Section II
Les obligations spéciales
§ 50. Droits et obligations du concessionnaire
(171) L’acte juridique de concession crée, pour l’entrepreneur concessionnaire, des droits et des obligations envers le concédant. Les détails se déterminent d’après le contenu de l’acte.
Pour certaines espèces de concessions, la loi a établi des règlements généraux. Cela a été fait surtout pour les concessions de chemins de fer par les lois qu’on appelle lois de chemin de fer. L’importance n’en est pas la même à tous égards.
Des prescriptions touchant la procédure à suivre dans la concession et dans la poursuite des droits de l’Etat qui en résultent, ainsi que l’organisation des autorités qui devront agir, en un mot, toutes les prescriptions de formes, au sens le plus large du mot, s’adressent en première ligne aux autorités mêmes ; il ne pourra donc pas y être dérogé ; la loi, à cet égard, doit simplement être exécutée d’après les règles générales relatives à sa force obligatoire.
Les prescriptions touchant le rapport du concessionnaire avec l’Etat, les conditions de la concession proprement dite, quand elles sont établies par la loi, n’ont, dans le doute, que l’importance d’un droit dispositif. La loi n’entend ordonner que pour le cas où l’acte de concession n’en aurait pas disposé autrement par son texte ou par des stipulations antérieures qu’il (172) confirme. Elle ne fournit, comme pour l’acte juridique de droit civil, qu’un contenu tacite de l’acte.
Mais les lois inscrivent aussi, dans les conditions de la concession, des prescriptions relatives aux droits et pouvoirs dépendant du droit public qui devront appartenir au concessionnaire vis-à-vis des tiers : expropriation, perception de rétributions, police, etc. Ce sont autant d’autorisations, pour celui qui accorde la concession, de déléguer ces droits : il pourra en accorder moins, mais non pas plus, car des délégations de ce genre ne sont possibles qu’avec l’autorisation de la loi1.
I. — Dans le rapport juridique créé par la concession, les obligations du concessionnaire et, par conséquent, les droits correspondants de l’Etat ou de la personne juridique inférieure apparaissent au premier plan. Une entreprise publique doit être réalisée ; tel est le but de la concession. Par conséquent, la concession créera, à la charge du concessionnaire, une obligation de droit public de mettre l’entreprise en œuvre et de l’exécuter.
S’agit-il de créer l’entreprise de toutes pièces, une contrainte directe, en règle, ne sera guère possible. Au cas d’inexécution, le délai une fois expiré, on prononcera la révocation de la concession. Nous y reviendrons en parlant des causes qui font cesser le rapport juridique (voir III ci-dessous).
Si l’entreprise a été mise en œuvre, l’Etat en assure, par des mesures d’autorité, le bon entretien et le fonctionnement satisfaisant. L’ensemble des pouvoirs qui lui appartiennent à cet effet en vertu de la (173) concession s’appelle le droit de surveillance ; il correspond à l’institution du même nom établie vis-à-vis des corps d’administration propre (Comp. § 59 ci-dessous), et au pouvoir hiérarchique grâce auquel le fonctionnaire est astreint à ses devoirs (Comp. § 45 ci-dessus, p. 67 et s.). Le droit de surveillance comprend deux choses :
1) En vertu du droit de surveillance, on déclare d’autorité ce qui rentre dans les devoirs de l’entrepreneur conformément à la concession. Les détails des devoirs de l’entrepreneur sont déduits du rapport de concession par des actes obligatoires émis par l’autorité, de même que des ordres de service sont émis en vertu du pouvoir hiérarchique2.
De même que ces ordres de service, des déclarations analogues pourront être faites au moyen d’instructions générales publiées à cet effet, de régulatifs, de règlements, de prescriptions pour l’exploitation (Betriebsvorschriften). Elles ont la nature de dispositions générales (Comp. t. Ier, 8, p. 113 ; § 10, p. 161)3.
La déclaration du devoir pourra aussi se faire par (174) un ordre notifié spécialement, contenant soit une défense, soit un commandement, une injonction (Auflage). L’injonction est l’ordre de prendre une mesure ou de faire une installation nécessaire pour l’exécution de l’entreprise et qui, par conséquent, est comprise dans le devoir du concessionnaire4.
