Section II
Les obligations spéciales
§ 47. Les charges publiques ; charges communes
(110) Il y a, en droit public, une grande variété de prestations qui doivent être effectuées au profit d’une certaine entreprise publique ; elles reçoivent de celle-ci la détermination de leur objet, de leur mesure et de leur forme ; elles sont attachées à cette entreprise, à la formation et à la réussite de laquelle elles doivent servir.
L’entreprise publique est une certaine portion de l’administration publique (Comp. t. III, § 33, II, no 1). C’est à la personne à laquelle ressortit cette administration que la prestation doit être faite. La charge publique, c’est l’obligation qui incombe au sujet de pourvoir aux besoins d’une entreprise publique par une prestation à faire à l’entrepreneur.
La différence avec les obligations en matière de police apparaît tout de suite : tandis que, pour les obligations de police, tout se ramène à ceci, qu’on ne doit pas causer de trouble (Comp. t. II, p. 33), ici le résultat est positif, il s’agit d’une utilité à procurer. L’objet de cette prestation peut être de nature différente. La charge, à cet égard, ressemble tantôt à l’une, tantôt à l’autre espèce des formes du droit public par lesquelles le sujet est mis à réquisition. Mais il y a toujours, d’un côté ou de l’autre, une qualification juridique spéciale qui sert à les distinguer.
(111) La charge publique peut exiger du sujet une activité en vue de faire un travail, de donner des renseignements, etc. Elle semble coïncider avec l’obligation de servir du droit public. Ce qui l’en sépare, c’est l’absence de l’élément moral de fidélité et de dévouement spécial, qui caractérise cette dernière obligation ; pour la charge publique, ce qui seulement importe, c’est le résultat extérieur de la prestation1.
La charge publique peut tendre à mettre à la disposition de l’administration publique des choses corporelles appartenant à des sujets. Il en est de même pour l’expropriation et pour la servitude d’utilité publique imposée. Mais ces dernières procèdent par la création directe de droits réels. La charge publique, au contraire, commence toujours par l’imposition d’une obligation personnelle de livrer les choses à l’usage, à la consommation ou à la libre disposition ; il se peut que, par l’accomplissement volontaire ou forcé de ce devoir, la propriété soit transférée ; cela n’empêche pas l’institution de garder son principe propre2.
(112) La charge publique peut imposer des obligations de payer une somme d’argent. Elle ressemble alors à l’impôt ou à la taxe. La charge publique conserve, vis-à-vis de l’impôt ou de la taxe, sa nature juridique propre ; elle crée et évalue les obligations de payer d’après un devoir qui est supposé incomber au payeur de pourvoir à l’existence de l’entreprise publique à laquelle sert la charge et selon les besoins de cette entreprise3.
On peut distinguer différentes espèces de charges publiques, à des points de vue différents.
Au point de vue de la personne du maître de l’entreprise publique à laquelle elles doivent profiter, — à savoir la communauté à laquelle appartient l’entreprise et, par conséquent, le droit de la charge —, on peut distinguer des charges d’Etat, des charges communales, des charges d’association publique. Mais, dans ces expressions, le mot charges (Last) est, d’ordinaire, entendu dans un sens moins strict ; il comprend surtout les services forcés et des contributions de toute sorte.
(113) D’après la nature de l’entreprise publique même à laquelle la charge doit profiter, on distingue des (114) charges militaires, des charges de voirie, des charges d’entretien des écoles, d’assistance publique, de prévoyance sociale.
Si nous voulons distinguer les charges selon la différence des formes juridiques qui leur sont propres, nous devons prendre pour point de départ le fait que l’obligation de la charge a toujours pour base un certain rapport fondamental du débiteur avec l’entreprise ; or, ce rapport est de trois espèces différentes.
La charge peut frapper les individus en tant que membres de la communauté à laquelle l’entreprise doit servir, chacun pour soi — charges communes ; la charge peut être imposée à l’individu en considération de l’intérêt spécial par lequel il est censé être lié avec l’entreprise — charges de préférence ; la charge peut obliger un cercle d’individus de manière à ce que leurs prestations réunies doivent couvrir les besoins entiers de l’entreprise publique — charges réunies.
La différence du rapport fondamental donne chaque fois à l’institution un caractère spécial qui s’affirme dans le développement de tous les détails.
Nous parlerons d’abord des charges communes.
I. — L’obligation d’accomplir une prestation que nous appelons charge commune, étant imposée à l’individu simplement parce qu’il appartient à la communauté dont dépend l’entreprise publique, s’attachera naturellement, pour la délimitation du cercle des personnes imposables, à la distinction des charges d’Etat, des charges communales, etc. En principe, cela pourrait aussi avoir lieu quand l’objet dont s’agit est une somme d’argent à payer. Mais ces obligations prendront alors d’elles-mêmes la nature de l’impôt. Il manque à la charge commune cet élément distinctif qui, dans les charges de préférence et dans les charges réunies, maintient la ligne de démarcation (115) vis-à-vis de l’impôt. Par conséquent, l’obligation de payer une somme d’argent ne figure pas dans les charges communes ; leur sphère est exclusivement celle des prestations en nature : prestations de travaux, de marchandises, d’ustensiles, de logements.
