REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 13 avril 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP, dont le siège est Haret Hreik-Abed Al-Nour Y…. P.O. X… 354/25 à Beyrouth, Liban, représentée par son président directeur général en exercice ; la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP demande au Conseil d’Etat d’annuler la décision du 17 décembre 2004 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a prononcé, à titre de sanction, la résiliation unilatérale de la convention conclue avec elle le 19 novembre 2004 pour la diffusion du service de télévision dénommé « Al Manar » ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la directive 89/552/CEE du Conseil des communautés européennes du 3 octobre 1989 visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres relative à l’exercice d’activités de radiodiffusion audiovisuelle, modifiée par la directive 97/36/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 1997 ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée, notamment par la loi n° 2000719 du 1er août 2000, la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 et la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004, ensemble les décisions du Conseil constitutionnel relatives à l’appréciation de la conformité de ces lois à la Constitution ;
Vu le décret n°89-518 du 26 juillet 1989 modifié ;
Vu l’ordonnance n° 269813 rendue le 20 août 2004 par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat ;
Vu l’ordonnance n° 274 757 rendue le 13 décembre 2004 par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Thomas Campeaux, Maître des Requêtes ;
– les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP ;
– les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’aux termes de l’article 43-2 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2000 : « La présente loi est applicable aux services de télévision dont l’exploitant (…) relève de la compétence de la France en application des critères prévus à l’article 43-4 (…) » ; que relèvent notamment de la compétence de la France, en application des dispositions du b) de l’article 43-4, les exploitants de services de télévision qui, n’utilisant pas une fréquence accordée par un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l’accord sur l’Espace économique européen, utilisent une capacité satellitaire relevant de la France ; qu’aux termes du premier alinéa du I de l’article 33-1 de la même loi, dans sa rédaction issue en dernier lieu de la loi du 9 juillet 2004 : « Les services de radio et de télévision qui ne consistent pas en la reprise intégrale et simultanée soit d’un service fourni par une société mentionnée à l’article 44 pour l’exercice des missions visées à l’article 43-11, par la chaîne visée à l’article 45-2 ou par la chaîne culturelle européenne issue du traité signé le 2 octobre 1990 et diffusé par voie hertzienne terrestre, soit d’un service bénéficiaire d’une autorisation en application des articles 29, 29-1, 30, et 30-1, (…) ne peuvent être diffusés qu’après qu’a été conclue avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel une convention définissant les obligations particulières à ces services » ; que le troisième alinéa du I du même article prévoit que cette convention « définit, dans le respect des règles générales fixées en application de la présente loi et notamment de son article 33, les obligations particulières au service considéré ainsi que les prérogatives et les pénalités contractuelles dont dispose le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour assurer le respect des obligations conventionnelles (…) » ;
Considérant, par ailleurs, qu’aux termes des deux premiers alinéas de l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 21 juin 2004 : « La communication au public par voie électronique est libre./ L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la protection de l’enfance et de l’adolescence, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale, par les exigences de service public, par les contraintes techniques inhérentes aux moyens de communication, ainsi que par la nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle » ; que le dernier alinéa de l’article 15 de la même loi dispose que le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille « à ce que les programmes ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité » ;
Considérant qu’aux termes de l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2004 : « Les éditeurs et distributeurs de services de radio ou de télévision (…) peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires (…) » ; que l’article 42-1 de la même loi, dans sa rédaction issue de la loi du 21 juin 2004, prévoit que si la personne faisant l’objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, une sanction pouvant aller jusqu’au retrait de l’autorisation dont elle dispose ou à la résiliation unilatérale de la convention passée avec elle ; qu’en vertu des dispositions de l’article 42-8 de la même loi, les éditeurs et les distributeurs de services de communication audiovisuelle peuvent former un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat contre les décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel prises en application notamment de l’article 421 de cette loi ;
Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2004 : « En cas de manquement aux obligations résultant des dispositions de la présente loi et pour l’exécution des missions du Conseil supérieur de l’audiovisuel, son président peut demander en justice qu’il soit ordonné à la personne qui en est responsable de se conformer à ces dispositions, de mettre fin à l’irrégularité ou d’en supprimer les effets. Cette demande peut avoir pour objet de faire cesser la diffusion, par un opérateur satellitaire, d’un service de télévision relevant de la compétence de la France dont les programmes portent atteinte à l’un au moins des principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15./ La demande est portée devant le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat qui statue en référé et dont la décision est immédiatement exécutoire. Il peut prendre, même d’office, toute mesure conservatoire et prononcer une astreinte pour l’exécution de son ordonnance (…) » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP, société de droit libanais dont le siège est à Beyrouth (Liban), édite un service de télévision dénommé « Al Manar » dont la diffusion par satellite, au sein d’un ensemble de services de télévision, est assurée par l’organisation Arabsat qui a son siège en Arabie Saoudite ; qu’à partir de l’année 2000, ce service a été diffusé en Europe et notamment en France au moyen de la capacité mise contractuellement à la disposition de l’organisation Arabsat par un autre opérateur de réseaux satellitaires, la société de droit français Eutelsat ; que bien que l’utilisation d’une capacité satellitaire relevant de la France ait ainsi eu pour conséquence, en application des dispositions combinées des articles 43-2 et 43-4 de la loi du 30 septembre 1986, de faire regarder le service « Al Manar » comme un service de télévision relevant de la compétence de la France au sens de ces dispositions, sa diffusion est intervenue sans que la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP ait conclu avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel la convention prévue à l’article 33-1 de ladite loi ;
Considérant qu’à la suite de la diffusion sur la chaîne « Al Manar », en octobre et novembre 2003, d’une série d’émissions présentant un caractère antisémite, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel a saisi le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat sur le fondement des dispositions précitées de l’article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986, dans sa rédaction issue de la loi du 9 juillet 2004, pour qu’il soit mis fin à la diffusion de ce service par la société Eutelsat ; que par une ordonnance du 20 août 2004, le président de la section du contentieux a jugé que ces émissions portaient atteinte à l’un au moins des principes mentionnés aux articles 1er, 3 ou 15 de cette loi, et a ordonné à la société Eutelsat de faire cesser la diffusion du service « Al Manar » sur ses satellites, à défaut de présentation par la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP d’un dossier de demande de convention avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel ou en cas de rejet d’une telle demande par ce dernier ;
Considérant qu’à la suite de cette ordonnance, la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP a demandé le 21 septembre 2004 au Conseil supérieur de l’audiovisuel la conclusion d’une convention sur le fondement des dispositions précitées de l’article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986 ; qu’au cours de l’instruction de cette demande, le Conseil a attiré l’attention des responsables de la chaîne sur le fait que plusieurs émissions diffusées depuis l’intervention de l’ordonnance du 20 août 2004, présentant sous un jour favorable des attentats perpétrés contre des populations civiles ou incitant des enfants à des actions violentes contre l’armée israélienne, présentaient un contenu de nature à porter atteinte aux principes mentionnés aux articles 1er et 15 de la loi du 30 septembre 1986 ; que la convention définissant les obligations particulières au service « Al Manar » a été signée le 19 novembre 2004 entre la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, pour une durée d’un an ; qu’en application des dispositions précitées du troisième alinéa du I de l’article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986, cette convention prévoit à ses articles 4-3-1 et 4-3-2 que le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut mettre l’éditeur en demeure de respecter les stipulations figurant dans la convention et ses avenants et que, sans préjudice des sanctions prévues aux articles 42-1 et suivants de la loi du 30 septembre 1986, il peut, si l’éditeur ne se conforme pas aux mises en demeure et compte tenu de la gravité du manquement, prononcer une sanction