Quant à l’étendue dans laquelle ces exigences pourront se produire, il ne suffit pas que l’entreprise soit simplement continuée et tenue en état et que des inconvénients nouveaux soient écartés. On peut encore exiger une amélioration de l’entreprise et l’accroissement de son utilité pour l’intérêt public. Que cela se traduise par un surcroît de travail et de dépenses à la charge de l’entrepreneur, cela ne constitue pas un obstacle. La limite du devoir du concessionnaire n’est atteinte qu’autant que, par l’effet des injonctions nouvelles, les bases essentielles de l’entreprise seraient changées ; par suite, l’entreprise elle même deviendrait, par les innovations exigées, différente de celle qui avait été concédée. Pour tenir compte de l’équité, intervient, avant que cette limite soit atteinte, une autre distinction. Il y a un point à partir duquel les frais occasionnés par la mesure exigée devront être bonifiés à l’entrepreneur. Il faut savoir si la nécessité de l’amélioration exigée résulte du développement de l’entreprise même, ou n’existe qu’au point de vue d’intérêts étrangers qui doivent en profiter d’une manière plus intense. L’entrepreneur devra satisfaire même à ces derniers intérêts, quand ce sont des intérêts publics et qu’il peut le faire dans le cadre général de son entreprise. Mais il fait alors un sacrifice pour un intérêt qui n’est pas en même temps celui qu’il représente. Il faut appliquer le principe général (175) d’après lequel les sacrifices spéciaux doivent être bonifiés ; le surplus de frais qui résulte pour lui de la mesure exigée doit lui être remboursé d’après les règles de l’indemnité de droit public (Comp. le § 53 ci-dessous)5.
2) D’un autre côté, le droit de surveillance comprend la contrainte.
Une règle de la loi ou de l’ordonnance peut menacer d’une peine l’inaccomplissement des devoirs de la concession, spécialement en ce qui touche l’entretien et l’administration de l’entreprise. Toutefois, cette peine ne frappe pas nécessairement l’entrepreneur lui-même ; elle atteint plutôt les personnes chargées par lui de gérer les affaires. La négligence dans l’exécution de cette obligation est considérée, dans l’intérêt public, comme une conduite répréhensible ; la peine prévue par la règle de droit est là pour faire comprendre que cette conduite doit cesser.
Des moyens de contrainte proprement dits pourront être créés par la concession même, dans la forme de peines coërcitives auxquelles l’entrepreneur se soumet d’avance, ou par la cession à l’autorité surveillante de l’exercice de certains droits qui appartiennent à l’entrepreneur vis-à-vis de ses employés et ouvriers : (176) clause pénale, dénonciation du contrat, renvoi immédiat, etc6.
Le moyen de contrainte le plus important, c’est l’exécution par substitution. La mesure exigée par une injonction est, dans le cas où le débiteur est en demeure, exécuté à sa place par l’autorité ; le montant des frais est fixé et mis en recouvrement ; tout cela dans les formes dont on se sert pour l’exécution par substitution administrative, en particulier dans la contrainte de police (Comp. t. II, § 23, II, p. 122)7.
II. — Les droits que nous rencontrons du côté du concessionnaire sont toujours des droits privés en ce sens qu’ils représentent des droits propres d’une personne privée, d’un sujet. Pour le reste, il faut distinguer.
1) La concession a pour effet de donner pouvoir au concessionnaire sur une portion de l’administration publique — à savoir l’entreprise publique qu’il doit gérer en son nom et pour son propre compte. Ainsi, (177) un droit individuel de droit public est créé à son profit (Comp. t. Ier, § 9, II, no 2, p. 145). Ce droit, conformément à sa nature, agit dans deux directions.
On lui doit la protection du droit ; la puissance publique est obligée de le maintenir et de le défendre. Des atteintes à la sphère que domine le droit du concessionnaire ne sont désormais permises qu’autant qu’il existera une cause juridique suffisante, soit dans la loi, soit dans une réserve faite dans la concession (Comp. t. Ier, § 9, III, no 1, p. 147).
On peut disposer de son droit. Ici, étant donné qu’à ce droit est jointe une obligation de gérer l’entreprise, cette disposition n’est pas libre. La simple renonciation à la concession suppose, pour produire effet, une approbation ; sans cette approbation, il n’y a pas décharge de l’obligation ; et, par conséquent, la renonciation elle-même ne peut pas être considérée comme définitive. De même, un transfert des droits — et avec eux des devoirs — peut se faire sur la tête d’un nouvel entrepreneur avec l’approbation de l’Etat.