La prestation en nature, à un degré antérieur de notre développement économique, a joué un rôle plus important, — de même que dans les rapports des économies privées entre elles, — pour procurer les moyens nécessaires aux intérêts publics. Dans les temps modernes, avec le régime de la monnaie, elle a passé au second plan.
Surtout, la prestation en nature ne figure plus désormais comme moyen d’augmenter la fortune publique, laquelle jouirait de la valeur de la prestation comme de celle d’un paiement en argent. Quand elle a lieu, c’est uniquement pour satisfaire aux besoins de l’entreprise publique directement et par la prestation même. Par conséquent, la prestation en nature appartient aujourd’hui entièrement à la notion de charge publique.
Même dans cette sphère restreinte, elle constitue aujourd’hui une exception. Ce qui leur est nécessaire, les entreprises publiques se le procurent avec du numéraire ; et ce numéraire leur est procuré par l’impôt ; telle est la règle. C’est uniquement pour des motifs particuliers que ce procédé peut être remplacé par la prestation en nature et, par conséquent, par la charge publique. Ces motifs sont de deux espèces différentes.
1) Dans une certaine mesure, la prestation en nature est conservée à raison de son opportunité relative. Il se peut qu’en fait il soit plus facile de se procurer les moyens nécessaires dans la forme directe de la prestation en nature, que par la perception de sommes d’argent et l’acquisition à prix d’argent, — plus facile (116) pour le débiteur qui a à sa portée la prestation à faire, et, par cela même, plus facile aussi pour l’entrepreneur qui a besoin de ces moyens. Ces charges remplacent alors les contributions en argent correspondantes — les impôts — et sont destinées, comme ces derniers, à être exigées dans un ordre fixe et d’après une règle constante afin de ne point frapper les débiteurs d’une manière inégale (Comp. t. II, p. 189) : ce sont des charges ordonnées. Il faut mentionner ici surtout les nombreuses charges communes qui continuent à exister dans les communautés rurales : services communaux, corvées, nourriture des pauvres ou mieux de certains employés de la commune. Mais les charges militaires aussi, avec les prestations intensives et étendues exigées des sujets en fait de logement et de nourriture, reposent sur la même idée fondamentale.
2) En outre, il y a un second motif. Il y a des cas où la prestation en nature ne peut pas être remplacée. L’exemple principal consiste dans les charges pour des besoins urgents, les charges d’urgence : les besoins de l’entreprise publique sont tels qu’ils ne peuvent être satisfaits, d’une manière suffisante, que par la prestation directe ; la prestation en nature ne saurait ici être remplacée utilement par sa valeur en argent. C’est le cas des secours exigés dans les calamités publiques ; et c’est la même chose dans les réquisitions militaires en temps de guerre. Mais la qualité de ne pas pouvoir être remplacées appartient également aux charges judiciaires touchant les obligations de fournir des renseignements qui incombent aux témoins et aux experts ; la raison pour laquelle cette prestation en nature ne peut pas être remplacée est ici tout autre que l’urgence.
Les charges de cette seconde catégorie sont, par leur nature, irrégulières et sans ordre fixe ; elles frappent celui qui, étant donné le besoin (117) momentané, est placé le plus près pour le satisfaire. Nous les appellerons des charges fortuites.
Ces deux causes — à savoir d’être plus pratique et de ne pas pouvoir être remplacée — peuvent être réunies dans une seule et même charge ; parfois on peut douter si c’est l’un ou l’autre caractère qui prévaut. Mais dans leur ensemble, ces causes font apparaître les limites de la sphère d’application de l’institution de la charge commune. Elles en donnent les raisons intérieures. Quant à la forme dans laquelle la charge sera ensuite réalisée juridiquement, c’est une autre question. Mais, pour cette réalisation même, la distinction de ces deux causes aura son importance.
II. — En tant qu’atteinte à la liberté, la charge commune, selon les principes de l’Etat constitutionnel, a besoin d’un fondement légal ; de même, le régime du droit exige que cette atteinte soit dirigée par une règle de droit établie par la loi elle-même ou par une ordonnance, par un statut que la loi a autorisé à cet effet4. En partie, les charges existantes reposent sur des prescriptions antérieures à notre époque et qui sont assimilées à une loi, ou sur ce que nous avons (118) appelé un droit coutumier historique (Comp. t. 1er, p. 171)5.
Partant de cette base, la charge se réalise de la manière suivante.
1) La première condition est donnée dans la règle de droit même qui constitue la charge : la capacité de l’individu d’être obligé. On appelle déjà cette capacité la charge publique, ce qui n’est pas exact. Cette capacité sera toujours déterminée en conformité plus ou moins étroite avec la seule chose dont tout dépend, (119) à savoir la faculté d’accomplir la prestation à exiger6.
