Chapitre deux – Responsabilité administrative et responsabilité des agents de l’administration
1508.- Plan.- Dans les hypothèses où un agent de l’administration occasionne un préjudice dont il est demandé réparation, trois questions vont se poser (R. Chapus, Droit administratif général, t.1, ouv. précité, p. 1383 s.).
Il s’agit, tout d’abord, de déterminer s’il convient d’engager la responsabilité personnelle de l’agent, la responsabilité de l’administration dont il relève ou bien les deux.
Si c’est la responsabilité de l’administration qui est recherchée, il faut ensuite déterminer si elle doit supporter la charge définitive de la responsabilité, ou si elle peut se retourner contre son agent.
Enfin, si c’est au contraire l’agent qui est attaqué, il se pose la question de l’exercice éventuel d’une action récursoire à l’encontre de l’administration.
La résolution de la première question suppose que l’on s’interroge sur la distinction entre la faute de service et la faute personnelle. La résolution des deux autres questions pose le problème de la répartition de la charge de la dette.
Section I – Faute personnelle et faute de service
1509.- Ancien système de garantie des fonctionnaires.- La distinction opérée entre la responsabilité personnelle et la responsabilité du service public est issue de l’arrêt Pelletier du Tribunal des conflits du 30 juillet 1873 (requête 00035 : Rec. 1er supplt, concl. David ; D. 1974, III, p.5, note David), qui fait suite à l’abandon du système de la garantie des fonctionnaires qui résultait de l’article 75 de la Constitution de l’an VIII. En application de ce texte, un agent public ne pouvait voir sa responsabilité civile ou pénale mise en cause qu’en cas d’autorisation donnée par le Conseil d’Etat.
1510.- Distinction entre fait personnel et fait de service.- Ce système, qui a été source de nombreux abus, avait été supprimé par un décret-loi du 19 septembre 1870. Cet abandon ne signifiait pas, pour autant, que les fonctionnaires pouvaient désormais être attaqués devant les juridictions judiciaires pour l’ensemble des dommages résultant de leurs activités. Le Tribunal des conflits a donc défini une règle de compétence qui conduit à distinguer deux hypothèses : celle où les faits reprochés à l’agent se rapportent à un fait personnel et celle où ils se rapportent à un fait de fonction.
1511.- Distinction entre faute personnelle et faute de service.- La terminologie employée par le Conseil d’Etat a ensuite évolué pour aboutir à une nouvelle distinction établie entre la faute de service, qui n’est pas détachable de l’exercice des fonctions, et les autres fautes qui sont qualifiées de fautes personnelles.
§I – Notion de faute de service
1512.- Définition en creux de la faute de service.- A l’époque des arrêts Blanco (requête numéro 00012, préc.) et Pelletier, il n’est pas encore question de responsabilité pour faute de l’administration. Cependant, la distinction entre la faute de service et la faute personnelle avait déjà été ébauchée par Laferrière dans ses conclusions sur l’arrêt du Tribunal des conflits du 5 mai 1877 Laumonnier-Carriol : « si l’acte dommageable est impersonnel, s’il révèle un administrateur … plus ou moins sujet à erreur, et non l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences, l’acte reste administratif et ne peut être déféré aux tribunaux » (Rec. p. 437).
Cette approche, qui permet d’appréhender en creux ce qu’est une faute de service, permet de distinguer deux types de fautes relevant de cette catégorie.
1513.- Faute de service anonyme.- Dans certains cas, la faute de service est anonyme, c’est-à-dire qu’il est impossible ou très difficile de déterminer la personne physique qui est l’auteur des agissements qui la constituent.
Exemple :
– CE Ass., 10 avril 1992, requête numéro 79027, Epoux V. (Rec., p. 171, concl. Legal ; AJDA 1992, p. 355, concl. Legal ; RFDA 1992, p. 571, concl. Legal ; D. 1993 somm. comm. p. 146, obs. Bon et Terneyre ; JCP 1992, II, comm. 218881, note Moreau ; LPA 3 juillet 1992, note Haïm) : une succession d’erreurs commises par plusieurs agents d’un établissement de santé public sont constitutifs d’une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement.
Dans cette hypothèse, les juges se bornent à relever l’existence d’un dysfonctionnement qui permet d’engager la responsabilité de l’administration.
Même s’il s’agit d’une fiction – et plus précisément d’un anthropomorphisme – ils considèrent que c’est l’administration elle-même qui est l’auteur de la faute, négligeant par là même l’agissement individuel qui est nécessairement à son origine.
Exemple :
– CAA Marseille, 8 février 2007, requête numéro 03MA01445, Commune de Cavalaire-sur-mer : les « fautes commises » par l’Etat, la commune de Cavalaire-sur-mer, la commune de la Croix Valmer et le SIVOM du littoral des Maures permettent de regarder ces personnes morales de droit public comme responsables du préjudice subi par une société à l’occasion de la mise en œuvre d’une opération d’aménagement.