Cette approbation peut avoir été donnée par avance ; la concession se fait, expressément ou tacitement, au profit du concessionnaire et de ses ayants-droit. Telle est la règle pour les entreprises d’importance secondaire : ponts, bacs, tronçons de rues locales.
Les droits et les obligations de la concession sont alors transférés directement par succession ou par contrat. Il y a là un cas où l’effet d’un acte administratif se produit au profit d’une persona incerta (Comp. t. Ier, § 8, III, no 3, p. 130).
Quand il s’agit de chaussées, canaux, chemins de fer, l’approbation est réservée. A l’origine, cela s’expliquait formellement par le droit sur les sociétés par actions : les statuts de la société concessionnaire avaient été approuvés en même temps et en vue de la concession ; il était donc logique d’exiger une nouvelle (178) approbation pour la société qui devait prendre la suite. Cette approbation n’a pas le caractère d’une concession nouvelle ; c’est seulement l’agrément du successeur présenté par le premier concessionnaire ; la concession reste la même8.
Naturellement, quand le sujet de la concession a été créé exprès à cet effet, — comme cela a eu lieu pour la Banque de l’Empire, — la transmission du droit est impossible, attendu qu’il n’existe pas de sujet équivalent ; un remplaçant dans l’entreprise ne pourrait être créé que par une concession nouvelle.
Au droit sur l’entreprise — qui, dans les effets de la concession, est la chose principale — des effets accessoires peuvent se joindre au profit du concessionnaire : des avantages peuvent être spécialement accordés, tels que subventions, garanties d’intérêts, immunités, monopoles. Cela ne peut pas faire l’objet d’un transport séparé ; cela est susceptible de libre disposition par voie de renonciation.
2) En vertu du droit créé par la concession de gérer l’entreprise publique, le concessionnaire va exercer son activité pour la construction, l’administration et l’exploitation. Il entre ainsi dans toute sorte de rapports juridiques vers l’extérieur, vis-à-vis du public. Ces rapports ne sont pas nécessairement des rapports de droit public. Ils ne sont pas des effets, mais des suites de la concession ; ils ont un caractère (179) propre9. Ils devront être appréciés comme si c’était l’Etat lui-même qui gérait l’entreprise ou, pour mieux dire, comme si c’était un corps d’administration propre. Le concessionnaire a, comme ce dernier, la propriété de droit civil des ustensiles, provisions, édifices dont il se sert ; les achats, les contrats de transport et les louages de service qu’il conclut sont des actes juridiques de droit civil ; la poursuite de l’expropriation, la police de l’entreprise qu’il exerce, certaines taxes à percevoir, le caractère de domaine public de son chemin, tout cela dépend du droit public, pour lui aussi bien que pour l’Etat même10.
III. — La cessation du rapport juridique créé par la concession, quelle qu’en soit la cause, c’est toujours l’extinction de l’obligation du concessionnaire de pourvoir à l’entreprise, et aussi l’extinction de son droit sur l’entreprise. Cela fait disparaître, en même temps, les droits spéciaux qui n’appartenaient au concessionnaire qu’à raison de l’entreprise et pour celle-ci. Tous les moyens matériels et personnels qui jusque-là servaient à l’entreprise représentent maintenant entre ses mains une masse sans emploi11. S’il ne se produit rien d’autre, il pourra en disposer librement.
(180) La ci-devant propriété publique de la route, de la voie ferrée, du canal, est déclassée avec la cessation de la concession ; les immeubles ainsi que les meubles corporels, les contrats de service, les baux en cours, tout ce qui reste de l’entreprise lui appartient.
