesse, d’une manière absolue, que dans le cas de démission volontaire du fonctionnaire (renvoi sur sa demande) ou d’indignité (condamnation judiciaire, destitution par la voie disciplinaire). Il n’en est pas de même quand le rapport de service a pris fin par suite d’incapacité survenue (mise à la retraite) ou par la mort du fonctionnaire. Dans ces cas, le traitement continue à être payé en entier, encore pendant un certain temps, à l’ancien fonctionnaire ou à sa famille : pendant le mois courant ou même un mois de plus ou trois mois de plus, mois de grâce, trimestre de grâce. Cette expression est devenue inexacte, depuis le jour où partout cette prolongation a été réglée de manière à constituer un droit résultant du rapport de service.
Mais, avant tout, cette dernière manière de faire cesser le rapport de service — et avec lui le droit au traitement — fait naître en même temps un droit nouveau, le droit à la pension, à la retraite. La pension est une prestation en argent effectuée par l’Etat, payable à des termes réguliers et fixée proportionnellement au montant du dernier traitement. Le droit à pension est encore acquis par suite d’une allocation. Cette allocation peut être faite, lors de la cessation du rapport de service, par l’autorité compétente qui apprécie librement ce qu’exige l’équité. En règle, elle est faite d’avance, lors de la création du rapport de service ou pendant sa durée, de la même manière que (95) les allocations de traitement ; elle est réglée, comme cette dernière, par l’état des pensions ou par des régulatifs, ou même par des règles de droit auxquelles l’administration ne pourra pas déroger. L’allocation une fois faite n’est plus révocable. Les changements qui pourront survenir dans les tarifs des états ou des régutatifs ne la touchent pas. Par la voie de la législation, naturellement, tout peut être mis dans un ordre nouveau ; toutefois, la loi elle-même, lorsqu’elle fait des innovations, ménage les droits acquis à une pension future9.
L’allocation ainsi faite dépend de la condition que le rapport de service se terminera de la manière prévue, par la mise à la retraite pour cause d’incapacité ou par la mort. Cette condition remplie, le droit se réalise au profit du retraité ou de sa famille. Il est constitué directement aussi au profit de la famille — au profit de tiers, par conséquent, — et ne dépend pas de l’acceptation de la succession ou de la communauté10. Toujours, dans le cas du droit à pension alloué d’avance, il y aura lieu, la condition une fois remplie, à une fixation formelle de la pension due au retraité ou à sa famille. Mais il n’y a pas là un acte de libre appréciation ; c’est un acte juridiquement lié, une décision.
Le droit à la pension ayant produit son effet par (96) la condition remplie ou créée par l’allocation faite librement après coup, doit être considéré comme l’équivalent de l’obligation de servir dont le fonctionnaire s’est déjà acquitté ; par conséquent, le droit à pension est indépendant de la conduite ultérieure du créancier ; spécialement, il ne peut pas être révoqué pour cause d’indignité, ni par la voie disciplinaire, ni dans la forme d’une déchéance prononcée par un tribunal criminel à l’occasion d’une condamnation11.
2) Dans le rapport de service du droit civil, l’engagé a droit non seulement à son salaire, mais aussi à la bonification de tous les dommages pouvant résulter pour lui de l’accomplissement de son service. De la même manière, dans le rapport de service du droit public, à côté du traitement, nous trouvons l’indemnité de service. Nous entendons par là des prestations en argent faites par l’Etat à celui qui est à son service, afin de le couvrir des dépenses spéciales résultant de l’accomplissement de son obligation de servir. Il y a trois choses à distinguer.
En principe, des mesures sont prises pour éviter (97) toute dépense au débiteur du service pour l’accomplissement de ce service et pour rendre cette dépense superflue. L’individu est employé dans l’ensemble d’une certaine entreprise publique ; il entre dans l’organisation d’un établissement public, d’une autorité, et là il doit trouver tous les moyens matériels dont il pourra avoir besoin pour l’accomplissement de son service. L’Etat lui fournit les bureaux, tout ce qu’il faut pour écrire, les ustensiles, les armes, les voitures. Beaucoup de choses semblent profiter directement à sa personne : dans l’intérêt du service, il est logé ; il est, pendant les heures de service, éclairé, chauffé ; il reçoit un costume officiel. Cela se produit de la manière la plus éclatante dans le service militaire : cette grande institution s’empare de l’individu, s’occupe de lui et lui procure tout ce dont il pourra avoir besoin : nourriture, habillement, abri ; elle lui fournit même, pour les menues dépenses, un peu d’argent de poche — ce qu’on appelle la solde n’est pas autre chose. La nature juridique de toutes ces choses est généralement la même : ce sont des avantages provenant des institutions de l’Etat, qui doivent rendre possible et faciliter la prestation du service. Mais il n’y a aucun droit au profit de celui qui doit le service. C’est l’intérêt propre de l’Etat au bon fonctionnement de son entreprise qui les lui garantit exclusivement, mais aussi suffisamment12.
