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CJCE, 30 septembre 2003, Kobler c/ Autriche, affaire numéro C-244/01

Citer : Revue générale du droit, 'CJCE, 30 septembre 2003, Kobler c/ Autriche, affaire numéro C-244/01, ' : Revue générale du droit on line, 2003, numéro 7758 (www.revuegeneraledudroit.eu/?p=7758)


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....

Décision citée par :
  • Christophe De Bernardinis, §2. Des juges ordinaires, juges de droit commun des garanties européennes
  • Christophe De Bernardinis, B. La confirmation de l’implantation de la notion
  • Pierre Tifine, Droit administratif français – Sixième Partie – Chapitre 3 – Section 3
  • Pierre Tifine, Droit administratif français – Sixième Partie – Chapitre 3


ARRÊT DE LA COUR

30 septembre 2003 *

Dans l’affaire C-224/01,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l’article 234

CE, par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien (Autriche) et tendant à

obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

Gerhard Köbler

et

Republik Österreich,

une décision à titre préjudiciel sur l’interprétation, d’une part, de l’article 48 du

traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et, d’autre part, de la

jurisprudence de la Cour découlant notamment des arrêts du 5 mars 1996,

Brasserie du pêcheur et Factortame (C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1029), et du

17 septembre 1997, Dorsch Consult (C-54/96, Rec. p. I-4961),

* Langue de procédure: l’allemand.

I – 10290 KÖBLER

LA COUR,

composée de M. G. C. Rodríguez Iglesias, président, MM. J.-P. Puissochet,

M. Wathelet, R. Schintgen et C. W. A. Timmermans (rapporteur), présidents de

chambre, MM. C. Gulmann, D. A. O. Edward, A. La Pergola, P. Jann

et V. Skouris, Mmes

F. Macken et N. Colneric, MM. S. von Bahr, J. N. Cunha

Rodrigues et A. Rosas, juges,

avocat général: M. P. Léger,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

— pour M. Köbler, par Me

A. König, Rechtsanwalt,

— pour la Republik Österreich, par M. M. Windisch, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement autrichien, par M. H. Dossi, en qualité d’agent,

— pour le gouvernement allemand, par MM. A. Dittrich et W.-D. Plessing, en

qualité d’agents,

— pour le gouvernement français, par MM. R. Abraham et G. de Bergues ainsi

que Mme

C. Isidoro, en qualité d’agents,

— pour le gouvernement néerlandais, par Mme

H. G. Sevenster, en qualité

d’agent,

I – 10291 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

— pour le gouvernement du Royaume-Uni, par M. J. E. Collins, en qualité

d’agent, assisté de MM. D. Anderson, QC, et M. Hoskins, barrister,

— pour la Commission des Communautés européennes, par MM. J. Sack et

H. Kreppel, en qualité d’agents,

vu le rapport d’audience,

ayant entendu les observations orales de M. Köbler, représenté par Me

A. König,

du gouvernement autrichien, représenté par M. E. Riedl, en qualité d’agent, du

gouvernement allemand, représenté par M. A. Dittrich, du gouvernement

français, représenté par M. R. Abraham, du gouvernement néerlandais,

représenté par Mme

H. G. Sevenster, du gouvernement du Royaume-Uni,

représenté par M. J. E. Collins, assisté de MM. D. Anderson et M. Hoskins,

ainsi que de la Commission, représentée par MM. J. Sack et H. Kreppel, à

l’audience du 8 octobre 2002,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 avril 2003,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 7 mai 2001, parvenue à la Cour le 6 juin suivant, le

Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien a posé, en vertu de l’article 234 CE,

I – 10292 KÖBLER

cinq questions préjudicielles relatives à l’interptétation, d’une part, de l’article 48

du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et, d’autre part, de la

jurisprudence de la Cour découlant notamment des arrêts du 5 mars 1996,

Brasserie du pêcheur et Factortame (C-46/93 et C-48/93, Rec. p. I-1029), et du

17 septembre 1997, Dorsch Consult (C-54/96, Rec. p. I-4961).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d’une action en responsabilité

engagée par M. Köbler contre la Republik Österreich (république d’Autriche)

pour violation d’une disposition du droit communautaire par un arrêt du

Verwaltungsgerichtshof, la juridiction suprême administrative.

Le cadre juridique

3 L’article 48, paragraphe 3, du Gehaltsgesetz 1956 (loi salariale de 1956, BGBl.

1956/54), tel que modifié en 1997 (BGBl. I, 1997/109, ci-après le «GG»), prévoit:

«Pour autant que cela soit nécessaire afin de s’assurer des services d’un

scientifique ou d’un artiste du pays ou de l’étranger, le président fédéral peut

octroyer un traitement de base supérieur à celui prévu à l’article 48, paragraphe 2, lors de la nomination à un poste de professeur des universités (article 21 du

Bundesgesetz über die Organisation der Universitäten [loi fédérale relative à

l’organisation des universités], BGBl. 1993/805, dénommé ‘UOG 1993’) ou de

professeur ordinaire des universités ou d’un établissement d’enseignement

supérieur.»

I – 10293 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

4 L’article 50 bis, paragraphe 1, du GG est libellé comme suit:

«Un professeur d’université (article 21 de l’UOG 1993) ou un professeur

ordinaire d’université ou d’un établissement d’enseignement supérieur, qui peut

se prévaloir d’une ancienneté de quinze ans acquise dans cette affectation au sein

des universités autrichiennes ou des établissements d’enseignement supérieur et

qui a bénéficié pendant quatre ans de l’indemnité d’ancienneté prévue à

l’article 50, paragraphe 4, peut prétendre, à compter de la date à laquelle ces

deux conditions sont réunies, à une indemnité spéciale d’ancienneté prise en

considération pour le calcul de la pension de retraite, dont le montant correspond

à celui de l’indemnité d’ancienneté prévue à l’article 50, paragraphe 4.»

Le litige au principal

5 M. Köbler est lié depuis le 1er

mars 1986 à l’État autrichien par un contrat de

droit public en tant que professeur d’université titulaire à Innsbruck (Autriche).

Lors de sa nomination, il lui a été attribué le traitement de professeur d’université

titulaire au dixième échelon, majoré de l’indemnité normale d’ancienneté.

6 Par lettre du 28 février 1996, M. Kobler a sollicité l’attribution de l’indemnité

spéciale d’ancienneté des professeurs d’université, au titre de l’article 50 bis du

GG. Il a fait valoir que, s’il ne justifiait certes pas de quinze ans d’ancienneté en

tant que professeur dans des universités autrichiennes, il posséderait en revanche

l’ancienneté requise si la durée de ses services dans les universités d’autres États

membres de la Communauté était prise en considération. Il a soutenu que la

condition d’une ancienneté de quinze ans acquise uniquement dans des

I – 10294 KÖBLER

universités autrichiennes — sans qu’il soit tenu compte de celle obtenue dans des

universités d’autres États membres — constituait, depuis l’adhésion de la

république d’Autriche à la Communauté, une discrimination indirecte injustifiée

en droit communautaire.

7 Dans le litige auquel a conduit cette prétention de M. Kobler, le Verwaltungsgerichtshof (Autriche) a saisi la Cour, par ordonnance du 22 octobre 1997, d’une

demande préjudicielle enregistrée au greffe de la Cour sous le numéro C-382/97.

8 Par lettre du 11 mars 1998, le greffier de la Cour a demandé au Verwaltungsgerichtshof s’il jugeait nécessaire de maintenir sa demande préjudicielle à la

lumière de l’arrêt du 15 janvier 1998, Schöning-Kougebetopoulou (C-15/96, Rec.

p. I-47).

9 Par ordonnance du 25 mars 1998, le Verwaltungsgerichtshof a invité les parties

au litige porté devant lui à se prononcer sur la demande du greffier de la Cour, en

observant à titre provisoire que le point de droit faisant l’objet de la procédure

préjudicielle concernée avait été résolu en faveur de M. Köbler.

10 Par ordonnance du 24 juin 1998, le Verwaltungsgerichtshof a retiré sa demande

préjudicielle et, par arrêt du même jour, il a rejeté le recours de M. Köbler, aux

motifs que l’indemnité spéciale d’ancienneté constituait une prime de fidélité qui

justifiait objectivement une dérogation aux dispositions du droit communautaire

relatives à la libre circulation des travailleurs.

I – 10295 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

11 Cet arrêt du 24 juin 1998 énonce notamment:

«[…] Le Verwaltungsgerichtshof a admis dans son ordonnance du 22 octobre

1997 portant renvoi préjudiciel [dans l’affaire C-382/97] que ‘l’indemnité

spéciale d’ancienneté des professeurs d’université titulaires’ n’a ni le caractère

d’une prime de fidélité ni celui d’une gratification, mais qu’elle fait partie du

traitement dans le cadre du système d’avancement.

Cette thèse juridique, formulée de manière non contraignante à l’égard des parties

à la procédure contentieuse administrative, est abandonnée.