Mais celui de qui émane la concession peut intervenir pour s’emparer de ces moyens, en tant qu’ils lui semblent nécessaires pour assurer la continuation de l’entreprise que l’intérêt public pourrait exiger. C’est le rapport de concession même qui l’y autorise. Celui qui se soumet au rapport de concession se soumet par là même à l’obligation de laisser au besoin dans l’entreprise tout ce qu’il y emploie12. Ce n’est donc pas une expropriation qui intervient ; celle-ci, en effet, est indépendante d’un rapport public d’obligation préexistant. L’acte administratif de réquisition des moyens a la même nature juridique que les injonctions faites pendant la durée du rapport de concession afin d’assurer l’accomplissement convenable des prestations dues pour l’entreprise. Mais il est évident que l’on impose ainsi à l’entrepreneur un sacrifice spécial ; celui-ci aura donc, d’après les principes généraux, droit à une indemnité. Cette indemnité se calcule d’après la valeur qui lui est enlevée, non pas la valeur de ces choses en tant qu’elles étaient comprises dans l’entreprise, mais la valeur brute, celle qu’elles présenteraient, pour l’entrepreneur s’il en avait disposé après l’extinction de l’entreprise. Toutefois, suivant (181) la manière spéciale dont finira la concession, cette évaluation pourra aussi se faire autrement.
Les causes d’extinction de la concession sont les suivantes :
1) La renonciation. Comme nous venons de le dire, la renonciation à la concession n’est pas libre ; par la déclaration de renonciation, le concessionnaire demande à être déchargé de son obligation13. L’autorité peut accorder ou refuser cette démission, selon sa libre appréciation ; elle peut aussi poser des conditions à son consentement. Si la continuation de l’entreprise est jugée nécessaire, la condition la plus importante sera de laisser les ouvrages et ustensiles nécessaires moyennant une juste indemnité. Si l’on tombe d’accord, l’autorité, par un seul et même acte, ordonne l’extinction de la concession et fixe l’indemnité à payer. Sinon, la renonciation n’est pas valable et la cessation de la concession n’a pas lieu.
2) Si le concessionnaire néglige de satisfaire à ses obligations, soit qu’il ne mette pas l’entreprise en œuvre, soit qu’il ne la gère pas convenablement ou qu’il n’en remplisse pas les conditions essentielles, l’autorité a le pouvoir de lui enlever la concession : il sera déclaré déchu. Le décret n’intervient qu’après mise en demeure.
(182) L’autorité peut se contenter de supprimer simplement l’entreprise. Alors le ci-devant entrepreneur disposera librement des moyens qu’il y avait employés.
L’autorité pourra aussi organiser un remplacement, prendre l’entreprise en régie ou faire une nouvelle concession, et user, à cet effet, de son droit de s’emparer des moyens. Dans ce cas, il y aura lieu d’accorder une indemnité calculée sur la valeur brute de ces moyens. Dans le doute, ce sont les tribunaux civils qui auront à fixer l’indemnité.
Toutefois, si la continuation de l’entreprise semble nécessaire, il vaudra mieux réunir à la déclaration de déchéance le moyen de contrainte de l’exécution par substitution : on ne renonce pas purement et simplement à l’obligation du concessionnaire ; on prend soin de la faire exécuter par un autre, à sa place et à ses frais. L’entreprise sera concédée à un nouvel entrepreneur, auquel on remet en même temps les ouvrages et ustensiles existants. Il aura à indemniser le concessionnaire déchu. Le montant de l’indemnité sera fixé aux enchères : entre les concurrents capables, celui qui fait l’offre la plus avantageuse sera préféré pour recevoir la concession nouvelle14.
3) Expiration du délai. Les concessions se font pour un certain nombre d’années. Faute de renouvellement, la concession s’éteint à l’expiration de ce délai. En règle, on aura déjà dit, dans la concession même, ce que deviendront les ouvrages et les moyens, d’exploitation, en particulier s’ils doivent passer au concédant, moyennant indemnité, et comment cette indemnité devra être calculée. On dit alors qu’il y a retour de l’entreprise. Si rien n’a été prévu à cet (183) égard, l’Etat ou la commune aura le choix ou de laisser le ci-devant entrepreneur disposer librement des moyens qui restent, ou de s’en emparer pour continuer l’entreprise, moyennant indemnité, bien entendu. Cette indemnité sera encore calculée d’après la valeur brute15.
4) On peut avoir réservé au concédant le droit de rachat, c’est-à-dire le droit de révoquer la concession comme bon lui semblera, à tout moment ou seulement à partir d’une certaine époque, et de s’emparer des ouvrages et moyens d’exploitation afin de continuer l’entreprise, le tout en indemnisant l’entrepreneur.
