REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1° la requête enregistrée le 3 juillet 1981 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat sous le n° 35 374, présentée pour la Société CITRA-FRANCE, dont le siège est situé … à Vélizy-Villacoublay 78140 , agissant par ses représentants légaux en exercice demeurant audit siège en son nom et en qualité de représentant du groupement des entreprises CITRA-FRANCE, Chimique de la route et Renaudin et pour la Société chimique de la route dont le siège est situé à Vélizy-Villacoublay, …, agissant par ses représentants légaux en exercice demeurant audit siège et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
– annule le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 20 mai 1981 en tant que dans la définition de la mission de l’expert relative aux chefs de réclamation 5, 6 et 7 des entreprises le tribunal a fait allusion à un éventuel « bouleversement de l’économie du contrat » ;
Vu 2° la requête enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 15 avril 1983, sous le n° 50 006, présentée pour la Société CITRA-FRANCE agissant par ses représentants légaux en exercice demeurant au siège de la société, agissant tant en son nom qu’en qualité de représentant du groupement des entreprises CITRA-FRANCE, Chimique de la route et Renaudin, pour la Société chimique de la route, agissant par ses représentants légaux en exercice demeurant au siège de la société et pour la Société Renaudin, dont le siège est 10 rue Port Mahon à Paris 75001 , agissant par ses représentants légaux en exercice demeurant audit siège et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1° réforme le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 février 1983 en tant qu’il a condamné l’Etat à leur verser, en réparation des préjudices résultant pour elles de l’exécution du marché passé avec l’Etat pour la construction d’une section de l’autoroute A 86, une indemnité d’un montant insuffisant ;
2° condamne l’Etat à leur verser une indemnité d’un montant de 20 156 006,20 F avec les intérêts et la capitalisation des intérêts ;
3° subsidiairement leur accorde, après correction de son montant, l’indemnité retenue par l’expert ;
4° plus subsidiairement leur accorde l’indemnité d’un montant de 4 608 664 F retenue par l’expert ;
5° énonce que la taxe sur la valeur ajoutée sera calculée au taux en vigueur à la date du versement de l’indemnité ;
Vu 3° le recours sommaire du ministre des transports enregistré le 19 avril 1983 sous le n° 50 065 et tendant à ce que le Conseil d’Etat :
1° annule le jugement du tribunal administratif de Paris en date du 2 février 1983 ;
2° rejette la demande d’indemnité des entreprises ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des tribunaux administratifs ;
Vu le décret du 30 juillet 1963 ;
Vu l’ordonnance du 31 juillet 1945 et le décret du 30 septembre 1953 ;
Vu la loi du 30 décembre 1977 ;
Après avoir entndu :
– le rapport de M. Faure, Maître des requêtes,
– les observations de Me Boulloche, avocat de la Société CITRA-FRANCE et autres,
– les conclusions de Mme de Clausade, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les deux requêtes présentées par le groupement d’entreprises constitué par la Société CITRA-FRANCE, la Société chimique de la route et la Société Renaudin et le recours du ministre des transports sont relatifs à un même marché de travaux publics passé entre l’Etat et le groupement d’entreprises pour la construction de la section de l’autoroute A 86 comprise entre le carrefour du Petit-Clamart et la rue des Marguerites à Antony ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’ils fassent l’objet d’une seule décision ;
En ce qui concerne la requête n° 35 374 dirigée contre le jugement avant dire-droit du 20 mai 1981 par lequel le tribunal a ordonné une expertise :
Sur la fin de non-recevoir soulevée par le ministre :
Considérant que le ministre n’est pas fondé à soutenir que le groupement d’entreprises requérant ne serait pas recevable à faire appel d’un jugement avant dire-droit ;
Sur les conclusions de la requête :
Considérant que l’article 4-0 du cahier des prescriptions spéciales applicable au marché stipule que « les travaux seront payés aux prix d’application unitaires portés au bordereau des prix et appliqués aux quantités d’ouvrages réellement exécutées et constatées par attachement contradictoires… » ; qu’ainsi c’est à tort que les premiers juges ont estimé que le marché avait été conclu à prix forfaitaire et en ont déduit que les sujétions imprévues invoquées par le groupement d’entreprises ne pouvaient donner lieu à indemnités que si elles avaient eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat ; qu’il suit de là que le groupement d’entreprises est fondé à demander l’annulation du jugement du 20 mai 1981 en tant qu’il a déclaré que le marché était à forfait ;
Considérant, toutefois, que si les premiers juges ont, par voie de conséquence, donné notamment pour mission à l’expert, en ce qui concerne les travaux de terrassements, les travaux routiers et les travaux d’assainissement, de « fournir tous éléments permettant d’apprécier si les sujétions imprévues à retenir ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat », ils demandaient également à l’expert de « rechercher et dire si l’entreprise a rencontré des difficultés techniques d’exécution… non prévues au marché et qui n’étaient pas raisonnablement prévisibles, et de dire en quoi elles ont consisté » ; que la mission ainsi définie devait conduire l’expert à rechercher et à fournir aux premiers juges les éléments qui leur étaient nécessaires pour se prononcer sur la demande d’indemnités des entreprises, alors même que l’octroi de ces indemnités n’était pas subordonné au bouleversement de l’économie du marché ; que, dès lors, le groupement d’entreprises n’est pas fondé à demander l’annulation du jugement en tant qu’il a ordonné une expertise sur les difficultés techniques qu’auraient rencontrées les entreprises dans l’exécution des travaux de terrassements, des travaux routiers et des travaux d’assainissement prévus au marché ;