pouvant aller jusqu’à la résiliation unilatérale de la convention ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que lors de la revue de presse diffusée sur la chaîne « Al Manar » le 23 novembre 2004, un intervenant présenté comme un « expert » a fait état de « tentatives sionistes pour transmettre des maladies dangereuses, à travers les exportations aux pays arabes, comme le sida » ; que, le même jour, la chaîne a diffusé un programme intitulé « Des hommes qui ont tenu parole », mettant en valeur l’action qualifiée de « martyre » des auteurs d’attentats-suicides commis contre des Israéliens ; que le Conseil supérieur de l’audiovisuel, à la suite de la diffusion de ces deux émissions, a mis en demeure la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP, le 30 novembre 2004, sur le fondement des dispositions précitées de l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986 et des stipulations de l’article 4-3-1 de la convention du 19 novembre 2004, de respecter l’article 15 de la loi et les articles 2-3-1 et 2-3-3 de la convention ; que son président a saisi le même jour le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat sur le fondement des dispositions précitées de l’article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 ; que, par une ordonnance du 13 décembre 2004, ce dernier a jugé que les deux émissions incriminées, s’inscrivant dans une perspective militante comportant des connotations antisémites, avaient constitué des manquements d’une particulière gravité aux dispositions de l’article 15 de la loi qui prohibent la diffusion de tout programme contenant une incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de religion ou de nationalité ; qu’il a en conséquence enjoint à la société Eutelsat de faire cesser la diffusion sur ses satellites du service de télévision « Al Manar » au plus tard à l’expiration d’un délai de 48 heures à compter de la notification de cette ordonnance ; que cette diffusion a cessé dès le lendemain 14 décembre ;
Considérant enfin qu’à la suite de nouveaux propos tenus à l’antenne le 2 décembre 2004 et au terme de la procédure de sanction prévue à l’article 42-7 de la loi du 30 septembre 1986, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, par une décision du 17 décembre 2004, a résilié unilatéralement la convention conclue le 19 novembre 2004 avec la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP, à titre de sanction prise sur le fondement des dispositions de l’article 42-1 de la loi et des stipulations de l’article 4-3-2 de cette même convention ; que la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP demande l’annulation de cette décision ;
Sur les conclusions à fin de non-lieu présentées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel :
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986 que la procédure qu’elles instituent, qui vise à contraindre un opérateur à respecter ses obligations résultant de cette loi par la prescription de mesures, en urgence et au besoin sous astreinte, par le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat statuant en référé sur saisine du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel, est distincte de la mise en oeuvre de la procédure prévue aux articles 42 à 42-7 de la même loi qui tend au prononcé d’une sanction administrative par le Conseil supérieur de l’audiovisuel ; qu’ainsi et contrairement à ce que soutient le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la circonstance que le président de la section du contentieux a ordonné à la société Eutelsat de faire cesser la diffusion du service « Al Manar » sur ses satellites, par l’ordonnance rendue en référé le 13 décembre 2004 sur le fondement des dispositions de l’article 4210 et qui précise d’ailleurs qu’il pourra appartenir au président de la section du contentieux, d’office ou à la demande des parties, de convoquer une nouvelle audience à l’issue de laquelle il pourra préciser, compléter ou modifier les prescriptions de cette ordonnance, ne prive pas d’objet le recours dirigé contre la décision du 17 décembre 2004 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a résilié la convention conclue avec la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP ;
Sur la légalité externe de la décision attaquée :
Sur les vices de forme et de procédure allégués :
