Section II
Les obligations spéciales
§ 54. Limites extérieures du droit à indemnité
(241) Des développements qui précèdent, il résulte que l’Etat est loin d’arriver à réparer tout dommage particulier qu’il pourra causer à ses sujets. Les limites véritables de ce droit d’équité s’éclairciront encore par l’examen de certains faits qui, bien que présentant le caractère de dommage causé par les représentants ou par les agents de l’Etat, ne donnent cependant pas lieu à l’application pure et simple de notre institution juridique. S’il y a indemnité, elle repose sur une base juridique toute différente, ou, du moins, elle dépend de conditions spéciales.
I. — Les rapports internationaux touchent, de la manière la plus sensible, aux intérêts de nos sujets. Les traités internationaux qui modifient le système douanier d’un Etat voisin ruinent peut-être une industrie établie chez nous ; le refus de protection diplomatique dans une affaire délicate peut décider du sort d’une entreprise lointaine. Il va sans dire qu’il ne peut pas être question ici d’appliquer les principes de l’indemnité de droit public. Il en sera de même quand il s’agit des destructions et ravages qui sont l’effet d’une guerre dont notre territoire est devenu le théâtre. Que les dommages causés par l’ennemi ne puissent pas être imputés à notre fisc, cela se comprend facilement. Mais les dommages causés à cette (242) occasion par nos propres troupes ne seront pas traités autrement1. La raison en est dans la nature même de ces faits de guerre. On entend par là des dommages causés par la lutte même ou nécessités par la préparation directe de la lutte. Ce sont, sans doute, des sacrifices spéciaux imposés par le fait de l’Etat ; mais ce n’est pas l’administration publique qui agit ici, poursuivant les buts de l’Etat systématiquement et paisiblement sous le régime de sa propre loi. C’est l’effort suprême ; il s’agit de l’existence (Comp. t. Ier, § 1, p. 11). Dès lors, notre institution de droit administratif destinée à répartir, selon l’équité, les frais de cette administration ne s’applique pas à une sphère d’action qui n’est pas de l’administration2.
Cela n’empêche pas l’idée d’équité d’exercer ici encore son influence. La guerre finie, on viendra en aide aux victimes de ces événements dans la mesure du possible, et sans distinguer selon l’auteur du préjudice, que ce soit notre armée ou l’ennemi. Mais c’est (243) alors l’équité elle-même, l’équité pure, qui dirige l’action de l’Etat, — en tant que celui-ci voudra se laisser diriger ; ce ne sera pas un droit d’équité à appliquer seulement au cas particulier. Toutes ces indemnités ont le caractère de libéralités3.
II. — Il y a aussi des activités normales de l’Etat, qui toutefois, par leur nature, excluent le droit à indemnité selon le principe d’équité ou ne l’admettent qu’avec certaines nuances.
1) La loi peut causer préjudice de différentes manières.
S’agit-il d’un acte de législation proprement dit, — législation dans le sens que nous avons fixé au t. Ier, p. 4 ss. — l’application de notre institution juridique d’équité cesse. Cette manifestation du pouvoir législatif, établissant une règle de droit par la collaboration du prince et de la représentation nationale — loi à la fois dans le sens matériel et dans le sens formel du mot — est tout l’opposé de l’administration dont les faits sont visés par ce droit à indemnité. Cela n’empêche pas que la loi, en prescrivant la règle, puisse décider, en même temps, qu’une indemnité devra être payée à ceux qui seront frappés par la mesure qu’elle édicte. Seulement, en cas de silence de la loi, une indemnité n’est pas due4.
Evidemment, il faut dire la même chose des actes administratifs et voies de contrainte qui ne servent qu’à réaliser le préjudice tel qu’il est causé déjà directement (244) par cette loi, sans y ajouter rien de nouveau5.
Il faut faire de cette maxime, — que la loi n’indemnise pas, à moins qu’elle ne le dise expressément — une application extensive dans les deux directions de la notion de « loi », — loi simplement matérielle, d’une part, et loi formelle, d’autre part.
Il n’est pas dû d’indemnité pour toute règle de droit émanant du pouvoir exécutif (ordonnance) ou d’un corps d’administration propre (statut ; comp. t. Ier, § 10, p. 163). Si la règle de droit porte préjudice aux individus par les commandements et par les charges qu’elle leur impose, elle est cependant censée le faire d’une manière égale, partant équitable ; il n’y a rien à compenser. Donc ici encore, l’indemnité n’est due que s’il existe une prescription expresse pour ce cas.