Pour les charges fortuites, cette faculté existant au moment où l’obligation d’accomplir la prestation doit prendre naissance, est même la condition naturelle et indispensable de la naissance de l’obligation. Le devoir d’être témoin ne constitue pas une exception : la qualité qu’il suppose est non pas de savoir quelque chose de pertinent, mais de pouvoir être entendu en justice. C’est seulement pour l’autre charge judiciaire — le devoir de servir d’expert — que la qualité qui rend capable d’être obligé est délimitée par des marques formelles fixées par la loi7.
Les charges ordonnées, au contraire, ont ceci de particulier, qu’elles règlent la capacité d’être obligé non seulement selon qu’on est en mesure de faire la prestation dont s’agit, mais encore qu’elles prennent en considération d’autres faits. Elles restreignent cette (120) obligation à un cercle de personnes plus étroit, désignées par des rapports juridiques spéciaux avec la communauté qui dirige l’entreprise, ou par la possession d’une propriété immobilière ou par l’exercice d’une industrie. En particulier, ces charges suivent d’ordinaire un ordre successif dans lequel les personnes capables d’être obligées devront être requises : les travaux personnels dûs sont exécutés à tour de rôle, ou bien certaines catégories d’individus qui sont censés être plus facilement disponibles seront requis en première ligne ; ou bien l’imposition se fait en proportion de la force contributive de chacun, telle qu’elle est constatée pour les contributions directes. Dans ces cas, les autres capacités comptent seulement pour le cas où celles qui ont la préférence sont épuisées8.
2) Le devoir reçoit une forme plus déterminée avec la seconde condition : le cas de besoin. Le cas de besoin peut résulter d’une mesure officielle. Il s’attache, pour les charges communales, à la décision de construire ou de réparer un chemin, — ce qui entraîne les corvées, — à l’ordre de transporter une personne arrêtée, à l’organisation d’un service de garde de nuit, (121) d’un service de pompiers obligatoire ; pour les charges militaires, il résulte de l’ordre de mobilisation ou de la décision de l’autorité militaire de faire exécuter des marches d’exercice ou de dislocation, ce qui rend nécessaires les prestations en nature dans un certain district ; — pour les charges judiciaires, il résulte du jugement qui ordonne l’enquête ou le rapport d’expert. Le cas de besoin peut aussi résulter directement d’évènements naturels, de l’apparition de la calamité que l’administration publique est appelée à combattre, du sinistre qui nécessite un secours de l’administration. Par suite de l’existence du cas de besoin, les personnes qui peuvent être obligées ne sont pas tenues directement d’accomplir la prestation ; elles sont simplement mises à la disposition de l’intérêt public ; l’obligation formelle ne se produit qu’au moyen d’un appel qui leur sera fait dans la forme prescrite par la loi.
Cet acte, — dernière condition pour qu’il y ai obligation de la charge — est appelé réquisition (Anforderung). La réquisition est une communication adressée à une personne qui, en vertu de la charge publique, doit une prestation, touchant la prestation déterminée qu’elle aura à fournir. L’importance juridique de la réquisition n’est pas celle d’un acte d’autorité, d’un acte administratif, qui, en vertu d’une autorisation de la loi, imposerait la prestation. L’obligation est née de la règle de droit. Seulement la règle de droit ne dit pas : tu dois accomplir telle ou telle prestation ; elle dit : tu dois fournir la prestation nécessaire suivant les indications qui te seront données. Dès lors, la réquisition est nécessaire pour amener l’obligation légale à sa perfection. Cela n’empêche pas que la réquisition se fasse quand même dans la forme d’un acte d’autorité, d’un acte administratif imposant la prestation ou d’un ordre du juge ; le surplus en (122) formes et en importance juridique ne peut pas entraver l’effet de la réquisition9. Mais ce n’est pas nécessaire. La réquisition peut être faite valablement par des fonctionnaires qui n’ont pas la qualité d’autorités, comme par exemple par des agents de police ou par des gardes forestiers10, ou qui, du moins vis-à-vis de la personne requise, n’ont pas de pouvoir de commandement à exercer, par exemple les autorités militaires faisant des réquisitions en temps de guerre11.
Il y a des cas où il suffira même de la réquisition d’un simple particulier, qui, veillant sur ses propres intérêts, est censé être appelé à faire valoir en même temps l’intérêt public connexe12.
3) L’accomplissement de l’obligation devenue parfaite (123) par la réquisition est garanti par la menace de peines et par la contrainte. Dans leurs formes extérieures, ces moyens ressemblent à ceux dont le pouvoir de police se sert dans des buts correspondants (Comp. t. II, § 22, § 23) ; c’est pour cela qu’on les confond souvent.
