Section III
Les personnes morales
§ 56. Les différents principes d’organisation
(266) Les personnes morales subordonnées appartenant au droit public, les corps d’administration propre, comme nous les appellerons, ont, comme toute personne morale, pour but de servir aux individus pour la réalisation de leurs intérêts. La désignation de ce but par leur constitution leur donne l’individualité.
Cette désignation comprend, au point de vue matériel, l’objet de l’activité pour laquelle la personne morale existe, et sa base territoriale : le siège et la circonscription ; elle délimite ainsi cette portion d’administration publique qui est soumise au droit public subjectif du corps d’administration propre (Comp. §1er, § 9, II, p. 145), ainsi que l’étendue extérieure de la compétence de ses représentants et de ses agents.
Elle détermine, au point de vue personnel, le cercle des individus pour lesquels le corps d’administration propre existe, en faveur desquels cette portion d’administration publique doit être gérée de cette manière spéciale par une personne morale spéciale du droit public. Nous appelons ces individus les destinataires du corps d’administration propre1.
(267) Toutefois, les constitutions offrent de grandes diversités dans leur manière de désigner ces destinataires. Cela amène, à chaque fois, à une nouvelle construction intérieure de toute la personnalité et à d’autres bases pour la formation de sa représentation. La diversité juridique des espèces de corps d’administration propre dépend de la manière dont sont désignés les destinataires. Nous distinguons : les établissements publics à personnalité morale, les associations publiques et les communes2.
1) Une entreprise publique déterminée d’un caractère permanent, un établissement public (öffentliche Anstalt), comme nous l’appelons (comp. § 51, note 1, p. 184), peut être accompagnée d’une personnalité morale créée à cet effet. La désignation du but de cette personne au point de vue matériel est donc donnée ici d’avance avec une très grande clarté : c’est la gestion de cet établissement. C’est pourquoi l’usage est de l’appeler elle-même « öffentliche Anstalt ». Cela veut dire öffentliche Anstalt personnifiée ou ayant une personnalité morale séparée3. La désignation du cercle d’individus (268) pour lesquels la personne morale existe, n’est pas faite avec la même évidence. On se sert aussi, pour des personnes morales semblables, de l’expression fondation publique (öffentliche Stiftung) ; on leur donne pour caractère particulier d’avoir comme base (Substrat) simplement un certain patrimoine, a l’opposé de la corporation et de l’association qui ont derrière elles, en même temps, un groupe de personnes naturelles4. Mais on va trop loin dans la négation, quand on veut dire par là que ces personnalités d’établissement n’ont pas de destinataires du tout. Une personne morale n’existe jamais pour elle-même ; elle existe toujours pour d’autres. Seulement, ces autres sont désignés ici d’une manière moins directe. Quels sont-ils ?
Il ne peut pas s’agir des personnes morales dont dépendrait l’entreprise si elle n’était pas dotée d’une personnalité juridique propre. En effet, on peut, sans (269) cela, s’imaginer toutes leurs entreprises ; elles seraient alors simplement des établissements directs de l’Etat ou d’un corps d’administration propre d’importance plus générale, d’une commune. Ce sont, semble-t-il, les intéressés les plus proches de l’établissement. En effet, cela apparaîtra au cas de dissolution de la personnalité particulière de l’établissement, comme nous le verrons au § 61, I, ci-dessous. Toutefois, il faut distinguer l’établissement lui-même (c’est-à-dire l’entreprise) et sa personnalité ; cette personnalité ne peut pas être considérée comme étant là pour la communauté-mère : elle sert plutôt à en séparer l’établissement5.
En second lieu, on pourrait penser aux individus pour lesquels l’établissement public effectue ses prestations, à ceux qui doivent en profiter ; par conséquent, aux pauvres, aux malades, à ceux qui doivent être instruits. Mais, pour eux aussi, c’est l’entreprise seule qui compte et non pas le fait qu’elle est dotée spécialement d’une personnalité morale. Ils auraient, en effet, absolument les mêmes avantages, si l’hôpital communal, l’école d’Etat, qui les reçoivent, n’étaient pas des personnes morales distinctes6.
