REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 10 novembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée par M. Frédéric B, professeur agrégé des Facultés de droit, demeurant … ; M. B demande au juge des référés du Conseil d’Etat, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, d’ordonner la suspension :
1°) du décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;
2°) du décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005 relatif à l’application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 ;
il expose que le décret n° 2005-1386 qui déclare l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire métropolitain est illégal ; qu’il méconnaît tout d’abord le principe de nécessité ; qu’en effet, alors que seules quelques centaines de communes ont connu des troubles qui justifient, selon le gouvernement, l’édiction de la mesure critiquée, c’est l’ensemble de la France métropolitaine qui lui est soumis ; qu’en outre, bien que la pratique constante depuis la loi de 1955 a été de limiter la mise en oeuvre de l’état d’urgence à des situations de guerre civile ou de tentative de coup d’état, à aucun moment ce régime d’exception n’a été appliqué à des situations de violence urbaine ; que le décret n°2005-1386 est encore illégal en ce qu’il méconnaît le principe de la proportionnalité des mesures de police ; qu’au cas présent, il apparaît que la raison principale de la déclaration de l’état d’urgence vise à l’institution d’un « couvre feu » ; que la jurisprudence admet la légalité de dispositions en ce sens prises par l’autorité de police sans qu’il soit besoin d’avoir recours à l’état d’urgence ; que le décret n°2005-1387 renforçant l’état d’urgence sur certaines parties du territoire est lui aussi illégal ; qu’il l’est d’abord par voie de conséquence de l’illégalité du décret précédent qui constitue sa base légale ; qu’il l’est ensuite, en raison de son défaut de proportionnalité avec la situation qu’il envisage ; qu’il permet de mettre en oeuvre un régime d’assignation à résidence plus strict que dans le régime de l’état de siège ainsi que des perquisitions sans aucun contrôle de l’autorité judiciaire ; que rien ne permet d’affirmer que l’éviction de cette dernière serait nécessaire au rétablissement de l’ordre public ; que les décrets sont entachés de rétroactivité illégale car ils prévoient une entrée en vigueur le 9 novembre à zéro heure, alors qu’ils ont été publiés au Journal officiel du même jour à une heure qui n’est pas aussi matinale ;
Vu les décrets dont la suspension est demandée ;
Vu, enregistré le 11 novembre 2005 le mémoire en intervention commun aux requêtes n°s 286835 et 286837 présenté par M. Alain D demeurant 75, rue Gabriel Péri au Pré-Saint-Gervais (93310), qui conclut au rejet de la requête ; il fait valoir que sa domiciliation dans le département de Seine-Saint-Denis, zone hautement concernée par les événements actuels, lui confère un intérêt à intervenir ; que les arguments de droit et de fait présentés par le requérant ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décrets contestés ;
Vu, enregistré le 12 novembre 2005 le mémoire en intervention présenté par M. René Georges C, élisant domicile, 2, la Porte Basse, 67118 – Geispolsheim ; M. C conclut à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête de M. B et à ce que lui soit allouée la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, enregistré le 12 novembre 2005 le mémoire en défense présenté par le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire qui conclut au rejet de la requête ; il souligne à titre liminaire qu’il y a lieu de s’interroger sur la question de savoir si la qualité de citoyen donne un intérêt suffisant pour contester un acte de la nature de ceux dont le requérant sollicite la suspension ; que la condition d’urgence exigée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative n’est pas remplie ; que celle-ci doit être appréciée au regard du bilan résultant de la mise en balance de la situation du requérant et de l’intérêt public ayant pu justifier la mesure prise et s’attachant à ce que celle-ci soit immédiatement exécutée ; que le territoire métropolitain de la République est l’objet, depuis le 27 octobre 2005, de violences urbaines d’une exceptionnelle gravité qui se sont développées et propagées avec une