REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi de réforme des collectivités territoriales, le 22 novembre 2010, par M. Jean-Pierre BEL, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Bernard ANGELS, David ASSOULINE, Claude BÉRIT-DÉBAT, Jacques BERTHOU, Jean BESSON, Mmes Marie-Christine BLANDIN, Maryvonne BLONDIN, M. Yannick BODIN, Mme Nicole BONNEFOY, MM. Yannick BOTREL, Didier BOULAUD, Mme Alima BOUMEDIENE-THIERY, M. Martial BOURQUIN, Mme Bernadette BOURZAI, M. Michel BOUTANT, Mme Nicole BRICQ, M. Jean-Pierre CAFFET, Mme Claire-Lise CAMPION, Françoise CARTRON, MM. Bernard CAZEAU, Yves DAUDIGNY, Marc DAUNIS, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, M. Claude DOMEIZEL, Mme Josette DURRIEU, MM. Jean-Luc FICHET, Jean-Claude FRÉCON, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jean-Noël GUÉRINI, Edmond HERVÉ, Mmes Odette HERVIAUX, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, Bariza KHIARI, Virginie KLÈS, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Jacky LE MENN, Mme Raymonde LE TEXIER, M. Alain LE VERN, Mme Claudine LEPAGE, MM. Jean-Jacques LOZACH, Roger MADEC, Jacques MAHÉAS, François MARC, Pierre MAUROY, Rachel MAZUIR, Louis MERMAZ, Jean-Pierre MICHEL, Mme Renée NICOUX, MM. François PATRIAT, Jean-Claude PEYRONNET, Bernard PIRAS, Mme Gisèle PRINTZ, MM. Marcel RAINAUD, Daniel RAOUL, Paul RAOULT, François REBSAMEN, Daniel REINER, Roland RIES, Michel SERGENT, René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Simon SUTOUR, Mme Catherine TASCA, MM. Michel TESTON, René TEULADE, Jean-Marc TODESCHINI, André VANTOMME, Richard YUNG, Ronan KERDRAON, Serge GODARD, Jacques MÉZARD, Jean-Pierre CHEVÈNEMENT, Robert TROPEANO, Mme Françoise LABORDE, MM. Jean MILHAU, Yvon COLLIN, François FORTASSIN, Jean-Michel BAYLET, Jean-Pierre PLANCADE, Raymond VALL, Mmes Anne-Marie ESCOFFIER, Nicole BORVO COHEN-SEAT, Éliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, M. Michel BILLOUT, Mme Isabelle PASQUET, M. Jean-Claude DANGLOT, Mmes Annie DAVID, Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Guy FISCHER, Thierry FOUCAUD, Robert HUE, Gérard LE CAM, Mmes Odette TERRADE, Josiane MATHON-POINAT, MM. Jack RALITE, Ivan RENAR, Mme Mireille SCHURCH, MM. Bernard VERA, Jean-François VOGUET, François AUTAIN et Mme Gélita HOARAU, sénateurs ;
et, le même jour, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mmes Patricia ADAM, Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Mmes Delphine BATHO, Marie-Noëlle BATTISTEL, Chantal BERTHELOT, M. Jean-Louis BIANCO, Mme Gisèle BIÉMOURET, MM. Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Daniel BOISSERIE, Maxime BONO, Jean-Michel BOUCHERON, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Bernard CAZENEUVE, Guy CHAMBEFORT, Jean-Paul CHANTEGUET, Gérard CHARASSE, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, M. Pascal DEGUILHEM, Mme Michèle DELAUNAY, MM. Guy DELCOURT, Michel DELEBARRE, François DELUGA, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, René DOSIÈRE, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Jean-Louis DUMONT, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Mme Odette DURIEZ, MM. Philippe DURON, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Mme Corinne ERHEL, MM. Laurent FABIUS, Albert FACON, Mme Martine FAURE, M. Hervé FÉRON, Mmes Aurélie FILIPPETTI, Geneviève FIORASO, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, MM. Michel FRANÇAIX, Jean-Claude FRUTEAU, Jean-Louis GAGNAIRE, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Paul GIACOBBI, Jean-Patrick GILLE, Mme Annick GIRARDIN, MM. Joël GIRAUD, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Gaëtan GORCE, Mme Pascale GOT, MM. Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mme Élisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, M. François HOLLANDE, Mme Sandrine HUREL, M. Christian HUTIN, Mme Monique IBORRA, M. Jean-Louis IDIART, Mme Françoise IMBERT, MM. Michel ISSINDOU, Éric JALTON, Serge JANQUIN, Henri JIBRAYEL, Régis JUANICO, Armand JUNG, Mme Marietta KARAMANLI, M. Jean-Pierre KUCHEIDA, Mme Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jack LANG, Mme Colette LANGLADE, MM. Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Marie LE GUEN, Mme Annick LE LOCH, M. Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, MM. Patrick LEBRETON, Michel LEFAIT, Patrick LEMASLE, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Bernard LESTERLIN, Serge LETCHIMY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. Albert LIKUVALU, François LONCLE, Victorin LUREL, Jean MALLOT, Louis-Joseph MANSCOUR, Mmes Jacqueline MAQUET, Jeanny MARC, Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, MM. Gilbert MATHON, Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Arnaud MONTEBOURG, Pierre MOSCOVICI, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Henri NAYROU, Alain NÉRI, Mmes Marie-Renée OGET, Françoise OLIVIER-COUPEAU, Dominique ORLIAC, MM. Michel PAJON, Christian PAUL, Mme George PAU-LANGEVIN, MM. Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Jean-Claude PEREZ, Mmes Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, Sylvia PINEL, Martine PINVILLE, MM. Philippe PLISSON, François PUPPONI, Mme Catherine QUÉRÉ, MM. Jean-Jack QUEYRANNE, Dominique RAIMBOURG, Simon RENUCCI, Mmes Marie-Line REYNAUD, Chantal ROBIN-RODRIGO, MM. Alain RODET, Marcel ROGEMONT, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Patrick ROY, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Mme Odile SAUGUES, M. Christophe SIRUGUE, Mme Christiane TAUBIRA, M. Pascal TERRASSE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jean-Louis TOURAINE, Philippe TOURTELIER, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VAUZELLE, Michel VERGNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ, Jean-Claude VIOLLET, Philippe VUILQUE, Mme Marie-Hélène AMIABLE, M. François ASENSI, Mme Martine BILLARD, MM. Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Mme Marie-George BUFFET, MM. Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXÈS, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Marc DOLEZ, Mme Jacqueline FRAYSSE, MM. André GUÉRIN, Pierre GOSNAT, Yves COCHET, Noël MAMÈRE, François de RUGY et Mme Anny POURSINOFF, députés.