Il n’y a donc lieu à une indemnité de service que dans le cas où ces mesures ne suffisent pas pour éviter (98) à celui qui sert toutes les dépenses spéciales. Les autorités préposées au service ont quelquefois à leur disposition des moyens pour accorder des bonifications toutes les fois que l’équité l’exige ; mais c’est alors une affaire de bienveillance ; on ne donne point satisfaction à un droit13. Le droit formel d’obtenir une indemnité semblable n’est accordé par le rapport de service du droit public que pour certaines choses déterminées, pour lesquelles ce droit est prévu et spécialement reconnu. C’est en ce sens que le service professionnel de l’Etat confère des indemnités de logement (Wohnungsgeldzuschüsse)14, des frais de représentation, des frais de bureau, des frais de déplacement, des frais de déménagement15. La fonction d’honneur confère des indemnités pour frais de fonction, des indemnités pour les écritures ; la solde et les frais d’équipement payés à l’officier de réserve qui doit faire un service actif rentrent aussi dans cette catégorie16.
(99) Le droit à ces prestations a pour fondement la règle de droit d’une loi ou d’une ordonnance ; ou bien il résulte d’un acte administratif qui, de son côté, est ordinairement dirigé par des principes généraux établis dans des régulatifs ; ce qui est dit dans ces régulatifs est censé être assuré tacitement par l’acte qui donne lieu à la dépense de service correspondante, par conséquent, par la nomination, par le déplacement, par l’appel au service. Le droit à l’indemnité s’attache alors, avec des sommes fixes, aux faits qui sont reconnus comme pouvant occasionner de pareilles dépenses ; peu importe qu’elles aient été faites réellement ou non dans le cas spécial et dans quelle mesure. En dehors de cela, il n’y a pas de droit à indemnité résultant du rapport de service17. Cela ne veut pas dire qu’un autre droit à indemnité ne serait pas possible entre les personnes qui sont liées par ce rapport. Au contraire, les règles qui accorderaient un pareil droit à tout autre personne, abstraction faite du rapport de service, profiteront aussi à celui qui sert, du moins en tant que le rapport de service ne s’oppose pas à l’application de ces règles ou n’exclut pas ce droit.
Ainsi, dans le service professionnel ou d’honneur et même dans le service forcé, l’obligé peut, dans l’accomplissement de son service, être amené à faire, pour le compte de la communauté qu’il sert, un achat nécessaire, ou à régler une dépense urgente. Un droit à être remboursé de ces débours peut naître à son profit, par application des règles de la gestion d’affaires, de la répétition de l’indu, de la versio in rem18. Ce (100) droit a alors tout à fait la nature du droit civil. Quand le droit civil exclut l’indemnité pour le cas où la dépense a été faite malgré le dominus negotii, le rapport de service sera pris en considération pour examiner si, d’après ce rapport, le demandeur n’aurait pas dû s’abstenir de s’immiscer dans l’affaire qu’il a ainsi gérée.
De même, l’obligé pourra, à raison des dommages qu’il a éprouvés dans l’accomplissement de son service invoquer la responsabilité civile de l’Etat, de la commune, etc., comme pour un fait illicite (Comp. t. 1er, § 17) ; ou bien il pourra, ce qu’il ne faut pas confondre, réclamer l’indemnité de droit public, telle qu’elle serait due à n’importe qui (Comp. § 53 ci-dessous). Ici encore, le rapport de service n’est pas la base du droit ; il peut, au contraire, être un obstacle à la réclamation, si celui qui a éprouvé le dommage était, par suite de ce rapport même, chargé d’éviter, par ses propres soins, l’évènement dommageable19.
(101) II. A côté du droit à l’accomplissement de l’obligation de servir, qui par lui-même n’a pas la nature d’un droit pécuniaire, naissent, d’une manière accessoire, des droits pécuniaires au profit du maître, de l’Etat. Le rapport de service du droit civil en fournit les types, et cela de deux manières :
1) Il se peut qu’en conformité à un rapport de service, des valeurs pécuniaires aient été confiées à l’obligé ; cela fait naître, pour lui, le devoir de rendre compte et de restituer. Ce double devoir reçoit, dans le rapport de service du droit public, une forme caractéristique.
La comptabilité devient ici l’objet de missions particulières20. Des comptables sont préposés à toutes les caisses en exercice ainsi qu’aux autres provisions à état variable. Ces fonds leur sont soumis en ce sens qu’aucun mouvement ne peut s’y produire, — entrée ou sortie, — sans leur concours. Mais le comptable ne doit procéder à ces mouvements qu’en observant certaines formalités destinées à les constater selon leur nature, leur cause et leur montant. Le comptable justifie de l’accomplissement de ce devoir en produisant un tableau de tous ces faits avec les pièces justificatives ; c’est la reddition de comptes. Pour exercer la surveillance, il y a des autorités spécialement organisées avec une procédure réglementée ; c’est le contrôle de la comptabilité. L’autorité centrale, Cour des comptes, Chambre supérieure des comptes, est l’autorité placée en dernier ressort au-dessus de tous les comptables. Ces comptables sont tenus de lui soumettre, à des services réguliers, leurs redditions de comptes. Elle leur fixe des délais par ordre hiérarchique, elle leur ordonne de compléter (102) les pièces, de donner des éclaircissements, de faire des changements. Comme moyen de contrainte, il y a la peine coërcitive, mise à la disposition de l’autorité qui examine les comptes, et qui pourra soit en menacer le coupable, soit au besoin l’en frapper21.