Le droit de rachat n’existe qu’autant que l’entrepreneur y a consenti lors de la concession ou après coup, ou que ce droit a sa base dans une règle de droit16. La législation ordinaire sur l’expropriation ne s’applique pas à notre hypothèse ; elle ne vise, en effet, que l’enlèvement de la propriété immobilière de droit civil. Naturellement une loi spéciale pourrait ici aussi rendre la chose possible.
(184) Le droit est exercé par une déclaration de l’autorité ; cette déclaration a directement pour effet d’enlever le droit. Ce n’est pas un achat au sens juridique17.
L’évaluation de l’indemnité pourra avoir été réglée spécialement lors de la constitution du droit de rachat. Quand on ne l’a pas fait, on devra suivre des principes différents de ceux applicables dans les cas ordinaires où, après l’extinction de la concession, on s’empare des ouvrages et moyens d’exploitation. Ce qui ici est enlevé à l’entrepreneur, ce n’est pas la valeur brute de ces choses, c’est l’entreprise elle-même ; par conséquent, tout ce qui servait à l’entreprise devra être estimé d’après la valeur entière qu’avaient les choses comme moyens de poursuivre et d’exploiter l’entreprise18. Toute contestation sur le montant de l’indemnité ainsi due serait — en l’absence d’un règlement spécial — de la compétence des tribunaux civils.
- Loening, V. R., p. 698, lorsqu’il déclare que partout les conditions de la concession décident en première ligne, ne songe évidemment qu’à notre seconde catégorie ; Eger, Eisenbahn R., I, p. 118, n’a en vue que la troisième, puisqu’il exige que les conditions spéciales de la concession « se tiennent dans le cadre des prescriptions légales ». [↩]
- Koch, Deutschlands Eisenbahn II, p. 503 : « Ce droit inaliénable qui appartient à l’Etat n’est pas épuisé par les réserves faites dans la concession ; il va aussi loin que va le devoir de l’Etat de veiller à ce que le chemin de fer remplisse ses fonctions d’entreprise publique de transport ». [↩]
- Une instruction générale de cette espèce est l’ord. Bav. du 20 juillet 1855 touchant les obligations des entrepreneurs concessionnaires de chemins de fer. Seydel, Bayr. St, R., V, p. 543, la considère comme une véritable ordonnance établissant des règles de droit (Rechtsverordnung) ; il croit pouvoir trouver le fondement légal nécessaire dans la loi postérieure sur l’industrie du 30 janv. 1868. Mais quel aurait été son caractère jusqu’à cette date ? — En sens contraire : V. G. H., 13 avril 1886 et 4 mai 1886 : l’ordonnance, est-il dit, « ne peut avoir un effet direct créateur de droits qu’à la manière d’un rapport contractuel » ; elle est obligatoire comme lex contractus. D’après ces expressions, on devrait se croire en plein droit civil. Au fond, la comparaison avec une « loi de contrat » ne serait pas mauvaise quant aux concessions à faire postérieurement ; mais la prétendue ordonnance prétend s’appliquer aussi aux concessions déjà faites or, c’est ce qu’elle ne pourrait pas faire à titre de loi de contrat. [↩]
- C.C. H., 26 juin 1853 ; 30 sept. 1857; O. Tr., 26 sept. 1871 (Str. 82, p. 333). [↩]
- Ces questions ont été discutées dans le procès du chemin de fer de l’ouest Suisse contre la Confédération, procès pour lequel Carrard, Heusler et Hilty ont rédigé leurs consultations (Comp. § 4, note 13 ci-dessus, p.162). Le Conseil fédéral avait enjoint à la société de faire passer sur sa ligne de la vallée de la Broye un quatrième train par jour. Ce train avait été jugé nécessaire dans l’intérêt de la correspondance. La concession obligeait l’entrepreneur à faire circuler les trains nécessaires, au moins deux par jour. Le droit du Conseil fédéral d’exiger davantage était reconnu de tout côté ; mais une indemnité est due. Heusler (consultation, p. 28) en donne pour motif « que les frais d’un quatrième train ne pourront pas équitablement être laissés à la charge de la Compagnie. Elle s’est engagée à construire et à exploiter un chemin de fer local ; elle a pu, pour faire ses calculs, partir de la supposition, qu’aussi longtemps que la circulation resterait dans les limites étroites de la circulation locale, elle ne pourrait pas être tenue d’avoir plus de deux trains, suffisants pour transporter les voyageurs ». [↩]