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux ;
Vu la loi n° 66 1069 du 31 décembre 1966 modifiée relative aux communautés urbaines ;
Vu la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée relative à la transparence financière de la vie politique ;
Vu la loi n° 99 586 du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 1er décembre 2010 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés et sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi de réforme des collectivités territoriales ; qu’ils contestent la procédure d’adoption de ses articles 1er, 2, 6 et 73 ; qu’ils mettent en cause la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 5, 6, 12, 73, 81 et 87 ;
– SUR LA PROCÉDURE D’ADOPTION DES ARTICLES 1ER, 2, 6 ET 73 :
2. Considérant que, selon les requérants, les articles 1er, 6 et 73 de la loi déférée ont été adoptés à la suite d’un détournement de procédure en méconnaissance, d’une part, des exigences fixées à l’article 39 de la Constitution qui imposent la consultation du Conseil d’État, le dépôt par priorité sur le bureau du Sénat des projets de loi relatifs à l’organisation des collectivités territoriales et la présentation d’une étude d’impact et, d’autre part, des principes de clarté et de sincérité des débats ; que l’article 2 de la loi déférée aurait été adopté en méconnaissance des exigences fixées à l’article 45 de la Constitution qui imposent, d’une part, l’existence d’un lien même indirect entre un amendement adopté en première lecture et le texte déposé ou transmis et, d’autre part, l’adoption par la commission mixte paritaire d’un texte commun à partir des dispositions restant en discussion ;
3. Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution : « Les projets de loi sont délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil d’État et déposés sur le bureau de l’une des deux assemblées. Les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale sont soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale. Sans préjudice du premier alinéa de l’article 44, les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat » ; que cette disposition n’impose la consultation du Conseil d’État et la délibération en conseil des ministres que pour les projets de loi avant leur dépôt sur le bureau de la première assemblée saisie et non pour les amendements ;
4. Considérant qu’aux termes du troisième alinéa de l’article 39 : « La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique » ; qu’aux termes de l’article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 : « Les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact. Les documents rendant compte de cette étude d’impact sont joints aux projets de loi dès leur transmission au Conseil d’État. Ils sont déposés sur le bureau de la première assemblée saisie en même temps que les projets de loi auxquels ils se rapportent » ;
5. Considérant qu’aux termes de la dernière phrase du premier alinéa de l’article 45 de la Constitution : « Sans préjudice de l’application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis » ; qu’en vertu du deuxième alinéa du même article 45, la commission mixte paritaire est « chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion » ; qu’aux termes de la première phrase du dernier alinéa de l’article 45 : « Si la commission mixte ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement » ;
6. Considérant que le projet de loi comportait cinq titres lors de son dépôt sur le bureau du Sénat, première assemblée saisie ; que son titre Ier incluait des dispositions relatives à la rénovation de l’exercice de la démocratie locale et prévoyait notamment la création des conseillers territoriaux appelés à siéger au sein des conseils généraux et des conseils régionaux ; que le titre II avait pour objet d’adapter les structures à la diversité des territoires, en instituant les métropoles et les pôles métropolitains, en créant un nouveau dispositif de fusion de communes et en définissant les modalités de regroupement entre départements ou entre régions ; que le titre III avait pour objet de favoriser le développement et la simplification de l’intercommunalité ; que le titre IV était relatif à la « clarification des compétences des collectivités territoriales » ; que le titre V définissait les modalités et le calendrier d’entrée en vigueur de la loi ;
7. Considérant, en premier lieu, que l’article 1er de la loi déférée détermine le mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux ; que son article 6 prévoit que le nombre des conseillers de chaque département et de chaque région est fixé par un tableau annexé ; que son article 73 aménage les principes généraux applicables à la répartition des compétences entre collectivités territoriales et à l’encadrement des financements croisés ;
8. Considérant, d’une part, que ces articles, qui présentent un lien direct avec les dispositions qui figuraient dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, ont été insérés en première lecture par l’Assemblée nationale ; que, dès lors, sont inopérants les griefs tirés de la méconnaissance des exigences relatives aux projets de loi concernant leur examen obligatoire par le Conseil d’État, leur dépôt par priorité sur le bureau du Sénat et leur présentation ;
9. Considérant, d’autre part, qu’il ressort des travaux parlementaires que la procédure d’adoption de ces articles n’a pas eu pour effet d’altérer la clarté et la sincérité des débats et n’a porté atteinte à aucune autre exigence de valeur constitutionnelle ; que le grief tiré de la méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité des débats doit être rejeté ;