(270) Quand on examine les divers établissements qui sont ordinairement investis d’une personnalité morale, on reconnaît facilement le principe d’après lequel ils ont été choisis avant tous autres établissements de l’Etat ou de la commune : ils ont tous cette particularité d’être propres à provoquer la charité du public, comme les hôpitaux, hospices, établissements des pauvres, établissements ecclésiastiques, ou d’avoir, pour un motif quelconque, besoin d’être recommandés (271) au public par les garanties qu’ils présentent pour les valeurs qui leur seront confiées, tels que caisses d’épargne, monts de piété, établissements d’assurance ouvrière. Les individus qui sont visés ici sont donc ceux qui participent au but de l’entreprise, en ce sens qu’ils lui fournissent les moyens de sa gestion. Leur intérêt est justement que ces moyens soient conservés pour le but de l’établissement ; et c’est la personnalité morale distincte qui le leur garantit.
On pourrait dire que, de cette manière, la personnalité morale sert aussi à l’intérêt de l’ensemble des individus qui doivent profiter de l’activité de l’établissement, ainsi qu’au maître primordial de cet établissement, c’est-à-dire au sujet de droit auquel il appartiendrait si une personne morale particulière n’existait pas à cet effet. La personnalité morale favorise la réussite de l’entreprise à laquelle ils sont intéressés les uns et les autres ; elle la favorise en agissant comme stimulant pour y faire participer avec des subventions et des moyens de gestion. Tel est le motif, pour l’Etat ou la commune, de faire ici ce qu’on appelle un peu mystiquement « le détachement d’une volonté partielle ». Mais ce stimulant, la personne morale ne le constitue que parce qu’elle rend aux individus qui font une donation le service de conserver séparé ce qui a été donné. Elle existe donc à cause de ces individus ; ce sont eux les véritables destinataires de la personne morale.
Naturellement il n’est pas facile de définir, d’une manière exacte, cette espèce de destinataires. Pour la fondation qui commence par une libéralité faite pour son but, il est facile de reconnaître quel est le premier donateur en faveur duquel la personne morale conserve ce patrimoine. Mais elle agit aussi en faveur de ceux qui s’y associent plus tard par leurs dons. L’établissement peut d’ailleurs être créé avec cette garantie (272) qui devra lui amener des donateurs ou des clients, sans que l’on vise déjà par là une personne déterminée. Mais la personnalité morale n’existe cependant que pour ces donateurs et clients possibles. Que les destinataires restent ainsi un ensemble tout à fait indéterminé et indéfini, cela constitue le caractère spécial de cette personne morale, et cela doit avoir des conséquences importantes7.
2) Nous trouverons la formation directement contraire dans le cas où le but de la personne morale est désigné comme étant celui d’une réunion d’individus auxquels elle sert à cet effet. Telle est la particularité de l’association publique (öffentliche Genossenschaft). C’est une réunion ayant la personnalité morale pour la gestion d’une portion d’administration publique. Les membres de la réunion sont en même temps les destinataires du corps d’administration propre8.
(273) Souvent, ce seront aussi ceux auxquels les prestations doivent profiter directement : tel est le cas pour les associations d’irrigation, les associations forestières ou de pêche, les corporations de métiers. Il n’est pas essentiel que cela coïncide ; l’entreprise de l’association pourra avoir pour but de profiter à des individus qui ne sont pas membres : tel est le cas pour les réunions de bienfaisance dotées de la personnalité morale de droit public et pour les associations professionnelles d’assurance ouvrière contre les accidents. Ici encore, la personne morale existe pour les membres dont l’entreprise de l’association poursuit les buts et tâches, et dont elle conserve les moyens réunis à cet effet. Il faut faire la même distinction qu’entre les destinataires des prestations de l’établissement public et les destinataires de sa personnalité morale9.