[…]

Cela montre que l’indemnité spéciale d’ancienneté au titre de l’article 50 bis du

Gehaltsgesetz de 1956 ne relève pas de la ‘détermination de la valeur marchande’

qui doit s’effectuer dans le cadre de la procédure de nomination, mais qu’il faut

considérer qu’elle a pour but d’offrir aux chercheurs qui évoluent sur un marché

du travail très mobile une incitation positive à un déroulement de carrière dans les

universités autrichiennes. Elle ne peut donc être un élément du traitement

proprement dit et, du fait qu’elle a vocation à être une prime de fidélité, elle

suppose une durée déterminée de service en qualité de professeur d’université

titulaire dans des universités autrichiennes. Cette définition ne fait pas

fondamentalement obstacle à ce que l’indemnité spéciale d’ancienneté soit

conçue comme un élément du traitement mensuel et à ce que cette prime de

fidélité ait, en conséquence, un caractère durable.

I – 10296 KÖBLER

Puisque, en Autriche — pour ce qui concerne le cas d’espèce — l’État fédéral est

seul responsable des universités, les dispositions de l’article 50 bis du Gehaltsgesetz de 1956 ne s’appliquent — contrairement à la situation qui était à la base

de l’arrêt [Schöning-Kougebetopoulou, précité] — que pour un seul employeur.

La prise en compte de périodes de service antérieures demandée par le requérant

entre dans le cadre de la ‘valeur marchande’ lors des négociations en vue d’une

nomination. La prise en considération de ces périodes de service antérieures aux

fins de l’indemnité spéciale d’ancienneté n’est pas non plus prévue pour les

chercheurs autrichiens qui reprennent l’enseignement en Autriche après avoir

exercé à l’étranger et elle serait contraire au souci de récompenser une fidélité de

plusieurs années envers un employeur, dont la Cour a admis qu’il justifie une

disposition enfreignant en soi le principe de non-discrimination.

Puisque le prétendu droit invoqué en l’espèce par le requérant à une indemnité

spéciale d’ancienneté au titre de l’article 50 bis du Gehaltsgesetz de 1956 porte

sur une prime de fidélité prévue par la loi et que la Cour, pour les motifs

mentionnés, a admis qu’un tel système justifiait un régime qui soit quelque peu en

contradiction avec le principe de non-discrimination, le recours reposant sur la

violation de ce principe de non-discrimination doit être jugé non fondé; il

convenait donc de le rejeter […].»

1 2 M. Köbler a introduit un recours en dommages et intérêts contre la Republik

Österreich devant la juridiction de renvoi, aux fins de voir réparer le préjudice

qu’il aurait subi en raison de l’absence de versement d’une indemnité spéciale

d’ancienneté. Il soutient que l’arrêt du Verwaltungsgerichtshof du 24 juin 1998 a

enfreint des dispositions du droit communautaire directement applicables, telles

qu’interprétées par la Cour dans les arrêts où elle a jugé qu’une indemnité spéciale

d’ancienneté ne constitue pas une prime de fidélité.

1 3 La Republik Österreich prétend que l’arrêt du Verwaltungsgerichtshof du 24 juin

1998 n’enfreint pas le droit communautaire directement applicable. En outre,

I – 10297 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

selon elle, la décision d’une juridiction statuant en dernier ressort telle que le

Verwaltungsgerichtshof ne saurait fonder une obligation de réparation à charge

de l’État.

Les questions préjudicielles

14 Le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien, estimant que, dans l’affaire dont il

est saisi, l’interprétation du droit communautaire est incertaine et qu’une telle

interprétation est nécessaire pour rendre sa décision, a décidé de surseoir à statuer

et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1) La jurisprudence de la Cour selon laquelle la responsabilité de l’État est

engagée en cas de violation du droit communautaire, quel que soit l’organe

de l’État membre auquel cette violation est imputable (notamment, par

exemple, arrêt [Brasserie du pêcheur et Factortame, précité]), est-elle

également applicable dans le cas où le comportement de l’organe réputé

contraire au droit communautaire est constitué par une décision d’une

juridiction suprême d’un État membre telle que, en l’espèce, le Verwaltungsgerichtshof?

2) Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la première question:

La jurisprudence de la Cour selon laquelle il appartient à l’ordre juridique de

chaque État membre de désigner la juridiction compétente pour trancher les

litiges qui mettent en cause des droits individuels, dérivés de l’ordre juridique

communautaire (notamment, par exemple, arrêt [Dorsch Consult, précité]),

I – 10298 KÖBLER

est-elle également applicable dans le cas où le comportement de l’organe

réputé contraire au droit communautaire est constitué par une décision d’une

juridiction suprême d’un État membre telle que, en l’espèce, le Verwaltungsgerichtshof?

3) Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la deuxième question:

La thèse juridique formulée dans l’arrêt susmentionné du Verwaltungsgerichtshof, selon laquelle l’indemnité spéciale d’ancienneté est une sorte de

prime de fidélité, est-elle contraire à une disposition directement applicable

du droit communautaire, en particulier au principe de non-discrimination

indirecte établi à l’article 48 du traité CE, et à la jurisprudence pertinente

constante de la Cour à cet égard?

4) Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la troisième question:

Cette disposition du droit communautaire qui a été enfreinte crée-t-elle pour

le demandeur au principal un droit subjectif?

5) Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative à la quatrième question:

La Cour dispose-t-elle, sur la base du libellé de la demande préjudicielle, de

toutes les informations lui permettant de juger elle-même si le Verwaltungsgerichtshof a manifestement et notablement abusé dans le cas d’espèce du

pouvoir d’appréciation dont il dispose, ou bien s’en remet-elle à la juridiction

autrichienne de renvoi pour trancher cette question?»

I – 10299 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

Sur les première et deuxième questions

15 Par ses première et deuxième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la

juridiction de renvoi demande en substance si le principe selon lequel les États

membres sont obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par les

violations du droit communautaire qui leur sont imputables est également

applicable lorsque la violation en cause découle d’une décision d’une juridiction

statuant en dernier ressort et si, dans l’affirmative, il appartient à l’ordre juridique

de chaque État membre de désigner la juridiction compétente pour trancher les

litiges relatifs à cette réparation.

Observations soumises à la Cour

16 M. Köbler, les gouvernements allemand et néerlandais ainsi que la Commission

considèrent que la responsabilité d’un État membre peut être engagée pour

violation du droit communautaire en raison d’une faute imputable à une

juridiction. Cependant, ces gouvernements ainsi que la Commission considèrent

que cette responsabilité devrait être limitée et soumise à différentes conditions

restrictives s’ajoutant à celles déjà formulées dans l’arrêt Brasserie du pêcheur et

Factortame, précité.

17 À cet égard, les gouvernements allemand et néerlandais font valoir qu’il n’y aurait

de «violation suffisamment caractérisée» au sens de cet arrêt que si une décision

judiciaire méconnaissait de façon particulièrement grave et manifeste le droit

communautaire applicable. Selon le gouvernement allemand, la méconnaissance

d’une règle de droit par une juridiction n’est particulièrement grave et manifeste

que lorsque l’interprétation ou la non-application du droit communautaire est,

d’une part, objectivement indéfendable et doit, d’autre part, être considérée

subjectivement comme une violation intentionnelle. De tels critères restrictifs se

I – 10300 KÖBLER

justifieraient afin de protéger tant le principe de l’autorité de la chose jugée que

l’indépendance du pouvoir judiciaire. Par ailleurs, un régime restrictif de

responsabilité de l’État pour les préjudices causés par des décisions juridictionnelles erronées répond, selon le gouvernement allemand, à un principe général

commun aux droits des États membres au sens de l’article 288 CE.

18 Les gouvernements allemand et néerlandais soutiennent que la responsabilité de

l’État membre devrait rester limitée aux décisions juridictionnelles non susceptibles de recours, notamment parce que l’article 234 CE n’imposerait une

obligation de renvoi préjudiciel qu’aux juridictions appelées à rendre de telles

décisions. Le gouvernement néerlandais considère que la responsabilité de l’État

ne devrait pouvoir être engagée que dans l’hypothèse d’une violation manifeste et

grave de cette obligation de renvoi.

19 La Commission fait valoir qu’une limitation de la responsabilité de l’État du fait

des décisions juridictionnelles existe dans tous les États membres et est nécessaire

afin de préserver l’autorité de la chose jugée des décisions finales ainsi que,

partant, la stabilité du droit. C’est pourquoi elle préconise de ne reconnaître une

«violation suffisamment caractérisée» du droit communautaire que lorsque la

juridiction nationale abuse manifestement de son pouvoir ou méconnaît

visiblement le sens et la portée du droit communautaire. En l’occurrence, la

faute alléguée du Verwaltungsgerichtshof serait excusable et ce caractère

excusable serait un des critères permettant de conclure à l’absence d’une

violation suffisamment caractérisée du droit (voir arrêt du 4 juillet 2000, Haim,

C-424/97, Rec. p. I-5123, point 43).

20 Pour leur part, la Republik Österreich et le gouvernement autrichien (ci-après,

ensemble, «la république d’Autriche») ainsi que les gouvernements français et du

Royaume-Uni soutiennent que la responsabilité d’un État membre ne peut pas

être engagée pour une violation du droit communautaire imputable à une

juridiction. Ils invoquent des arguments tirés de l’autorité de la chose jugée, du

principe de sécurité juridique, de l’indépendance du pouvoir judiciaire, de la place

du pouvoir judiciaire dans l’ordre juridique communautaire ainsi que de la

I – 10301 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

comparaison avec les procédures ouvertes devant la Cour pour mettre en œuvre la

responsabilité de la Communauté en vertu de l’article 288 CE.