L’obligation de restituer a une étendue beaucoup plus grande. Elle incombe à toute personne qui, à l’occasion de son service, aura été mise en possession d’une chose quelconque. Le devoir de service détermine l’époque où doit avoir lieu la délivrance, le paiement, le déguerpissement, la production. Lors de la cessation de la fonction ou du service même, il y aura à faire une remise générale au successeur ou à l’autorité supérieure. La peine coërcitive sert de moyen de contrainte ; mais, de préférence, on aura recours à la force : l’autorité supérieure n’assigne pas en justice pour obtenir la remise de la caisse, des dossiers et des livres, l’abandon d’un bureau ou la remise de l’équipement militaire ; elle ordonne la restitution et exécute cet ordre par le moyen dont elle se trouve armée, à savoir l’enlèvement par la force au besoin, avec l’assistance des agents d’exécution de la police (Comp. t. Il, § 23, III).
Ces deux devoirs cessent avec l’obligation de servir, dont ils ne sont que des éléments. Si, après coup, il y a encore lieu d’établir des comptes avec l’ancien fonctionnaire ou avec sa famille, ce n’est qu’en vue de dommages-intérêts qu’on pourrait encore avoir à leur réclamer (Comp. no 2, ci-dessous). Si des choses ont été retenues, qui auraient dû être restituées, le droit à la remise qui existe dépend du droit civil. Si le refus de la chose constitue, en même (103) temps, un trouble au bon fonctionnement de l’administration publique, il pourra encore y avoir lieu à la contrainte de police directe (Comp. t. II, p. 142, 143) ; mais c’est alors une question nouvelle, qui n’a plus aucun lien avec le rapport de service.
2) Dans le rapport de service du droit civil, il y a, derrière chaque infraction aux devoirs de l’obligé causant un dommage au maître, un droit à des dommages-intérêts au profit de ce dernier. L’obligation de les payer est contractuelle ; elle n’est autre chose que l’obligation de servir transformée.
Dans le rapport de service du droit public, il n’en est pas de même. Il faut appliquer un principe beaucoup plus général : les obligations à des prestations quelconques, lorsqu’elles dépendent du droit public, dans le cas où elles ne sont pas remplies ou sont mal remplies, ne se transforment pas en obligations de payer des dommages-intérêts. Cette transformation est une règle propre au droit des obligations civiles ; mais nous ne sommes pas autorisés à transplanter des règles de ce genre purement et simplement dans les rapports de droit public qui semblent présenter avec ces obligations une ressemblance extérieure.
Cela ne veut pas dire que celui qui sert selon le droit public ne devra jamais réparer le dommage qu’il aura causé à son maître par sa faute. Seulement, selon le droit du service, il ne doit rien ; de ce rapport de service ne découle pas d’obligation à des dommages-intérêts. Il doit cette réparation à son maître de la même manière qu’à tout autre individu auquel, dans ses fonctions, il aura illicitement causé un dommage22.
Cette responsabilité vis-à-vis des tiers ne peut pas (104) reposer sur l’obligation de servir ; cette obligation n’existe pas vis-à-vis d’eux ; leur droit à indemnité ne résulte donc pas du rapport de droit public il a pour base les règles du droit civil sur les obligations qui se forment sans convention, les obligations ex delicto ou quasi ex delicto. La doctrine qui voit dans l’obligation du fonctionnaire de réparer le dommage causé à son maître — l’Etat — une obligation de droit civil, n’arrive à ce résultat qu’en faisant abstraction du rapport de service et en faisant, par conséquent, reposer cette obligation sur le fondement du délit ou quasi-délit.
Pour cette obligation non-contractuelle de payer des dommages intérêts, le rapport de service n’est cependant pas indifférent. Elle suppose une faute, un fait illicite ; et, pour constater si, dans le fait dommageable, il y a faute, c’est le rapport de service qui fournit le critérium. Le dommage que le maître, l’Etat, a éprouvé par le fait de son fonctionnaire est censé avoir été causé par une faute, illicitement, lorsque ce fait implique une violation du devoir de service. Cela ne fait pas du rapport de service la base de l’obligation d’indemniser23 ; cette obligation reste quand même une obligation du droit civil et une obligation ex delicto. Pour l’appréciation nécessaire de la faute, cette obligation fait souvent des emprunts à d’autres rapports de l’auteur du dommage, spécialement à des rapports de devoirs de droit public dans lesquels il se trouve placé ; les devoirs professionnels et, avant tout, les devoirs envers la police nous fournissent (105) des exemples24. Il y a plus : c’est justement le rapport de service du droit public qui sert de mesure pour apprécier la faute sur laquelle on veut faire reposer un droit à indemnité dont le caractère de droit civil et non-contractuel est hors de doute. Comme cela a été exposé dans la théorie de la responsabilité pour des actes de la fonction (t. 1er, § 17, I, no 2), le fonctionnaire est responsable, même envers la personne privée, du dommage qu’il lui a causé par l’inaccomplissement ou l’accomplissement défectueux de son obligation de servir.
Le fonctionnaire qui viole le devoir professionnel lui incombant vis-à-vis d’un tiers, doit réparer le dommage causé à celui-ci (Code civil allemand, § 839). De même, quand il viole le devoir professionnel lui incombant vis-à-vis de l’Etat, il doit réparer le dommage causé à son maître. Il y aura obligation civile ex delicto dans un cas aussi bien que dans l’autre25.