Le fait que la personne morale de l’association trouve ses destinataires assemblés en une réunion (274) bien déterminée, devient important pour toute l’organisation : ces destinataires sont — beaucoup plus que dans la personnalité de l’établissement — susceptibles d’exercer une influence décisive sur son sort et spécialement sur la formation de sa représentation. Toutefois, il n’y a là qu’un naturale. Que la réalisation du droit suive plus ou moins cette tendance, le caractère fondamental n’en dépend pas10.
3) Le troisième groupe est représenté par la commune et par les corps d’administration propre d’un ordre supérieur formés sur son modèle11.
(275) A la différence des établissements et des associations, — lesquels sont restreints à une entreprise publique déterminée, — les communes ont une part plus large dans l’administration publique ; ce sont des corps d’administration propre généraux.
Les destinataires, ce sont leurs membres réunis dans une certaine organisation comme ceux de l’association publique ; mais la désignation de ces destinataires se fait d’une manière toute différente.
Tout d’abord, les communes sont liées plus intimement à l’Etat : leurs membres ne forment qu’une fraction de la totalité des membres de l’Etat. Dès lors, à la différence des personnes morales dont nous venons de parler, les communes supposent chez leurs destinataires la nationalité de l’Etat dont elles font partie12. Ce sont des communautés politiques (Politische Gemeinwesen).
La distribution des membres de l’Etat entre les différentes communes se fait essentiellement d’après le domicile, par lequel chacun est fixé sur le territoire de chaque commune. Dans ce sens, on les a appelées, avec une certaine exactitude, des corporations territoriales13.
(276) Ainsi, tandis que la désignation des destinataires de l’établissement à personnalité publique se fait au moyen des actes juridiques par lesquels ces individus participent à cette entreprise, tandis aussi que celle des destinataires de l’association se fait au moyen du lien obligatoire dans lequel sont placés les associés soit par leur adhésion, soit par la volonté directe de la loi, la désignation des membres de la commune se fait au moyen d’une qualité personnelle, d’un status. En effet, la nationalité, qui est essentielle pour les individus qui doivent appartenir à la commune, est bien un status ; et la qualité de membre d’une commune n’est que ce status caractérisé et appliqué à cette commune au moyen du fait du domicile établi sur son territoire. Ce domicile étend lui-même ses effets sur d’autres personnes au moyen de liens personnels constitués par le droit de l’état de famille ; ou même, il est remplacé par les principes de l’acquisition de la qualité de membre de la commune d’après la règle de l’origine, par analogie avec l’acquisition de la nationalité14. Ainsi, la commune a son peuple, comme l’Etat.
Cette manière d’avoir ses destinataires est aussi d’une importance capitale pour toute l’organisation (277) de la personnalité morale de la commune : l’établissement public ne peut guère faire un usage régulier de ses destinataires pour organiser sa représentation ; l’association a cette organisation tout indiquée dans ces membres réunis par un lien juridique, qui n’existe lui-même que pour des personnes capables ou dûment représentées. Pour la commune, au contraire, comme pour l’Etat, il y a ici cette masse d’individus si différents de moyens et de capacités, parmi lesquels le développement historique et la prudence politique choisissent ceux qui agiront au nom de la personne commune ou qui auront sur cette action une influence quelconque qui se manifestera d’une manière très variable15.