10. Considérant, en second lieu, que l’article 2 de la loi déférée augmente le nombre de suffrages requis pour qu’un candidat à l’élection au conseil général puisse se présenter au second tour ; que ces dispositions, insérées en première lecture par l’Assemblée nationale, ont un lien avec celles qui figuraient dans le projet de loi ; qu’il ressort du texte adopté par la commission mixte paritaire que ces dispositions ont fait l’objet d’un accord ; que, dès lors, les griefs tirés de la méconnaissance de l’article 45 de la Constitution doivent être rejetés ;
11. Considérant que, par suite, les articles 1er, 2, 6 et 73 ont été adoptés selon une procédure conforme à la Constitution ;
– SUR LES NORMES DE CONSTITUTIONNALITÉ APPLICABLES :
12. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée.
« La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales » ;
13. Considérant qu’aux termes de son article 4 : « Les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie.
« Ils contribuent à la mise en œuvre du principe énoncé au second alinéa de l’article 1er dans les conditions déterminées par la loi.
« La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation » ;
14. Considérant qu’aux termes de l’article 24 de la Constitution : « Le Sénat… assure la représentation des collectivités territoriales de la République » ;
15. Considérant qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant « le régime électoral… des assemblées locales… ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales » ; que ce même article dispose que la loi détermine les principes fondamentaux « de la libre administration des collectivités territoriales, de leurs compétences et de leurs ressources » ; qu’il est à tout moment loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d’adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d’abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d’autres dispositions, dès lors que, dans l’exercice de ce pouvoir, il ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
16. Considérant qu’aux termes des trois premiers alinéas de l’article 72 de la Constitution : « Les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les régions, les collectivités à statut particulier et les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi, le cas échéant en lieu et place d’une ou de plusieurs collectivités mentionnées au présent alinéa.
« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon.
« Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences » ;
17. Considérant que le cinquième alinéa de l’article 72 précise : « Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l’exercice d’une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l’une d’entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune » ;
18. Considérant que le premier alinéa de l’article 73 de la Constitution dispose que « dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités » ; qu’aux termes de son dernier alinéa : « La création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ne peut intervenir sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités » ;
– SUR LES CONSEILLERS TERRITORIAUX :
. En ce qui concerne l’institution des conseillers territoriaux :
19. Considérant que le 1° de l’article 5 de la loi déférée complète l’article L. 3121-1 du code général des collectivités territoriales par un alinéa aux termes duquel le conseil général « est composé de conseillers territoriaux » ; que le 2° de ce même article 5 complète l’article L. 4131-1 du même code par un alinéa aux termes duquel le conseil régional « est composé des conseillers territoriaux qui siègent dans les conseils généraux des départements faisant partie de la région » ;
– Quant à la libre administration des collectivités territoriales :
20. Considérant que, selon les requérants, l’institution du conseiller territorial siégeant dans les conseils généraux et dans les conseils régionaux viole l’article 72 de la Constitution ; que, d’une part, la création d’un élu commun aux départements et aux régions méconnaîtrait la distinction constitutionnelle entre ces deux collectivités ; que, d’autre part, elle porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales qui impliquerait que « chaque collectivité soit gérée par un organe délibérant qui lui soit propre, lui-même composé d’élus qui lui soient propres » ; qu’enfin, elle conduirait à l’instauration d’une tutelle de la région sur les départements, en particulier lorsque la région n’est composée que de deux départements ;
21. Considérant que l’institution des conseillers territoriaux n’a pas pour effet de créer une nouvelle catégorie de collectivités qui résulterait de la fusion de la région et des départements ; qu’ainsi, elle ne porte pas atteinte à l’existence de la région et du département ou à la distinction entre ces collectivités ;
22. Considérant que les dispositions critiquées ne confient pas à la région le pouvoir de substituer ses décisions à celles du département ou de s’opposer à ces dernières ni celui de contrôler l’exercice de ses compétences ; que, par suite, elles n’instituent pas une tutelle de la région sur le département ;
23. Considérant que, si le principe selon lequel les collectivités territoriales s’administrent librement par des conseils élus implique que toute collectivité dispose d’une assemblée délibérante élue dotée d’attributions effectives, il n’interdit pas que les élus désignés lors d’un unique scrutin siègent dans deux assemblées territoriales ;
24. Considérant que, par suite, les griefs tirés de la méconnaissance de l’article 72 de la Constitution doivent être écartés ;
– Quant à la liberté de vote :