(106) Si le droit du maître d’avoir une réparation pécuniaire n’est pas compris dans le rapport de service du droit public, le fait qu’il peut naître à cette occasion a cependant une certaine influence sur ce rapport. C’est en vue de cette réparation pécuniaire que le rapport de service lui-même renferme déjà certaines précautions et mesures destinées à garantir ce droit. A cet effet, des contrôles de la gestion au point de vue financier ont été institués. Dans le contrôle des comptes dont nous parlions plus haut (II, no 1, p. 101), il y a la tendance directe de constater, si possible, une responsabilité pécuniaire du comptable. Cela résulte encore plus clairement du contrôle administratif qui s’y joint : les pièces justificatives des comptes servent aussi à examiner les agissements des autres fonctionnaires, en tant qu’ils ont occasionné des dépenses et des recettes. La constatation des responsabilités déterminées à laquelle aboutissent l’une et l’autre de ces deux espèces de contrôle, ne lie pas les intéressés. Mais elle donne un fondement matériel pour faire valoir des droits à indemnité revenant à l’Etat ; et elle peut obliger les autorités compétentes, à en entreprendre la poursuite26.
Une forme spéciale de poursuite des droits à indemnité se présente dans la procédure des déficits (Defectenverfahren). Un déficit (Defect) est la différence entre l’état effectif d’une masse s’administrant sous la responsabilité d’un comptable public et l’état tel qu’il (107) devrait être d’après les livres27. Le comptable, par la faute duquel le déficit est arrivé, doit le couvrir. L’autorité qui examine les comptes et constate le déficit, est en même temps autorisée à prononcer la responsabilité qu’elle a reconnue. Le décret de déficit est obligatoire et exécutoire sauf recours devant les tribunaux civils : le recours doit être introduit dans un certain délai sous peine de forclusion. Le tribunal examine alors complètement le bien-fondé du décret de déficit et prononce, sur la question de responsabilité et ses conséquences, comme en seconde instance28.
Le décret de déficit n’étant qu’une forme plus expéditive de la poursuite en responsabilité, n’est pas limité à la durée du rapport de service29. Il n’est pas non plus la forme nécessaire pour mettre cette responsabilité en jeu ; la voie de la simple demande en indemnité reste toujours ouverte à côté du décret30.
Enfin, pour certaines fonctions, qui par leur objet (108) sont spécialement susceptibles de faire naître des droits à indemnité de la part de l’Etat, — par conséquent surtout avec les administrations de caisses ou de matières, — l’obligation de fournir un cautionnement est prévue. Les fonctions soumises à cautionnement sont désignées par la loi, l’ordonnance ou le régulatif ; il n’est pas interdit, même sans cela, de stipuler un cautionnement dans tel cas spécial.
La gestion des fonctions ainsi désignées ne doit commencer qu’après que le cautionnement aura été fourni. Donc l’entrée au service ainsi que la délation de la fonction pourront se faire sans cela ; mais l’installation dans la fonction, l’entrée en fonction doit être précédée du cautionnement. Si la fonction est exercée effectivement sans cautionnement, les fonctionnaires qui devaient veiller à l’observation de cette prescription seront responsables. Si le cautionnement n’a pas été effectué à l’époque où l’entrée en fonction aurait dû avoir lieu, la nomination ne tombe pas d’elle-même ; on peut surseoir ; il peut aussi être permis de former le cautionnement au moyen de retenues faites successivement sur le traitement. Mais tant que la question du cautionnement n’est pas régularisée, celui qui a été nommé sous cette condition n’a pas de droit à la situation ainsi acquise. La nomination est censée être faite sous la réserve tacite d’avoir les mains libres pour le cas où l’exercice de la fonction n’aurait pas lieu de la manière prévue. C’est ce qui fait l’importance juridique du cautionnement pour le rapport de service : la délation de la fonction peut être révoquée, et, dans le cas où la nomination est seulement faite pour la fonction soumise au cautionnement, la nomination pourra aussi être révoquée ; ainsi, le rapport de service prend complètement fin31.
(109) Le cautionnement s’effectue dans les formes du droit civil. Quand il s’agit de faire valoir les droits du maître sur le cautionnement, ce sont encore les règles du droit civil touchant les droits du créancier gagiste qu’il faudra appliquer ; d’un autre côté, quand l’obligation de fournir le cautionnement est éteinte, la restitution du gage sera demandée devant les tribunaux civils en vertu du contrat de gage32.