ampleur inquiétante et ont affecté jusqu’à 300 communes ; que ces violences, qui touchent sans distinction les personnes et les biens ont également porté des atteintes particulièrement graves à l’intégrité physique des citoyens ainsi qu’à celle des fonctionnaires de la police, des militaires de la gendarmerie, des pompiers ou des médecins en mission ; que les mesures qu’autorise l’institution de l’état d’urgence sont les seules à même d’apporter aux autorités administratives les possibilités d’actions préventives qui leur faisaient défaut dans les circonstances exceptionnelles du moment et sont seules adaptées au rétablissement de l’ordre public ; que, dans ces conditions, l’urgence réside dans l’application complète et immédiate des mesures qui ont été décidées, lesquelles ont, au demeurant, un caractère provisoire ; qu’en tout état de cause, aucun des moyens invoqués n’est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité des décrets ; que, s’agissant du décret du Président de la République, ce dernier ne constitue pas une mesure de police dont le juge administratif contrôlerait la nécessité et la proportionnalité mais un acte qui, dans les circonstances particulières définies à l’article 1er de la loi du 3 avril 1955, organise des extensions de compétence au bénéfice des autorités publiques ; qu’en pareil cas, le contrôle juridictionnel doit porter sur la seule existence des conditions prévues par la loi pour la mise en oeuvre de ce régime juridique ; qu’en l’espèce, les atteintes gravissimes à l’ordre public qui ont été constatées ne sont ni limitées, ni concentrées sur quelques départements ; que le mode de propagation extrêmement rapide de ces actions est une caractéristique de la situation actuelle ; qu’il y a bien un péril imminent pour la paix civile justifiant la déclaration de l’état d’urgence sur l’ensemble du territoire métropolitain ; que, compte tenu des caractéristiques des violences, il n’est guère douteux que des interdictions municipales, par nature limitées du territoire d’une commune et dépourvues d’articulation avec les communes voisines, ne constituent pas une réponse adaptée ; qu’en ce qui concerne, le décret pris par le Premier ministre, le moyen tiré de l’illégalité du décret du Président de la République dont il assure l’application, ne peut, pour les motifs précédemment énoncés être retenu ; que ce décret pas plus que le précédent ne constitue une mesure de police soumise à un contrôle de proportionnalité ; que l’application des perquisitions prévues par le 1° de l’article 11 de la loi répond à la nécessité en cas de tirs ou d’envois de projectiles contre les forces de l’ordre, de permettre de rechercher les armes ayant servi à de telles atteintes en se rendant aux domiciles dont ils proviennent ; que la contestation des deux décrets en tant qu’ils prennent effet le 9 novembre 2005 à zéro heure et non à compter de la diffusion du Journal officiel est dépourvue d’objet dans le cadre d’une demande de suspension présentée le 10 novembre ; qu’en tout cas, les dispositions régissant l’entrée en vigueur immédiate des actes administratifs ont toujours été interprétées comme signifiant que l’acte qui en fait l’objet entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment ses articles 5, 13, 21, 34, 36 et 66 ;
Vu la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 autorisant la ratification de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ensemble le décret n° 74-360 du 3 mai 1974 portant publication de cette convention et des déclarations et réserves ;
Vu la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence modifiée par la loi n° 55-1080 du 7 août 1955 et l’ordonnance n° 60-372 du 15 avril 1960 ;
Vu l’article 1er du code civil ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le décret n° 55-493 du 10 mai 1955 pris pour l’application de l’article 7 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, complété par le décret n° 55-923 du 7 juillet 1955 ;
Vu le code de justice administrative, notamment ses articles L. 511-2, L. 521-1 et L. 761-1 ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, M. Frédéric B, d’autre part, le Premier ministre et le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire ;
Vu le procès-verbal de l’audience publique du samedi 12 novembre 2005 à 11 heures au cours de laquelle, après audition de :