La menace d’une peine se joint surtout aux charges fortuites tendant à faire face à une calamité, d’après le Cod. pén. § 360 n. 10. Est punissable l’inobservation de la réquisition commise contrairement au devoir et par la faute du débiteur. La question de savoir s’il y a faute sera examinée par le juge criminel d’après les mêmes principes que pour la contravention de police (Comp. t. II, § 22, p. 82 et s.) ; il s’agit ici aussi du non accomplissement d’une obligation de droit public qui n’est pas moins rigoureuse que celle de la police. Quant à dire s’il y avait obligation, cela dépend de la question de savoir si l’on était dans un cas de besoin qui appelait les individus soumis à l’obligation à porter secours, et si une réquisition a été faite dans les limites de cette obligation. L’une et l’autre condition sont examinées par le juge, en particulier aussi la question du cas de besoin, de la calamité publique ; la réquisition, en effet n’est pas un acte d’autorité qui, constatant par lui-même l’existence de cette condition, dispenserait le juge de ce contrôle. Mais le juge n’examine pas si les prestations requises étaient opportunes et propres à combattre la calamité. Puisque l’individu requis est, pour des prestations de ce genre, à la disposition de l’entreprise, il devait faire son devoir même pour une réquisition dont l’utilité pouvait être critiquée13. Il en sera autrement, quand la loi aura (124) fixé une peine pour le non-accomplissement d’une charge pour laquelle le cas de besoin est créé par des mesures de l’autorité. Ici ce point est mis hors de doute par la mesure elle-même ; le juge ne saurait vouloir rechercher le dessous des choses et examiner si la mesure répondait aux circonstances et avait, avec raison ou non, créé le cas de besoin. La loi, en attachant la charge à la mesure même, a rendu l’obligation indépendante de tout ce qui a provoqué cette mesure14.
Les moyens de contrainte se confondent ici complètement avec ceux de la police ; la loi — qui, fidèle aux anciennes doctrines, le fait souvent encore traite la charge publique comme une espèce d’obligation de police et applique le pouvoir de contrainte générale de la police. Dans ce cas, on se sert surtout des peines coërcitives de police. Même sans cela, l’exécution par substitution pourra avoir lieu dans les cas où la prestation en nature n’est qu’un moyen de remplacer le paiement d’une somme d’argent par un acquittement plus commode — par conséquent, pour les charges ordonnées. Les corvées, les services communaux qui se font à tour de rôle, les prestations de logement pourront au cas de non-accomplissement, être remplacés (125) directement en se procurant ailleurs les choses nécessaires, aux frais du débiteur. Le recouvrement de ces frais se fera par contrainte administrative, selon les règles que nous avons exposées au t. II, p. 306 ss. Pour les corvées, qui sont tout simplement imposées à la façon des contributions, la somme d’argent qui sera mise à la place de la prestation en nature est quelquefois fixée d’avance dans le cadastre des charges ; en sorte que le débiteur est libre de choisir soit le paiement, soit la prestation ; l’argent est dû et le paiement en sera exigé, dès que la forme qui doit faciliter l’accomplissement du devoir n’a pas été choisie en temps utile15.
Le moyen de contrainte le plus important est l’usage de la force. A la différence de la police, la charge a pour objet non pas un simple ne pas faire, mais des prestations positives, entre autres la prestation de choses corporelles, ce qui est tout à fait étranger à la police. Pour cette prestation, l’usage de la force est le moyen de contrainte tout indiqué : le logement militaire, la nourriture, le fourrage, les ustensiles et matériaux de toute espèce, dus à raison de la charge, sont obtenus au moyen de la contrainte par l’usage de la force, en prenant tout simplement possession de fait et en brisant la résistance qui serait opposée. Pour une activité personnelle, la force n’est pas non plus le moyen de contrainte naturel et sous entendu (Comp. t. II, 23, III, p 127 et s.)16.
(126) III. — L’accomplissement de l’obligation de la charge produit des effets de deux côtés.
1) L’administration est mise en possession des moyens que le débiteur doit lui fournir dans l’intérêt de son entreprise publique. Le pouvoir juridique qu’elle obtient de cette manière aura, suivant le contenu de la prestation, des formes différentes.
S’agit-il d’une activité personnelle, — prestation de travaux, déposition sur des faits à vérifier, — le débiteur qui s’acquitte se place, par cela même, dans la dépendance des ordres qui, pour l’exécution de l’entreprise, lui sont donnés par le directeur de cette entreprise. Il se forme un rapport semblable à celui qui, pour le service d’Etat, trouve son expression dans le pouvoir hiérarchique, sauf qu’il est moins entouré de règles juridiques minutieuses que ce dernier, et qu’il vise exclusivement l’effet matériel ; c’est simplement le développement dans ses détails de l’obligation de la charge. L’inobservation des ordres est traitée, en ce qui concerne les peines et les moyens de contrainte, comme le refus complet de remplir l’obligation. Il faut ajouter que le contraire, à raison du trouble qu’il apporte à la marche de l’entreprise, sera exposé aux mesures de la police spéciale de cette entreprise17.
(127) S’il fallait livrer des choses corporelles pour ne faire usage, l’administration aura la possession directe de ces choses et s’y maintiendra au moyen des forces qui sont à sa disposition (Comp. t. II, § 24, I, p. 139). La mesure de l’usage à faire des choses corporelles fournies est déterminée, dans sa durée comme dans son intensité, par le but poursuivi par l’entreprise ; cela peut même aller jusqu’à la consommation. La chose reste la propriété du débiteur de la charge et doit être restituée, à la fin de l’usage correspondant à la charge, dans l’état où elle se trouve18.