25. Considérant que les requérants soutiennent que l’obligation faite aux électeurs d’élire, par un seul et même vote, une personne appelée à siéger au conseil général et au conseil régional les prive de la faculté d’opérer un choix différent selon le programme départemental ou régional du candidat et, par suite, porte atteinte à leur liberté de vote ; que cette obligation créerait une confusion en méconnaissance de « l’exigence constitutionnelle d’intelligibilité, de clarté et de loyauté du scrutin » ;
26. Considérant que l’article 3 de la Constitution impose que le scrutin soit toujours universel, égal et secret ; que l’organisation du scrutin tendant à l’élection, dans chaque canton, d’un élu appelé à siéger au conseil général et au conseil régional ne méconnaît aucunement la double exigence de clarté et de loyauté du scrutin ; que la liberté du scrutin n’interdit pas au législateur de confier à un élu le soin d’exercer son mandat dans deux assemblées territoriales différentes ;
– Quant à la représentation des collectivités territoriales par le Sénat :
27. Considérant que les requérants font valoir que la création d’un élu unique ne permettra plus d’assurer véritablement la représentation de toutes les collectivités au sein du collège électoral sénatorial et que, par suite, elle porte atteinte au principe selon lequel le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République ;
28. Considérant qu’il résulte de l’article 24 de la Constitution que, le Sénat doit, dans la mesure où il « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », être élu par un corps électoral qui est lui-même l’émanation de ces collectivités ; que, par suite, ce corps électoral doit être essentiellement composé de membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; que, si toutes les catégories de collectivités territoriales doivent y être représentées, cette exigence n’impose pas de distinguer les élus de l’assemblée départementale et ceux de l’assemblée régionale au sein du collège électoral qui élit les sénateurs ;
– Quant au consentement des électeurs des départements et régions d’outre-mer :
29. Considérant que les requérants soutiennent que la création d’un conseiller territorial siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional revient, dans les régions d’outre-mer, à y instituer, au sens du dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution, une assemblée délibérante unique pour le département et la région ; qu’ils font valoir qu’une telle création ne peut intervenir, sans qu’ait été recueilli, selon les formes prévues au second alinéa de l’article 72-4 de la Constitution, le consentement des électeurs inscrits dans le ressort de ces collectivités ;
30. Considérant toutefois que l’article 5 de la loi déférée n’a ni pour objet ni pour effet d’instituer, dans les régions d’outre-mer, une assemblée unique ; qu’en particulier, si les conseils généraux et les conseils régionaux sont composés des mêmes élus, ces assemblées constituent des assemblées distinctes dotées de compétences propres et régies par des règles de fonctionnement et d’organisation différentes ; que le grief tiré de la méconnaissance du dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution doit donc être écarté ;
31. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que l’article 5 de la loi déférée n’est pas contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne le mode de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux :
32. Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi déférée : « Les conseillers territoriaux sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours selon les modalités prévues au titre III du livre Ier du code électoral. Ils sont renouvelés intégralement tous les six ans » ;
33. Considérant que, selon les requérants, la généralisation du scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection des conseillers territoriaux et l’abandon qui en résulte du scrutin de liste pour l’élection des élus siégeant au conseil régional entraîneront un recul très important de la représentation des femmes dans ces conseils ; que, dès lors, l’article 1er aurait pour effet de défavoriser l’accès des femmes aux mandats électoraux, en violation du deuxième alinéa de l’article 1er de la Constitution, et de porter atteinte à l’égalité entre les femmes et les hommes ;
34. Considérant que le deuxième alinéa de l’article 1er de la Constitution n’a ni pour objet ni pour effet de priver le législateur de la faculté qu’il tient de l’article 34 de la Constitution de fixer le régime électoral des assemblées locales ; que les dispositions critiquées ne portent, par elles-mêmes, aucune atteinte à l’objectif d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives énoncé à l’article 1er de la Constitution ; qu’elles ne portent pas davantage atteinte au principe d’égalité devant la loi ; que, par suite, les griefs formés contre l’article 1er de la loi doivent être écartés ;
. En ce qui concerne la répartition des conseillers territoriaux :
35. Considérant que l’article 6 de la loi dispose : « Le nombre des conseillers territoriaux de chaque département et de chaque région est fixé par le tableau annexé à la présente loi » ;
36. Considérant que, selon les requérants, la répartition réalisée par ce tableau méconnaît le principe d’égalité devant le suffrage ; qu’il en irait en particulier ainsi de la répartition opérée dans les régions Lorraine, Provence-Alpes-Côte d’Azur et Languedoc-Roussillon ; qu’en outre, ce tableau ne mentionne pas le nombre de conseillers territoriaux appelés à siéger dans les conseils généraux et régionaux de la Guyane et de la Martinique ;
– Quant à la Guyane et à la Martinique :