– M. Frédéric B ;
– des représentants du ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire ;
– de M. René Georges C, en sa qualité alléguée d’intervenant en demande ;
– de M. Alain D, en sa qualité alléguée d’intervenant en défense ;
il a été décidé de poursuivre l’instruction jusqu’au lundi 14 novembre 2005 à 14 heures ;
Vu, enregistré le 12 novembre 2005, le mémoire par lequel le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire produit la circulaire du 9 novembre 2005 adressée par le garde des sceaux, ministre de la justice à mesdames et messieurs les procureurs généraux près les cours d’appel et mesdames et messieurs les procureurs de la République près les tribunaux de grande instance ;
Vu, enregistré le 14 novembre 2005, le nouveau mémoire présenté par M. C qui tend aux mêmes fins que son mémoire précédent ; il fait valoir en outre qu’il justifie d’un intérêt à intervenir et met en doute l’authenticité de la circulaire du garde des sceaux du 9 novembre 2005 ;
Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation …, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;
Considérant que les décrets dont la suspension est demandée par M. B sont relatifs à la mise en oeuvre, à compter du 9 novembre 2005 à zéro heure, de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence ;
Sur l’intervention présentée au soutien de la requête par M. C :
Considérant que M. C, qui réside habituellement en Polynésie française, collectivité qui n’est pas incluse dans le champ d’application géographique des décrets contestés, ne justifie pas d’un intérêt pour intervenir au soutien de la requête de M. B ; qu’ainsi, son intervention ne peut être admise ;
Sur l’intervention présentée en défense par M. D :
Considérant que pour justifier la recevabilité de son intervention en défense, M. D fait valoir qu’il est domicilié dans le département de la Seine-Saint-Denis qui a connu des violences urbaines auxquelles les décrets contestés ont pour but de mettre un terme ; qu’au vu de l’intérêt ainsi invoqué son intervention doit être admise ;
Sur la portée des textes dont la suspension est demandée :
Considérant que la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d’urgence prévoit dans son article 1er que celui-ci peut être « déclaré » sur tout ou partie du territoire métropolitain ou des départements d’outre-mer, notamment « en cas de péril imminent résultant d’atteintes graves à l’ordre public » ; que la déclaration, qui initialement était du ressort d’une loi, relève, depuis l’intervention de l’ordonnance n° 60-732 du 15 avril 1960, d’un décret en conseil des ministres lequel, aux termes du premier alinéa de l’article 2 de la loi n° 55-385, « détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur » ; que, du seul fait de sa déclaration l’état d’urgence entraîne de plein droit l’application notamment de l’article 5 de la loi ; que cet article donne pouvoir au préfet : « 1°) D’interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ; 2°) D’instituer, par arrêté, des zones de protection ou de sécurité où le séjour des personnes est réglementé ; 3°) D’interdire le séjour dans tout ou partie du département à toute personne cherchant à entraver, de quelque manière que ce soit, l’action des pouvoirs publics » ;
Considérant en outre que le décret portant déclaration de l’état d’urgence peut, par une disposition expresse, décider la mise en oeuvre en tout ou partie de l’article 11 de la loi ; que le 1° de l’article 11 confère au ministre de l’intérieur et au préfet le pouvoir d’ordonner des perquisitions à domicile de jour et de nuit ;
Considérant que le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi dispose que dans la limite des circonscriptions territoriales ayant fait l’objet de la déclaration, les zones où l’état d’urgence « recevra application » sont fixées par décret ; que l’intervention de ce décret a pour effet de permettre l’adoption de mesures complémentaires prévues notamment aux articles 6 et 8 de la loi ; qu’il lui appartient également de définir la zone d’application des dispositions du 1° de l’article 11 relatives aux perquisitions, au cas où la déclaration d’état d’urgence en a prévu la mise en oeuvre ;