La loi, c’est-à-dire l’acte émis dans la forme d’une loi, peut aussi agir pour le cas individuel. Cela pourra avoir matériellement le caractère d’un acte administratif (t. Ier, § 1, p. 5, p. 12) ; alors cet acte suivra, quant à la question de l’indemnité, les règles ordinaires. Mais cet acte individuel peut aussi être l’expression de la souveraineté pure et simple de la loi (comp. t. Ier, § 1, p. 13) ; il n’est alors lié par aucune règle générale de droit. Et en ce qui concerne la règle qui accorde une indemnité pour de pareilles mesures, cet acte doit être censé s’en être dispensé, s’il ne prévoit pas lui-même une indemnité.
2) La justice, en principe, n’indemnise pas. Elle forme également l’opposé de l’administration (comp. (245) t. Ier, § 1, p. 6) ; par conséquent, elle n’est pas soumise aux règles qui se sont formées en vue de l’administration. D’ailleurs, il manque aussi l’élément matériel qui devrait provoquer ici la mesure d’équité : il n’y a pas de préjudice inégal et injuste ; ou plutôt il ne devrait pas y en avoir, la justice ayant pour mission spéciale de donner à chacun le sien. Mais il y a, dans l’administration, beaucoup d’activités qui, en principe, ont le même caractère : la police, par exemple, l’administration des postes, l’instruction publique, etc. Tout cela, selon les intentions de la puissance publique, ne devrait pas porter préjudice aux particuliers qui sont l’objet de ses mesures ou de ses prestations. Et cependant, des dommages sont causés par suite de la faiblesse humaine qui fait dérailler les institutions les mieux intentionnées.
On ne peut nier que, pour envisager les choses sans préjugé, la justice est tout à fait dans le même cas ; grâce à sa profession particulièrement, dangereuse, elle cause tous les jours des préjudices énormes qui sont à la fois inégaux et injustes. Quand on veut avoir une justice, cela ne peut pas être évité ; seulement, l’Etat n’aime pas reconnaître le fait, en admettant, en règle générale, l’indemnisation. Les actes des tribunaux, dans l’intérêt bien compris de l’institution, doivent être définitifs et exempts de toute critique ultérieure par la voie d’une demande en indemnité6.
Depuis quelque temps cependant, il s’est produit un revirement très significatif dans l’opinion publique7. Le résultat se manifeste dans la loi d’Empire (246) du 10 mai 1898 relative à l’indemnité à accorder aux personnes qui ont été acquittées à la suite d’une révision, et de la loi d’Empire du 14 juillet 1904 relative à l’indemnité à accorder aux personnes qui ont subi une détention préventive sans être coupables.
C’est le véritable droit d’équité qui est sanctionné par ces deux lois. L’indemnité est accordée par la justice même qui a causé le dommage, sans qu’il y ait lieu de distinguer si le dommage résulte ou non d’un fait illicite. Les conditions dans lesquelles l’indemnité est due sont, formelles : il faut que le fait du préjudice injuste résulte d’un acquittement ou d’une ordonnance de non lieu. Il est vrai que l’équité ici semble se présenter d’une manière particulièrement flagrante et saisissable. Mais la loi entend accorder l’indemnité dans ces hypothèses formellement déterminées, à titre exceptionnel et comme une faveur spéciale. Il n’y a donc pas lieu d’étendre ses règles à des cas analogues, dans lesquels il y a aussi dommage causé par la justice et où l’équité exigerait tout aussi bien une réparation. Par la même idée de faveur spéciale s’explique la prescription du § 12 de la loi du 14 juillet 1904 : les étrangers ne devront profiter du bienfait de cette loi que dans le cas où la réciprocité de la part de l’Etat auquel ils appartiennent sera constatée d’une manière officielle. De même que le droit administratif presque entier, le droit à indemnité qui repose sur le principe de l’équité n’a pas l’habitude de faire des différences selon la nationalité8.
(247) 3) Pour la question d’indemnité, la police devrait être, par sa nature, mise sur le même pied que la justice. Elle aussi a pour mission de donner à chacun le sien : au trouble causé à l’ordre public, elle répond par la répression. Il ne devrait pas y avoir pour elle non plus nécessité d’une indemnité dictée par l’équité. Mais la police peut manquer son but et causer un dommage injuste tout comme la justice ; seulement pour elle, dans ce cas, il n’y a pas ce respect traditionnel. Nous savons qu’on n’hésite pas à rendre l’Etat responsable des erreurs et méfaits de ses agents de police et dans les formes ordinaires servant à la réalisation du droit d’équité.