- Droit pécuniaire et droit civil ne sont pas identiques ; comp. t. 1er, § 11, note 2. La confusion, qui ne s’explique que par le passé historique, se produit cependant encore souvent justement dans cette matière. Une tentative, avec la bonne intention d’en sortir, est faite dans les motifs de la loi d’organisat. jud., p. 74 (Hahn, Mat., p. 94) : « des droits pécuniaires des fonctionnaires, qui, outre le côté droit civil, ont encore un côté droit public ». [↩]
- Ainsi O. V. G., 26 sept, 1885 (Samml. XII, p. 45). — Goenner, Staatsdienst, p. 104, voit dans le droit au traitement une conséquence de l’imposition du service d’Etat d’après le modèle de l’indemnité d’expropriation. Depuis qu’on a recommencé à considérer la nomination comme un contrat, il faut surtout avoir soin de distinguer le droit au traitement de l’équivalent payé par le maître dans le rapport de service du droit civil. A cet effet, on a maintenant pris l’habitude de désigner le traitement de « rente alimentaire ». Laband, St. R. (éd. all. I, p. 478 ; éd. franç. II, p. 207) ; Rehm dans Annalen, 1885, p. 88 : Ihering, Zweck im R., I p. 201 ; Zorn, St. R., I, p. 239 (2e éd., p. 318). Mais ce que le traitement a de commun avec la rente alimentaire se trouvera tout aussi bien dans le salaire du contrat civil. Ce qui est caractéristique dans la rente alimentaire ne se trouve ni dans l’un ni dans l’autre : à savoir, l’adaptation au besoin individuel de la personne à entretenir, ce qui rend la rente alimentaire essentiellement variable. Qu’on se serve de ce nom, nous n’y voyons pas d’inconvénient ; mais, comme Seydel, Bayr. St. R., III, p. 415, l’a déjà remarqué très justement, il ne faut pas croire que cela nous avance à quelque chose. [↩]
- C’est ce qui fut proposé, par exemple, dans la discussion de la loi d’Emp. sur l’organis. jud., pour les traitements des juges (Pros. verb. de la Commission, p. 571). Les législations particulières sont entrées dans ces vues ; comp. la note suivante. [↩]
- Ainsi, la loi Pruss. d’exécution du G. V. G., du 24 avril 1878 établit des règles de droit pour les augmentations ; elle ordonne dans son § 9 : « L’allocation aux juges des traitements et suppléments prévus dans l’état se fait dans l’ordre fixé par l’ancienneté et selon les moyens que l’état rend disponibles ». Comp. R. G., 25 sept. 1885 (Samml. XI p. 289) ; avec plus d’énergie encore, R. G., 1er mars 1886 (Samml. XV p. 274) : Un juge est mort le 24 sept. 1884 ; le 25 oct. 1884, il est alloué à deux juges d’une ancienneté relativement inférieure le supplément prévu par l’état, payable à partir du 1er juillet 1884. Les héritiers réclament ce supplément comme étant dû au défunt pour l’époque écoulée du 1er juillet jusqu’au 1er oct. 1884 ; le Tribunal de l’Empire le leur adjuge par le motif qu’une omission illégale du défunt aurait eu lieu. Pourtant, la loi ne dit pas : dès qu’un supplément prévu par l’état est disponible, il faut qu’il soit alloué au juge, dont, en vertu de son ancienneté, le tour est venu. Elle dit : quand l’autorité alloue des suppléments prévus par l’état, il faut qu’elle suive l’ordre d’ancienneté ; elle ne doit pas faire d’omission, sans quoi elle lèse le droit de celui qui est omis. Le Tribunal, tout en suivant la première interprétation de la loi, s’exprime en des termes qui conviennent plutôt à la seconde ; de cette façon, elle arrive à la thèse un peu surprenante que l’autorité, dans l’allocation du supplément, a « commis une omission » du juge trois mois après son enterrement. — On ne saurait, du reste, méconnaître que le tribunal civil, qui exerce ici le contrôle, est investi, vis-à-vis de l’administration, de pouvoirs extraordinaires : il ne statue pas seulement selon les allocations faites ; il les contrôle au point de vue de leur légalité ; au besoin, il fait lui-même ce que l’acte administratif aurait dû faire. Loi Pruss. du 24 mai 1881, § 1 ; Oppenhoff, Ress. verh., p. 552, no 11 ; R. B. G., § 149. [↩]
- C. C. H., 12 oct. 1872 (J. M. Bl., p. 295) admet que, par ordre du supérieur, la participation à une caisse de secours pour les veuves de fonctionnaires peut être rendue obligatoire ; dans une décision antérieure, du 14 janv. 1854, le C. C. H. avait déclaré que cela appartient non pas au « côté publicistique, mais au côté droit privé du rapport » ; en conséquence, il avait reconnu les tribunaux civils compétents pour statuer sur la question des retenues qu’on veut ordonner à cet effet. Cela a dû amener pratiquement un résultat satisfaisant. En effet, en tout cas, ces choses sont placées en dehors de la sphère de l’ordre hiérarchique ; sans le consentement du fonctionnaire, — contenu tacitement dans l’acceptation d’un rapport fonctionnel qui aurait été réglé dans ce sens, ou déclaré après coup, — la retenue ne pourrait se faire qu’en vertu d’une loi. [↩]