Considérant qu’il résulte de l’instruction, et qu’il ressort notamment du procès-verbal de la réunion plénière du 17 décembre 2004, que les neuf membres composant le Conseil supérieur de l’audiovisuel ont été présents lors de l’audition des représentants de la société requérante qui s’est déroulée au cours de cette réunion ; que, conformément aux dispositions de l’article 24 du règlement intérieur adopté par le Conseil supérieur de l’audiovisuel, en application des dispositions de l’article 4 du décret du 26 juillet 1989, par une délibération du 10 juillet 2001 modifiée en dernier lieu par une délibération du 15 juillet 2003, le conseiller présidant le groupe de travail ayant examiné l’affaire s’est retiré au moment de la délibération sur l’issue de la procédure de sanction engagée ; que, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général n’impose que les décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel, non plus que les procès-verbaux de ses réunions, mentionnent à peine d’irrégularité la présence éventuelle d’agents des services du Conseil lors de l’audition des représentants d’un éditeur de services faisant l’objet d’une procédure de sanction, ni l’éventuelle présence et l’identité du secrétaire du collège ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée ne ferait pas la preuve de la régularité de la composition du Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la procédure suivie devant lui lors de son adoption doit être écarté ;
Sur les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu’au terme de ces stipulations : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement (…) » ;
Considérant que lorsqu’il se prononce sur des agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l’article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 ou aux pénalités contractuelles définies dans les conventions prévues notamment à l’article 33-1 de la même loi, le Conseil supérieur de l’audiovisuel doit être regardé comme décidant du bien-fondé d’accusations en matière pénale au sens des stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu du fait que sa décision peut faire l’objet d’un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat, la circonstance que la procédure suivie devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne serait pas en tous points conforme aux prescriptions de cet article n’est pas de nature à entraîner dans tous les cas une méconnaissance du droit à un procès équitable ; que, cependant, et alors même que le Conseil supérieur de l’audiovisuel exerçant son pouvoir de sanction n’est pas une juridiction au regard du droit interne, le moyen tiré de ce qu’il aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d’impartialité rappelé à l’article 6-1 de la convention peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqué à l’appui d’un recours formé devant le Conseil d’Etat à l’encontre de sa décision ;
En ce qui concerne le défaut de publicité de la séance à l’issue de laquelle a été adoptée la sanction attaquée :
Considérant que l’examen en séance publique, devant le Conseil d’Etat, d’un recours de pleine juridiction dirigé contre une sanction prononcée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure le respect du principe de la publicité de l’audience garanti par les stipulations précitées de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP n’est pas fondée à soutenir que ces stipulations auraient été méconnues du fait de l’absence de caractère public de la séance au cours de laquelle ses représentants ont été entendus et à l’issue de laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel a prononcé à son encontre la sanction attaquée ;
En ce qui concerne la méconnaissance alléguée des principes d’impartialité et d’équité du procès :
Considérant qu’il résulte des dispositions précitées des articles 42 et 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 que les éditeurs et distributeurs de services de radio ou de télévision peuvent être mis en demeure de respecter les obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3 de cette loi, et que si la personne faisant l’objet de la mise en demeure ne se conforme pas à celle-ci, le Conseil supérieur de l’audiovisuel peut prononcer à son encontre, compte tenu de la gravité du manquement, une des sanctions énoncées à cet article ; que les articles 4-3-1 à 4-3-4 de la convention conclue entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP prévoient de même la possibilité de mettre l’éditeur en demeure de respecter les stipulations de la convention et, si celui-ci ne se conforme pas à la mise en demeure, de lui infliger une sanction dans le respect des garanties fixées par les articles 42 et suivants de la loi du 30 septembre 1986 ; que l’article 42-7 de cette loi dispose : « Les sanctions prévues aux 2°, 3° et 4° de l’article 42-1 ainsi que celles de l’article 42-3 sont prononcées dans les conditions prévues au présent article./ Le Conseil supérieur de l’audiovisuel notifie les griefs à l’éditeur ou au distributeur de services de radio ou de télévision pour l’exploitation d’un service de communication audiovisuelle qui peut consulter le dossier et présenter ses observations écrites dans le délai d’un mois. En cas d’urgence, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel peut réduire ce délai sans pouvoir le fixer à moins de sept jours./ L’éditeur est entendu par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (…) » ; que la procédure suivie en matière de sanction est précisée par les dispositions du règlement intérieur du Conseil supérieur de l’audiovisuel dont il résulte notamment qu’à l’expiration du délai prévu pour la production des observations écrites de l’éditeur ou du distributeur auquel ont été notifiés des griefs, le Conseil décide de poursuivre ou de clore la procédure de sanction au vu d’un rapport de présentation préparé par sa direction juridique ;