Si la prestation de la chose au sens de la charge s’entend sans réserve de durée ni de restitution après l’usage, la chose passe plutôt définitivement à la libre disposition des autorités ; l’Etat en devient propriétaire. Comme exemples, on peut citer la conscription des chevaux, les réquisitions de fourrages, de médicaments, d’objets de pansement, l’emploi de navires pour barrer les ports et les rivières.
Le transfert de propriété s’opère par la prise de possession. Les règles de la vente ne sont pas applicables ; ce n’est pas un acte translatif de la propriété, ce n’est pas un acte juridique de droit civil. La propriété de l’Etat est constituée par la prise de possession qui se fait malgré le propriétaire récalcitrant ou contre le propriétaire absent ou inconnu.
Ce n’est pas non plus une expropriation. L’acquisition de la propriété ne s’opère pas en vertu d’un acte (128) administratif ; en règle, il n’intervient aucun acte de ce genre ; elle a seulement lieu par la prise de possession effective faite en vertu de la charge.
Ce transfert de propriété est attaché par la loi à la prise de possession. La loi autorise l’administration à exiger la prestation de choses de ce genre pour en avoir la libre disposition, par conséquent, afin d’avoir sur elles un pouvoir juridique illimité. Ce pouvoir est constitué par la réalisation de la prestation, c’est-à-dire par la prise de possession, consentie ou obtenue par la force. Toute l’opération appartient, par nature, au droit public, y compris l’effet juridique produit. Or, cet effet, — le pouvoir juridique illimité sur la chose corporelle, — c’est la propriété, et une propriété qui, pour tous les rapports juridiques nouveaux en résultant pour l’Etat, devra être appréciée d’après les règles du droit civil ; c’est donc une propriété du droit civil. Il se produit ici, en définitive, un revirement de la même nature juridique que celui que nous avons constaté dans l’expropriation (Comp. t. III, § 34, 1. no 4, p. 52)19.
2) L’accomplissement de l’obligation de la charge, — volontaire ou forcé, — pourra avoir pour conséquence un droit à indemnité. Naturellement, ce sont uniquement les règles de l’indemnité de droit public qui pourront être applicables. Tout dépend de la question de savoir si la prestation doit être considérée comme un sacrifice spécial au sens de cette institution. Evidemment, tel n’est pas le cas lorsque des charges ordonnées n’exigent des prestations en nature (129) qu’à la place d’une somme d’argent à payer à titre d’impôt. L’égalité, ici comme dans l’impôt, se trouve garantie par le but général de la charge et dans l’ensemble des impositions publiques.
Mais de même, lorsque c’est le hasard qui désigne l’individu ou le groupe d’individus sur lequel la charge tombera, l’idée de sacrifice disparaîtra peut-être derrière l’intérêt propre du débiteur, lequel est sauvegardé particulièrement par sa prestation. Tel est le cas pour les travaux à faire par les habitants de la région menacée à l’effet de renforcer les digues ou par les habitants de la commune à l’effet de combattre l’incendie, de même dans le service obligatoire dans le corps des pompiers.
Pour les charges militaires et les charges judiciaires, la procédure tendant à la fixation des indemnités et les principes d’après lesquels se fera l’évaluation du montant à allouer, font d’ordinaire l’objet d’une réglementation spéciale20. Pour tout le reste, on suivra les principes généraux de l’indemnité de droit public.