21 La république d’Autriche fait notamment valoir que le réexamen de l’appréciation en droit d’une juridiction statuant en dernier ressort serait incompatible avec

la fonction d’une telle juridiction, car le but de ses décisions serait de clôturer

définitivement un litige. Par ailleurs, étant donné que le Verwaltungsgerichtshof

aurait examiné en détail le droit communautaire dans son arrêt du 24 juin 1998,

il serait compatible avec le droit communautaire d’exclure une autre possibilité de

recours devant une juridiction autrichienne. En outre, la république d’Autriche

soutient que les conditions de mise en œuvre de la responsabilité d’un État

membre ne peuvent pas différer de celles applicables à la responsabilité de la

Communauté dans des circonstances comparables. Vu que l’article 288,

deuxième alinéa, CE ne pourrait pas être appliqué à une violation du droit

communautaire par la Cour, puisqu’elle serait appelée dans cette hypothèse à

trancher une question relative à un dommage qu’elle aurait elle-même causé, de

telle manière qu’elle serait à la fois juge et partie, la responsabilité des États

membres ne pourrait pas non plus être engagée pour un dommage causé par une

juridiction statuant en dernier ressort.

22 Par ailleurs, la république d’Autriche fait valoir que l’article 234 CE n’a pas pour

objet de conférer des droits aux particuliers. En effet, dans le cadre d’une

procédure préjudicielle pendante devant la Cour, les parties au principal ne

pourraient ni modifier les questions préjudicielles ni les faire déclarer sans objet

(voir arrêt du 9 décembre 1965, Singer, 44/65, Rec. p. 1191). En outre, seule la

violation d’une disposition ayant pour objet de conférer des droits aux

particuliers serait susceptible, le cas échéant, d’engager la responsabilité de l’État

membre. Dès lors, celle-ci ne pourrait être mise en œuvre pour une violation de

l’article 234 CE par une juridiction statuant en dernier ressort.

23 Le gouvernement français prétend que la reconnaissance d’un droit à réparation

en raison d’une application prétendument erronée du droit communautaire par

une décision définitive d’une juridiction nationale serait contraire au principe du

I – 10302 KÖBLER

respect de l’autorité de la chose définitivement jugée, tel que reconnu par la Cour

dans son arrêt du 1er

juin 1999, Eco Swiss (C-126/97, Rec. p. I-3055). Ce

gouvernement fait notamment valoir que le principe de l’intangibilité de la chose

définitivement jugée revêt une valeur fondamentale dans les systèmes juridiques

fondés sur la prééminence du droit et le respect des décisions de justice. Or, si la

responsabilité de l’État pour violation du droit communautaire par un organe

judiciaire était reconnue, cette prééminence et ce respect seraient remis en cause.

24 Le gouvernement du Royaume-Uni soutient que, en principe et sauf exception liée

notamment à la violation d’un droit fondamental protégé par la convention

européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,

signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»), aucune action en

responsabilité ne peut être engagée contre la Couronne pour des décisions

judiciaires. Il ajoute que le principe de protection effective des droits conférés par

les règles communautaires, qui sous-tend le principe de la responsabilité de l’État,

est loin d’être absolu et cite à cet égard les délais de forclusion. Ce principe ne

serait susceptible de fonder un recours en indemnité contre l’État que dans de

rares cas, pour certaines décisions judiciaires nationales strictement définies. Les

bénéfices résultant de la reconnaissance d’un droit à des dommages et intérêts en

raison d’une décision judiciaire erronée seraient par conséquent limités. Le

gouvernement du Royaume-Uni considère qu’il convient de mettre en balance ces

bénéfices et certaines préoccupations très importantes.

25 À cet égard, il invoque, premièrement, les principes de sécurité juridique et

d’autorité de la chose jugée. La loi découragerait la remise en cause de décisions

judiciaires, excepté par la voie de l’appel. Il s’agirait de protéger la partie

victorieuse et de renforcer l’intérêt général à la sécurité juridique. Dans le passé, la

Cour se serait montrée prête à limiter la portée du principe de protection effective

afin de préserver les «principes qui sont à la base du système juridictionnel

national, tels que ceux de la sécurité juridique et du respect de la chose jugée qui

en constitue l’expression» (arrêt Eco Swiss, précité, points 43 à 48). La

reconnaissance de la responsabilité de l’État pour une faute du pouvoir judiciaire

créerait un risque de confusion juridique et laisserait les parties en litige dans

l’incertitude quant à leur situation.

I – 10303 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

26 Deuxièmement, le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir que l’autorité et la

réputation du pouvoir judiciaire seraient affaiblies si une erreur judiciaire

pouvait, dans le futur, déboucher sur une action en réparation. Troisièmement, il

soutient que l’indépendance du pouvoir judiciaire constitue dans l’ordre

constitutionnel de tous les États membres un principe fondamental, qui ne

pourrait cependant jamais être considéré comme acquis. L’acceptation d’une

responsabilité de l’État pour des actes juridictionnels serait de nature à engendrer

des risques de remise en cause de cette indépendance.

27 Quatrièmement, accorder aux juridictions nationales la compétence de trancher

elles-mêmes dans des affaires où s’applique le droit communautaire impliquerait

d’accepter que ces juridictions commettent parfois des erreurs contre lesquelles il

n’est pas possible de faire appel ou qu’il n’est pas possible de corriger autrement.

Cet inconvénient aurait toujours été considéré comme acceptable. À cet égard, le

gouvernement du Royaume Uni relève que, dans l’hypothèse où la responsabilité

de l’État pourrait être engagée par une faute du pouvoir judiciaire, en sorte que la

Cour pourrait être amenée à se prononcer sur une question préjudicielle portant

sur ce point, la Cour aurait non seulement le pouvoir de se prononcer sur

l’exactitude des décisions des juridictions suprêmes nationales, mais encore celui

d’apprécier le caractère sérieux et excusable des erreurs que celles-ci pourraient

avoir commises. Les conséquences de cette situation sur la relation, d’une

importance vitale, entre la Cour et les juridictions nationales ne seraient de toute

évidence pas bénéfiques.

28 Cinquièmement, le gouvernement du Royaume-Uni fait valoir qu’il pourrait être

difficile de déterminer la juridiction compétente pour juger une telle affaire de

responsabilité de l’État, plus particulièrement au Royaume-Uni eu égard tant à

son système juridictionnel unitaire qu’à l’application stricte du principe «stare

decisis». Sixièmement, il soutient que, si la responsabilité de l’État pour une faute

du pouvoir judiciaire peut être engagée, la responsabilité de la Communauté pour

les fautes des juridictions communautaires doit alors pouvoir être mise en œuvre

de la même manière et aux mêmes conditions.

29 S’agissant spécifiquement de la deuxième question préjudicielle, M. Köbler ainsi

que les gouvernements autrichien et allemand font valoir qu’il appartient à l’ordre

I – 10304 KÖBLER

juridique de chaque État membre de désigner la juridiction compétente pour

trancher les litiges qui mettent en cause des droits individuels tirés du droit

communautaire. Cette question devrait donc recevoir une réponse affirmative.

Réponse de la Cour

Sur le principe de la responsabilité de l’État

30 Il y a lieu de rappeler d’emblée que la Cour a déjà jugé que le principe de la

responsabilité d’un État membre pour des dommages causés aux particuliers par

des violations du droit communautaire qui lui sont imputables est inhérent au

système du traité (arrêts du 19 novembre 1991, Francovich e.a., C-6/90 et

C-9/90, Rec. p. I-5357, point 35; Brasserie du pêcheur et Factortame, précité,

point 31; du 26 mars 1996, British Telecommunications, C-392/93, Rec.

p. I-1631, point 38; du 23 mai 1996, Hedley Lomas, C-5/94, Rec. p. I-2553,

point 24; du 8 octobre 1996, Dillenkofer e.a., C-178/94, C-179/94 et C-188/94 à

C-190/94, Rec. p. I-4845, point 20; du 2 avril 1998, Norbrook Laboratories,

C-127/95, Rec. p. I-1531, point 106, et Haim, précité, point 26).

31 La Cour a également jugé que ce principe est valable pour toute hypothèse de

violation du droit communautaire par un État membre, et ce quel que soit

l’organe de l’État membre dont l’action ou l’omission est à l’origine du

manquement (arrêts Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, point 32; du

1

er

juin 1999, Konle, C-302/97, Rec. p. I-3099, point 62, et Haim, précité,

point 27).

32 Si, dans l’ordre juridique international, l’État dont la responsabilité est engagée

du fait de la violation d’un engagement international est considéré dans son unité,

I – 10305 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

que la violation à l’origine du préjudice soit imputable au pouvoir législatif,

judiciaire ou exécutif, il doit en être d’autant plus ainsi dans l’ordre juridique

communautaire que toutes les instances de l’État, y compris le pouvoir législatif,

sont tenues, dans l’accomplissement de leurs tâches, au respect des normes

imposées par le droit communautaire et susceptibles de régir directement la

situation des particuliers (arrêt Brasserie du pêcheur et Factortame, précité,

point 34).