- Dans la fameuse controverse sur le traitement et les frais de remplacement des juges de district élus au Landtag, les prétentions du gouvernement Prussien ont été fondées dans le temps sur une application inadmissible des principes du droit civil, touchant les réductions de salaire : v. Roenne, Preuss. St. R., I, p. 242 ss. Le gouvernement avait encore compromis sa position, en adoptant antérieurement les opinions contraires au sujet des Landrätte (sous-préfets) qui avaient été élus : Kamtz, Annalen, année 1830, p. 264. Néanmoins, le gouvernement, au fond, était dans son droit : les élus avaient besoin d’un congé, et le gouvernement étant libre de le refuser pouvait le faire dépendre de cette condition que les élus paieraient les frais du remplacement ; comp. la note 8 ci-dessous. [↩]
- De même que le droit canonique exige non seulement residentia, mais aussi interessentia, pour que la jouissance du beneficium soit conservée : Hinschius, K. R., III, p. 236. De ce côté là, il y a, en général, des affinités très proches. [↩]
- Harseien dans Wörterbuch, I, p. 187. Ce n’est pas une peine disciplinaire, comme F. Seydel, Dienstvergehen, p. 66, l’a cru ; si le fonctionnaire n’y acquiesce pas, il est statué, il est vrai, selon la procédure disciplinaire ; mais cela a lieu aussi pour la mise à la retraite pour cause d’incapacité (loi Pruss. du 21 juillet 1852, § 93). Ce n’est pas non plus l’imposition d’une indemnité à payer ; ce serait, en effet, par une fiction tout à fait arbitraire, que le dommage serait égal au traitement ; de plus, la même privation de traitement frappe le fonctionnaire qui, étant suspendu de ses fonctions, s’est absenté sans congé. [↩]
- Exemple : R. B. G., § 70. — R. G., 26 oct. 1880 (Samml. II, p. 114) : Un employé des postes badoises, — remplacées depuis par les postes de l’Empire, — était entré au service de l’Empire ; la veuve réclame la pension, telle qu’elle aurait dû se calculer d’après l’ancien droit Badois. Par la nomination, déclare le tribunal, un droit acquis a été créé, le droit de la veuve d’avoir une pension selon le droit Badois. La loi sur les fonctionnaires de l’Emp. à laquelle le défunt s’était soumis plus tard n’avait pas changé le contenu droit privé de la nomination, avec cet effet que des droits acquis auraient été éteints. [↩]
- R. G., 17 juin 1885 (Reger, VII, p. 100). [↩]
- R. G., 11 février 1887 (Samml., 17, p. 240) : Un fonctionnaire a été mis à la retraite au mois d’août pour le 1er octobre ; au mois de septembre, il est suspendu à raison d’une accusation criminelle ; au mois d’octobre, il est condamné à deux ans de réclusion : le droit à la pension est conservé, parce que le Code pénal ne prévoit comme peine accessoire que la perte de la fonction et du traitement, mais non pas celle de la pension. Comp. aussi R. G., 9 oct. 1888 (Samml., 21 p. 186). R. G., 28 mai 1880 (Reger, III, p. 170) estime que la législation particulière peut combler cette lacune, non pas, il est vrai, par une loi pénale, à cause du § 6 de la loi d’introd. au C. pén., mais par une loi sur les fonctionnaires. Il nous semble cependant que le nom qu’on donnerait à la loi ne serait pour rien dans la question de fond ; comp. Mandry, Civilrechtl. Inh. der Reichsges., p. 91. On pourrait seulement songer à un renvoi incomplet ; le retraité aurait encore à observer certains devoirs de sa condition ; et un pouvoir disciplinaire correspondant subsisterait (Comp. § 45 note 25 ci-dessus) : dans ce cas, une privation de la pension serait possible, comme peine disciplinaire, sans que les prérogatives de la loi pénale de l’Empire y fassent obstacle. [↩]
- Laband, St. R. (éd, all. II, p. 649 ; éd. franç. V, p. 271) : « L’entretien des hommes en service dans l’armée de terre et dans la marine a entièrement le caractère d’activité administrative de l’Etat ». Par conséquent, le soldat n’a aucun « droit subjectif pécuniaire à cet entretien, et le fisc n’est pas obligé en droit civil ». De droit civil, il ne saurait, en tout cas, être question ici. — Dans le même sens, en ce qui concerne les uniformes livrés aux agents de police : O. V. G., 26 sept. 1885 (Samml. XII, p. 38 ss.). [↩]
- Ainsi il est d’usage d’indemniser les agents d’exécution de la police des dommages qu’ils ont éprouvés quant à leurs vêtements dans l’exercice de leur fonction. Bonification pour des travaux extraordinaires : Sächs. Ztschft. f. Pr., I, p. 359. Quand une fois la bonification a été allouée dans le cas déterminé, il y a naturellement droit acquis à recevoir le paiement ; C. C. H., 10 oct. 1865 (J. M. Bl., 1869, p. 2) ; V. G. H. 17 février 1888 (Samml. IX, p. 411). — Les promesses si fréquentes des supérieurs ne sont pas des actes administratifs « constitutifs de droits », ce ne sont que des engagements moraux et personnels. [↩]