37. Considérant que, par décrets du 17 novembre 2009, le Président de la République a décidé de consulter les électeurs de la Guyane et de la Martinique sur la création d’une collectivité unique exerçant les compétences dévolues au département et à la région tout en demeurant régie par l’article 73 de la Constitution ; que la majorité des électeurs de ces deux collectivités, consultés le 24 janvier 2010, s’est prononcée en faveur de cette création ; que, dans ces conditions, le législateur a pu s’abstenir de fixer le nombre de conseillers territoriaux en Guyane et en Martinique sans méconnaître ni le principe d’identité législative mentionné au premier alinéa de l’article 73 de la Constitution ni le principe d’égalité entre collectivités territoriales ; que, toutefois, il lui appartiendra d’ici 2014 soit d’instituer ces collectivités uniques, soit de fixer le nombre des élus territoriaux siégeant dans les conseils généraux et régionaux de ces départements et régions d’outre-mer ;
– Quant aux autres départements et régions :
38. Considérant qu’il résulte des articles 1er, 24 et 72 de la Constitution que l’organe délibérant d’un département ou d’une région de la République doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l’égalité devant le suffrage ; que, s’il ne s’ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque département ou région ni qu’il ne puisse être tenu compte d’autres impératifs d’intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ;
39. Considérant, en premier lieu, qu’en fixant le nombre de conseillers territoriaux par département et par région, le tableau annexé à la loi déférée a retenu un nombre minimal de quinze conseillers par département ; qu’en fixant ce seuil, le législateur a estimé qu’il constituait un minimum pour assurer le fonctionnement normal d’une assemblée délibérante locale ; que l’objectif ainsi poursuivi tend à assurer la mise en œuvre du troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution ; que, d’une part, la fixation de ce seuil n’est pas entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ; que, d’autre part, il revient au Conseil constitutionnel de procéder à l’examen des écarts de représentation au sein d’une même région sans prendre en compte les départements dans lesquels le nombre de conseillers territoriaux a été fixé, en raison de leur faible population, en application de ce seuil ;
40. Considérant, en second lieu, que la loi déférée procède à la suppression des conseillers généraux et des conseillers régionaux et les remplace par une catégorie unique d’élus ; qu’eu égard à la nature de cette réforme, la volonté de ne pas s’écarter trop sensiblement du nombre des cantons fixé antérieurement à la réforme ne peut être regardée comme un impératif d’intérêt général susceptible de justifier des atteintes au principe d’égalité devant le suffrage ;
41. Considérant que, dans la région Lorraine, le rapport du nombre des conseillers territoriaux du département de la Meuse à sa population s’écarte de la moyenne régionale dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ; qu’il en va de même dans la région Auvergne, s’agissant du Cantal, dans la région Languedoc-Roussillon, s’agissant de l’Aude, dans la région Midi-Pyrénées, s’agissant de la Haute-Garonne, dans la région Pays de la Loire, s’agissant de la Mayenne, et dans la région Rhône-Alpes, s’agissant de la Savoie ; qu’ainsi la fixation du nombre de conseillers territoriaux dans ces départements méconnaît le principe d’égalité devant le suffrage ; qu’il s’ensuit que l’article 6 et le tableau annexé à la loi, qui constituent des dispositions inséparables, doivent être déclarés contraires à la Constitution ;
– SUR LA CRÉATION DES MÉTROPOLES :
42. Considérant que l’article 12 de la loi déférée insère dans le titre Ier du livre II du code général des collectivités territoriales un chapitre VII qui comporte les articles L. 5217-1 à L. 5217-19 ; qu’en particulier, l’article L. 5217-1 dispose que « la métropole est un établissement public de coopération intercommunale regroupant plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave et qui s’associent » et que « peuvent obtenir le statut de métropole les établissements publics de coopération intercommunale qui forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 500 000 habitants et les communautés urbaines instituées par l’article 3 de la loi n° 66 1069 du 31 décembre 1966 relative aux communautés urbaines », hors la région Île-de-France ; qu’en application de l’article L. 5217-2, une métropole peut être instituée soit par création, soit par transformation ou transformation avec extension à de nouvelles communes d’un établissement public de coopération intercommunale, soit par fusion d’établissements publics de coopération intercommunale ; que l’institution d’une métropole se fait à la condition, d’une part, que le projet soit notifié pour avis simple à l’assemblée délibérante du département et de la région par le représentant de l’État et, d’autre part, qu’elle soit décidée par décret après accord des conseils municipaux des communes concernées selon les règles applicables à la procédure de droit commun de création des établissements publics de coopération intercommunale ; qu’aux termes de l’article L. 5217-3 : « La métropole est créée sans limitation de durée » ; qu’en vertu de l’article L. 5217-4, la métropole exerce de plein droit des compétences en lieu et place des communes membres et, à l’intérieur de son périmètre, de plein droit ou, par convention, de manière facultative, certaines des compétences du département et de la région ; que, si la métropole le demande, l’État peut, par décret, lui transférer la propriété, l’aménagement, l’entretien et la gestion des grands équipements et infrastructures ; que l’article L. 5217-5 précise les conditions de substitution de la métropole aux éventuels établissements publics de coopération intercommunale préexistants ; que les articles L. 5217-6 et L. 5217-7 organisent les transferts des biens, droits et services nécessaires à l’exercice des compétences obligatoires de la métropole ; que les alinéas 9 à 10 du 2 du paragraphe II et les alinéas 5 et 6 du paragraphe III de l’article L. 5217-4 organisent ces transferts pour l’exercice des compétences facultatives de la métropole ;