33 Eu égard au rôle essentiel joué par le pouvoir judiciaire dans la protection des

droits que les particuliers tirent des règles communautaires, la pleine efficacité de

celles-ci serait remise en cause et la protection des droits qu’elles reconnaissent

serait affaiblie s’il était exclu que les particuliers puissent, sous certaines

conditions, obtenir réparation lorsque leurs droits sont lésés par une violation du

droit communautaire imputable à une décision d’une juridiction d’un État

membre statuant en dernier ressort.

34 Il convient de souligner à cet égard qu’une juridiction statuant en dernier ressort

constitue par définition la dernière instance devant laquelle les particuliers

peuvent faire valoir les droits que le droit communautaire leur reconnaît. Une

violation de ces droits par une décision d’une telle juridiction qui est devenue

définitive ne pouvant normalement plus faire l’objet d’un redressement, les

particuliers ne sauraient être privés de la possibilité d’engager la responsabilité de

l’État afin d’obtenir par ce biais une protection juridique de leurs droits.

35 C’est d’ailleurs, notamment, afin d’éviter que des droits conférés aux particuliers

par le droit communautaire soient méconnus que, en vertu de l’article 234,

troisième alinéa, CE, une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles

d’un recours juridictionnel de droit interne est tenue de saisir la Cour.

36 Dès lors, il découle des exigences inhérentes à la protection des droits des

particuliers qui se prévalent du droit communautaire qu’ils doivent avoir la

I – 10306 KÖBLER

possibilité d’obtenir devant une juridiction nationale réparation du préjudice

causé par la violation de ces droits du fait d’une décision d’une juridiction

statuant en dernier ressort (voir, en ce sens, arrêt Brasserie du pêcheur et

Factortame, précité, point 35).

37 Certains des gouvernements ayant soumis des observations dans le cadre de la

présente procédure ont fait valoir que le principe de la responsabilité de l’État

pour les dommages causés aux particuliers par des violations du droit

communautaire ne pouvait être appliqué aux décisions d’une juridiction

nationale statuant en dernier ressort. A cet effet, ont été invoqués des arguments

tirés, notamment, du principe de sécurité juridique, plus particulièrement de

l’autorité de la chose définitivement jugée, de l’indépendance et de l’autorité du

juge ainsi que de l’absence d’une juridiction compétente pour connaître des litiges

relatifs à la responsabilité de l’État du fait de telles décisions.

38 À cet égard, il y a lieu de relever que l’importance du principe de l’autorité de la

chose définitivement jugée ne saurait être contestée (voir arrêt Eco Swiss, précité,

point 46). En effet, en vue de garantir aussi bien la stabilité du droit et des

relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des

décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de

recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne

puissent plus être remises en cause.

39 Il y a lieu de considérer cependant que la reconnaissance du principe de la

responsabilité de l’État du fait de la décision d’une juridiction statuant en dernier

ressort n’a pas en soi pour conséquence de remettre en cause l’autorité de la chose

définitivement jugée d’une telle décision. Une procédure visant à engager la

responsabilité de l’État n’a pas le même objet et n’implique pas nécessairement les

mêmes parties que la procédure ayant donné lieu à la décision ayant acquis

l’autorité de la chose définitivement jugée. En effet, le requérant dans une action

en responsabilité contre l’État obtient, en cas de succès, la condamnation de

celui-ci à réparer le dommage subi, mais pas nécessairement la remise en cause de

I – 10307 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

l’autorité de la chose définitivement jugée de la décision juridictionnelle ayant

causé le dommage. En tout état de cause, le principe de la responsabilité de l’État

inhérent à l’ordre juridique communautaire exige une telle réparation, mais non

la révision de la décision juridictionnelle ayant causé le dommage.

40 Il en découle que le principe de l’autorité de la chose définitivement jugée ne

s’oppose pas à la reconnaissance du principe de la responsabilité de l’État du fait

de la décision d’une juridiction statuant en dernier ressort.

41 Les arguments fondés sur l’indépendance et l’autorité du juge ne sauraient non

plus être retenus.

42 En ce qui concerne l’indépendance du juge, il convient de préciser que le principe

de responsabilité visé concerne non la responsabilité personnelle du juge, mais

celle de l’État. Or, il n’apparaît pas que la possibilité de voir engagée, sous

certaines conditions, la responsabilité de l’État pour des décisions juridictionnelles contraires au droit communautaire comporte des risques particuliers de remise

en cause de l’indépendance d’une juridiction statuant en dernier ressort.

43 Quant à l’argument tiré du risque de voir l’autorité d’une juridiction statuant en

dernier ressort affectée par le fait que ses décisions devenues définitives

pourraient être remises en cause implicitement par une procédure permettant

d’engager la responsabilité de l’État en raison de celles-ci, il convient de constater

que l’existence d’une voie de droit permettant, sous certaines conditions, la

réparation des effets dommageables d’une décision juridictionnelle erronée

pourrait aussi bien être considérée comme confortant la qualité d’un ordre

juridique et donc finalement aussi l’autorité du pouvoir juridictionnel.

I – 10308 KÖBLER

44 Plusieurs gouvernements ont également soutenu que constituait un obstacle à

l’application du principe de la responsabilité de l’État aux décisions d’une

juridiction nationale statuant en dernier ressort la difficulté de désigner une

juridiction compétente pour connaître des litiges relatifs à la réparation des

dommages résultant de telles décisions.

45 À cet égard, il y a lieu de considérer que, étant donné que, pour des motifs liés

essentiellement à la nécessité d’assurer aux particuliers la protection des droits

que les règles communautaires leur reconnaissent, le principe de la responsabilité

de l’État qui est inhérent à l’ordre juridique communautaire doit s’appliquer à

l’égard des décisions d’une juridiction nationale statuant en dernier ressort, il

incombe aux États membres de permettre aux intéressés d’invoquer ce principe en

mettant à leur disposition une voie de droit appropriée. La mise en œuvre dudit

principe ne saurait être compromise par l’absence d’un for compétent.

46 Selon une jurisprudence constante, en l’absence d’une réglementation communautaire, c’est à l’ordre juridique interne de chaque État membre qu’il appartient

de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des

recours en justice destinés à assurer la pleine sauvegarde des droits que les

justiciables tirent du droit communautaire (voir arrêts du 16 décembre 1976,

Rewe, 33/76, Rec. p. 1989, point 5; Cornet, 45/76, Rec. p. 2043, point 13; du

27 février 1980, Just, 68/79, Rec. p. 501, point 25; Francovich e.a., précité,

point 42, et du 14 décembre 1995, Peterbroeck, C-312/93, Rec. p. I-4599,

point 12 )

47 Sous la réserve que les États membres doivent assurer, dans chaque cas, une

protection effective aux droits individuels dérivés de l’ordre juridique communautaire, il n’appartient pas à la Cour d’intervenir dans la solution des problèmes

de compétence que peut soulever, sur le plan de l’organisation judiciaire

nationale, la qualification de certaines situations juridiques fondées sur le droit

communautaire (arrêts du 18 janvier 1996, SEIM, C-446/93, Rec. p. I-73,

point 32, et Dorsch Consult, précité, point 40).

I – 10309 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

48 Il y a lieu encore d’ajouter que, si des considérations liées au respect du principe

de l’autorité de la chose définitivement jugée ou de l’indépendance des juges ont

pu inspirer aux systèmes de droit nationaux des restrictions, parfois sévères, à la

possibilité d’engager la responsabilité de l’État pour des dommages causés par des

décisions juridictionnelles erronées, de telles considérations n’ont pas été de

nature à exclure de façon absolue cette possibilité. En effet, l’application du

principe de la responsabilité de l’État aux décisions juridictionnelles a été

acceptée sous une forme ou une autre par la plupart des États membres, comme

M. l’avocat général l’a relevé aux points 77 à 82 de ses conclusions, même si ce

n’est que sous des conditions restrictives et hétérogènes.

49 Il peut encore être relevé que, dans le même sens, la CEDH, et plus

particulièrement son article 41, permet à la Cour européenne des droits de

l’homme de condamner un État ayant violé un droit fondamental à compenser les

dommages qui ont résulté de ce comportement pour la personne lésée. Il résulte

de la jurisprudence de ladite Cour qu’une telle compensation peut être également

accordée lorsque la violation résulte du contenu d’une décision d’une juridiction

nationale statuant en dernier ressort (voir Cour eur. D. H., arrêt Dulaurans c.

France du 21 mars 2000, non encore publié).

50 Il découle de ce qui précède que le principe selon lequel les États membres sont

obligés de réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit

communautaire qui leur sont imputables est également applicable lorsque la

violation en cause découle d’une décision d’une juridiction statuant en dernier

ressort. Il appartient à l’ordre juridique de chaque État membre de désigner la

juridiction compétente pour trancher les litiges relatifs à cette réparation.

Sur les conditions de la responsabilité de l’État

51 Pour ce qui est des conditions dans lesquelles un État membre est tenu de réparer

les dommages causés aux particuliers par des violations du droit communautaire

I-10310 KÖBLER

qui lui sont imputables, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’elles sont au

nombre de trois, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des

droits aux particuliers, que la violation soit suffisamment caractérisée et qu’il

existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à

l’État et le dommage subi par les personnes lésées (arrêt Haim, précité, point 36).