- En ce sens, Laband, St. R. (éd. all. II, p. 762 ; éd. fr. V, p. 454) formule l’opposition qui existe entre le service militaire et les charges militaires de la manière suivante : « Les charges militaires ne contiennent aucune obligation de fidélité, d’obéissance, aucune obligation de payer de sa personne ; elles concernent uniquement les intérêts pécuniaires ». Par conséquent, l’obligation de la charge ne suppose pas la nationalité ; on ne fait pas prêter serment ; et l’accomplissement, même de travaux personnels, peut se faire par remplaçant ou peut même être racheté en argent. — Neumann, Die Steuer, p. 55, s’associe à cette manière de voir, en appelant les corvées « des valeurs pécuniaires, par opposition aux prestations plus idéales du fonctionnaire, du soldat ». Ce qu’il y a d’ « idéal » dans ces dernières prestations, ce n’est pas autre chose que ce devoir de fidélité qui juridiquement n’est jamais complètement saisissable (Comp. § 42, I ci-dessus). [↩]
- Il y a encore une différence plutôt extérieure, mais qui n’est cependant pas accidentelle : c’est que l’expropriation vise des biens immeubles, la charge vise principalement des biens meubles. C’est pour cela qu’en exposant la théorie de l’expropriation, on renvoie souvent, pour la compléter en quelque sorte, aux charges militaires et autres, où il se produit des choses analogues en ce qui concerne les biens meubles. Eger, Enteignungsges., I, p. 10 ; Loebell, Enteignungsges., p. 25. Ce complément est cependant fourni par une institution toute différente. — D’un autre côté, dans certaines prestations imposées sous forme de charge et qui ont pour objet des choses corporelles, on insiste d’ordinaire sur l’affinité ou l’identité avec l’expropriation, du moins pour celles qui visent des objets déterminés et non pas une quantité à livrer. Ainsi, c’est surtout la conscription des chevaux qui est placée sous la notion de l’expropriation : G. Meyer, V. R., II, p. 165 ; Laband, St. R. (éd. all. II, p. 816 ; éd. fr. V, p. 548). Cela a pour but d’écarter l’application des règles du contrat de vente du droit civil et de garantir la nature droit public de l’acte. A cet égard, nous ne craignons pas de confondre ; ce qui importe seulement, c’est de délimiter clairement les institutions du droit public entre elles, et c’est ce que l’on néglige ici de faire. [↩]
- D’une manière analogue, Neumann, Die Steuer, p. 325, cherche à distinguer des impôts et des taxes la notion de la contribution spéciale. Cependant, cette dernière notion ne coïncide qu’en partie avec celle de la charge publique ; comp. § 48 note 1 ci-dessous. [↩]
- Les exemples les plus intéressants de charges communes créées par la voie du règlement (ordonnance) se présentent dans les services obligatoires que les autorités de police locale peuvent imposer pour former un corps de pompiers ou pour organiser une garde de nuit. On compte cela parmi les ordonnances de police ; on croit en avoir le pouvoir en vertu des autorisations générales données par la loi de faire des ordonnances dans l’intérêt de la sûreté publique. Exiger des prestations n’est jamais un exercice du pouvoir de police au sens moderne de cette notion ; comp. t. II, § 18, note 10, p. 28. Toutefois, les prescriptions légales qui admettent expressément des ordonnances de cette espèce restent naturellement en vigueur, même dans le cas où, se conformant aux anciennes manières de voir, elles ont considéré la mesure comme ayant un caractère de police. Comp. t. II, § 18, note 13 ; § 19, note 14 ; C. C. H., 13 janv. 1872 (J. M. Bl., 1872, p. 99) ; V. G. H., 28 juillet 1882 (Samml. IV, p. 181) ; Ob. L. G . Dresden, 16 juin 1887 (Sachs. Ztschft. f. Pr., IX, p. 19). [↩]
- Nous n’avons pas à nous occuper ici des charges réelles (Reallasten), même quand elles existent au profit de certaines entreprises communales : voirie, assistance des pauvres, défense contre les incendies ou les inondations. Reposant sur d’anciennes organisations sociales ou sur l’usage antique, elles sont aujourd’hui considérées comme ayant pour objet des prestations obligatoires appartenant au droit public. Mais comme elles sont attachées à un certain immeuble et que l’obligation qu’elles renferment est essentiellement fixe et invariable dans son objet et dans sa mesure, elles diffèrent assez de notre institution pour devoir en être écartées. Elles sont du reste destinées à disparaitre. Comp. sur ces charges réelles du droit public : Foerster Eccius, Preuss. Priv. R., III, p. 411 ss., p. 423 ; Stobbe, D. Pr. R., § 100, no IV.
Il ne faut pas confondre non plus avec les charges publiques bien réglées dont il est question ici, ce qu’on appelle le droit de haute nécessité de l’administration publique. De même que, dans la contrainte directe de police (Comp. t. II, § 24, p. 146) et aussi dans les restrictions à la propriété pour cause d’utilité publique (Comp. t. III, § 41. II, no 1), il y a des cas où l’administration, au nom d’un intérêt supérieur, peut agir sur l’individu sans y être autorisée par une loi, de même on prétend que l’on peut exiger des prestations, en cas de haute nécessité. Cela nous semble être plutôt un residuum des idées du régime de la police. Quoi qu’il en soit, il s’agirait ici non pas d’une obligation à imposer à la façon d’une charge publique, mais d’un acte de fait et de pure force.
