Vu 1°), sous le n° 179 656, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 avril 1996, 2 mai 1996 et 26 août 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES, dont son siège est …, agissant par son président ; le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêt du 29 février 1996 par lequel la cour administrative d’appel de Paris, à la demande de M. Alexandre X…, et annulant l’article 1er du jugement du 8 juillet 1993 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de l’intéressé tendant à la réparation du préjudice résultant pour lui de sa contamination par le virus de l’immuno-déficience humaine, a condamné l’Etat à verser à l’intéressé la somme de 2 000 000 F, diminuée des sommes de 100 000 F versée par le Fonds privé de solidarité des hémophiles et de 1 110 500 F versée par le Fonds requérant, soit 789 500 F, celle-ci portant intérêts au taux légal à compter de la réception par l’administration de la demande préalable du 15 décembre 1989 de l’intéressé, les intérêts échus les 14 mai 1992, 3 septembre 1993 et 5 octobre 1995 étant capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts, en tant que ledit arrêt a subrogé l’Etat dans les droits de l’intéressé à l’encontre du Fonds requérant en ce qui concerne la part de l’indemnisation subordonnée à l’apparition du syndrome de l’immuno-déficience acquise (Sida) ;
Vu 2°), sous le n° 190 500, la requête, enregistrée le 3 octobre 1997 ausecrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES, dont le siège est … ; le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 11 juillet 1997 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté, comme irrecevables, la tierce opposition et l’opposition qu’il avait formées contre l’arrêt du 29 février 1996 en tant que par ledit arrêt, la cour administrative d’appel de Paris a décidé que l’Etat était subrogé dans les droits de M. Alexandre X… à l’encontre du requérant, en ce qui concerne la part de l’indemnisation subordonnée à l’apparition du syndrome de l’immuno-déficience acquise ;
2°) d’annuler l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 29 février 1996 en tant qu’il a subrogé l’Etat dans les droits de M. X… à l’encontre du FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES en ce qui concerne la part de l’indemnisation subordonnée à l’apparition du syndrome de l’immuno-déficience acquise ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 ;
Vu le décret n° 92-183 du 26 février 1992 ;
Vu le décret n° 92-759 du 31 juillet 1992 ;
Vu le décret n° 93-906 du 12 juillet 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Lambron, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES,
– les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES, enregistrées sous les n°s 179 656 et 190 500, présentent à juger des questions connexes ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 179 656 :
Considérant, d’une part, que le pourvoi en cassation contre une décision rendue par une juridiction statuant en dernier ressort est réservé aux personnes qui ont eu la qualité de partie à l’instance ayant donné lieu à la décision attaquée ;
Considérant, d’autre part, que l’article 47-III de la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 a créé un fonds d’indemnisation destiné à réparer intégralement le préjudice résultant de la contamination par le virus d’immuno-déficience humaine causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de produits dérivés du sang ; que, pour l’exercice par ce Fonds de l’action subrogatoire prévue au IX de l’article 47 de ladite loi, le décret n° 93-906 du 12 juillet 1993 complétant le décret n° 92-759 du 31 juillet 1992 dispose en son article 16 que les greffes et secrétaires-greffes des juridictions des ordres administratif et judiciaire adressent au Fonds, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, copie des actes de procédure saisissant celles-ci, à titre initial ou additionnel, de toute demande en justice relative à la réparation du préjudice dont s’agit ; qu’aux termes de l’article 17 dudit décret : « Dans le délai d’un mois à compter de la réception de la lettre mentionnée à l’article 16, le Fonds indique au président de la juridiction concernée, par lettre simple, s’il a été ou non saisi d’une demande d’indemnisation ayant le même objet et, dans l’affirmative, l’état d’avancement de la procédure. Il fait en outre savoir s’il entend ou non intervenir à l’instance » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES, ayant reçu copie, selon la procédure prévue à l’article 16 susmentionné de la demande présentée devant la cour administrative d’appel de Paris par M. X…, tendant à ce que l’Etat soit condamné à lui verser une indemnité en réparation du préjudice résultant de sa contamination par les virus de l’immuno-déficience humaine, a fait savoir par lettre du 10 février 1994 adressée au président de cette cour que le Fonds n’entendait pas intervenir en l’état dans cette instance ; qu’ainsi, le Fonds a été régulièrement mis en cause et avait qualité de partie à l’instance ayant donné lieu à l’arrêt susvisé de la cour administrative d’appel de Paris en date du 29 février 1996 ; que, par suite, le pourvoi en cassation formé par le Fonds contre cet arrêt est recevable ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Sauf dans les cas mentionnés au premier alinéa de l’article L. 9 et à l’article R. 149, lorsque la décision paraît susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office, le président de la formation de jugement en informe les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent présenter leurs observations » ;
Considérant que pour décider que l’Etat était subrogé dans les droits de M. X… à l’encontre du Fonds en ce qui concerne la part de l’indemnisation subordonnée à l’apparition du syndrome de l’immuno-déficience acquise, la cour, par son arrêt du 29 février 1996, s’est prononcée d’office sans avoir informé les parties de son intention de subroger l’Etat et des motifs de cette subrogation ; que, par suite, le Fonds requérant est fondé à soutenir que l’arrêt attaqué, qui a été rendu en méconnaissance des dispositions de l’article R. 153-1 précité, est sur ce point entaché d’irrégularité et doit être annulé en tant qu’il a décidé, dans son article 6, que l’Etat était subrogé dans les droits de M. X… à l’encontre du Fonds en ce qui concerne la part de l’indemnisation subordonnée à l’apparition du syndrome dont s’agit ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 11 de la loi du 31 décembre 1987 et de régler l’affaire au fond ;
Considérant qu’il appartient au juge administratif, lorsqu’il condamne une personne publique à réparer un dommage dont elle est responsable, de prendre, au besoin d’office, les mesures nécessaires pour éviter que sa décision n’ait pour effet de procurer à la victime, par suite des indemnités qu’elle a pu ou qu’elle peut recueillir par ailleurs à raison du même accident, une indemnité supérieure à la valeur totale du préjudice subi ; qu’il résulte de l’instruction que le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES a, le 20 mai 1992,proposé à M. X…, qui a accepté cette offre, une indemnité comprenant une somme de 403 500 F devant lui être versée en cas d’apparition du syndrome de l’immuno-déficience acquise ; que, dès lors que l’arrêt du 29 février 1996 de la cour administrative d’appel de Paris a condamné l’Etat à verser à M. X… une indemnité assurant la réparation intégrale du préjudice résultant de sa contamination, il y a lieu de subroger l’Etat dans les droits éventuels de l’intéressé à percevoir cette somme, sous réserve de l’exercice par le fonds de l’action subrogatoire prévue par l’article 47-IX de la loi du 31 décembre 1991 ;
Sur la requête n° 190 500 :
Considérant que le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES demande l’annulation de l’arrêt du 11 juillet 1997 par lequel la cour administrative d’appel de Paris a rejeté comme irrecevables la tierce opposition et l’opposition formées par ledit Fonds contre l’arrêt susmentionné de cette cour du 29 février 1996 en tant que, par ledit arrêt, la cour a décidé que l’Etat était subrogé dans les droits de M. X… à l’encontre du Fonds en ce qui concerne la part de l’indemnisation subordonnée à l’apparition du syndrome de l’immuno-déficience acquise ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 225 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Toute personne peut former tierce opposition à une ordonnance, un jugement ou un arrêt qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu’elle représente n’ont été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ayant abouti à cette décision » ; que le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, a été régulièrement appelé dans l’instance dont s’agit ; que, par suite, il ne pouvait, en vertu des dispositions précitées de l’article R. 225 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, former tierce opposition contre l’arrêt susmentionné du 29 février 1996 de la cour administrative d’appel de Paris ;
Considérant, d’autre part, qu’aux termes de l’article R. 224 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : « Toute personne qui, mise en cause par la cour administrative d’appel, n’a pas produit d’observations ou de défense en forme régulière est admise à former opposition à l’arrêt rendu par défaut, sauf si la décision a été rendue contradictoirement avec une partie qui a le même intérêt que la partie défaillante … » ; qu’il ressort des pièces du dossier que le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES qui, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, a été mis en cause par la cour administrative d’appel, a présenté des observations par lettre du 21 février 1994, accompagnée de documents relatifs à l’indemnisation de M. X… destinés à être communiqués aux différentes parties à l’instance ; qu’ainsi, l’arrêt du 29 février 1996 n’ayant pas été rendu par défaut, le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES n’était pas recevable à y former opposition ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que, par l’arrêt susvisé du 11 juillet 1997, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté comme irrecevables la tierce opposition et l’opposition qu’il avait formées contre l’arrêt de cette cour en date du 29 février 1996 ;
Article 1er : L’arrêt du 29 février 1996 de la cour administrative d’appel de Paris est annulé en tant qu’il a décidé que l’Etat était subrogé dans les droits de M. X… à l’encontre du FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES en ce qui concerne la part de l’indemnisation subordonnée à l’apparition du syndrome de l’immuno-dificience humaine.
Article 2 : L’Etat est subrogé dans les droits de M. X… à l’égard du FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES sous réserve de l’exercice par le Fonds de l’action subrogatoire prévue par l’article 47-IX de la loi du 31 décembre 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions du FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au FONDS D’INDEMNISATION DES TRANSFUSES ET HEMOPHILES, à M. Alexandre X…, à la caisse primaire d’assurance maladie du Jura et au ministre de l’emploi et de la solidarité.