52 La responsabilité de l’État pour des dommages causés par la décision d’une

juridiction nationale statuant en dernier ressort qui viole une règle de droit

communautaire est régie par les mêmes conditions.

53 En ce qui concerne plus particulièrement la deuxième de ces conditions et son

application en vue d’établir une responsabilité éventuelle de l’État en raison d’une

décision d’une juridiction nationale statuant en dernier ressort, il y a lieu de tenir

compte de la spécificité de la fonction juridictionnelle ainsi que des exigences

légitimes de sécurité juridique, comme l’ont fait valoir également les États

membres qui ont présenté des observations dans cette affaire. La responsabilité de

l’État du fait d’une violation du droit communautaire par une telle décision ne

saurait être engagée que dans le cas exceptionnel où le juge a méconnu de manière

manifeste le droit applicable.

54 Afin de déterminer si cette condition est réunie, le juge national saisi d’une

demande en réparation doit tenir compte de tous les éléments qui caractérisent la

situation qui lui est soumise.

55 Parmi ces éléments figurent notamment le degré de clarté et de précision de la

règle violée, le caractère délibéré de la violation, le caractère excusable ou

inexcusable de l’erreur de droit, la position prise, le cas échéant, par une

institution communautaire, ainsi que l’inexécution, par la juridiction en cause, de

son obligation de renvoi préjudiciel en vertu de l’article 234, troisième alinéa, CE.

I – 10311 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

56 En tout état de cause, une violation du droit communautaire est suffisamment

caractérisée lorsque la décision concernée est intervenue en méconnaissance

manifeste de la jurisprudence de la Cour en la matière (voir, en ce sens, arrêt

Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, point 57).

57 Les trois conditions rappelées au point 51 du présent arrêt sont nécessaires et

suffisantes pour engendrer au profit des particuliers un droit à obtenir réparation,

sans pour autant exclure que la responsabilité de l’État puisse être engagée dans

des conditions moins restrictives sur le fondement du droit national (voir arrêt

Brasserie du pêcheur et Factortame, précité, point 66).

58 Sous réserve du droit à réparation qui trouve directement son fondement dans le

droit communautaire dès lors que ces conditions sont réunies, c’est dans le cadre

du droit national de la responsabilité qu’il incombe à l’État de réparer les

conséquences du préjudice causé, étant entendu que les conditions fixées par les

législations nationales en matière de réparation des dommages ne sauraient être

moins favorables que celles qui concernent des réclamations semblables de nature

interne et ne sauraient être aménagées de manière à rendre, en pratique,

impossible ou excessivement difficile l’obtention de la réparation (arrêts précités

Francovich e.a., points 41 à 43, et Norbrook Laboratories, point 111).

59 Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de répondre aux première et

deuxième questions que le principe selon lequel les États membres sont obligés de

réparer les dommages causés aux particuliers par les violations du droit

communautaire qui leur sont imputables est également applicable lorsque la

violation en cause découle d’une décision d’une juridiction statuant en dernier

ressort, dès lors que la règle de droit communautaire violée a pour objet de

conférer des droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée

et qu’il existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi

par les personnes lésées. Afin de déterminer si la violation est suffisamment

caractérisée lorsque la violation en cause découle d’une telle décision, le juge

national compétent doit, en tenant compte de la spécificité de la fonction

I – 10312 KÖBLER

juridictionnelle, rechercher si cette violation présente un caractère manifeste.

C’est à l’ordre juridique de chaque État membre qu’il appartient de désigner la

juridiction compétente pour trancher les litiges relatifs à ladite réparation.

Sur la troisième question

60 Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante,

la Cour n’est pas compétente, dans le cadre de l’application de l’article 234 CE,

pour statuer sur la compatibilité d’une disposition nationale avec le droit

communautaire. La Cour peut cependant dégager du libellé des questions

formulées par le juge national, eu égard aux données exposées par celui-ci, les

éléments relevant de l’interprétation du droit communautaire, en vue de

permettre à ce juge de résoudre le problème juridique dont il se trouve saisi

(voir, notamment, arrêt du 3 mars 1994, Eurico Italia e.a., C-332/92, C-333/92 et

C-335/92, Rec. p. I-711, point 19).

61 Par sa troisième question, la juridiction de renvoi vise en substance à savoir si les

articles 48 du traité et 7, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1612/68 du

Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à

l’intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2), doivent être interprétés en ce sens

qu’ils s’opposent à l’octroi, dans les conditions telles que celles prévues à

l’article 50 bis du GG, d’une indemnité spéciale d’ancienneté qui, selon

l’interprétation donnée par le Verwaltungsgerichtshof dans son arrêt du 24 juin

1998, constitue une prime de fidélité.

Observations soumises à la Cour

62 M. Köbler fait valoir d’abord que l’indemnité spéciale d’ancienneté prévue à

l’article 50 bis du GG n’est pas une prime de fidélité mais un élément ordinaire du

I – 10313 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

salaire, ainsi que le Verwaltungsgerichtshof l’aurait admis dans un premier temps.

En outre, jusqu’à l’arrêt du Verwaltungsgerichtshof du 24 juin 1998, aucune

juridiction autrichienne n’aurait considéré que ladite indemnité constituait une

prime de fidélité.

63 Ensuite, même dans l’hypothèse où cette indemnité serait une prime de fidélité et

où une telle prime pourrait justifier une discrimination indirecte, M. Köbler

soutient qu’il n’existe pas de jurisprudence constante et certaine de la Cour à ce

sujet. Dans ces conditions, le Verwaltungsgerichtshof aurait excédé ses pouvoirs

en retirant sa demande préjudicielle et en prenant sa décision seul puisque

l’interprétation et la définition de notions de droit communautaire relèveraient de

la compétence exclusive de la Cour.

64 Enfin, M. Köbler fait valoir que les critères d’octroi de l’indemnité spéciale

d’ancienneté excluent que soit justifiée la discrimination indirecte qu’elle opère à

son encontre. Cette indemnité serait due indépendamment du point de savoir

dans quelle université autrichienne le demandeur a exercé ses fonctions et il ne

serait même pas exigé que le demandeur ait enseigné pendant quinze ans de

manière continue dans la même discipline.

65 Exposant que la Cour ne peut interpréter le droit national, la république

d’Autriche soutient qu’il y a lieu de comprendre la troisième question

préjudicielle en ce sens que la juridiction de renvoi souhaite obtenir une

interprétation de l’article 48 du traité. A cet égard, elle fait valoir que ladite

disposition ne s’oppose pas à un système de rémunération qui permet de tenir

compte des qualifications acquises auprès d’autres employeurs nationaux ou

étrangers par un candidat à un emploi en vue de la détermination de son

traitement et qui, en outre, prévoit une indemnité pouvant être qualifiée de prime

de fidélité dont l’obtention est liée à une durée de service déterminée auprès du

même employeur.

I – 10314 KÖBLER

66 La république d’Autriche explique que, compte tenu du fait que M. Kobler, en

tant que professeur ordinaire d’université, se trouve dans un rapport d’emploi de

droit public, son employeur est l’État autrichien. Dès lors, le professeur passant

d’une université autrichienne à l’autre ne changerait pas d’employeur. La

république d’Autriche relève qu’il existe également en Autriche des universités

privées. Les professeurs qui y enseignent seraient les employés de ces institutions

et non de l’État, de sorte que leurs relations de travail ne seraient pas soumises

aux dispositions du GG.

67 La Commission fait valoir pour sa part que l’article 50 bis du GG opère, en

violation de l’article 48 du traité, une discrimination entre les périodes de service

accomplies dans les universités autrichiennes et celles accomplies dans les

universités d’autres États membres.

68 Force est de constater, selon la Commission, que le Verwaltungsgerichtshof a

méconnu, dans son appréciation finale, la portée de l’arrêt Schöning-Kougebetopoulou, précité. À la lumière des nouveaux éléments d’interprétation du droit

national, la Commission considère que cette juridiction aurait dû maintenir sa

demande préjudicielle en la reformulant. En effet, la Cour n’aurait jamais jugé

explicitement qu’une prime de fidélité peut justifier une disposition discriminatoire à l’égard des travailleurs d’autres États membres.

69 Par ailleurs, la Commission fait valoir que, même si l’indemnité spéciale

d’ancienneté en cause au principal doit être considérée comme une prime de

fidélité, elle ne pourrait justifier une entrave à la libre circulation des travailleurs.

Elle considère que, en principe, le droit communautaire ne s’oppose pas à ce

qu’un employeur cherche à retenir les travailleurs qualifiés en accordant des

augmentations de salaire ou des primes à son personnel en fonction de la durée de

service dans l’entreprise. Toutefois, la «prime de fidélité» visée à l’article 50 bis

du GG se distinguerait de primes qui produisent leurs effets uniquement au sein

I – 10315 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

de l’entreprise, dans la mesure où elle agirait au niveau de l’État membre

concerné, à l’exclusion des autres États membres, et, partant, affecterait

directement la libre circulation des enseignants. En outre, les universités

autrichiennes seraient non seulement en concurrence avec les établissements des

autres États membres, mais également entre elles. Or, ladite disposition ne

produirait pas d’effets quant à ce second type de concurrence.

