REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 et 19 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE NEUVILLE-SUR-ESCAUT, représentée par son maire ; la COMMUNE DE NEUVILLE-SUR-ESCAUT demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance du 20 septembre 2006 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Lille, à la demande de M. Jacques A, d’une part, a suspendu l’exécution des arrêtés municipaux des 23 septembre 2003, 23 mai 2006 et 31 mai 2006 relatifs à la carrière de Mlle Rita B et à la définition des attributions du demandeur et, d’autre part, lui a enjoint de réintégrer ce dernier dans la fonction de secrétaire de mairie ;
2°) de mettre à la charge de M. A le versement d’une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 95-25 du 10 janvier 1995 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mlle Anne Courrèges, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la COMMUNE DE NEUVILLE-SUR-ESCAUT et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. A,
– les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (…) » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lille que, dans son mémoire en défense, la COMMUNE DE NEUVILLE-SUR-ESCAUT soutenait que les conclusions au fond présentées par M. A à l’encontre des arrêtés municipaux des 23 septembre 2003, 23 mai 2006 et 31 mai 2006 relatifs à la carrière de Mlle B et à la définition des attributions du demandeur étaient tardives, faute pour ce dernier d’avoir saisi le juge de l’excès de pouvoir dans le délai de deux mois suivant l’accomplissement des formalités de publicité afférentes aux actes contestés ; qu’alors même qu’il prononçait la suspension de ces décisions, le juge des référés n’a pas répondu à ce moyen de défense qui, s’il était fondé, faisait obstacle à ce qu’il soit fait droit à la demande de M. A tendant à la suspension de l’exécution des décisions attaquées ; que, par suite et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la COMMUNE DE NEUVILLE-SUR-ESCAUT est fondée à demander l’annulation de l’ordonnance attaquée ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative et de statuer sur la procédure de référé engagée ;
Considérant qu’aux termes de l’article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « Toute nomination ou toute promotion dans un grade qui n’intervient pas exclusivement en vue de pourvoir à un emploi vacant et de permettre à son bénéficiaire d’exercer les fonctions correspondantes est nulle » ; que la disposition ainsi rappelée proscrit les nominations pour ordre, qui sont entachées d’une irrégularité d’une gravité telle qu’elles sont regardées comme nulles et de nul effet ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE NEUVILLE-SUR-ESCAUT, la circonstance que les actes administratifs dont la suspension est demandée pourraient être entachés d’une telle irrégularité ne ferait pas obstacle à ce que la suspension de leur exécution puisse être prononcée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ; qu’en particulier, une demande tendant à ce que soit constatée l’inexistence d’un décision administrative doit être regardée comme une requête en annulation au sens de cet article ;
Considérant, toutefois, que si, par un jugement en date du 13 mars 2006, devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision non formalisée du maire de Neuville-sur-Escaut mettant fin à compter du 17 septembre 2003 aux fonctions de secrétaire de mairie exercées par M. A et les confiant à Mlle B, rédacteur stagiaire, en se fondant, par voie d’exception, sur l’irrégularité de la nomination de cette dernière comme rédacteur territorial en ce que cette nomination constituerait une nomination pour ordre, l’autorité absolue de la chose jugée qui s’attache à ce jugement et au motif unique qui en constitue le soutien nécessaire n’impose pas, par elle-même, que le juge saisi de conclusions directes contre la nomination de Mlle B en constate l’inexistence ; qu’en l’espèce, et en l’état de l’instruction, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’arrêté en date du 23 septembre 2003 nommant Mlle B dans le grade de rédacteur, en qualité de stagiaire n’aurait pas été pris en vue de lui permettre d’occuper un emploi auquel ce grade donne vocation ; que, dès lors, il ne constitue pas une nomination pour ordre ; que, par suite, l’arrêté du même jour attribuant à Mlle B une bonification indiciaire, l’arrêté du 23 mai 2006 procédant à sa titularisation avec effet au 17 septembre 2004 et les arrêtés en date du 31 mai 2006 procédant à une nouvelle répartition des fonctions entre l’intéressée et M. A ne peuvent davantage être regardés comme ayant été pris sur le fondement d’une nomination présentant un tel caractère ; qu’en l’absence d’inexistence des actes attaqués, et dès lors qu’il est constant qu’ils avaient fait l’objet de mesures de publicité plus de deux mois avant l’introduction de la demande de M. A tendant à leur annulation, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable ; qu’il s’en suit que la demande de suspension présentée à l’encontre de ces mêmes actes par M. A sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative ne peut être accueillie ; que ses conclusions aux fins d’injonction doivent, en conséquence, être également rejetées ;
Considérant, enfin, que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la COMMUNE DE NEUVILLE-SUR-ESCAUT le versement de la somme demandée par M. A au titre des frais qu’il a exposés et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions que la commune présente au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille en date du 20 septembre 2006 est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le juge des référés du tribunal administratif de Lille et ses conclusions présentées devant le Conseil d’Etat au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE NEUVILLE-SUR-ESCAUT est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE NEUVILLE-SUR-ESCAUT, à M. Jacques A, à Mlle Rita B et au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.