Notons qu’on a cependant cru devoir expliquer comme un cas d’expropriation pour cause d’utilité publique l’exercice de ce prétendu droit de haute nécessité : Loebell, Enteignungsges., p. 29 Foerstemann, Pol. R., p. 463 ; à cela s’oppose avec raison Gleim dans Arch. f. Eisenbahnwesen 1885, p. 49. Et, d’un autre côté, on a considéré l’expropriation elle même tout simplement comme un droit de haute nécessité : Ihering, Zweck im R., p. 419 note : dans le même sens, R. Merkel, Kollision rechtem. Interessen, p. 49 ss. C’est faire peu de cas du caractère juridique si fortement accusé de nos institutions administratives. [↩]
- Cette capacité peut surtout dépendre de la possession des choses dont l’entreprise publique a besoin. Alors l’obligation n’exige peut-être pas qu’on se procure ces choses ; mais cette possession déjà existante est la condition pour qu’elle puisse être imposée. Cette chose pourra aussi être un immeuble. Mais c’est toutefois pousser trop loin le désir de trouver un appui dans des notions invétérées que de vouloir, à cause de cette connexité, expliquer la charge publique comme une charge réelle (Reallast). C’est ce qui est surtout arrivé pour la charge des logements militaires : Laband, St. R. (éd. all. II, p. 771 ; éd., fr. V, p. 468) ; V. G. H., 20 mai 1887 (Samml. IX, p. 137) ; Bl. f. adm. Pr., 1876. p. 188. Mais ce n’est pas une charge de l’immeuble devant être accomplie par le propriétaire ; c’est une charge de la personne, charge qui suppose chez cette personne la qualité de propriétaire. Veut-on renverser la logique de ces idées, on pourra tout aussi bien parler d’une charge qui incombe aux voitures et aux chevaux et au fourrage, et qui est remplie par celui qui, pour le moment, est en possession. Nous ne voyons aucune utilité à faire cette assimilation de nos institutions modernes à de pareilles vieilleries qui, étant peu claires par elles-mêmes, ne serviront certes pas à rendre plus claires les autres. [↩]
- Code de procéd. civile, § 407 : « Celui qui a été nommé expert est obligé de se conformer à cette nomination, lorsqu’il a été commis publiquement pour donner des consultations de l’espèce exigée, ou s’il exerce la science, l’art ou l’industrie dont la connaissance spéciale est supposée dans le rapport à faire, publiquement et contre salaire, ou si, pour l’exercer, il a été nommé ou commis publiquement ». [↩]
- Pour les logements militaires, par exemple, l’ordre dans lequel les personnes obligées devront supporter la charge est, suivant la volonté de la loi, réglé par l’autorité communale (délibération de la commune, statut local). Mais cet ordre ne signifie toujours que la suite dans laquelle les obligés doivent être appelés à faire leur devoir ; et cette fixation n’a d’importance que grâce au fait qu’il n’arrive pas facilement que tous les logements disponibles de l’endroit soient exigés à la fois. Ainsi, il se peut que la répartition se fasse d’après le montant des impôts à payer par chacun ; ou bien les propriétaires seuls sont déclarés obligés, les locataires restant exempts : V. G. H, 21 juillet 1884 (Samml. V, p. 260) ; 22 mai 1885 (Reger, VII, p. 72). La charge égale continue à incomber à tous les détenteurs de logement ; et s’il arrive que la répartition, avec son principe restrictif, ne suffise plus, on ne s’y tiendra plus ; on s’adressera aussi à des personnes qui devraient rester exemptées ; c’est qu’en réalité, elles sont non pas exemptes, mais seulement placées au second rang ; Sickmann, Die Quartierleistung. [↩]
- Dans les charges ordonnées qui, comme nous le savons, remplacent les impôts, on suit quelquefois le modèle des impôts par une procédure tendant à faire fixer d’avance l’obligation des débiteurs soit par un acte obligatoire intervenant pour chacun séparément, soit par un acte d’ensemble, un cadastre. Cela se fait surtout pour les corvées dans l’intérêt de la voirie communale ; la même forme peut être observée pour les prestations de logements militaires. — Si la réquisition émane d’une autorité, elle prendra facilement le caractère d’un ordre. Seulement, il faut toujours bien distinguer : si, par exemple, il y a un ordre du tribunal d’assigner quelqu’un comme témoin ou comme expert, c’est bien un ordre et un ordre hiérarchique donné à l’officier ministériel, mais ce n’est pas un ordre pour le témoin ou pour l’expert ; l’assignation est, pour ce dernier, une simple réquisition. [↩]
- C’est ce qui a lieu dans le cas de calamité publique ou de sinistre, d’après Stf. G. B., § 360 no 10. Rüdorff (Stenglein), Com. zu Stf G. B., 6e éd., p. 762 : « comme tout autre fonctionnaire ou agent de police, lorsque, sur le lieu du sinistre, il représente seul la puissance publique et pourvoit au nécessaire ». — Prusse, Loi sur la police rurale et forestière, § 44 no 4, établit l’obligation de porter secours pour combattre l’incendie de la forêt sur la réquisition d’un garde forestier. [↩]
- Loi d’Emp. sur les prestations en cas de guerre du 13 juin 1873, § 4, al. 3. [↩]