- Haberer, Oesterr. Eisenbahn. R., p. 311 ; Eger, Preuss. Eisenb. R., I, p. 45 note 28 ; p. 53 note 37. [↩]
- O. Tr. 17 mars 1871 (Str. 81, p. 224) : L’entrepreneur concessionnaire d’une rue est mis en demeure d’élargir la rue sur une certaine longueur ; il est procédé alors, par l’autorité administrative, à l’expropriation pour son compte ; l’indemnité est fixée et le recouvrement en est fait sur lui par les moyens de la contrainte administrative. —Très intéressant à cet égard, R. G., 22 sept. 1888 (Samml. XXII, p. 285), dont nous avons déjà parlé à la note 15 du § 49, p.163 : Le conseil de la ville de Bramberg avait, au lieu de procéder par la voie administrative, assigné son concessionnaire d’une rue devant le tribunal civil pour le faire condamner à construire les trottoirs conformément à sa concession. Le tribunal de l’Empire trouve qu’il s’agit là d’un contentieux en matière civile, puisque des droits pécuniaires appartiennent « par la notion même » (begriffsmässig) au droit civil — (ce qui est complètement faux) — ; puis il constate qu’il n’y a pas de contrat — (ce qui est vrai) ; — enfin, puisqu’il ne sait rien de la concession qui en réalité a été faite, il rejette la demande comme dépourvue de cause juridique — ce qui était tout à fait injuste. Des jugements semblables doivent donner à réfléchir, quand on insiste en faveur de l’extension de la compétence des tribunaux civils dans les affaires de droit public. — Pour les entreprises de chemins de fer, l’exécution par substitution pourra aussi prendre la forme plus rigoureuse du séquestre : Haberer, Oesterr. Eisenbahn. R., p. 309 ss. [↩]
- Haberer, Oesterr. Eisenb. R., p. 30, exige le consentement de l’Etat pour la « transmission contractuelle de la concession accordée à une entreprise de chemin de fer ». Endemann, R. der Eisenbahnen, p. 283: « Pour la cession, il faut au moins le consentement du gouvernement qui avait donné la concession, ou une nouvelle concession ». Dans cette dernière hypothèse, il ne serait pas exact, nous semble-t-il, de parler d’une cession. En tout cas, il est illogique, de la part de ces deux auteurs, d’appeler la concession un « droit éminemment personnel » ; car s’il en est ainsi, il ne peut pas être question de transmission ou de cession. [↩]
- En ce sens, Endemann, R. der Eisenbahnen, p. 284, distingue « le rapport de l’Etat avec concessionnaire », créé directement par la concession, et « la situation juridique du concessionnaire vers l’extérieur, vis à-vis du public », qui en résulte. [↩]
- Quant au domaine public, comp. t. III. § 35, IV, no 1, p. 133. Le droit de poursuivre l’expropriation, d’extraire des matériaux, de percevoir un péage, etc., n’est pas l’objet d’une concession spéciale (en ce sens : O. Tr., 6 mai 1863, Str. 48, p. 333 ; R. G., 12 juin 1883, Samml. IX, p. 276 ; O. V. G., 7 déc. 1887) ; c’est un accessoire de l’entreprise concédée, qu’il soit mentionné expressément ou non dans l’acte de concession. — Il est faux de tirer argument, comme on aime à le faire, des valeurs pécuniaires incorporées dans l’entreprise, pour reconnaître la concession des « effets de droit civil » qu’elle aurait aussi. [↩]
- Haberer, Oesterr. Eisenbahn. R., p. 27, désigne cela d’une expression assez peu heureuse ; il parle de « l’existence réelle de l’entreprise » à la différence de son « existence personnelle » qui finit avec l’extinction de la concession. [↩]
- Comp. Haberer, l. c., p. 27. Laband, consultation pour le ch. d. f. Hess., p. 8, conteste à l’Etat ce droit, parce qu’alors il devrait l’avoir aussi au cas d’extinction des permissions de police accordées à des poudrières, à des théâtres, à des auberges. G. Meyer, dans sa réponse p. 21, observe avec raison que les chemins de fer « sont non pas des industries privées, mais des établissements de communication publics ». Nous ajouterons que la concession elle-même est autre chose qu’une permission de police. [↩]