Considérant qu’indépendamment de la gradation des mesures qui peuvent être ainsi prises sous l’empire de l’état d’urgence, le législateur a entendu que l’extension des pouvoirs conférés aux autorités publiques revête un caractère essentiellement temporaire ; qu’à cet égard, le troisième alinéa de l’article 2 de la loi exige que la prorogation de l’état d’urgence au-delà de douze jours ne puisse être autorisée que par la loi ; qu’en vertu de l’article 3, il incombe à la loi autorisant sa prorogation de fixer la durée définitive de l’état d’urgence ; que le premier alinéa de l’article 14 pose en principe que les mesures prises en application de la loi cessent de produire effet en même temps que prend fin l’état d’urgence ;
Considérant que le décret n° 2005-1386 du 8 novembre 2005, délibéré en Conseil des ministres et signé du Président de la République a, par son article 1er, déclaré l’état d’urgence sur le territoire métropolitain à compter du 9 novembre à zéro heure ; qu’il est indiqué à l’article 2 que l’état d’urgence emporte pour sa durée « application du 1° de l’article 11 de la loi » ;
Considérant que le décret n° 2005-1387 du 8 novembre 2005, dont la date d’entrée en vigueur est identique à celle du décret n° 2005-1386 du même jour, dispose qu’en sus des mesures prévues à l’article 5 de la loi du 3 avril 1955 applicables à l’ensemble du territoire métropolitain, peuvent être mises en oeuvre uniquement dans les zones dont la liste figure en annexe du second décret, d’une part, celles mentionnées aux articles 6, 8 et 9 de la loi, qui sont relatives respectivement à l’assignation à résidence de certaines personnes, à la police des réunions et lieux publics et au pouvoir d’ordonner la remise des armes des 1ère, 4ème et 5ème catégories, d’autre part, les dispositions du 1° de l’article 11 ; qu’il est spécifié dans le rapport de présentation au Premier ministre du décret n° 2005-1387 que les mesures qui viendraient à être prises sur son fondement « devront être adaptées et proportionnées aux nécessités locales » ;
Sur l’existence de moyens de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité des décrets :
En ce qui concerne les moyens propres au décret n° 2005-1386 :
Considérant que la loi du 3 avril 1955 a eu pour objet de permettre aux pouvoirs publics de faire face à des situations de crise ou de danger exceptionnel et imminent qui constituent une menace pour la vie organisée de la communauté nationale ; que, dans son texte initial, l’appréciation à porter sur l’opportunité de sa mise en oeuvre était réservée à la représentation nationale ; que, sous l’empire du texte présentement en vigueur, la responsabilité de ce choix incombe au chef de l’Etat, sous réserve, en cas de prorogation au-delà du délai de douze jours de ce régime, de l’intervention du Parlement ; qu’il s’ensuit que le Président de la République dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu lorsqu’il décide de déclarer l’état d’urgence et d’en définir le champ d’application territorial ; que, dans ce contexte et eu égard à l’aggravation continue depuis le 27 octobre 2005 des violences urbaines, à leur propagation sur une partie importante du territoire et à la gravité des atteintes portées à la sécurité publique, ne peuvent être regardés comme étant propres à créer un doute sérieux quant à la légalité du décret n° 2005-1386 les moyens tirés par le requérant de ce que la déclaration de l’état d’urgence n’était pas nécessaire sur l’ensemble du territoire métropolitain, de ce que la pratique suivie depuis l’adoption de la loi de 1955 conduit à limiter la mise en oeuvre de l’état d’urgence à des situations de guerre civile ou de tentative de coup d’Etat et enfin, de la méconnaissance du principe de proportionnalité dès lors que l’autorité de police n’a pas épuisé tous les autres moyens à sa disposition ;
En ce qui concerne les moyens propres au décret n° 2005-1387 :
Quant au moyen tiré de l’illégalité de ce décret par voie de conséquence de celle du décret n° 2005-1386 :
Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que le moyen tiré de ce que le décret signé par le Premier ministre serait dépourvu de base légale en raison de l’illégalité du décret qui lui sert de fondement, ne peut davantage être pris en considération ;
Quant aux autres moyens propres au décret n° 2005-1387 :