- Dans ce sens, toutes nos personnes morales sont des « Verbandspersönlichkeiten » (personnalités d’union) : Gierke, D. Pr. R., 1, p. 469. Leurs destinataires sont les « personnes unies ». Rümelin, Methodisches, p. 19, les appelle les « individus participants », Merkel, Encycl., § 190, les « intéressés ». L’expression « Selbstverwaltungsberechtigte » (qui ont droit à l’administration propre), dont je me suis servi dans ma Theorie des Franz. V. R., p, 427, dit trop ; Laband, dans Arch. f. öff. R., II, p. 160, l’a critiquée avec raison. Les différentes applications de la notion générale qui est très importante, quoiqu’on n’y prête pas toujours l’attention qu’elle mérite, sont connues sous des noms divers ; dans la langue allemande, l’expression la plus convenable devrait être « Angehörige » (individus appartenant). Le Staatsangehörige (l’individu appartenant à cet Etat) en donne le modèle. [↩]
- Les personnes morales du droit ecclésiastique ne peuvent être qu’en partie classées dans ces catégories ; nous n’avons pas à nous en occuper. Comp. Hinschius dans Marquardsen, Handbuch I, 1 p. 249 ss. [↩]
- Cette manière abrégée de s’exprimer, très répandue surtout dans la langue officielle (par exemple, Code civil de l’Empire, § 89), amène souvent des confusions. En effet, il reste ce fait, qu’il y a cependant des « Anstalten », des établissements de l’Etat, auxquels une personne morale particulière n’est pas attachée ; c’est ce que constate spécialement, en ce qui concerne les écoles publiques, C. C. H., 12 mars 1870 (J. M. BI., 1870, p. 216). De plus, il se peut qu’à la suite d’une concession, une entreprise ou Anstalt publique se présente comme attachée à une personne morale du droit civil (Comp. § 49 ci-dessus, p. 154) : quand on a pris l’habitude de sous-entendre, par entreprise ou établissement public, une personne morale du droit public, on éprouvera de la difficulté à bien comprendre cette combinaison. C’est ce qui notamment fait tort à la Banque de l’Empire. Rosin, Oeff. Gen., p. 80 ss., l’appelle une association publique ; comp. Arch. f. öff. R., I, p. 717, où j’ai essayé de démontrer l’impossibilité d’admettre cette manière de voir. Mais récemment encore, Regelsberner, Pand. I, p. 345, l’appelle « établissement ou fondation » (Anstalt oder Stiftung), et Gierke, D. Pr. R., I, p. 637, parle de « personne d’union du droit public » avec une « volonté fondatrice implantée du dehors ». Comp. § 55, note 11 ci-dessus, p. 262. [↩]
- Le mot fondation (Stiftung) sert aussi à désigner l’acte qui crée la fondation, l’affectation de moyens pécuniaires à un but semblable : Regelsberger, Pand., § 75, note 15. Il faut donc faire encore ici attention afin d’éviter les confusions. Le mot est susceptible de désigner la personne morale attachée à une entreprise publique dans le cas où elle a commencé son existence par une libéralité semblable. Quant à sa nature juridique, cela ne fait pas de différence. Sartorius dans Wörterbuch, Erg. Bd. II, p. 279 : « La distinction entre fondations et établissements est sans importance juridique ». Comp. aussi : Pfeifer, Jur. Pers., p. 127 ; Bolze, Begriff der jur. Pers , p. 187 ; Regelsberger, Pand. I, p. 294. Rosin, Oeff. Gen., p. 21, 48, voudrait n’admettre le mot fondation que pour des fondations du droit civil : « Les établissements du droit civil sont les fondations ». L’usage de la langue s’oppose à cette restriction ; comp. aussi Code civil de l’Empire, § 89. [↩]
- En ce sens Pfeifer, Jur. Pers., p. 127. Gierke, Gen. R., II, p. 962, appelle les établissements (avec personnalité particulière) « de simples constitutions d’une volonté partielle détachée d’une volonté publique supérieure ». Cette constitution ne peut pourtant pas être l’effet d’un pur instinct ; si la volonté supérieure veut simplement voir fonctionner cet établissement, elle peut le conserver pour elle-même. Dès lors, pour qui est cette constitution séparée ? Voilà la question. [↩]
- Gierke, Gen. R., II, p. 967. parle ici « d’ensembles de personnes auxquelles la fondation profite », qui se présentent seulement « comme destinataires de son utilité ». Ces destinataires sont bien (p. 970) « réunis par la personnalité de l’établissement et saisis par elle », mais seulement comme « objets de volonté » : ils sont une « partie passive » ; il n’y a pas ici « de qualité active de membre pour les individus réunis ». Il nous semble pourtant que la même union de « membres passifs » entoure ces établissements même dans le cas où ces établissements n’ont pas encore de personnalité morale ou ne l’obtiendront jamais, comme les tribunaux, les postes, les écoles.
C’est cet usage de la langue de désigner nos personnes morales comme « öffentliche Anstalt » (entreprise ou établissement public), qui entraîne ici la confusion des destinataires de l’entreprise avec les destinataires de sa personne morale. Comp. par exemple. aussi E. Mayer, dans Wörterbuch, 1, p. 692. Bernatzik, dans Arch. f. öff. R., V, p. 250, semble vouloir désigner les premiers directement comme les « associés » (Genossen) de la « communauté » représentée, d’après lui, par l’établissement ou par la fondation ! Merkel, Encyklop., § 190, n’échappe pas non plus à la confusion ordinaire. Il déclare que « dans les fondations, les intéressés ne sont pas réunis corporativement ni déterminés personnellement à l’avance ». Mais il entend par intéressés ceux qui doivent profiter des prestations de l’établissement, par conséquent, pour des fondations de bienfaisance, les pauvres. « Au lieu de dire : ces biens appartiennent aux pauvres présents et futurs au profit desquels les revenus de ces biens doivent être employés par les institutions de la fondation de St-Marx, nous disons simplement : ces biens appartiennent à la fondation de St-Marx ». Retenons cet exemple. Merkel oppose au cas de la fondation celui d’une association « où les intéressés sont corporativement réunis ». Si donc cet établissement, nommé St-Marx, appartenait non pas à une fondation, mais à une association de bienfaisance ayant la personnalité morale, alors, d’après lui, « les intéressés seraient corporativement réunis », à savoir les membres de la réunion, de l’association publique (comp. n. 2 du texte, p. 272). Mais alors, que deviennent les pauvres ? Leur situation vis-à-vis de l’entreprise de l’établissement, resterait tout à fait la même que dans le cas de la fondation. Mais qu’ils ne soient pas alors les « intéressés », les destinataires de la personne morale, la chose est évidente. Dès lors, ils ne pourront pas l’être non plus dans le premier cas, dans celui de la fondation ; il faut que d’autres individus, qui ne sont pas les pauvres, fonctionnent ici comme destinataires, à la place des membres de la corporation. Ces autres sont les véritables « intéressés » ; eux seuls ont ici de l’importance. — Meurer, Jur. Pers., p. 22 ss., revient encore aux destinataires des avantages de l’établissement comme « sujets et détenteurs de son patrimoine » ! Il croit en avoir besoin, parce que la personne morale ne lui suffit pas pour donner une réponse à la question : à qui les donateurs donnent-ils ? Elle doit cependant suffire ; à quoi serait-elle bonne sans cela ? [↩]
- Dans une doctrine qui compte des partisans notables, on tend à réduire partout la personne morale à une volonté qui lui aurait été infusée d’une façon quelconque et par laquelle elle vivrait. Cette volonté lui est implantée ; elle est fixée, perpétuée, éternisée, congelée en elle. Foerster, Preuss. Pr. R., IV, p. 404 ; Gierke, Gen. R., II, p. 962 ; le même, Gen. Theorie, p. 12 note 3 ; le même, D. Priv. R., I, p. 635 ; Meurer, Heil. Sachen, p. 75 ss. Pour cette doctrine, la particularité que présente la personne morale de l’établissement public — d’avoir ses destinataires mal définis — trouve son expression dans la thèse, que cette personne tire la volonté qui lui est nécessaire, de l’Etat ou de la commune dont l’établissement est détaché. Pour nous, cet emprunt d’une portion de volonté est du mysticisme. [↩]