Il y a cependant des cas exceptionnels où la police indemnise, même pour des activités tout à fait légitimes. Cela a lieu chaque fois à raison de circonstances et d’intentions spéciales.
Nous avons parlé au t. II, § 24, p. 147, des mesures de police extraordinaires qui, en cas de calamité publique, pourront être prises contre des objets relativement innocents : on démolit des maisons intactes pour arrêter l’incendie ; on perce la digue qui contient les flots dangereux. Le dommage causé aux propriétaires dans ces hypothèses n’est pas « mérité » ; l’équité souffre ; par conséquent, il y a lieu à indemnité.
La loi positive adopte cette manière de voir en accordant des indemnités au propriétaire des vignobles qui ont été détruits pour arrêter les ravages du phylloxéra, en vertu de la loi d’Emp. du 3 juillet 1883, remplacée par la loi du 6 juillet 1904. Pour plus de (248) sûreté, on détruit des vignes saines, sur un simple soupçon ; mais on indemnise.
Tout cela s’accorde parfaitement avec les idées générales tant de la police que de l’indemnité d’équité. Mais un droit à indemnité est aussi accordé dans un cas où l’objet détruit au nom de la police méritait pleinement ce sort, attendu qu’il représentait directement et par lui-même, pour l’ordre public, le danger qu’il s’agit de combattre. C’est qu’ici un nouveau motif intervient. En effet, il est du plus haut intérêt, pour la police, d’être informée en temps utile des premiers débuts du mal qu’il s’agit d’étouffer. C’est pourquoi on impose aux propriétaires l’obligation de dénoncer eux-mêmes à l’autorité compétente la calamité naissante ; pour assurer l’accomplissement de cette obligation, la loi relative au phylloxéra les menace de la perte de leur droit à indemnité pour le cas d’omission de la déclaration. Or, on peut, dans ce même but, accorder un droit à indemnité pour un cas où l’équité ne l’exigerait pas. C’est ce qui est fait dans la loi d’Empire du 23 juin 1880 concernant les épizooties. On tue et on enterre les animaux atteints de peste bovine, et on indemnise pour leur valeur sur la base de la valeur d’animaux bien portants, à condition seulement que le propriétaire fasse, en temps utile, la déclaration. A coup sûr, il n’y aurait pas de valeur réelle à indemniser pour un animal atteint de peste bovine ; la police, selon son droit comme selon l’équité, pourrait la détruire purement et simplement. L’indemnité ici n’est plus notre indemnité du droit d’équité ; c’est une prime en vue de provoquer une certaine activité dans l’intérêt de la police9.
II. — Il y a encore un cas particulier d’indemnité (249) en matière de police dans les prescriptions du § 51 Gewerbe Ordnung, l’autorité administrative supérieure peut supprimer un établissement industriel à raison des préjudices et dangers sérieux qu’il cause à la communauté, et moyennant indemnité. C’est une mesure de police, sans doute. Mais l’intérêt de la police, a déjà obtenu une satisfaction légale dans l’autorisation préalable de l’établissement ; cette autorisation irrévocable doit être une garantie formelle contre des exigences ultérieures qui ne tendraient qu’à faire valoir ce même intérêt. L’indemnité est due non pas pour la mesure de police elle-même, mais pour faire revivre les droits du pouvoir de police après leur consommation légale10.
III. — Nous avons exposé au § 53 ci-dessus (II, no 1 et note 17, p. 232) que la constatation d’un fait illicite à la charge d’un représentant ou d’un agent de l’Etat n’est, pour la question d’indemnité, que d’une importance indirecte et secondaire. Le fait illicite peut cependant devenir décisif de différentes manières.
1) Le délit de l’agent, avons nous dit, peut avoir de l’importance en ce sens qu’il établit la causalité entre le dommage éprouvé et les manifestations de l’administration publique11. Mais le délit de l’agent peut aussi rompre toute connexité entre ces deux choses. Il va sans dire que les méfaits de l’agent, commis tout à fait en dehors de sa fonction, dans sa vie privée, ne concernent pas l’administration ; mais l’agent peut aussi, tout en restant extérieurement dans ses fonctions, (250) y mêler un élément étranger, une entreprise personnelle qui matériellement n’a rien de commun avec les buts poursuivis, au moyen de sa personne, par l’administration. Alors ce fait, par lequel il cause le dommage, n’est plus un fait de l’administration qui serait seulement sortie de sa voie ; c’est un fait personnel de l’agent. Par conséquent, l’agent en reste responsable vis-à-vis des tiers selon les règles du droit civil. L’Etat, dans ce cas, ne doit d’indemnité, ni d’après le droit civil, ni d’après le droit d’équité dont nous traitons12.
