Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2006, présentée pour le Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions (FGTI), dont le siège est 64 rue Defrance à Vincennes Cedex (94682), représenté par son directeur général, par la SELAFA Cabinet Cassel ; Le FGTI demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement nos 03-3216 et 03-3217 du 23 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a condamné l’Etat à lui verser une somme globale de 57 185,28 euros en remboursement des indemnités allouées aux ayants droit de M. et de Y qu’il estime insuffisantes ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser la somme totale de 88 861,54 euros en remboursement des sommes versées aux intéressés et de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative ; ………………………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 7 décembre 2006 :
– le rapport de Mme Tholliez, président ;
– et les conclusions de M. Millet, commissaire du gouvernement ;
Considérant que dans la nuit du 14 au 15 juillet 1993, Mme Z, qui avait été placée dans la salle d’isolement du service psychiatrique du centre hospitalier des armées (CHA) Calmette de Lorient, a volontairement déclenché un incendie qui a provoqué la mort de cinq patients ; qu’à raison de ces faits, le Tribunal correctionnel de Rennes, par jugement devenu définitif du 24 octobre 2000, après avoir condamné l’intéressée à deux ans d’emprisonnement avec sursis pour homicide involontaire et MM. S. et Q., respectivement médecin-chef et officier de sécurité du centre hospitalier, à dix mois d’emprisonnement avec sursis pour homicide involontaire, à titre de peine principale, a déclaré irrecevables, en l’absence de faute personnelle détachable du service commise par ces deux officiers, les demandes de dommages et intérêts présentées par les consorts , ayants droit d’une des cinq victimes, à leur encontre ;
Considérant que parallèlement à l’instance pénale engagée, les ayants droit de M. et de Mme CORLAY, tous deux décédés au cours de l’incendie, ont obtenu du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions (FGTI) l’allocation d’indemnités, en réparation de leurs préjudices ; que le FGTI, subrogé dans les droits des victimes en application des dispositions de l’article 706-11 du code de procédure pénale demande la réformation du jugement du 23 mars 2006 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a déclaré l’Etat responsable à hauteur de 75 % des conséquences dommageables du sinistre et l’a condamné à lui verser une somme de 57 185,28 euros qu’il estime insuffisante ; que, par la voie de l’appel incident, le ministre de la défense soutient que la moitié seulement des conséquences dommageables dudit sinistre doit être mise à sa charge ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu’il résulte des faits constatés par le juge pénal, qui s’est fondé sur les conclusions du rapport de l’expert désigné par le juge d’instruction, que l’incendie survenu dans la nuit du 14 au 15 juillet 1993 au CHA Calmette de Lorient est imputable à la fois à l’action de Mme Z, qui a volontairement mis le feu à son matelas pour obtenir l’ouverture de la porte de la chambre d’isolement où elle avait été placée et à l’absence de consignes et d’exercices pratiques concernant les problèmes d’incendie et la prise en charge spécifique des malades devant être isolés en secteur psychiatrique, ainsi qu’à l’absence d’une installation centralisée de détection incendie ; que ces faits ont été aggravés par l’absence de fouille de Mme Z, qui a été laissée en possession de son briquet, ces différents manquements révélant une faute dans l’organisation du service ; que, dans ces conditions, en mettant à la charge de l’Etat 75 % des conséquences dommageables de l’incendie dont s’agit, le Tribunal administratif de Rennes n’a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de la cause contrairement à ce que soutiennent le FGTI et le ministre de la défense ;
Sur l’évaluation du préjudice :
Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de la défense, la circonstance que le FGTI ait produit pour la première fois en appel les pièces justifiant du versement des sommes dont il demande le remboursement à l’Etat n’a pas pour effet de rendre irrecevables ses conclusions chiffrées, dès lors que le montant des sommes en litige n’excède pas celui dont le remboursement était demandé en première instance ; qu’il ressort des pièces du dossier que le FGTI a effectivement versé aux consorts une somme supplémentaire de 12 614,49 euros ; que, compte tenu du pourcentage de responsabilité retenu, il est fondé à prétendre au remboursement d’une somme de 9 460,86 euros ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le FGTI est seulement fondé à demander que la somme de 57 185,28 euros que l’Etat a été condamné à lui verser, par le jugement attaqué, soit portée à 66 646,14 euros et qu’il y a lieu de rejeter l’appel incident du minitre de la défense ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions, de condamner l’Etat à verser une somme de 1 500 euros au FGTI au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La somme de 57 185,28 euros (cinquante-sept mille cent quatre-vingt-cinq euros et vingt-huit centimes) que l’Etat a été condamné à verser au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions par le jugement du 23 mars 2006 du Tribunal administratif de Rennes est portée à 66 646,14 euros (soixante-six mille six cent quarante-six euros et quatorze centimes). Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Rennes du 23 mars 2006 est réformé en ce qu’il a de contraire au présent arrêt. Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions et l’appel incident du ministre de la défense sont rejetés. Article 4 : L’Etat versera au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative. Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions et au ministre de la défense.