- La corporation publique est une notion plus large. Elle signifie une personne morale réunissant dans un « corps » un ensemble donné d’individus. Cela comprend aussi la commune, laquelle ne suppose pas que ses membres forment entre eux une association. Comp. les excellents développements de Rosin, Oeff. Gen., p. 40 ss. — La fixation exacte de la différence qui existe entre la personnalité d’établissement et l’association publique a trouvé une expression un peu singulière chez Piloty, Reichs-Unfallversicherungs. R., II, p. 474, note 2 : « La différence juridique entre les corporations que Rosin appelle des établissements publics, et les autres corporations publiques ne consiste, à mon avis, que dans la désignation différente de la qualité de membre chez celles-ci et chez celles-là ». Et en effet, c’est bien tout. Mais quand Piloty s’exprime ainsi, il veut dire que cela ne doit pas suffire scientifiquement pour faire une distinction ; et il appelle corporation l’une et l’autre, l’association et la personnalité d’établissement. Naturellement nous ne pouvons pas l’admettre. [↩]
- Il n’est donc pas exact de voir la différence entre la corporation et la fondation en ce que, dans la première, « l’administrateur et le destinataire sont identiques ; ce qui n’a pas lieu dans la fondation » (E. Mayer dans Wörterbuch I, p. 663), — destinataire étant entendu ici comme destinataire de l’utilité de l’entreprise ; comp. la note 6 ci-dessus, p. 269.— Il se peut que, dans une seule et même association, deux sortes de membres se trouvent réunis, des membres jouissant (destinataires de l’utilité) et des membres non jouissant ; tous les deux sont les destinataires de la personne morale. Ainsi, par exemple, dans les caisses de malades locales, d’entreprise, ou de construction, d’après la loi sur les caisses, se trouvent des ouvriers assurés et des patrons — lesquels ne sont pas assurés, et doivent cependant leurs contributions. Tous les deux sont membres ; Loening, V. R., p. 557. Rosin, Oeff. Gen., p. 60, ne veut pas reconnaître comme membres les patrons, à cause de leur « point de vue d’intérêts différents ». Mais l’intérêt que la loi traite d’intérêt commun aux patrons et aux ouvriers, c’est l’assurance des ouvriers. Dans ce but, la personne morale sert à tous les deux ; que l’utilité matérielle de l’institution profite aux ouvriers seuls, cela n’y change rien. L’association professionnelle pour l’assurance contre les accidents, comme nous le savons, renferme uniquement des membres dépourvus de toute utilité analogue. [↩]
- Windscheid, Pand., § 59 note 3 a : « Ainsi, il est naturel que la volonté de la corporation émane d’eux (des membres de la corporation) ; et cette organisation naturelle doit être considérée comme ayant été voulue par la loi, en tant qu’aucune prescription contraire n’a été édictée ». A cela se restreint ce qu’il y a de vrai dans cette doctrine qui parle de l’ « immanence de la volonté » propre à l’association, tandis qu’il y a « transcendance de la volonté » dans la fondation : Gierke dans Holzendorf Rechtslex., Article Jurist. Pers., II, p. 422, et dans le même sens surtout Rosin, Oeff. Gen., p. 22, p. 48. Nous insistons, au contraire, sur cette proposition, que la nature juridique de l’association n’est pas changée quand sa représentation est organisée autrement qu’elle devrait l’être d’après le principe naturel. D’après Gierke, 1. c., p. 422, et Gen. R., II, p. 971 ss., la corporation peut bien supporter des « éléments d’établissement », c’est-à-dire une certaine mesure d’influence exercée par les autorités de l’Etat ou de la commune sur sa représentation, comme cela est de règle pour la personnalité d’établissement. Mais cet élément transcendant ne doit pas devenir trop fort, sans quoi la corporation cesse et il en résulte un établissement. D’après nous, une personne morale, qui a derrière elle l’ensemble organisé de ses membres, reste encore une association, même si un commissaire du gouvernement investi d’une puissance dictatoriale a été institué pour administrer