- O. V. G., 7 déc. 1887 (privilège auquel on ne pourra pas renoncer). — O. Tr. 6 janv. 1879 (Str. 100, p. 369) admet la renonciation à un privilège de bac, puisque cela représente une « concession d’industrie », c’est-à-dire une permission de police industrielle. C’était également la manière de voir adoptée en Bavière, d’après la loi industrielle de 1868, art. 12 (Seydel, Bayr. St. R., V, p. 546 ; comp. aussi t. II, 121, note 23 ci-dessus, p. 76). — Haberer, Oesterr. Eisenbahn R., p. 27, veut admettre la renonciation, attendu que la concession ne crée pas d’ « obligation de droit privé d’exploiter » ; comme s’il n’y avait pas aussi des obligations de droit public ! Endemann, R. der Eisenbahnen, p. 286, distingue : après la mise en œuvre, une renonciation ne peut pas avoir lieu ; avant cette mise en œuvre, l’inaccomplissement peut amener la simple déchéance ; par conséquent, dit-il, il faut que la renonciation soit également possible. Mais déchéance et renonciation sont des choses très différentes. [↩]
- Prusse, Loi sur les ch. d. f. du 3 nov. 1838, § 47 ; Bav., Ord. du 20 juin 1855, § 12 ; Endemann, R. d. Eisenbahnen, p. 287 ; Seydel, Bayr, St. R., V, p. 546 ; Koch, Deutschl, Eisenb. I, p. 158. [↩]
- Grünhut, consult. sur la question du ch. d. f. du Nord, (Grünh. Ztschft, XIV, p. 715 ss.) voudrait, dans un cas pareil de « non-renouvellement du privilège », tenir compte de la valeur entière de l’entreprise. Ce n’est pas, dit-il, un chemin de fer effectif, mais un chemin de fer possible. Mais, pour cet entrepreneur tout au moins, la concession une fois éteinte, ce n’est pas un chemin de fer possible. Que l’Etat ou un nouveau concessionnaire puisse avec ce matériel mort refaire un chemin de fer, on ne peut pas en tenir compte au profit du premier entrepreneur. [↩]
- Prusse, Loi sur les ch. d. f. du 3 nov. 1838, § 42 ; Suisse, Loi sur les ch. d. f. du 23 déc. 1872, § 27. Cette dernière loi ordonne seulement qu’une réserve devra être faite en conséquence dans toute concession de chemin de fer ; si on a négligé de la faire dans un cas spécial, le droit de rachat n’existera pas. — Un exemple de rachat réservé sans fondement légal se trouve dans le titre de concession du ch. d. f. Hess. du 15 août 1845, § 15. Laband, dans sa consultation (Comp. § 46, p.162, note 13 ci-dessus), p. 2, remarque avec raison, que, en face du droit acquis du concessionnaire sur l’entreprise, il n’existe pas de droit général et sous-entendu permettant à l’Etat de s’approprier cette entreprise. Sur ce point, son adversaire, G. Meyer, est d’accord avec lui (réponse, p. 6 ss.). [↩]
- Laband, dans sa consult. pour le ch. de f. Hess., explique le droit de rachat réservé comme un pactum de vendendo, qui, après que le gouvernement a déclaré vouloir en faire usage et après l’estimation nécessaire, amènerait à un contrat de vente du droit civil. A G. Meyer, qui prétend qu’il s’agit là d’une expropriation (consult., p. 7), il oppose que l’expropriation se fait exclusivement en vertu d’une loi et ne peut jamais être réservée. Cela est vrai. Mais, pour avoir la nature de droit public, l’enlèvement réservé de l’entreprise au moyen d’une déclaration unilatérale de l’autorité n’a pas besoin d’être rangé parmi les formes de l’institution de l’expropriation. Il faut nous habituer à considérer ces choses avec un esprit plus dégagé. [↩]
- La différence quant à l’évaluation de l’indemnité est très clairement exprimée dans la concession sus-mentionnée du ch. d. f. Hess. La concession a été faite pour 99 ans ; lorsque le droit de retour de l’Etat s’exercera, il faudra rembourser l’estimation de l’ouvrage et du matériel d’exploitation (§ 15). Dès avant ce terme, le droit de rachat pourra être exercé ; l’indemnité devra alors être calculée d’après les bénéfices nets des cinq dernières années d’exploitation (concession du 3 janv. 1856, § 22). [↩]
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