2) Par contre, il y a une véritable responsabilité de l’Etat pour les dommages causés par le délit de ses agents, quand il s’est placé comme Fisc dans la sphère de l’économie privée. Nous avons traité cette matière au t. Ier, § 11, p. 182 ss., en nous réservant de faire la délimitation plus exacte de l’application de ces règles du droit civil, quand nous aurions établi la doctrine de l’indemnité du droit public, si facilement confondue avec la responsabilité civile. Les limites sont tracées maintenant, en principe tout ou moins, avec une netteté suffisante. Le droit civil est inapplicable toutes les fois que l’activité de l’Etat se manifeste pour la poursuite de ses buts publics, que ses agents et ses choses sont employés par lui pour une entreprise publique, un service public, un établissement public. La sphère de l’économie privée et du droit civil ne peut commencer (251) pour l’Etat qu’au point où cesse ce caractère général de son activité13. Nous avons vu aussi quels sont les éléments qui, dans notre droit pratique, servent à obscurcir encore ce résultat et à en retarder le développement complet.
- Les dommages causés par une émeute et sa répression sont traités de la même façon que ceux causés par une guerre : O. A. G. Dresden, 18 mai 1852 (Seuff. Arch. V, no 288). [↩]
- En Prusse, longtemps après 1815, on souffrait des dommages causés par les guerres napoléoniennes ; les intéressés, faisant flèche de tout bois, cherchaient à obtenir des indemnités de l’Etat qui, lui-même, était appauvri. Les tribunaux, pour venir en aide aux plaignants, entraient dans leurs vues, et déclaraient l’Etat responsable de ces dégâts en vertu du § 75 Einl. A. L. R. (§ 53, note 5 ci-dessus, p. 225), ou même en vertu des principes généraux du droit civil sur le dommage causé par un fait illicite. Le Ober-Tribunat déclara que la guerre est un « acte du fisc », et que le fisc, « quand il cause un dommage de cette manière, est obligé de le réparer » (Auschütz, Ersatzanspr., p. 74). La tendance était générale. Dans ces circonstances intervint l’Ordre du cabinet du 4 déc. 1831, approuvant et publiant une « explication (Belehrung) rédigée pour les tribunaux par le conseil des ministres ». Il y est dit que le fisc n’a rien à faire avec les faits de guerre, que ce sont des actes du souverain dont le fisc n’est pas responsable, que le § 75 Einl. ne s’applique qu’au cas où « l’intérêt de tous exige dans l’administration une mesure préjudiciable à la propriété privée des individus ». — Le roi avait parfaitement raison. C’est à tort que Auschütz, l. c., p. 84 ss. voudrait faire passer cela pour une révolution de la législation en cette matière. [↩]
- Loi d’Emp. sur les prestations en cas de guerre du 13 juin 1873, § 53 : « Une loi spéciale de l’Empire déterminera la mesure des indemnités et la procédure suivant laquelle elles seront allouées pour les prestations grevant d’une manière extraordinaire les districts, communes ou personnes, ainsi que pour tous les dégâts causés par la guerre à la propriété mobilière ou immobilière qui ne seront pas réparés ou pas suffisamment réparés selon les prescriptions de cette loi ». [↩]
- Ces principes ont été également très bien relevés dans l’Ordre de Cab. du 4 déc. 1831. Comp. Mittermaier dans Arch. f. civ. Pr., IV, p. 330. [↩]
- O. Tr., 8 fév. 1856 (Str. 19, p. 351) ; 19 juin 1863 (Str. 50, p. 139). Dernburg, Preuss. Pr. R., I, p. 509 : l’indemnité n’est due que pour « un acte qui ne peut pas prétendre exécuter seulement la restriction établie par la loi ». Auschütz, 1. c., p. 121, note 142, objecte que toutes les autorisations générales dont jouissent les autorités en vertu du droit public, impliquent une restriction « latente », et que, par conséquent, il n’est pas logique d’accorder une indemnité pour leurs actes légitimes (l. c., p. 133). Cela prouve tout simplement que l’esprit de toute notre institution est resté, pour lui, « latent ». [↩]
- Comp. sur cette question : Pfeiffer, Prakt. Ausf. II, p. 363 ss. ; Zachariae dans Zeitchr. f. Stsw. 1863, p. 637 ss. Sandheim, Schadensstiftung durch Staatsbeamte, § 12; Loening, Haftung des Staates, p. 124 ss. [↩]
