Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 21 janvier et 23 février 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés par M. R. A…, demeurant … ; M. R. A. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la décision du 30 novembre 1998 par laquelle le président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire a rejeté sa demande tendant à obtenir l’enregistrement sonore ou audiovisuel des débats relatifs à l’appel qu’il a interjeté le 11 septembre 1998 devant ce conseil contre une décision de la section disciplinaire du Conseil d’administration de l’Université Panthéon-Assas (Paris II) en date du 7 juillet 1998 ;
2°) d’autoriser cet enregistrement ;
3°) d’enjoindre, au besoin sous astreinte, au président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire de prendre toute mesure nécessaire à cet enregistrement ;
4°) de condamner l’Etat, ou à défaut l’Université Panthéon-Assas (Paris II), à lui verser la somme de 100 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 85-699 du 11 juillet 1985 modifiée tendant à la constitution d’archives audiovisuelles de la justice ;
Vu le décret n° 86-74 du 15 janvier modifié pris pour l’application de la loi n° 85-699 du 11 juillet 1985 ;
Vu le décret n° 90-1011 du 14 novembre 1990 modifié relatif au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire ;
Vu le décret n° 92-657 du 13 juillet 1992 relatif à la procédure disciplinaire dans les établissements publics d’enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministre chargé de l’enseignement supérieur ;
Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953, la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée par la loi n° 95-125 du 8 février 1995 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
– le rapport de M. Mion, Maître des Requêtes,
– les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 30 novembre 1998 :
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 11 juillet 1985 : « Les audiences publiques devant les juridictions de l’ordre administratif ou judiciaire peuvent faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel ou sonore dans les conditions prévues par la présente loi lorsque cet enregistrement présente un intérêt pour la constitution d’archives historiques de la justice » ;
Considérant que, pour rejeter la demande de M. X… tendant à obtenir l’enregistrement sonore ou audiovisuel des débats relatifs à son appel interjeté devant le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire, son président s’est fondé sur les dispositions du premier alinéa de l’article 14 du décret du 14 novembre 1990 aux termes desquelles les séances du conseil ne sont pas publiques ;
Considérant que le paragraphe 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales stipule : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsqueles intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice » ;
Considérant qu’en vertu des articles 40 et 41 du décret du 13 juillet 1992, les sanctions disciplinaires applicables aux usagers des établissements publics d’enseignement supérieur comportent notamment l’exclusion définitive de tout établissement public d’enseignement supérieur et l’interdiction définitive de passer tout examen conduisant à un titre ou diplôme délivré par un tel établissement ; que ces sanctions sont de nature à priver l’intéressé de la liberté d’accéder aux professions soumises à une condition de diplôme, laquelle revêt le caractère d’un droit civil au sens des stipulations précitées du 1 de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’ainsi les dispositions de l’article 14 du décret du 14 novembre 1990, prévoyant que les séances des formations de jugement du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche ne sont pas publiques, méconnaissent lesdites stipulations ; que M. X… est, dès lors, fondé à soutenir qu’en se fondant sur ces dispositions pour rejeter sa demande, le président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche a pris une décision entachée d’erreur de droit ; que le requérant est dès lors fondé à en demander l’annulation ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d’Etat autorise l’enregistrement demandé :
Considérant que lesdites conclusions ne sont pas au nombre de celles dont il appartient à la juridiction administrative de connaître ;
Sur les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint, au besoin sous astreinte, au président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire de prendre toute mesure nécessaire à l’enregistrement refusé :
Considérant qu’aux termes de l’article 6-1 de la loi du 16 juillet 1980, issu de la loi du 8 février 1995 : « Lorsqu’il règle un litige au fond par une décision qui implique nécessairement une mesure d’exécution dans un sens déterminé, le Conseil d’Etat, saisi de conclusions en ce sens, prescrit cette mesure et peut assortir sa décision d’une astreinte à compter d’une date qu’il détermine » ; qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 11 juillet 1985 susvisée : « L’autorité compétente pour décider l’enregistrement de l’audience est : (…) 2° Pour les juridictions de l’ordre administratif, le vice-président pour le Conseil d’Etat et, pour toute autre juridiction, le président de celle-ci » ; qu’il incombe au président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire de se prononcer de nouveau sur la demande d’enregistrement formée par M. X… ; que la présente décision n’implique pas nécessairement qu’il soit donné une suite favorable à cette demande ; que, dès lors, les conclusions de M. X… tendant à ce que le Conseil d’Etat enjoigne au président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire de prendre toute mesure nécessaire à l’enregistrement refusé ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions de M. X… tendant à l’application des dispositions de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l’Etat à payer à M. R. A… la somme de 200 F qu’il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions de M. X… tendant à écarter l’application des dispositions de l’article 1089 B du code général des impôts :
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il est fait droit à la demande de M. X… au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens compte tenu du droit de timbre acquitté par lui en vertu de l’article 1089 B du code général des impôts ; qu’il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à écarter l’application de ces dispositions ;
Article 1er : La décision du 30 novembre 1998 par laquelle le président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire a rejeté la demande de M. R. A…. tendant à obtenir l’enregistrement sonore ou audiovisuel des débats relatifs à l’appel interjeté par lui le 11 septembre 1998 devant le conseil contre une décision de la section disciplinaire du Conseil d’administration de l’Université Panthéon-Assas (Paris II) en date du 7 juillet 1998 est annulée.
Article 2 : L’Etat versera à M. R. A… la somme de 200 F au titre de l’article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. R. A… tendant à ce que soit écartée l’application des dispositions de l’article 1089 B du code général des impôts.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. R. A… est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. R. A…, au président du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche statuant en matière disciplinaire, au président de l’Université Panthéon-Assas (Paris II), au Premier ministre et au ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie.