Vu la requête, enregistrée le 21 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la COMMUNE DE MARMANDE, représentée par son maire ; la COMMUNE DE MARMANDE demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler le décret du 28 août 2006 supprimant le régime de la police d’Etat sur son territoire ainsi que sur celui de la commune de Mauvezin-sur-Gupie, dans le Lot-et-Garonne ; 2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré présentée le 5 décembre 2007 pour la COMMUNE DE MARMANDE ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 ;
Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique : – le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur, – les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de la COMMUNE DE MARMANDE, – les conclusions de M. Jean-Philippe Thiellay, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant, en premier lieu, que la COMMUNE DE MARMANDE ne saurait utilement soutenir que le décret du 28 août 2006 supprimant le régime de la police d’Etat sur son territoire ainsi que sur celui de la commune de Mauvezin-sur-Gupie aurait été pris sans que la procédure prévue par les dispositions de l’article 24-1 du décret du 10 mai 1982 ait été mise en oeuvre dès lors que ces dispositions ont été abrogées par celles de l’article 87 du décret du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l’organisation et à l’action des services de l’Etat dans les régions et départements ; Considérant, en second lieu, que l’article 25 du décret du 29 avril 2004 ne prévoit la réalisation d’une étude d’impact et la consultation des comités techniques paritaires compétents qu’en cas de fusion de services déconcentrés ; que le décret attaqué n’ayant pas une telle portée, il n’entre pas dans le champ d’application de cet article ; que, dès lors, et alors même que l’administration a pu choisir de respecter certaines des dispositions de l’article 25, notamment la réalisation d’un document intitulé « étude d’impact », l’administration n’était pas tenue de respecter cette procédure ; qu’il s’ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 25 du décret du 29 avril 2004 est inopérant et doit être écarté ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 2214-1 du code général des collectivités territoriales : « Le régime de la police d’Etat peut être établi dans une commune en fonction de ses besoins en matière de sécurité. Ces besoins s’apprécient au regard de la population permanente et saisonnière, de la situation de la commune dans un ensemble urbain et des caractéristiques de la délinquance. / Il est institué par arrêté conjoint des ministres compétents lorsque la demande émane du conseil municipal ou en cas d’accord de celui-ci, par décret en Conseil d’Etat dans le cas contraire. / La suppression du régime de la police d’Etat dans une commune est opérée dans les mêmes formes et selon les mêmes critères. / Un décret en Conseil d’Etat fixe les modalités d’application du présent article » ; qu’aux termes de l’article R. 2214-2 du même code : « Le régime de la police d’Etat peut être établi dans une commune ou dans un ensemble de communes formant un ensemble urbain lorsque les deux conditions suivantes sont remplies : / 1° La population de la commune ou de l’ensemble de communes, appréciée en tenant compte de l’importance de la population saisonnière, est supérieure à 20 000 habitants ; / 2° Les caractéristiques de la délinquance sont celles des zones urbaines. / Il est établi par arrêté (…) lorsque la demande émane du conseil municipal ou en cas d’accord de celui-ci, et à défaut par décret en Conseil d’Etat » ; que selon l’article R. 2214-3 : « Le régime de la police d’Etat peut être supprimé dans les mêmes formes que celles prévues à l’article R. 2214-2 pour son établissement lorsque les conditions posées à cet article ne sont pas remplies » ; qu’il résulte de ces dispositions que le régime de la police d’Etat peut être supprimé sur le territoire d’une ou de plusieurs communes soit lorsque la population de cette commune ou de cet ensemble de communes est inférieure à 20 000 habitants, soit lorsque les caractéristiques de la délinquance sur le territoire de cette commune ou de cet ensemble de communes ne sont pas celles des zones urbaines ;
Considérant que, à supposer même que les communes de Marmande et de Mauvezin-sur-Gupie, qui constituent le territoire de la circonscription de sécurité publique dont la suppression a été prononcée par le décret attaqué, fassent partie d’un ensemble urbain comportant d’autres communes, seule la population de ces deux communes devait être prise en compte pour apprécier la condition auxquelles les dispositions combinées du 1° de l’article R. 2214-2 et de l’article R. 2214-3 subordonnent la possibilité d’y supprimer le régime de la police d’Etat, dès lors que ce régime n’avait pas été instauré dans les autres communes ; qu’il est constant que, à la date du décret attaqué, la population des communes de Marmande et de Mauvezin-sur-Gupie était inférieure au seuil de 20 000 habitants fixé par ces dispositions ; que, la condition posée par celles-ci n’étant ainsi pas remplie, le régime de la police d’Etat pouvait être légalement supprimé sur le territoire de Marmande et Mauvezin-sur-Gupie, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre condition posée au 2° de l’article R. 2214-2 ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE MARMANDE n’est pas fondée à demander l’annulation du décret du 28 août 2006 supprimant le régime de la police d’Etat sur son territoire ainsi que sur celui de la commune de Mauvezin-sur-Gupie ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E : ————–
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE MARMANDE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MARMANDE, au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales, au ministre de la défense et au Premier ministre. Copie en sera adressée pour information à la commune de Mauvezin-sur-Gupie.