- Dans le mouvement en faveur de l’indemnité aux victimes d’erreurs judiciaires, on aimait argumenter par analogie avec l’expropriation : Kronecker, Die Entsch. unschul. Verhafteter, p. 17 ; Débats du 16e congrès des juristes allemands, II, p. 241 ss., p. 345 ss., et spécialement p. 265 (Jaques). Il est aussi dans l’esprit de notre institution du droit d’équité, d’invoquer « un nouveau principe objectif de la réparation du dommage » ou « la voix de l’humanité » (Débats du 22e congrès des jur. all., I, p. 530 ss ). [↩]
- Cette législation spéciale ne vise que la justice criminelle ; pour la justice civile qui jouit cependant de la même immunité, rien n’a été prévu ; on n’a cédé que pour les cas les plus urgents. Mais d’un autre côté, il ne faut pas vouloir étendre cette immunité ni à la justice volontaire (Pfeiffer, Prakt. Ausf., p. 361), ni aux actes administratifs (Zachariae dans Ztschr. f. Staatsw., 1863, p. 641). Si le cas se présente, on leur appliquera encore le droit civil réglant la responsabilité du « commettant », tandis que pour la juridiction contentieuse, cette voie, même si l’on voulait y entrer, serait rendue presque impraticable par la prescription du § 839 al. 2 du Code civil de l’Empire. [↩]
- Comp. le § 63 de la loi du 23 juin 1880 : « Le droit à indemnité cesse, quand celui qui se sert de l’animal… aura omis de faire la déclaration, etc ». [↩]
- Par conséquent, cette indemnité ne s’applique qu’aux établissements qui, ayant eu besoin d’une autorisation spéciale, ont obtenu cette autorisation par la voie légale : O. V. G., 16 avril 1891 (Reger, XI, p. 361) et 12 nov. 1891 (Reger, XII, p. 254). Cette indemnité n’a aucune raison d’être quand il s’agit de supprimer un établissement devenu dangereux qui n’avait pas besoin d’autorisation (contra : Landmann, Gew. O., 1, p. 407). [↩]
- Comp. la note 17 du § précédent, page 232. [↩]
- C’est pour cela que autrefois, en se servant de l’art. 1384 du Code civil français pour justifier l’indemnité due par l’Etat selon le droit d’équité, on l’interprétait à cet effet d’une manière restreinte ; on excluait surtout tout délit du fonctionnaire commis seulement « à l’occasion de ses fonctions ». Les exemples cités par Dreyer dans Ztschft f. franz. Civ. R. IV, p. 390, 391, et par Zachariae dans Ztschft f. Stsw. XIX, p. 617, note 1, pour illustrer les limites de la responsabilité de l’Etat, sont justement les mêmes que ceux pour lesquels Laurent, Princ. d. Dr. civil. XX, no 584, déclare l’art. 1384 ordinairement applicable. — Sous le régime du code civil de l’Empire il n’y aura plus à cet égard de différence dans l’étendue de la causalité requise par le droit d’équité d’une part, et dans l’étendue de la responsabilité civile établie par le § 831, d’autre part. [↩]
- Il y a encore une particularité du droit civil qui peut servir à faire la distinction de ces deux sphères. C’est que, d’après l’art. 839 du Code civil de l’Empire, le fonctionnaire est tenu envers le tiers pour violation des devoirs qu’il avait à remplir vis-à-vis de lui. Or, dans la sphère de l’administration publique, les devoirs du fonctionnaire, en tant qu’ils pourront intéresser le tiers directement, doivent toujours être remplis vis-à-vis du tiers. Dans la sphère de l’administration fiscale, ou, pour mieux dire, toutes les fois qu’il est question d’agir pour l’Etat sur le terrain de l’économie privée, les devoirs personnels du fonctionnaire envers l’Etat ne regardent pas plus le tiers que ceux d’un employé ordinaire vis-à-vis de son patron (Comp. t. Ier § 17, p. 294). Il sera très facile d’en faire des applications. — Il faut insister sur ce point pour un autre motif : c’est que, sans cette distinction et si l’on voulait appliquer le principe du § 839 sur les administrations fiscales, la responsabilité de l’Etat qui s’attache à la faute de son agent en vertu du § 831 C. civ. serait beaucoup plus grave que celle des particuliers dans les situations analogues.
Notons que, dans la sphère restreinte des rapports vraiment fiscaux, la difficulté dont nous avons parlé au § précédent à la note 19 p. 229 disparaît : on trouvera toujours d’une manière très naturelle le « représentant constitutionnel » selon le § 31 du C. civil dans l’autorité qui représente, pour cette branche, les intérêts pécuniaires de l’Etat. [↩]
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