Réponse de la Cour

70 L’indemnité spéciale d’ancienneté octroyée par l’État autrichien, en tant

qu’employeur, aux professeurs d’université en vertu de l’article 50 bis du GG

procure un avantage financier s’ajoutant au salaire de base, dont le montant est

déjà fonction de l’ancienneté de service. Un professeur d’université reçoit ladite

indemnité s’il a exercé cette profession pendant au moins quinze années auprès

d’une université autrichienne et si, en outre, il reçoit depuis au moins quatre

années l’indemnité normale d’ancienneté.

71 Dès lors, l’article 50 bis du GG exclut, pour l’octroi de l’indemnité spéciale

d’ancienneté qu’il prévoit, toute possibilité de prendre en compte les périodes

d’activités qu’un professeur d’université a effectuées dans un État membre autre

que la république d’Autriche.

72 Force est de constater qu’un tel régime est susceptible d’entraver la libre

circulation des travailleurs à un double titre.

I – 10316 KÖBLER

73 En premier lieu, ce régime joue au détriment des travailleurs migrants

ressortissants d’autres États membres que la république d’Autriche, dès lors que

ces travailleurs se voient refuser la reconnaissance de périodes de service qu’ils ont

accomplies dans ces États en tant que professeur d’université, au seul motif que

ces périodes n’ont pas été effectuées dans une université autrichienne (voir, en ce

sens, concernant une disposition grecque comparable, arrêt du 12 mars 1998,

Commission/Grèce, C-187/96, Rec. p. I-1095, points 20 et 21).

74 En second lieu, ce refus absolu de reconnaître les périodes effectuées en tant que

professeur d’université dans un État membre autre que la république d’Autriche

entrave la libre circulation de travailleurs établis en Autriche, dans la mesure où il

est de nature à dissuader ces derniers de quitter le pays pour exercer cette liberté.

En effet, à leur retour en Autriche, leurs années d’expérience en tant que

professeur d’université dans un autre État membre, donc dans l’exercice

d’activités comparables, ne seraient pas prises en compte pour l’indemnité

spéciale d’ancienneté prévue à l’article 50 bis du GG.

75 Ces considérations ne sont pas affectées par la circonstance, invoquée par la

république d’Autriche, que la rémunération de professeurs d’universités migrants

est, en raison de la possibilité offerte par l’article 48, paragraphe 3, du GG de leur

accorder un salaire de base plus élevé afin de promouvoir le recrutement de

professeurs d’universités étrangères, souvent plus avantageuse que celle que

reçoivent les professeurs d’universités autrichiennes même compte tenu de

l’indemnité spéciale d’ancienneté.

76 En effet, d’une part, l’article 48, paragraphe 3, du GG n’offre qu’une simple

possibilité et ne garantit pas que le professeur d’une université étrangère recevra

dès sa nomination en qualité de professeur dans une université autrichienne une

rémunération plus élevée que celle de professeurs d’universités autrichiennes

ayant la même expérience. D’autre part, le complément de rémunération que

l’article 48, paragraphe 3, du GG permet d’offrir au moment de l’engagement est

I – 10317 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

d’une tout autre nature que l’indemnité spéciale d’ancienneté. Dès lors, ladite

disposition n’empêche pas que l’article 50 bis du GG ait pour effet une inégalité

de traitement des professeurs d’universités migrants par rapport aux professeurs

d’universités autrichiennes et crée ainsi une entrave à la libre circulation des

travailleurs garantie par l’article 48 du traité.

77 En conséquence, une mesure telle que l’octroi de l’indemnité spéciale d’ancienneté

prévue à l’article 50 bis du GG est susceptible d’entraver la libre circulation des

travailleurs, ce qui est, en principe, interdit par les articles 48 du traité et 7,

paragraphe 1, du règlement n° 1612/68. Une telle mesure ne pourrait être admise

que si elle poursuivait un objectif légitime compatible avec le traité et se justifiait

par des raisons impérieuses d’intérêt général. Mais encore faudrait-il, en pareil

cas, que son application soit propre à garantir la réalisation de l’objectif en cause

et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir,

notamment, arrêt du 31 mars 1993, Kraus, C-19/92, Rec. p. I-1663, point 32;

du 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165, point 37, et du

15 décembre 1995, Bosman, C-415/93, Rec. p. I-4921, point 104).

78 Le Verwaltungsgerichtshof a jugé dans son arrêt du 24 juin 1998 que l’indemnité

spéciale d’ancienneté prévue à l’article 50 bis du GG constituait, selon le droit

national, une prime visant à récompenser la fidélité des professeurs d’universités

autrichiennes à l’égard de leur unique employeur, à savoir l’État autrichien.

79 Il convient donc d’examiner si le fait que ladite indemnité constitue, selon le droit

national, une prime de fidélité peut être considéré, en droit communautaire,

comme indiquant qu’elle est guidée par une raison impérieuse d’intérêt général

qui est susceptible de justifier l’entrave à la libre circulation que cette indemnité

comporte.

I – 10318 KÖBLER

81 À cet égard, il convient de relever, à titre liminaire, que la Cour n’a pas encore eu

l’occasion de juger si une prime de fidélité pouvait justifier une entrave à la libre

circulation des travailleurs.

81 Aux points 27 de l’arrêt Schöning-Kougebetopoulou, précité, et 49 de l’arrêt du

30 novembre 2000, Österreichischer Gewerkschaftsbund (C-195/98, Rec.

p. I-10497), la Cour a rejeté l’argumentation présentée à cet égard respectivement

par les gouvernements allemand et autrichien. En effet, la Cour y a constaté que

la réglementation qui était en cause n’était, en aucun cas, susceptible de viser à

récompenser la fidélité du travailleur envers son employeur, car la majoration de

salaire que ce travailleur recevait pour son ancienneté était déterminée par les

années de service effectuées auprès d’une pluralité d’employeurs. Puisque, dans

les affaires à l’origine de ces arrêts, la majoration de salaire ne constituait pas une

prime de fidélité, il n’était pas nécessaire pour la Cour d’examiner si une telle

prime pourrait, en soi, justifier une entrave à la libre circulation des travailleurs.

82 En l’occurrence, le Verwaltungsgerichtshof a jugé dans son arrêt du 24 juin 1998

que l’indemnité spéciale d’ancienneté prévue à l’article 50 bis du GG récompense

la fidélité du travailleur envers un seul employeur.

83 S’il ne saurait être exclu qu’un objectif de fidélisation des travailleurs envers leurs

employeurs dans le cadre d’une politique de recherche ou d’enseignement

universitaire constitue une raison impérieuse d’intérêt général, force est de

constater que, eu égard aux caractéristiques particulières de la mesure en cause au

principal, l’entrave qu’elle comporte ne pourrait être justifiée au regard d’un tel

objectif.

I – 10319 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

84 D’une part, bien que tous les professeurs d’universités publiques autrichiennes

soient les salariés d’un unique employeur, à savoir l’État autrichien, ils sont

affectés à différentes universités. Or, sur le marché de l’emploi des professeurs

d’université, les diverses universités autrichiennes se trouvent en concurrence non

seulement avec les universités d’autres États membres et celles de pays tiers, mais

aussi entre elles. Quant à ce second type de concurrence, il convient de constater

que la mesure en cause au principal n’est pas apte à favoriser la fidélité d’un

professeur envers l’université autrichienne où il exerce ses fonctions.

85 D’autre part, si l’indemnité spéciale d’ancienneté vise à récompenser la fidélité des

travailleurs envers leur employeur, elle a également pour conséquence de

récompenser les professeurs d’universités autrichiennes qui continuent à exercer

leur profession sur le territoire autrichien. Ladite indemnité est donc susceptible

d’avoir des conséquences sur le choix opéré par ces professeurs entre un emploi

dans une université autrichienne et un emploi dans l’université d’un autre État

membre.

86 Dès lors, l’indemnité spéciale d’ancienneté en cause au principal n’a pas

seulement pour effet de récompenser la fidélité du travailleur envers son

employeur. Elle entraîne également un cloisonnement du marché de l’emploi

des professeurs d’université sur le territoire autrichien et va à l’encontre du

principe même de la libre circulation des travailleurs.

87 Il ressort de ce qui précède qu’une mesure telle que l’indemnité spéciale

d’ancienneté prévue à l’article 50 bis du GG comporte une entrave à la libre

circulation des travailleurs qui ne peut être justifiée par une raison impérieuse

d’intérêt général.

I – 10320 KÖBLER

88 Dès lors, il convient de répondre à la troisième question préjudicielle que les

articles 48 du traité et 7, paragraphe 1, du règlement n° 1612/68 doivent être

interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’octroi, dans des conditions telles que

celles prévues à l’article 50 bis du GG, d’une indemnité spéciale d’ancienneté qui,

selon l’interprétation donnée par le Verwaltungsgerichtshof dans son arrêt du

24 juin 1998, constitue une prime de fidélité.

Sur les quatrième et cinquième questions

89 Par ses quatrième et cinquième questions, qu’il convient de traiter ensemble, la

juridiction de renvoi vise en substance à savoir si, dans l’espèce au principal, la

responsabilité de l’État membre est engagée en raison d’une violation du droit

communautaire par l’arrêt du Verwaltungsgerichtshof du 24 juin 1998.