Considérant que le requérant critique encore le défaut de proportionnalité des mesures autorisées par le décret avec la situation qu’il envisage dès lors que le régime d’assignation à résidence est plus strict que dans le régime de l’état de siège et qu’aucun contrôle de l’autorité judiciaire n’est prévu en cas de perquisitions ;
Considérant que dans son article 7 la loi du 3 avril 1955 a institué des garanties particulières au bénéfice des personnes faisant l’objet, soit d’une interdiction de séjour dans un département sur le fondement du 3°) de l’article 5, soit d’une assignation à résidence en application de l’article 6 ; que l’examen d’un recours gracieux formé à l’encontre d’une de ces mesures doit être précédé de l’avis d’une commission départementale où siègent des représentants du conseil général ; qu’il incombe aux autorités compétentes de pourvoir à la constitution effective de cette instance aux fins d’assurer que l’application concrète des articles 5 (3°) et 6 sera assortie des garanties prescrites par la loi, lesquelles ont vocation à être mises en oeuvre sans préjudice des dispositions du même article 7 imposant en cas de recours contentieux, au juge administratif, de se prononcer à bref délai ;
Considérant que les perquisitions autorisées par le 1° de l’article 11 de la loi devaient à l’origine être effectuées suivant les modalités définies par les dispositions alors en vigueur de l’article 10 du code d’instruction criminelle conférant au préfet des pouvoirs de police judiciaire, auquel a succédé l’article 30 du code de procédure pénale ; que l’abrogation de cet article par la loi n° 93-2 du 4 janvier 1993 n’a pas eu pour conséquence de soustraire au contrôle de l’autorité judiciaire l’exercice par le ministre de l’intérieur ou le préfet de missions relevant de la police judiciaire ;
Considérant qu’eu égard tout à la fois à la circonstance que les mesures dont l’application est autorisée par le décret n° 2005-1387 ont pour fondement une loi dont il n’appartient pas à la juridiction administrative d’apprécier la constitutionnalité, à la limitation de leur application aussi bien dans le temps que dans l’espace ainsi qu’au contrôle dont leur mise en oeuvre est assortie, le moyen susanalysé, pris en ses diverses branches, n’est pas de nature à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité du décret litigieux ;
En ce qui concerne le moyen commun aux deux décrets tiré de la date de leur prise d’effet :
Considérant qu’après avoir visé l’article 1er du code civil dont le deuxième alinéa autorise le gouvernement à prévoir l’entrée en vigueur d’un décret dès sa publication au Journal officiel, le décret n° 2005-1386 a déclaré l’état d’urgence « à compter du 9 novembre 2005, à zéro heure », tout en prescrivant son entrée en vigueur « immédiatement » ; que le décret n° 2005-1387 énonce qu’il entrera en vigueur dans les mêmes conditions ;
Considérant que M. B demande la suspension des décrets en tant qu’ils prennent effet le 9 novembre 2005 à zéro heure et non à compter de la diffusion du Journal officiel daté du 9 novembre 2005 où ils ont été publiés ;
Considérant que, contrairement à ce qui est soutenu par l’administration, la circonstance que la requête aux fins de suspension a été introduite postérieurement à l’entrée en vigueur des décrets ne prive pas de son objet la contestation relative à leur entrée en vigueur dès lors que la date et l’heure retenus permettent de fixer avec précision la durée du délai de douze jours au-delà duquel l’état d’urgence ne peut être maintenu sans l’assentiment du Parlement ;
Considérant toutefois, que, compte tenu des dispositions de l’article 1er du code civil, le moyen invoqué ne paraît pas propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décrets sur ce point ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède et sans qu’il soit besoin pour le juge des référés de se prononcer sur le point de savoir si la condition d’urgence posée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie, que les conclusions de la requête de M. B doivent être rejetées ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L’intervention de M. Alain D est admise.
Article 2 : L’intervention de M. René Georges n’est pas admise.
Article 3 : La requête de M. Frédéric B est rejetée.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à MM. Frédéric B, Alain D et René Georges C ainsi qu’au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire et au Premier ministre.