. En ce qui concerne le grief tiré de l’incompétence négative :
43. Considérant que les requérants soutiennent qu’en permettant aux communes et aux établissements publics de coopération intercommunale de créer à leur seule initiative des métropoles susceptibles d’exercer, de plein droit, des compétences attribuées aux départements et aux régions, le législateur a méconnu l’étendue de la compétence qu’il tient des articles 34 et 72 de la Constitution ; qu’en particulier, il aurait omis, d’une part, de préciser les conditions dans lesquelles sont transférés les biens mis à disposition de la métropole qui sont la propriété des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale dont les compétences sont transférées de plein droit aux métropoles et, d’autre part, de faire référence à l’article L. 1321-4 du même code ;
44. Considérant que le principe d’égalité devant la loi et les charges publiques ainsi que la protection du droit de propriété, qui ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi la propriété de l’État et des autres personnes publiques, résultent, d’une part, des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et, d’autre part, de ses articles 2 et 17 ; que le droit au respect des biens garanti par ces dispositions ne s’oppose pas à ce que le législateur procède au transfert gratuit de dépendances du domaine public entre personnes publiques ;
45. Considérant, d’une part, que le législateur a subordonné la création d’une métropole à l’intervention par décret du pouvoir réglementaire ; qu’il a prévu que les assemblées délibérantes du département et de la région sont consultées par le représentant de l’État et qu’elles disposent d’un délai de quatre mois pour répondre ; qu’il a, dans l’article L. 5217-4, outre les compétences transférées des communes, arrêté la liste des compétences des départements et des régions transférées de plein droit à la métropole ainsi que la liste de celles susceptibles d’être transférées par convention avec les départements et les régions ;
46. Considérant, d’autre part, que, selon les trois premiers alinéas de l’article L. 5217-6, pour l’exercice des compétences transférées de plein droit à la métropole, les biens et droits mobiliers et immobiliers des collectivités territoriales et établissements publics intéressés sont de plein droit mis à disposition de la métropole, puis, au plus tard dans l’année suivant la première réunion du conseil de celle-ci, sont transférés en pleine propriété ; que, selon le quatrième alinéa de cet article, ces transferts sont opérés par accord amiable des parties prenantes ou, à défaut, par décret en Conseil d’État pris après avis d’une commission consultative qui comprend des maires des communes intéressées, le président du conseil général, le président du conseil régional et les présidents d’organe délibérant d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ; que, selon le cinquième alinéa du même article, ces transferts sont réalisés à titre gratuit et ne donnent lieu au paiement d’aucune indemnité, ni d’aucun droit, taxe, salaire ou honoraires ; que, selon les deux derniers alinéas de cet article, la métropole est substituée aux autres collectivités territoriales et, le cas échéant, aux établissements publics supprimés ou dont le périmètre a été réduit pour l’ensemble des droits et obligations attachés aux biens et, plus généralement, pour l’exercice de l’ensemble des compétences détenues de plein droit par la métropole ; que, par ailleurs, l’article L. 1321-4 du même code se borne à prévoir la compétence de la loi pour définir les conditions dans lesquelles les biens d’une collectivité territoriale mis à disposition d’une autre peuvent faire l’objet d’un transfert en pleine propriété à la collectivité bénéficiaire ; qu’ainsi, le législateur a fixé de manière précise les conditions dans lesquelles les biens des collectivités territoriales et établissements publics concernés sont transférés à la métropole ;
47. Considérant que, dès lors, le législateur n’a pas méconnu l’étendue de sa compétence ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité :
48. Considérant que les requérants estiment qu’en adoptant l’article 12, le législateur a également méconnu le principe d’égalité entre, d’une part, les communes habilitées à créer des métropoles pouvant exercer des compétences attribuées aux départements et aux régions et, d’autre part, ces deux catégories de collectivités territoriales ;
49. Considérant que le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ;
50. Considérant que le législateur a réservé la faculté d’obtenir le statut de métropole aux établissements publics de coopération intercommunale qui, situés hors de la région Île-de-France, forment, à la date de sa création, un ensemble de plus de 500 000 habitants et les communautés urbaines instituées par l’article 3 de la loi du 31 décembre 1966 susvisée ; qu’ainsi, il a entendu favoriser « un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire », afin de répondre aux enjeux économiques et aux besoins sociaux qui s’attachent à ce type de zones urbaines ; que, dès lors, le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit être écarté ;
51. Considérant que, par suite, les articles L. 5217-1 à L. 5217-7 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction issue de l’article 12 de la loi déférée, ne sont pas contraires à la Constitution ;
– SUR LA CLAUSE DE COMPÉTENCE GÉNÉRALE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES :
52. Considérant que le paragraphe I de l’article 73 de la loi déférée complète le premier alinéa de l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, qui dispose que « le conseil général règle par ses délibérations les affaires du département », par les mots : « dans les domaines de compétence que la loi lui attribue » ; qu’il donne au deuxième alinéa de cet article la rédaction suivante : « Il peut en outre, par délibération spécialement motivée, se saisir de tout objet d’intérêt départemental pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique » ; que les paragraphes II et III du même article 73 modifient de façon analogue les articles L. 4221-1 et L. 4433-1 du même code applicables aux conseils régionaux de métropole et d’outre-mer ;
53. Considérant que, selon les requérants, la suppression de la clause dite « de compétence générale » des départements et des régions méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales, tel qu’il est défini par l’article 72 de la Constitution, ainsi qu’un principe fondamental reconnu par les lois de la République qui garantit cette compétence générale ;
54. Considérant que l’article 48 de la loi du 10 août 1871 susvisée précisait que le conseil général délibère « sur tous les objets d’intérêt départemental dont il est saisi, soit par une proposition du préfet, soit sur l’initiative d’un de ses membres » ; que ces dispositions n’ont eu ni pour objet ni pour effet de créer une « clause générale » rendant le département compétent pour traiter de toute affaire ayant un lien avec son territoire ; que, par suite, elle ne saurait avoir donné naissance à un principe fondamental reconnu par les lois de la République garantissant une telle compétence ;
55. Considérant, en second lieu, que les dispositions critiquées permettent au conseil général ou au conseil régional, par délibération spécialement motivée, de se saisir respectivement de tout objet d’intérêt départemental ou régional pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre personne publique ; que, par suite, doit être écarté le grief tiré de ce que les dispositions critiquées seraient contraires au principe de libre administration des collectivités territoriales ; que n’est pas non plus méconnu le deuxième alinéa de l’article 72 de la Constitution qui dispose que ces dernières « ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon » ;
56. Considérant que l’article 73 de la loi déférée n’est pas contraire à la Constitution ;
– SUR LA MODULATION DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES LIÉE AU RESPECT DE LA PARITÉ :
57. Considérant que l’article 81 de la loi déférée modifie le régime de l’aide publique aux partis et groupements politiques ; qu’en particulier, il scinde en deux parties la première fraction de l’aide publique accordée en fonction des résultats obtenus aux élections législatives ; que la première partie continue d’être attribuée compte tenu des résultats aux élections législatives ; que la seconde partie l’est en fonction des résultats aux élections des conseillers territoriaux et assimilés ;
58. Considérant, en particulier, que le 5° du paragraphe I de cet article 81 complète l’article 9-1 de la loi du 11 mars 1988 susvisée par les deux alinéas suivants : « Dans un département ou une collectivité, lorsque, pour un parti ou un groupement politique, l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher à ce parti ou ce groupement lors des dernières élections des conseillers territoriaux ou des membres de l’assemblée délibérante d’une collectivité créée en application du dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution, d’une collectivité régie par l’article 74 de la Constitution ou du congrès de la Nouvelle-Calédonie, conformément au dernier alinéa du 1° de l’article 9-1 A de la présente loi, dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le montant de la première part de la seconde partie de la première fraction qui lui est attribué, pour ce département ou cette collectivité, en application du même 1° est diminué d’un pourcentage égal à la moitié de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats.
« Pour l’ensemble d’une région, le pourcentage de diminution appliqué à chaque parti ou à chaque groupement politique conformément à l’alinéa précédent est celui du département de la région dans lequel l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher au parti ou au groupement, rapporté au nombre total de ces candidats, est le plus élevé » ;
59. Considérant qu’aux termes du paragraphe II du même article 81 : « À compter du premier renouvellement général des conseillers territoriaux suivant la première élection des conseillers territoriaux prévue en mars 2014, au deuxième alinéa de l’article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 précitée dans sa rédaction résultant de la présente loi, les mots : « à la moitié » sont remplacés par les mots : « aux trois quarts » » ;
60. Considérant que les requérants font valoir que les dispositions précitées méconnaissent l’objectif d’intelligibilité de la loi en ce que l’attribution de l’aide publique aux partis et groupements politiques repose sur des critères départementaux alors que la modulation de cette aide en fonction du respect de l’objectif de parité est opérée au niveau régional ; qu’ils estiment, en outre, que ces dispositions portent atteinte à l’égalité des partis et groupements politiques devant le suffrage dès lors que, pour le calcul du pourcentage de diminution des aides, est pris en compte le « département de la région dans lequel l’écart entre le nombre de candidats de chaque sexe ayant déclaré se rattacher au parti ou au groupement, rapporté au nombre de ces candidats, est le plus élevé » ;