Observations soumises à la Cour

90 Concernant la quatrième question, M. Köbler, le gouvernement allemand et la

Commission font valoir que l’article 48 du traité est d’application directe et crée

pour les particuliers des droits subjectifs que les autorités et les juridictions

nationales ont l’obligation de préserver.

91 La république d’Autriche soutient qu’il ne convient de donner une réponse à la

quatrième question que si la Cour ne répond pas aux questions précédentes dans

le sens qu’elle suggère. Dans la mesure où la quatrième question n’aurait été posée

que pour le cas où il serait répondu par l’affirmative à la troisième question,

I – 10321 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

qu’elle considère comme étant irrecevable, elle propose à la Cour de laisser sans

réponse cette quatrième question. Par ailleurs, elle fait valoir que celle-ci n’est pas

claire, vu que l’ordonnance de renvoi ne comporterait pas de motivation à cet

égard.

92 Concernant la cinquième question, M. Köbler soutient qu’il y a lieu d’y répondre

par l’affirmative, car la Cour disposerait de tous les éléments lui permettant de

juger elle-même si le Verwaltungsgerichtshof a manifestement et notablement

abusé, dans l’affaire au principal, du pouvoir d’appréciation dont il dispose.

93 La république d’Autriche considère qu’il appartient aux juridictions nationales

d’appliquer les critères de la responsabilité des États membres pour les dommages

causés aux particuliers par des violations du droit communautaire.

94 Toutefois, pour le cas où la Cour répondrait elle-même à la question de savoir si

la responsabilité de la république d’Autriche est engagée, elle soutient,

premièrement, que l’article 177 du traité CE (devenu article 234 CE) n’a pas

pour objet de conférer des droits aux particuliers. Elle considère donc que cette

condition de la responsabilité n’est pas remplie.

95 Deuxièmement, il serait indiscutable que les juridictions nationales ont, dans le

cadre d’un litige pendant devant elles, un large pouvoir d’appréciation pour

déterminer si elles doivent formuler ou non une demande préjudicielle. A cet

égard, la république d’Autriche soutient que, dans la mesure où la Cour avait

considéré, dans son arrêt Schöning-Kougebetopoulou, précité, que les primes de

fidélité ne sont pas, par principe, contraires aux dispositions relatives à la libre

circulation des travailleurs, le Verwaltungsgerichtshof est parvenu à juste titre à la

conclusion qu’il pouvait, dans le litige dont il avait à connaître, trancher

lui-même les questions de droit communautaire.

I – 10322 KÖBLER

96 Troisièmement, dans l’hypothèse où la Cour reconnaîtrait que le Verwaltungsgerichtshof n’a pas respecté le droit communautaire dans son arrêt du 24 juin

1998, le comportement de cette juridiction ne pourrait, en tout état de cause, être

qualifié de violation caractérisée dudit droit.

97 Quatrièmement, la république d’Autriche prétend que le retrait par le Verwaltungsgerichtshof de la demande préjudicielle adressée à la Cour ne peut en aucun

cas présenter un lien de causalité avec le dommage invoqué concrètement par

M. Köbler. Une telle argumentation reposerait en effet sur la supposition

parfaitement inadmissible qu’une décision à titre préjudiciel de la Cour aurait, en

cas de maintien de la demande, nécessairement confirmé la thèse juridique de

M. Kobler. En d’autres termes, elle impliquerait que le dommage constitué par le

non-paiement de l’indemnité spéciale d’ancienneté pour la période du 1er

janvier

1995 au 28 février 2001 ne serait pas survenu si la demande préjudicielle avait été

maintenue et avait donné lieu à une décision de la Cour. Or, il ne serait ni possible

de fonder l’argumentation d’une partie au principal en préjugeant ce que la Cour

aurait décidé dans le cadre d’une procédure préjudicielle ni admissible de faire

valoir un dommage sur cette base.

98 Le gouvernement allemand soutient, pour sa part, qu’il incombe à la juridiction

nationale compétente de déterminer si les conditions de la responsabilité de l’État

membre sont remplies.

99 La Commission considère que la responsabilité de l’État membre n’est pas

engagée dans l’affaire au principal. En effet, bien que, selon elle, le Verwaltungsgerichtshof ait, dans son arrêt du 24 juin 1998, mal interprété l’arrêt SchöningKougebetopoulou, précité, et, en outre, violé l’article 48 du traité en jugeant que

l’article 50 bis du GG n’était pas contraire au droit communautaire, cette

violation serait en quelque sorte excusable.

I – 10323 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

Réponse de la Cour

100 Il ressort de la jurisprudence de la Cour que la mise en œuvre des critères

permettant d’établir la responsabilité des États membres pour des dommages

causés aux particuliers par des violations du droit communautaire doit, en

principe, être opérée par les juridictions nationales (arrêt Brasserie du pêcheur et

Factortame, précité, point 58), conformément aux orientations fournies par la

Cour pour procéder à cette mise en œuvre (arrêts Brasserie du pêcheur et

Factortame, précité, points 55 à 57; British Telecommunications, précité,

point 41; du 17 octobre 1996, Denkavit e.a., C-283/94, C-291/94 et C-292/94,

Rec. p. I-5063, point 49, et Konle, précité, point 58).

101 Toutefois, dans la présente affaire, la Cour dispose de tous les éléments pour

établir si les conditions nécessaires pour engager la responsabilité de l’État

membre sont réunies.

Sur la règle de droit violée, qui doit conférer des droits aux particuliers

102 Les règles de droit communautaire dont la violation est en cause dans l’affaire au

principal sont, comme il résulte de la réponse à la troisième question, les

articles 48 du traité et 7, paragraphe 1, du règlement n° 1612/68. Ces dispositions

précisent les conséquences qui résultent du principe fondamental de la libre

circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté en interdisant toute

discrimination fondée sur la nationalité entre les travailleurs des États membres,

notamment quant à la rémunération.

I – 10324 KÖBLER

103 Il ne saurait être contesté que ces dispositions ont pour objet de conférer des

droits aux particuliers.

Sur la violation suffisamment caractérisée

104 À titre liminaire, il convient de rappeler le déroulement de la procédure ayant

donné lieu à l’arrêt du Verwaltungsgerichtshof du 24 juin 1998.

105 Dans le litige pendant devant celui-ci entre M. Köbler et le Bundesminister für

Wissenschaft, Forschung und Kunst (ministre fédéral des Sciences, de la

Recherche et des Arts) concernant le refus de ce dernier d’accorder à M. Köbler

l’indemnité spéciale d’ancienneté prévue à l’article 50 bis du GG, ladite

juridiction a posé une question préjudicielle à la Cour sur l’interprétation de

l’article 48 du traité et les articles 1er

à 3 du règlement n° 1612/68, par

ordonnance du 22 octobre 1997 enregistrée au greffe de la Cour sous le numéro

C-382/97.

106 Le Verwaltungsgerichtshof expose notamment dans cette ordonnance que, pour

trancher le litige pendant devant lui, «il est d’une importance décisive de savoir

s’il est contraire au droit d’origine communautaire consacré par l’article 48 du

traité […] que le législateur autrichien fasse dépendre l »indemnité spéciale

d’ancienneté pour les professeurs d’université ordinaires’, laquelle indemnité n’a

ni le caractère d’une prime de fidélité ni le caractère d’une récompense mais

constitue une partie du traitement dans le cadre du système d’avancement dans

I – 10325 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

l’échelle des salaires, d’une ancienneté de quinze ans qui doit avoir été acquise

dans une université autrichienne».

107 Il convient de constater d’abord que cette ordonnance de renvoi fait apparaître

sans aucune ambiguïté que le Verwaltungsgerichtshof considérait alors que, en

vertu du droit national, l’indemnité spéciale d’ancienneté visée ne constituait pas

une prime de fidélité.

108 Ensuite, il résulte des observations écrites du gouvernement autrichien dans

l’affaire C-382/97 que, afin de démontrer que l’article 50 bis du GG n’était pas

susceptible de violer le principe de la libre circulation des travailleurs inscrit à

l’article 48 du traité, ce gouvernement a uniquement soutenu que l’indemnité

spéciale d’ancienneté prévue par cette disposition constituait une prime de

fidélité.

109 Enfin, il convient de rappeler que la Cour avait déjà jugé aux points 22 et 23 de

son arrêt Schöning-Kougebetopoulou, précité, qu’une mesure qui fait dépendre la

rémunération d’un travailleur de son ancienneté mais exclut toute possibilité de

prendre en compte des périodes d’emploi comparables effectuées dans le service

public d’un autre État membre est susceptible de violer l’article 48 du traité.

no Vu que, d’une part, la Cour avait déjà jugé qu’une telle mesure était susceptible de

violer cette disposition du traité et que, d’autre part, la seule justification

invoquée à cet égard par le gouvernement autrichien n’était pas pertinente à la

lumière de l’ordonnance de renvoi elle-même, le greffier de la Cour, par lettre du

11 mars 1998, a transmis l’arrêt Schöning-Kougebetopoulou, précité, au

Verwaltungsgerichtshof, afin de lui permettre d’examiner s’il disposait des

I – 10326 KÖBLER

éléments d’interprétation du droit communautaire nécessaires pour trancher le

litige pendant devant lui, et lui a demandé si, à la lumière de cet arrêt, il jugeait

nécessaire de maintenir sa demande préjudicielle.

m Par ordonnance du 25 mars 1998, le Verwaltungsgerichtshof a invité les parties

au litige porté devant lui à se prononcer sur la demande du greffier de la Cour, en

observant, à titre provisoire, que le point de droit faisant l’objet de la procédure

préjudicielle concernée avait été résolu en faveur de M. Köbler.