En ce qui concerne la requête du groupement d’entreprises et le recours du ministre dirigés contre le jugement du 2 février 1983 :
Sur les conclusions du groupement d’entreprises tendant à ce qu’il soit donné acte du désistement du ministre de son recours :
Considérant qu’aux termes de l’alinéa 2 de l’article 53-3 du décret n° 63-766 du 30 juillet 1963, modifié par le décret n° 81-29 du 16 janvier 1981 : « Lorsque la requête ou le recours mentionne l’intention du requérant ou du ministre de présenter un mémoire complémentaire, la production annoncée doit parvenir au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat dans un délai de quatre mois à compter de la date à laquelle la requête a été enregistrée. Si ce délai n’est pas respecté, le requérant ou le ministre est réputé s’être désisté à la date de l’expiration de ce délai, même si le mémoire complémentaire a été ultérieurement produit. Le Conseil d’Etat donne acte de ce désistement » ;
Considérant que si par un recours sommaire, enregistré le 19 avril 1983, le ministre des transports a exprimé l’intention de produire un mémoire complémentaire, aucun mémoire n’a été déposé par celui-ci au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat avant l’expiration du délai de quatre mois imparti par les dispositions précitées de l’article 53-3 du décret du 30 juillet 1963 modifié ; que la circonstance que le ministre a fait connaître le 4 août 1983 qu’il entendait renoncer à la production du mémoire complémentaire annoncé ne fait pas obstacle à l’application desdites dispositions ; qu’ainsi le ministre des transports doit être réputé s’être désisté de son recours ; qu’il y a lieu, dès lors, de donner acte de son désistement ;
En ce qui concerne les pénalités de retard :
Considérant qu’aux termes de l’article 37-1° du cahier des prescriptions communes applicable au marché : « sauf dispositions contraires du CPS, le maître de l’ouvrage habilité procède aux opérations de réception provisoire de l’ouvrage dans le délai de 30 jours suivant la date de réception de la lettre recommandée par laquelle l’entrepreneur l’informe de la date d’achèvement des travaux. Si elle est prononcée, la réception provisoire prend effet à partir de la date réelle d’achèvement des travaux » ;
Considérant que le groupement d’entreprises a, par lettre recommandée du 21 avril 1975, demandé à l’administration de prononcer la réception provisoire des ouvrages ; que cette réception a eu lieu le 12 mai suivant ; que la circonstance que l’administration « n’a pas rejeté » la demande du 21 avril 1975 ne saurait avoir eu pour conséquence de faire prendre effet à la réception provisoire à la date de cette demande ; qu’il ne résulte pas, par ailleurs, de l’instruction que l’ensemble des travaux prévus au marché étaient terminés avant le 12 mai 1975 ; qu’il suit de là que le retard dans l’exécution du marché n’étant imputable ni à un fait de l’administration, ni à un cas de force majeure, les pénalités étaient applicables aux entreprises pour la période du 18 avril 1975, date à laquelle les travaux devaient être achevés, et le 12 mai 1975, date de la réception provisoire ; que, dès lors, les entreprises ne sont pas fondées à demander à être déchargées même partiellement de ces pénalités ; qu’elles ne sauraient, par ailleurs, utilement demander au juge administratif, sur le fondement des dispositions de l’article 1152 du code civil, la réduction du taux desdites pénalités ;
En ce qui concerne les ouvrages d’art :
Sur les charges extracontractuelles supportées par les entreprises :
Considérant, en premier lieu, qu’un accord est intervenu le 25 janvier 1974, entre le maître de l’ouvrage et les entreprises, à la demande de celles-ci, pour fixer le prix des travaux de construction des murs de soutènement ; que cet accord comportait une clause de révision des prix applicable si le délai d’exécution desdits travaux, dont le terme était fixé au 30 avril 1974, était dépassé pour des raisons indépendantes de la volonté des entreprises ; que, compte tenu de l’importance limitée, en raison de l’application de la clause de révision des prix, des charges extracontractuelles invoquées au titre de l’exécution des travaux en cause, les hausses de prix des matières premières qui se sont produites à partir de la fin de l’année 1973 n’ont pas eu pour effet de bouleverser l’économie du marché ; qu’il y a lieu, dès lors, de confirmer sur ce point le jugement du tribunal qui n’est pas entaché de contradiction de motifs ;
Considérant, en second lieu, qu’il ne résulte pas davantage de l’instruction que les difficultés d’approvisionnement en ciment résultant de la grève des cimenteries qui a eu lieu au cours du mois de décembre 1973 aient eu pour effet, eu égard à l’importance limitée du préjudice subi de ce chef par les entreprises, de bouleverser l’économie du marché ;
Sur les sujétions imprévues supportées par les entreprises :
Considérant que s’il n’est pas contesté que les pluies tombées sur la région parisienne pendant les mois de septembre et d’octobre 1974 ont revêtu par leur importance un caractère exceptionnel et imprévisible, il résulte de l’instruction et notamment du rapport d’expertise que ces pluies n’ont pas eu d’incidence sur la réalisation des ouvrages d’art ;
En ce qui concerne les travaux de terrassement, les travaux routiers et les travaux d’assainissement :
Considérant, en premier lieu, qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’en fixant à 350 000 F le montant de l’indemnité accordée au groupement d’entreprises en réparation des préjudices