- C’est le cas du § 44 no 4 de la loi Pruss. sur la police rurale et forestière que nous venons de citer : le propriétaire de la forêt peut aussi faire naître, par sa réquisition, l’obligation de droit public de porter secours. Il en est de même de l’assignation du témoin qui se fait au nom de la partie d’après Stf. Pr. O. § 219. L’effet, en ce qui concerne l’obligation de la personne assignée, ne diffère pas du cas où c’est le tribunal qui ordonne directement l’assignation. D’où il suit qu’il est inexact de faire reposer l’obligation du témoin sur un « devoir d’obéir au pouvoir judiciaire ». Ici le tribunal s’est directement refusé à émettre un « ordre » ; malgré cela, l’assignation a lieu et produit son effet régulier. [↩]
- Bayr. Ob. G. H., 29 mars 1873 (Samml. III, p 132) : Après un incendie, le maire commande à plusieurs membres de la commune de rester sur le lieu de l’incendie pour veiller à la sûreté pendant la nuit. Les contrevenants opposent à la poursuite pénale, que la mesure était superflue. Mais « le juge en matière de contravention de police n’a qu’à examiner si les conditions générales moyennant lesquelles la loi permet à l’autorité de police (le cas de besoin) d’agir sont remplies ; la mesure de police elle-même, en ce qui concerne sa nécessité et son opportunité, est soustraite à l’examen matériel du juge ». Il est facile de voir qu’il y a ici des ressemblances et des différences avec ce qui a lieu pour un ordre hiérarchique ; la raison de la différence est évidente. [↩]
- Exemple : la pénalité établie dans le § 25 de la loi d’Emp. sur les prestations en temps de guerre. En fait, y avait-il besoin ou non de procéder à la réquisition des chevaux, le juge n’aura pas à le rechercher ; il lui suffira qu’il y ait eu un ordre de mobilisation. On procède de même quand il s’agit d’infliger une peine pour cause de non accomplissement de l’obligation de témoin ou d’expert : C. Pr. O., § 380 ; Stf. P. C., § 50, [↩]
- C. C. H., 11 janv. 1873 (J. M. Bl., p. 73) avait à statuer sur un cas où l’office des logements militaires (Servisdeputation) avait perçu directement des propriétaires les frais de logement en remplacement de la prestation en nature. Cela a été déclaré illégal. La prestation en nature, dans le sens de la loi, est considérée comme une faveur qui ne doit pas être enlevée au débiteur. La substitution d’une somme d’argent n’est jamais qu’un moyen de contrainte. [↩]
- Pour les prestations en temps de guerre prévues par la loi, on se servira bien de la force et de la menace pour contraindre même à des actions personnelles. La contrainte, par l’usage de la force, à une action due en vertu d’une charge publique, est permise par Stf. Pr. O., § 50 : le témoin assigné pourra être amené de force. Ce n’est qu’une tentative ; en l’absence de torture, on ne peut pourtant pas forcer cet homme à parler. — On s’emparera de choses corporelles, même sans réquisition préalable, quand les autres conditions seront remplies et si on ne peut momentanément pas mettre la main sur le propriétaire pour remplir cette formalité vis-à-vis de lui : ainsi, on pourra se procurer des logements militaires, des ustensiles, des vivres, même en l’absence de celui qui doit supporter la charge. Mais ce n’est qu’une procédure sommaire qui diffère encore sensiblement du prétendu droit de haute nécessité (Comp. la note 6 ci-dessus, p. 118). [↩]
- Ainsi le témoin est soumis à la police de l’audience (G. V. G., § 177 ss,) ; l’individu requis pour aider à combattre l’incendie est soumis aux ordres du fonctionnaire qui dirige ces travaux (O. V. G., 16 nov. 1881). [↩]
- On trouve dans le droit de la Saxe une réquisition — d’un caractère tout particulier — de la propriété privée en vue d’en faire usage. D’après la loi du 7 déc. 1857 § 7 et l’Ord. du 30 nov. 1867 et 10 avril 1869, il y a lieu « de prendre à bail, par la voie de contrainte, le terrain nécessaire pour établir des tirs militaires » ; Sächs. Zeitschr. f. Pr. VIII, p. 260. Une convention établie par contrainte sans le consentement du propriétaire n’est pas possible. Il s’agit d’une charge publique réalisée par réquisition et prise de possession, et dont les effets juridiques devront, autant que possible, être assimilés, matériellement, à ceux d’un contrat de bail. [↩]
- Le transfert de propriété s’explique uniquement comme effet de la règle de droit d’après laquelle se fait la prise de possession pour réaliser la charge. L’enlèvement de fait de choses corporelles en vertu d’un prétendu droit de haute nécessité (Comp. la note 6 ci-dessus) ne peut pas créer un droit de propriété, même quand il a lieu définitivement et en vue de la consommation de ces choses. Voilà encore une différence juridique qu’il ne sera pas permis d’ignorer. [↩]
- L’ancienne doctrine voit, dans toutes ces choses, des créances du droit civil ; elle a, il est vrai, de la peine à se les expliquer. Des exemples dans C. C. H., 11 mai 1861 (J. M. Bl., 1862, p. 44) et 8 déc. 1865 (J. M. Bl., 1866, p. 98). Il est dit que l’indemnité pour les logements militaires appartient, « par nature, au droit civil et tient seulement la place d’un contrat fixé par la loi ». Il aurait fallu dire : la place de la moitié d’un contrat, car l’autre moitié est formée par la prestation du logement, qui, de son côté, aurait pu aussi être stipulée par la voie d’un contrat, et tient seulement la place d’un contrat fixé par la loi. Espérons que le temps de pareils monstres juridiques est définitivement passé ! [↩]
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