- Accordées pour compenser les frais particuliers causés par la nécessité de résider dans un endroit où la vie est relativement chère. Dans les indemnités de logement du droit de la Prusse et de l’Empire, il se cache cependant aussi un supplément de traitement : O. Tr., 11 nov. 1864 (Str. 55, p. 275). [↩]
- Bl. f. adm. Pr. 1885, p. 204 : « des prestations réglementaires, fondées sur le droit public ». Comp. aussi V. G. H., 15 juillet 1881. [↩]
- Laband, St. R. (éd. all. II, p. 673 ; éd. franç. V, p. 313). L’indemnité a été accordée sous cette forme avec l’intention de manifester ainsi l’égalité extérieure avec les officiers de profession. Ce n’est cependant pas un traitement dans le sens juridique. — En ce qui concerne les indemnités des frais de fonction des chefs de commune et de baillage, comp. le § 60 ci-dessous. [↩]
- La « règle générale du service de droit public », que Seydel, Bayr. St. R., III, p. 401, veut établir, n’est obligatoire, en réalité, qu’autant qu’elle est réalisée dans ces formes. Ce que Seydel a en vue, ce sont plutôt les institutions générales du droit civil, dont nous allons parler au texte. [↩]
- C. C., 25 sept. 1852 ; O. V. G., 22 déc. 1886 ; V. G. H., 17 mai 1887. [↩]
- On a mainte fois essayé de faire reposer la responsabilité de l’Etat, pour les dommages que le fonctionnaire pourra éprouver, sur une faute contractuelle d’après les règles du droit civil. Ainsi, R. G., 4 nov. 1886 (Samml. XVIII, p. 171) : Un employé du chemin de fer d’Etat est tombé d’un escalier en mauvais état qui se trouvait à la gare ; le fisc est déclaré responsable, parce que, « d’après le droit civil, le contrat de service rend le maître responsable du défaut de soins en ce qui concerne la sûreté corporelle de celui qui sert dans les fonctions dont il est chargé ». Dans le même sens, R. G., 10 nov. 1887 (Samml. XIX, p. 348). Pour pouvoir se représenter les choses de cette manière, on devrait, dans le sens de la vieille doctrine du fisc, imaginer un contrat de droit civil, qui, au moment de la nomination et à côté d’elle, serait conclu tacitement et qui renfermerait les bases nécessaires de cette responsabilité. Admettons-le pour un instant. On ne voudra cependant pas attacher aussi un semblable morceau de contrat de service aux services forcés du droit public. Qu’arriverait-il alors ? Quand l’estrade en mauvais état, sur laquelle le tribunal a dit prendre place, s’écroule, et que le juge est blessé, ainsi que ses deux échevins, ne sera-ce que le juge qui occupait la place du milieu qui aura droit à indemnité ? Ce ne sont là que des efforts désespérés en vue d’améliorer d’un côté la manière dont le droit civil a réglé la responsabilité, et, d’un autre côté, de trouver quelque chose qui remplace l’institution inconnue de l’indemnité de droit public. [↩]
- Bl. f. adm. Pr. XXXIII, p. 130 : « Une obligation spéciale de nature formelle ». — Loi Pruss. du 27 mars 1879, § 9, 10. [↩]
- Loi Pruss. du 27 mars 1879, § 15-16. Comp. la note 15 du § 45 ci-dessus, p. 77. [↩]
- Laband, St. R. (éd. all. I, p. 455 ; éd. franç. II, p. 172) ; Kanngiesser, R. B. R., p. 64 ; Krais dans B. fl. adm. Pr. XXXIII, p. 33 ss. ; spécialement p. 68, p. 163. [↩]
- C’est ce que prétend Seydel, Bayr. St. R., II. p. 405. « Le titre en vertu duquel la demande est formée appartient exclusivement au droit public » L’exemple du chemin abimé, qu’il avait donné dans Grundzüge, p. 43, fait apparaître un droit à des dommages-intérêts qui appartient pleinement au droit civil. Dans Arch. f. öff. R , III, p. 75, j’avais argumenté de la même manière que Seydel ; mais j’ai reconnu, depuis, que j’étais alors encore trop sous l’influence du droit français et que l’opinion de Laband, sur ce point, est juste. [↩]
- A. L. R., I, 6 § 26 ; comp. R. G., 21 déc. 1881 (Samml. VI, p. 621. B. G. B. § 823 al. 2). [↩]
- Dans l’ancien droit, la responsabilité des fonctionnaires était bien établie en ce sens. Comp. O. Tr., 9 avril 1853 (Str. IX, p. 86), 10 oct. 1856 (Str. XXIII, p. 1), 4 avril 1875 (Str. LXXVII, p. 295) ; O V. G., 2 juillet 1879 (Samml. V. p. 77) ; R. G., 15 nov. 1883 (Samml., X, p. 231), 29 janv. 1885 (Samml., XIII, p. 220), 9 avril 1885 (Samml. XIII, p. 58), 19 mars 1889 (Samml. XXIII, p. 326). — Depuis, la promulgation du Code civil allemand a beaucoup embrouillé la question. Il est question, dans le § 839, de la responsabilité des fonctionnaires vis-à-vis des tiers auxquels ils auraient causé un dommage en violant les devoirs de leur fonction. Mais il n’est rien dit de la responsabilité qu’ils devraient encourir envers l’Etat, dans la même hypothèse. Les lois d’exécution ont profité en partie de l’art. 77 de la loi d’introduction au Code civil, pour assurer à l’Etat un recours contre le fonctionnaire, quand l’Etat a été obligé d’indemniser un tiers du dommage que le fonctionnaire