ses affaires. D’un autre côté, une personnalité d’établissement peut être dotée de députations déléguées d’une manière quelconque par la population intéressée à l’entreprise ; on parle alors d’ « éléments corporatifs » joints à l’établissement : Rosin, Oeff. Gen., p. 51, note 42 a ; G. Meyer, V. R., I, p. 659. Un exemple dans la caisse d’assurance contre l’invalidité, d’après la loi d’Emp. du 19 juillet 1899, § 61 ss. Mais il nous semble que, de cette manière, la personnalité de l’établissement ne reçoit nullement la base d’une réunion pour laquelle elle existe et qu’elle ne devient pas de formation mixte ; la forme extérieure de sa représentation est indifférente pour sa nature. [↩]
- Dans les cours de droit civil un peu anciens, en énumérant les personnes morales, on distinguait : les corporations, les fondations, le Fisc. Les communes, en tant qu’unités de personnes, comptaient parmi les corporations, et on opposait les communes et les corporations au Fisc. Comp. par exemple Arndts, Pand. I, 47. Une opinion plus récente, sous l’influence manifeste de Gierke, distingue les établissements et fondations d’un côté, et les corporations de l’autre ; ces dernières comprennent alors les associations, les communes et l’Etat. Comp. par exemple, Regelsberger, Pand. I, § 75 ss. Il nous semble nécessaire de relever fortement les oppositions qui existent dans ce second groupe. [↩]
- Dans le grand duché de Bade et en Alsace–Lorraine, il suffit de la nationalité d’un Etat confédéré quelconque, c’est-à-dire de la nationalité commune de l’Empire ; ceci n’est pas en contradiction avec notre thèse. [↩]
- Preuss., Gemeinde, Staat, Reich als Gebietskörperschaft, p. 261 ; Gierke, Gen. R., II, p. 870, 871. D’une opinion un peu divergente : Haenel dans Arch. f. öff. R., V, p. 464 ; Rosin, Oeff. Gen., p. 42 ss. Comp. aussi, en ce qui concerne les formations supérieures, Bl. f. adm. Pr. 1887, p. 290. — Très instructif, O. V. G., 2 mars 1888 : On avait contesté à un district administratif du Hanovre (Amtsversammlungsbezirk) la qualité de personne morale. L’adversaire prétendait qu’il n’y en a que de deux espèces : la corporation de réunion, reposant sur un certain nombre de personnes physiques ; l’établissement public, consistant dans un patrimoine investi de la capacité juridique (comp. la note 11, ci-dessus, p. 274) ; or, ici ni l’un ni l’autre ne serait applicable. A cela, le O. V. G. oppose la corporation territoriale comme troisième espèce : « Le droit existant construit les unions communales dotées de la capacité juridique, en partie, comme les communes notamment, sur la base de personnes entrant — dans les limites d’une certaine circonscription territoriale — dans une communauté juridique à raison du domicile, de la propriété foncière etc., ou bien aussi sur la base de corporations d’un ordre inférieur ». [↩]
- Ce sont surtout les législations de la Bavière et du Württemberg qui attachent à l’origine la qualité de membre de la commune ; Preuss, 1. c., p. 283. [↩]
- De là cette distinction si importante entre membre de l’Etat et citoyen de l’Etat, membre de la commune et citoyen de la commune ; l’association publique n’a pour membres que des citoyens de l’association. Haenel, St. R., I, p. 81 ss., déclare que l’Etat est une « union corporative » ; les membres de cette union, les individus appartenant à l’Etat, sont « en ce qui concerne leurs devoirs, des sujets, et, en ce qui concerne leurs droits, des citoyens ». C’est du Rousseau, mais cela convient à une association. En réalité, les citoyens, seuls pourvus de droits politiques, forment une élite parmi les sujets, élite qui n’a pas d’analogue dans l’association. [↩]
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