Considérant que la possibilité conférée à une juridiction ou à un organisme administratif qui, eu égard à sa nature, à sa composition et à ses attributions, peut être qualifié de tribunal au sens de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de se saisir de son propre mouvement d’affaires qui entrent dans le domaine de compétence qui lui est attribué n’est pas, en soi, contraire à l’exigence d’équité dans le procès énoncé par ces stipulations ; que celles-ci, pas plus qu’aucun principe général du droit, n’imposent la séparation des phases d’instruction et de jugement au sein d’un même procès ; que toutefois, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, lorsqu’il se prononce sur des agissements pouvant donner lieu aux sanctions prévues par l’article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 ou aux pénalités contractuelles définies dans les conventions prévues notamment à l’article 33-1 de la même loi, doit statuer dans des conditions respectant le principe d’impartialité ;
Considérant, tout d’abord, qu’il résulte des dispositions précitées de la loi du 30 septembre 1986 que le Conseil supérieur de l’audiovisuel ne peut faire usage des pouvoirs de sanction qui lui sont dévolus qu’après avoir mis en demeure l’éditeur ou le distributeur de services ou l’opérateur de réseaux satellitaires concerné de respecter les obligations qui lui sont imposées par les textes législatifs et réglementaires et par les principes définis aux articles 1er et 3-1 de la loi, ou par la convention conclue avec le Conseil, et faute pour l’intéressé de se conformer à cette mise en demeure ; que la procédure de sanction ne peut ainsi être engagée qu’à raison de faits postérieurs à la mise en demeure, susceptibles de traduire un manquement du service à l’obligation de se conformer à celle-ci ; que par suite la société requérante n’est pas fondée à soutenir que la mise en demeure adressée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel en application des dispositions de l’article 42 de la loi du 30 septembre 1986 priverait ce dernier de l’impartialité exigée de lui pour décider, sur la base de faits nouveaux susceptibles de révéler un manquement du service à ses obligations, d’engager une procédure de sanction ;
Considérant, ensuite, qu’il ressort des dispositions du règlement intérieur du Conseil supérieur de l’audiovisuel que le rapport de présentation de l’affaire rédigé par la direction juridique de cette autorité, après que les griefs ont été notifiés à l’éditeur, au distributeur ou à l’opérateur concerné et qu’un délai lui a été imparti pour présenter ses observations écrites, n’est soumis au Conseil supérieur de l’audiovisuel qu’en vue de l’adoption de la décision de clore ou de poursuivre la procédure de sanction engagée ; que, dans ce dernier cas, ce rapport est communiqué à l’intéressé qui est ensuite entendu par le Conseil, avant que celui-ci ne procède à la délibération à laquelle la direction juridique ne prend aucune part ; que la circonstance que cette direction soit placée sous l’autorité du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel et que son rapport ne se borne pas à une présentation des faits mais, comme en l’espèce, commente les observations écrites déposées par l’éditeur, n’est pas de nature à altérer l’impartialité du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans la conduite de la procédure de sanction ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP n’est pas fondée à soutenir, par voie d’exception, que les dispositions de la loi du 30 septembre 1986 et du règlement intérieur du Conseil supérieur de l’audiovisuel relatives à la procédure de sanction devant cette autorité sont contraires aux principes d’impartialité et d’équité du procès rappelés par les stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, enfin, que la circonstance que la lettre de notification des griefs adressée à la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP ait également procédé à la convocation des représentants de la société à une audition devant le Conseil supérieur de l’audiovisuel, même dans l’hypothèse où celui-ci aurait ultérieurement décidé de clore la procédure de sanction ainsi engagée, ne signifie pas, contrairement à ce que soutient la requérante, que l’issue de cette procédure ait été déterminée avant d’être menée à son terme ; que ni la publication dans la presse, le 30 novembre 2004, antérieurement aux faits ayant motivé l’engagement de la procédure de sanction, qui ont été commis le 2 décembre 2004, d’un article du président du Conseil supérieur de l’audiovisuel consacré aux questions posées par la diffusion de services de télévision par satellite en Europe, ni la demande présentée le même jour par le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel devant le président de la section du contentieux du Conseil d’Etat et tendant à ce qu’il soit enjoint à la société Eutelsat de faire cesser la diffusion du service « Al Manar » sur ses satellites à la suite des émissions diffusées le 23 novembre 2004, n’ont eu pour effet, dans les circonstances de l’espèce, d’affecter l’impartialité exigée du Conseil supérieur de l’audiovisuel dans le cadre de la procédure de sanction engagée ; qu’il résulte de ce qui précède que la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP n’est pas fondée à soutenir que la procédure au terme de laquelle a été rendue la décision qu’elle attaque a été conduite en méconnaissance du principe d’impartialité ;
Sur le bien-fondé de la sanction infligée :
Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986, le Conseil supérieur de l’audiovisuel veille « à ce que les programmes ne contiennent aucune incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de race, de sexe, de moeurs, de religion ou de nationalité » ; que l’article 2-3-1 de la convention signée le 18 novembre 2004 entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP stipule notamment que l’éditeur veille « à ne pas inciter à la haine, à la violence ou à la discrimination pour des raisons de race, de sexe, de religion ou de nationalité », ainsi qu’à « ne pas diffuser de programmes susceptibles d’entraîner des troubles à l’ordre public et notamment à traiter avec pondération et rigueur les sujets susceptibles d’alimenter ou d’entraîner, en France et en Europe, des tensions et des antagonismes, envers certaines communautés ou certains pays » ; qu’enfin, aux termes des deux premiers alinéas de l’article 2-3-3 de la même convention : « L’exigence d’honnêteté de l’information s’impose à l’ensemble du programme./ Les journalistes, présentateurs, animateurs ou collaborateurs d’antenne veillent à respecter une présentation honnête des questions conflictuelles » ;
Considérant qu’il résulte de l’instruction que lors du journal télévisé présenté en langue française sur la chaîne « Al Manar » le 2 décembre 2004, la présentatrice a fait état d’une « campagne » de l’Etat d’Israël tendant à empêcher la diffusion de ladite chaîne en Europe, ajoutant que le gouvernement israélien cherchait ainsi à « empêcher la chaîne de télévision de révéler aux téléspectateurs européens, aux résidents étrangers en Europe, la réalité des faits et de la situation, les crimes contre l’humanité perpétrés par Israël, aussi bien en Palestine occupée que dans le monde (…) » ;
Considérant que ces propos ont été tenus à l’antenne d’une chaîne dont les programmes s’inscrivent dans une perspective militante qui comporte des connotations antisémites, ainsi que l’ont illustré certaines de ses émissions qui ont, avant comme après la signature de la convention du 19 novembre 2004, porté gravement atteinte aux principes mentionnés aux articles 1er, 3-1 ou 15 de la loi du 30 septembre 1986, en dépit des engagements réitérés de ses responsables de se conformer à leurs obligations ; que, dans ce contexte, le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’a pas inexactement qualifié les faits en estimant que de tels propos, tenus lors d’un journal télévisé et venant après ceux diffusés à l’antenne le 23 novembre 2004, constituaient un manquement grave de la chaîne à l’exigence d’honnêteté de l’information et à l’obligation de traiter avec pondération et rigueur les sujets susceptibles d’alimenter ou d’entraîner, en France et en Europe, des tensions et des antagonismes envers certaines communautés ou certains pays, ainsi qu’une incitation à la haine ou à la violence pour des raisons de religion ou de nationalité ; que la circonstance, à la supposer avérée, que les dirigeants de la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP n’auraient pas reconnu, lors de leur audition contradictoire par le Conseil supérieur de l’audiovisuel le 17 décembre 2004, que les propos incriminés constituaient ainsi une « infraction » aux dispositions de la loi du 30 septembre 1986 et aux stipulations de la convention du 19 novembre 2004, contrairement à ce qu’affirme le Conseil supérieur de l’audiovisuel dans la décision attaquée, n’a eu, dans les circonstances de l’espèce, aucune influence sur la qualification des faits reprochés à la société requérante ;
Considérant enfin qu’en raison des manquements répétés de la chaîne « Al Manar » à ses obligations légales et conventionnelles, de la particulière gravité de ces manquements et de l’incapacité avérée du service à respecter ses engagements, la sanction de la résiliation unilatérale de la convention signée le 19 novembre 2004 prononcée par le Conseil supérieur de l’audiovisuel n’est pas excessive ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la société LEBANESE COMMUNICATION GROUP n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision du 17 décembre 2004 par laquelle le Conseil supérieur de l’audiovisuel lui a infligé cette sanction ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE LEBANESE COMMUNICATION GROUP est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LEBANESE COMMUNICATION GROUP, au Conseil supérieur de l’audiovisuel, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.