a causé à ce dernier (L. d’exec. Bav., art. 60, 61 ; Württ., art. 202-204 ; Bade, art. 5 ; Hesse, art. 78-80). En dehors de cela, il n’existe pas, actuellement, de règle de droit civil accordant à l’Etat un droit à être indemnisé par le fonctionnaire qui lui a causé un dommage en manquant à ses devoirs. Les législations particulières ne seraient pas compétentes pour en édicter ; et la législation de l’Empire a omis de le faire. Pourquoi cette omission ? Peut-être parce que le législateur de l’Empire était du même avis que Seydel et moi (comp. la note 23 ci-dessus, p. 104), à savoir que cette obligation d’indemniser dépend du droit public et que, par conséquent, il ne lui appartenait pas de la régler. Mais je crains fort que l’idée dominante était plutôt la notion — plus ou moins obscure — d’un contrat de droit civil entre le fonctionnaire et l’Etat, contrat qui existerait seul ou à côté d’une espèce de rapport « publicistique ». S’il y a responsabilité contractuelle, naturellement on pouvait se dispenser de prévoir le droit à indemnité au titre qui parle des « actes illicites » obligeant sans convention. On conviendra que la situation juridique a quelque chose de piquant. [↩]
- Laband, St. R. (éd. all. II, p. 1028 ; éd. franç., VI, p. 339) : les monita sont « des accusations dirigées contre l’autorité qui présente ses comptes ». Comp. le Rapport de la Commission concernant la loi Pruss. du 27 mai 1872, dans Hartel, Preuss. Oberrechnungskammer, p. 269. [↩]
- O. Tr., 4 févr. 1858 (Str. XXIX, p. 62). [↩]
- Motifs du projet de la loi sur les fonct. de l’Emp. dans Kanngiesser, R. B. R., p. 229 ss. — Le contrôle ne porte pas sur la question de savoir si l’autorité a bien fait de se servir de son pouvoir d’arranger provisoirement l’affaire de droit civil par son acte administratif ; il s’occupe seulement du bien fondé matériel de la créance de l’Etat : R. G., 5 février 1885 (Samml. XII, p. 143). Même sur ce dernier point, on voudrait, pour le droit Bavarois, attribuer à la décision dans la « procédure administrative sur les comptes » une autorité définitive, tout au moins en ce qui concerne les questions de droit public, surtout celle de la faute commise dans l’exercice des fonctions. Mais à défaut d’une prescription spéciale de la loi, une pareille distinction ne va pas de soi ; aussi les juristes Bavarois n’ont-ils pas pu s’entendre sur ce point. Comp. Ob. G. H. Bav., 3 juillet 1852 (Reg. Bl. 1852, p. 825, et aussi Reg. Bl. 1857, p. 7) ; Bl. f. adm. Pr., 1871, p. 346 ss. ; 1881, p. 284 ; 1883, p. 148 ss : 1884, p. 110 ; Seydel, Bayr. St. R., II, p. 469 ss. [↩]
- En particulier, il peut être dirigé contre les héritiers : R. G., 31 mai 1880 (Samml. II, p. 188), 3 juillet 1882 (Samml. VII, p. 335). [↩]
- C. C. H., 13 février 1882 (M. Bl. d. I., 1886, p. 242). [↩]
- Le cautionnement n’est donc pas une « condition sous laquelle la nomination a été faite » (Laband, St. R., éd. all. I, p, 430 ; éd. franç. II, p. 141 – a supprimé ce passage). En effet, le non accomplissement n’a pas d’effet résolutoire, ce qui arriverait s’il y avait une condition véritable. D’un autre côté, la révocation, qui devient ainsi possible, peut frapper le rapport de service ou seulement la fonction, de sorte que, par exemple, le fonctionnaire qui ne s’exécute pas rentre seulement dans la fonction qu’il avait antérieurement ou bien reste à la disposition pour un autre emploi. Il n’est pas exact non plus de dire que le cautionnement est nécessaire « avant la délation de certaines fonctions » ; il s’agit seulement de l’entrée en fonction. Ce qui est vrai, c’est que le cautionnement ne fait pas l’objet des devoirs de service ; on a donc pu contester l’exactitude de l’expression : obligation de fournir un cautionnement : Laband, St. R. (éd. all. I, p. 480 ; éd. fr. II, p. 140, Seydel, Bayr. St. R., III, p. 362 ss. ; Harseim dans Wörterbuch I, p. 722. [↩]
- O. Tr., 10 avril 1854 (Str. XIV, p. 14) ; Laband, St. R. 2e éd. all., I, p. 432 ss. ; 3e éd, allemande, p. 410 ; éd. fr. II, p. 136 et s. ; Bornhak, Preuss. St. R., II, p. 40, conteste au cautionnement fourni la nature d’un contrat de droit civil, pour ce motif qu’il ne s’agit que de l’accomplissement d’une obligation de droit public. Mais d’un côté, il n’y pas ici d’obligation à remplir (comp. la note précédente) ; d’un autre côté, même s’il en était ainsi, l’acte de constitution du gage qui doit garantir les intérêts pécuniaires de l’Etat, est, par nature, d’économie privée et ne diffère nullement, ni dans ses formes, ni dans ses effets, de ce que des particuliers pourraient faire entre eux. Donc, d’après les principes généraux, cet acte doit être considéré comme appartenant au droit civil. En quoi, du reste, l’importance pratique de son caractère droit public se manifesterait-elle ? [↩]
Table des matières