112 Par ordonnance du 24 juin 1998, le Verwaltungsgerichtshof a retiré sa demande

préjudicielle en considérant que le maintien de cette demande était devenu inutile

pour la solution du litige. Il a indiqué que la question décisive en l’espèce était

celle de savoir si l’indemnité spéciale d’ancienneté prévue à l’article 50 bis du GG

était une prime de fidélité ou non et que cette question devait être tranchée dans le

cadre du droit national.

113 À cet égard, le Verwaltungsgerichtshof a exposé dans son arrêt du 24 juin 1998

qu’il «[était] parti du principe, dans son ordonnance du 22 octobre 1997, […] que

ľ’indemnité spéciale d’ancienneté des professeurs d’université titulaires’ n’a ni le

caractère d’une prime de fidélité ni celui d’une gratification» et que «[elette thèse

juridique, formulée de manière non contraignante à l’égard des parties à la

procédure contentieuse administrative, est abandonnée». En effet, le Verwaltungsgerichtshof parvient dans cet arrêt à la conclusion que ladite indemnité

constitue bien une prime de fidélité.

1 1 4 Il découle de ce qui précède que, après que le greffier de la Cour a demandé au

Verwaltungsgerichtshof s’il maintenait sa demande préjudicielle, ce dernier a revu

la qualification, en droit national, de l’indemnité spéciale d’ancienneté.

I – 10327 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

115 À la suite de cette requalification de l’indemnité spéciale d’ancienneté prévue à

l’article 50 bis du GG, le Verwaltungsgerichtshof a rejeté le recours de M. Köbler.

En effet, dans son arrêt du 24 juin 1998, il a déduit de l’arrêt SchöningKougebetopoulou, précité, que, cette indemnité devant être qualifiée de prime de

fidélité, elle pouvait être justifiée même si elle était en soi contraire au principe de

non-discrimination inscrit à l’article 48 du traité.

116 Or, ainsi qu’il ressort des points 80 et 81 du présent arrêt, la Cour ne s’est pas

exprimée dans l’arrêt Schöning-Kougebetopoulou, précité, sur la question de

savoir si et sous quelles conditions l’entrave à la libre circulation des travailleurs

que comporte une prime de fidélité pouvait être justifiée. Les considérations que

le Verwaltungsgerichtshof a déduites dudit arrêt reposent donc sur une lecture

erronée de celui-ci.

117 Dès lors, vu que, d’une part, le Verwaltungsgerichtshof a modifié son

interprétation du droit national en qualifiant la mesure prévue à l’article 50 bis

du GG de prime de fidélité, après que l’arrêt Schöning-Kougebetopoulou, précité,

lui a été envoyé, et que, d’autre part, la Cour n’avait pas encore eu l’occasion de

se prononcer quant au point de savoir si l’entrave à la libre circulation des

travailleurs que comporte une prime de fidélité pouvait être justifiée, le

Verwaltungsgerichtshof aurait dû maintenir sa demande préjudicielle.

us En effet, cette juridiction ne pouvait considérer que la solution du point de droit

en cause résultait d’une jurisprudence établie de la Cour ou ne laissait place à

aucun doute raisonnable (voir arrêt du 6 octobre 1982, CILFIT e.a., 283/81, Rec.

p. 3415, points 14 et 16). Partant, elle était dans l’obligation, en vertu de

l’article 177, troisième alinéa, du traité, de maintenir sa demande préjudicielle.

119 En outre, ainsi qu’il ressort de la réponse à la troisième question, une mesure telle

que l’indemnité spéciale d’ancienneté prévue à l’article 50 bis du GG, même si elle

I – 10328 KÖBLER

peut être qualifiée de prime de fidélité, comporte une entrave à la libre circulation

des travailleurs contraire au droit communautaire. Dès lors, le Verwaltungsgerichtshof a violé le droit communautaire par son arrêt du 24 juin 1998.

120 Il convient donc d’examiner si cette violation du droit communautaire revêt un

caractère manifeste eu égard notamment aux éléments à prendre en considération

à cette fin conformément aux indications figurant aux points 55 et 56 du présent

arrêt.

1 21 À cet égard, il y a lieu de considérer, en premier lieu, que la violation des règles

communautaires faisant l’objet de la réponse à la troisième question ne saurait en

soi recevoir une telle qualification.

122 En effet, le droit communautaire ne règle pas explicitement le point de savoir si

une mesure de fidélisation d’un travailleur envers son employeur, telle qu’une

prime de fidélité, qui comporte une entrave à la libre circulation des travailleurs

est susceptible d’être justifiée et donc d’être conforme au droit communautaire.

Ladite question ne trouvait pas non plus de réponse dans la jurisprudence de la

Cour. En outre, cette réponse n’était pas évidente.

123 En second lieu, la circonstance que la juridiction nationale en cause aurait dû,

ainsi qu’il a été constaté au point 118 du présent arrêt, maintenir sa demande

préjudicielle n’est pas de nature à infirmer cette conclusion. En effet, en

l’occurrence, le Verwaltungsgerichtshof avait décidé de retirer la demande

préjudicielle en estimant que la réponse à la question de droit communautaire à

résoudre était déjà donnée par l’arrêt Schöning-Kougebetopoulou, précité. C’est

I – 10329 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

donc à cause de sa lecture erronée de cet arrêt que le Verwaltungsgerichtshof n’a

plus estimé nécessaire de soumettre cette question d’interprétation à la Cour.

124 Dans ces conditions, et eu égard aux circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de

considérer la violation constatée au point 119 du présent arrêt comme étant

revêtue d’un caractère manifeste et donc comme suffisamment caractérisée.

125 Il y a lieu d’ajouter que cette réponse est sans préjudice des obligations résultant,

dans le chef de l’État membre concerné, de la réponse apportée par la Cour à la

troisième question préjudicielle.

126 Il convient dès lors de répondre aux quatrième et cinquième questions qu’une

violation du droit communautaire telle que celle résultant, dans les circonstances

de l’espèce au principal, de l’arrêt du Verwaltungsgerichtshof du 24 juin 1998 ne

revêt pas le caractère manifeste requis pour que se trouve engagée, en vertu du

droit communautaire, la responsabilité d’un État membre du fait d’une décision

de l’une de ses juridictions statuant en dernier ressort.

Sur les dépens

127 Les frais exposés par les gouvernements autrichien, allemand, français, néerlandais et du Royaume Uni, ainsi que par la Commission, qui ont soumis des

observations à la Cour, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement. La

procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident

soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les

dépens.

I – 10330 KÖBLER

Par ces motifs,

LA COUR,

statuant sur les questions à elle soumises par le Landesgericht für Zivilrechtssachen Wien, par ordonnance du 7 mai 2001, dit pour droit:

1) Le principe selon lequel les États membres sont obligés de réparer les

dommages causés aux particuliers par les violations du droit communautaire

qui leur sont imputables est également applicable lorsque la violation en

cause découle d’une décision d’une juridiction statuant en dernier ressort, dès

lors que la règle de droit communautaire violée a pour objet de conférer des

droits aux particuliers, que la violation est suffisamment caractérisée et qu’il

existe un lien de causalité direct entre cette violation et le préjudice subi par

les personnes lésées. Afin de déterminer si la violation est suffisamment

caractérisée lorsque la violation en cause découle d’une telle décision, le juge

national compétent doit, en tenant compte de la spécificité de la fonction

juridictionnelle, rechercher si cette violation présente un caractère manifeste.

C’est à l’ordre juridique de chaque État membre qu’il appartient de désigner

la juridiction compétente pour trancher les litiges relatifs à ladite réparation.

2) Les articles 48 du traité CE (devenu, après modification, article 39 CE) et 7,

paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre

1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la

I – 10331 ARRÊT DU 30. 9. 2003 — AFFAIRE C-224/01

Communauté, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à l’octroi,

dans des conditions telles que celles prévues à l’article 50 bis du Gehaltsgesetz

1956 (loi salariale de 1956), tel que modifié en 1997, d’une indemnité

spéciale d’ancienneté qui, selon l’interprétation donnée par le Verwaltungsgerichtshof (Autriche) dans son arrêt du 24 juin 1998, constitue une prime de

fidélité.

3) Une violation du droit communautaire telle que celle résultant, dans les

circonstances de l’espèce au principal, de l’arrêt du Verwaltungsgerichtshof

du 24 juin 1998 ne revêt pas le caractère manifeste requis pour que se trouve

engagée, en vertu du droit communautaire, la responsabilité d’un État

membre du fait d’une décision de l’une de ses juridictions statuant en dernier

ressort.

Rodríguez Iglesias Puissochet Wathelet

Schintgen Timmermans Gulmann

Edward La Pergola Jann

Skouris Macken Colneric

von Bahr Cunha Rodrigues Rosas

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2003.

Le greffier

R. Grass

Le président

G. C. Rodríguez Iglesias

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