61. Considérant que ni l’article 1er de la Constitution, permettant à la loi de favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ni son article 4, disposant que les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage et contribuent à la mise en œuvre de cet objectif de parité, ne font obstacle à ce que la loi prévoie une modulation de l’aide financière accordée à ces partis ou groupements ; que, toutefois, pour être conforme au principe d’égalité, cette modulation doit obéir à des critères objectifs et rationnels ; que les critères retenus par le législateur ne doivent pas conduire à méconnaître l’exigence du pluralisme des courants d’idées et d’opinions ;
62. Considérant qu’en vertu du nouvel article 9 1 A de la loi du 11 mars 1988, une part de l’aide publique est réservée aux partis et groupements politiques qui ont présenté des candidats ayant obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins trois cent cinquante cantons répartis entre au moins quinze départements ; qu’une autre part est réservée aux partis en fonction du nombre de conseillers territoriaux élus ; que, par ailleurs, l’article 9-1 de la même loi dispose que, pour l’ensemble d’une région, le pourcentage de diminution de l’aide publique pour non-respect de l’objectif d’égal accès aux fonctions électives, calculé par département, est celui du département dans lequel l’écart entre candidats de chaque sexe est le plus élevé ;
63. Considérant, en premier lieu, que les dispositions contestées sont précises et non équivoques ; qu’elles ne méconnaissent donc pas l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ;
64. Considérant, en second lieu, que le législateur a décidé de ne plus calculer le montant de l’aide publique aux partis et groupements politiques à partir des seuls résultats des élections législatives ; que, pour le calcul de la modulation de l’aide versée au titre de l’élection des conseillers territoriaux, il a adopté un dispositif adapté à un scrutin uninominal à deux tours et à l’élection de conseillers siégeant dans les assemblées de deux collectivités territoriales et destiné à faire respecter, de façon plus homogène dans l’ensemble des départements de la région, l’objectif mentionné à l’article 1er de la Constitution ; que les choix qu’il a opérés reposent sur des critères objectifs et rationnels ; qu’il s’ensuit que les dispositions contestées, qui tendent à inciter les partis politiques à présenter des candidats des deux sexes dans l’ensemble des départements de la région, ne portent pas atteinte à l’égalité devant le suffrage ;
65. Considérant que l’article 81 de la loi déférée n’est pas contraire à la Constitution ;
– SUR L’HABILITATION DONNÉE AU GOUVERNEMENT POUR ADAPTER LA LOI OUTRE-MER :
66. Considérant qu’aux termes de l’article 87 de la loi déférée : « Dans les conditions prévues par l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les dispositions fixant les mesures d’adaptation du chapitre Ier du titre Ier de la présente loi dans les départements et régions d’outre-mer. Le projet de loi portant ratification de cette ordonnance est déposé devant le Parlement au plus tard le dernier jour du troisième mois suivant la publication de l’ordonnance » ;
67. Considérant que les requérants font grief à cette habilitation de méconnaître les exigences de l’article 38 de la Constitution ; qu’en se référant à des « mesures d’adaptation », elle serait insuffisamment précise ; qu’en outre, elle serait contraire au dernier alinéa de l’article 73 de la Constitution qui exige le consentement de la population pour la création d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ou pour l’institution d’une assemblée délibérante unique pour ces deux collectivités ;
68. Considérant qu’aux termes de l’article 38 de la Constitution : « Le Gouvernement peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement l’autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.
« Les ordonnances sont prises en conseil des ministres après avis du Conseil d’État. Elles entrent en vigueur dès leur publication mais deviennent caduques si le projet de loi de ratification n’est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d’habilitation. Elles ne peuvent être ratifiées que de manière expresse.
« À l’expiration du délai mentionné au premier alinéa du présent article, les ordonnances ne peuvent plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif » ;
69. Considérant que, si l’article 38 de la Constitution fait obligation au Gouvernement d’indiquer avec précision au Parlement, afin de justifier la demande qu’il présente, la finalité des mesures qu’il se propose de prendre par voie d’ordonnances ainsi que leur domaine d’intervention, il n’impose pas au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu’il prendra en vertu de cette habilitation ;
70. Considérant que l’autorisation délivrée au Gouvernement par l’article 87 de la loi déférée tend à l’adaptation du chapitre Ier du titre Ier de la loi déférée dans les départements et régions d’outre-mer en application du premier alinéa de l’article 73 de la Constitution ; qu’en raison de cet objet, cette habilitation est définie avec une précision suffisante pour satisfaire aux exigences de l’article 38 de la Constitution ; qu’elle ne peut pas dispenser le Gouvernement, dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont ainsi conférés, de respecter les règles et principes de valeur constitutionnelle ; que, par suite, elle n’est pas contraire à la Constitution ;
71. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune question de conformité à la Constitution,
D É C I D E :
Article 1er.- Est contraire à la Constitution l’article 6 de la loi de réforme des collectivités territoriales, ensemble le tableau annexé à ladite loi.
Article 2.- Sont conformes à la Constitution les articles 1er, 5, 73, 81 et 87 de la même loi ainsi que, dans leur rédaction issue de l’article 12, les articles L. 5217-1 à L. 5217-7 du code général des collectivités territoriales.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 9 décembre 2010, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d’ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ.