Conseil d’Etat, 5 / 3 SSR, du 29 juillet 1994, 135102, inédit au recueil Lebon
Conseil d’Etat – 5 / 3 SSR
statuant
au contentieux
N° 135102
Inédit au recueil Lebon
Lecture du vendredi 29 juillet 1994
Rapporteur
Mme Mitjavile
Rapporteur public
Daël
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°), sous le n° 135 102, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat les 9 mars 1992 et 6 juillet 1992, présentés pour la COMMUNE DE GRAND-BOURG-DE-MARIE-GALANTE (Guadeloupe), représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE GRAND-BOURG-DE-MARIE-GALANTE demande au Conseil d’Etat :
– d’annuler le jugement du 17 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé la décision et les arrêtés des 11 mai 1989, 20 mai 1989, 10 janvier 1991 par lesquels le maire de la COMMUNE DE GRAND-BOURG-DE-MARIE-GALANTE a 1°) modifié l’affectation à compter du 18 mai 1989 de Mme Georges X…, 2°) suspendu l’intéressée de ses fonctions, 3°) révoqué Mme X… pour faute grave à compter du 16 janvier 1991 ;
– de rejeter la demande présentée devant les premiers juges par Mme X… devant ce tribunal ;
Vu 2°), sous le n° 139 934, la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 31 juillet 1992, présentée pour Mme Georges X…, demeurant sectionFaup à Grand-Bourg-de-Marie-Galante ; Mme Georges X… demande au Conseil d’Etat de condamner la commune de Grand-Bourg-de-Marie-Galante à une astreinte de 800 F par jour en vue d’assurer l’exécution du jugement susanalysé du tribunal administratif de Basse-Terre en date du 17 décembre 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée par la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 juillet 1984 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret du 15 février 1988 ;
Vu le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 81-501 du 12 mai 1981 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de Mme Mitjavile, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Jacoupy, avocat de la COMMUNE DE GRAND-BOURG-DE-MARIE-GALANTE et de la SCP Guiguet, Bachellier, de la Varde, avocat de Mme Georges X…,
– les conclusions de M. Daël, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées de la COMMUNE DE GRAND-BOURG-DE-MARIE-GALANTE et de Mme Georges X… concernent la situation d’un même agent ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la légalité de la décision du 11 mai 1989 modifiant l’affectation de Mme X… :
Considérant que, par décision en date du 11 mai 1989, le maire a prononcé la mutation de Mme X…, auparavant agent administratif qualifié affectée dans les services de la mairie, en l’affectant aux écoles mixtes 1 et 2 de Grand-Bourg en qualité de sténodactylographe ; que si cette mutation n’a pas eu un caractère disciplinaire, il ressort des pièces du dossier qu’elle a été prononcée moins pour pourvoir aux besoins du service qu’en considérationde faits personnels à l’intéressée ; qu’elle a ainsi présenté le caractère d’un déplacement d’office au sens de l’article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; que cette mesure a été prise sans que Mme X… ait été mise à même de prendre connaissance de son dossier ; qu’il suit de là que cette mutation a été prononcée en méconnaissance de la garantie prévue à l’article 65 susmentionné et est, dès lors, entachée d’excès de pouvoir ;
Sur la légalité de l’arrêté du 20 mai 1989 portant suspension de Mme X… :
Considérant qu’aux termes de l’article 30 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : « En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette infraction peut être suspendu par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’à la date à laquelle a été prononcée, par l’arrêté susmentionné, la suspension de Mme X…, les faits relevés à sa charge présentaient un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier une telle mesure ;
Sur les conclusions de la COMMUNE DE GRAND-BOURG-DE-MARIEGALANTE relatives à l’arrêté du 10 janvier 1991 prononçant la révocation de Mme X… :
Considérant qu’aux termes de l’article 19 de la loi précitée du 13 juillet 1983 : « Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l’Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d’un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté » ; qu’en vertu de l’article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, la sanction disciplinaire de la révocation est classée dans le quatrième groupe ;
Considérant que, par arrêté en date du 10 janvier 1991, le maire de GrandBourg de Marie-Galante a prononcé la révocation de Mme X…, agent administratif qualifié, sans attendre l’avis du conseil de discipline dont il avait demandé la réunion par lettre du 10 octobre 1990 ; que pour suivre cette procédure, le maire s’est fondé sur la circonstance que la réunion du conseil de discipline ne s’était pas tenue dans le délai de deux mois prévu par l’article 13 du décret du 18 septembre 1989 ;
Considérant, d’une part, que si le délai de deux mois imparti au conseil pour donner son avis n’est pas prescrit à peine de nullité, la carence de ce conseil ne saurait avoir pour effet de priver le maire du pouvoir d’exercer ses attributions en matière disciplinaire ; qu’il appartient dans ce cas au maire de mettre le conseil disciplinaire en demeure de se prononcer dans un délai déterminé ; que c’est seulement s’il n’est pas fait droit à cette demande et sauf impossibilité matérielle pour le conseil de se réunir, que le maire est en droit de passer outre à la carence du conseil et de prononcer la sanction sans avis de ce conseil, après avoir invité le fonctionnaire à présenter sa défense ; qu’au cas d’espèce, faute d’avoir suivi cette procédure, le maire a entaché sa décision d’excès de pouvoir ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Basse-Terre a annulé l’arrêté en date du 20 mai 1989 par lequel le maire de Grand-Bourg a suspendu Mme X… de ses fonctions et qu’elle n’est en revanche pas fondée à demander l’annulation du même jugement en tant qu’il a annulé la décision du maire en date du 11 mai 1989 et sonarrêté en date du 10 janvier 1991 ;
Sur les conclusions de Mme X… tendant à l’application de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner la COMMUNE DE GRAND-BOURG-DE-MARIE-GALANTE à payer à Mme X… la somme de 3 000 F qu’elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Sur les conclusions de la requête de Mme X… tendant à la condamnation de la commune au paiement d’une astreinte :
Considérant qu’à la suite du jugement sus-analysé du 17 décembre 1991, le maire a pris, le 10 décembre 1993, un arrêté réintégrant rétroactivement Mme X… dans ses fonctions antérieures à compter du 16 janvier 1991, date à laquelle avait pris effet sa révocation ; que, dans ces conditions, le maire a pris les mesures propres à assurer l’exécution du jugement précité du tribunal administratif de Basse-Terre ; que, dès lors, la requête de Mme X… tendant à ce que la COMMUNE DE GRAND-BOURG-DE-MARIE-GALANTE soit condamnée au paiement d’une astreinte est devenue sans objet ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Basse-Terre est annulé en tant qu’il a annulé la décision du maire deGrand-Bourg-de-Marie-Galante en date du 20 mai 1989 prononçant la suspension de Mme X…. Le surplus des conclusions de la requête susvisée de la COMMUNE DE GRAND-BOURG-DE-MARIE-GALANTE est rejeté.
Article 2 : La commune est condamnée à payer à Mme X… une somme de 3 000 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme X… tendant à la condamnation de la commune au paiement d’une astreinte.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE GRAND-BOURG-DE-MARIE-GALANTE, à Mme Georges X… et au ministre des départements et territoires d’outre-mer.