1514.- Faute de service dont l’auteur est identifié.- Dans d’autres cas, l’auteur de l’agissement à l’origine de la faute de service est identifié, mais la faute n’est pas considérée comme détachable du service et seule l’administration peut être poursuivie.
Exemple :
– TC, 5 novembre 2004, requête numéro C3426, Préfet des Hauts-de-Seine : les propos tenus par le directeur de la police aux frontières d’un aéroport, dans l’exercice de ses fonctions, en réponse aux questions d’un journaliste, qui visait à expliquer les motifs d’une décision prise par l’autorité administrative, sur sa proposition, à l’encontre d’un fonctionnaire employé à la sécurité aérienne dont il n’a pas révélé l’identité, ne saurait être regardés comme constitutifs d’une faute personnelle détachable du service.
§II – Notion de faute personnelle
1515.- Une notion autonome et pouvant présenter différents aspects.- La notion de faute personnelle présente un certain nombre de spécificités et elle peut revêtir différents aspects.
I – Spécificité de la notion de faute personnelle
1516.- Faute personnelle et faute pénale.- La notion de faute personnelle présente un caractère original, qui ne permet pas de la confondre avec d’autres notions.
Ainsi, la faute personnelle ne se confond pas avec la faute pénale (TC, 14 janvier 1935, requête numéro 00820, Thépaz : Rec. p. 1224 ; S. 1935, III, p. 17, note Alibert), particulièrement lorsque sont en cause une « maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement » (Code pénal, art. 221-6 et 221-19), ou encore l’omission de porter secours (Code pénal, art. 223-6 et art. 223-7).
Exemples :
– CAA Nantes, 28 décembre 2006, requête numéro 06NT00975, Fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme et autres infractions : une patiente, placée dans la salle d’isolement du service psychiatrique d’un centre hospitalier des armées, a volontairement déclenché un incendie qui a provoqué la mort de cinq patients. A raison de ces faits, le tribunal correctionnel de Rennes a condamné le médecin-chef et l’officier de sécurité du centre hospitalier à dix mois d’emprisonnement avec sursis pour homicide involontaire, à titre de peine principale, mais a déclaré irrecevables, en l’absence de faute personnelle détachable du service commise par ces deux officiers, les demandes de dommages-intérêts présentées par les ayants droits des victimes. En l’espèce, la cour relève que les dommages subis sont imputables à la fois à l’auteur de l’incendie et à l’absence de consignes et d’exercices pratiques concernant les problèmes d’incendie et la prise en charge spécifique des malades devant être isolés en secteur psychiatrique, ainsi qu’à l’absence d’une installation centralisée de détection incendie. Ces faits ont été aggravés par l’absence de fouille de la patiente, qui a été laissée en possession de son briquet. Ainsi, ces différents manquements révèlent une faute dans l’organisation du service. La cour confirme la décision contestée du tribunal administratif de Rennes qui avait mis à la charge de l’Etat 75 % des dommages dont il est demandé réparation, les 25% restants étant à la charge de l’auteur de l’incendie.
Ces solutions peuvent paraître contestables, mais elles se justifient par le fait que l’agent mis en cause pouvait penser agir dans l’intérêt du service. Il est évident, toutefois, dans l’hypothèse d’une faute pénale, que plus l’infraction commise est grave, plus la faute personnelle aura des chances d’être reconnue. Ainsi, s’il est possible qu’un délit résultant d’une imprudence soit qualifié de faute de service, un crime doit normalement être qualifié de faute personnelle.
1517.- Faute personnelle et faute disciplinaire.- La notion de faute personnelle ne se confond pas non plus avec la notion de faute disciplinaire. En effet, comme le rappelle le Conseil d’Etat dans son arrêt Blanc et a. du 6 avril 2016 (requête numéro 380570, préc) : « la décision par laquelle une autorité administrative inflige, dans l’exercice de son pouvoir disciplinaire, une sanction à un agent placé sous son autorité a pour seul objet de tirer, en vue du bon fonctionnement du service, les conséquences que le comportement de cet agent emporte sur sa situation vis-à-vis de l’administration ». Au demeurant « la victime d’un dommage causé par un agent public dans l’exercice de ses fonctions a la possibilité d’engager une action en réparation, en recherchant, soit la responsabilité de l’administration pour faute de service, soit la responsabilité personnelle de l’agent », ce qui implique bien que des faits identiques ne seront pas nécessairement qualifiés de faute personnelle et de faute disciplinaire.
1518.- Faute personnelle et voie de fait.- De la même façon, des faits constitutifs d’une voie de fait ne sont pas nécessairement constitutifs d’une faute personnelle.
Exemple :
– TC, 2 décembre 1991, requête numéro 02682, Paolucci (Rec., p. 482 ; D. 1992, inf. rap. p. 67 ; Droit adm. 1992, comm. 139) : les juges précisent qu’en l’espèce aucune voie de fait ni aucune faute personnelle n’ont été commises, ce qui implique qu’il s’agit bien de deux notions distinctes.
1519.- Appréciation de la faute personnelle dans le contentieux de la protection fonctionnelle.- Il faut enfin souligner que la faute personnelle ne doit pas être appréciée de manière identique par le juge selon qu’elle est appréhendée dans le cadre du contentieux de la responsabilité administrative ou dans celui du contentieux de la protection fonctionnelle (sur cette notion V. infra). A l’occasion de son arrêt Garde des sceaux du 11 février 2015 le Conseil d’Etat a précisé qu’est une faute personnelle commise à l’occasion du service et justifiant l’exclusion de la protection fonctionnelle « une faute d’un agent de l’Etat qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci est d’une particulière gravité » (requête numéro 372359 : Rec., p. 60 ; AJDA 2015, p. 944, concl. Van Coester ; Dr. adm. 2015, comm. 43, note Fort ; JCP A 2015, comm. 2112, note Jean-Pierre). Dans une autre affaire, le Conseil d’Etat a jugé que «présentent le caractère d’une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité » (CE, 30 décembre 2015, requête numéro 391800, requête numéro 391798, Commune de Roquebrune-sur-Argens : AJDA 2016, 1575, note Rihal ; AJCT 2016, p. 163, obs. Yazi-Roman).
Ces solutions apparaissent de prime abord en décalage avec la jurisprudence du Tribunal des conflits dont il résulte que la faute commise par un agent « qui n’était animé par aucun intérêt personnel … dans l’exercice de ses fonctions et avec les moyens du service … ne saurait être regardée, quelle que soit sa gravité, comme une faute personnelle détachable du service » (TC, 19 octobre 1988, requête numéro 3131, Préfet du Tarn c. CA Toulouse : Rec., p. 822 ; D. 1999, jurispr. p. 127, note Gohin ; JCP G 1999, II comm. 10225, concl. Sainte-Rose, note du Cheyron). Elle semble également ne pas concorder avec la jurisprudence de la Cour de cassation dont il résulte qu’une faute personnelle n’est détachable du service « que s’il est démontré que leur auteur a agi dans une intention malveillante ou pour satisfaire un intérêt personnel étranger au service public » (Cass. Civ 1ère, 9 décembre 1986, Bull. civ. I n°295).
Ces deux dernières décisions concernent toutefois l’appréciation de la faute personnelle dans le contentieux de la responsabilité administrative, et non pas dans le contentieux de la protection fonctionnelle. Dans le contentieux de la responsabilité administrative, dans le but de mieux protéger les victimes, le Conseil d’Etat prône à la fois une conception extensive de la faute de service, et une conception étroite de la faute personnelle détachable du service, de façon à faire jouer plus facilement le mécanisme de cumul des responsabilités (sur cette notion V. infra). Dans une affaire célèbre, il a ainsi été admis qu’une faute personnelle commise par un gendarme coupable d’un assassinat n’est pas dépourvue de tout lien avec le service « alors même qu’il a été commis … en dehors de ses heures de service et avec son arme personnelle » (CE, 18 novembre 1988, requête numéro 74952, Epoux Raszewski : Rec., p. 416 ; JCP G 1989, II, comm. 21211, note Pacteau). La situation est différente, en revanche, dès lors que c’est l’agent qui demande la protection fonctionnelle. Dans ce cas, en effet, il n’y a aucune raison de lui offrir une garantie qu’il ne mérite pas lorsqu’il fait preuve d’une incompétence manifeste où, comme dans l’arrêt du 11 février 2015, d’un manquement avéré aux principes déontologiques de sa profession.
II – Les différents types de fautes personnelles
1520.- Distinction entre trois types de fautes personnelles.- Selon la présentation proposée par le professeur Chapus (Droit administratif général, t.1, préc. p.1387 s.), il convient de distinguer trois types de fautes personnelles qui se caractérisent toutes par le fait qu’elles sont détachables de l’exercice des fonctions de l’agent.
A – Fautes personnelles commises à l’occasion des fonctions de l’agent
1521.- Notion de faute personnelle commise à l’occasion du service.- Dans certains cas, la faute personnelle a été commise à l’occasion des fonctions de l’agent, mais les agissements de celui-ci présentent une telle gravité qu’ils ne sauraient être qualifiés de faute de service.
Exemples :
– TC, 21 juin 2004, requête numéro C3389, Quitman : commet une faute personnelle un policier chargé de régler la circulation automobile qui, après avoir fait signe de s’arrêter à un automobiliste, a volontairement sorti son arme et fait feu sur celui-ci, sans motif légitime.
– CE, 2 mars 2007, requête numéro 283257, Banque française commerciale de l’océan indien : commet une faute personnelle le maire d’une commune qui a établi des certificats administratifs attestant faussement de la réalisation de travaux dans un but d’enrichissement personnel.
– CE, 12 décembre 2008, requête numéro 296982, Ministre de l’Education nationale c. Hammann : pendant une période de deux ans un instituteur à infligé des violences consistant notamment en gifles et coups, sur une quinzaine d’enfants de l’école primaire où il travaillait. Ces agissements sont d’une gravité suffisante pour caractériser, bien qu’ils soient intervenus dans le service, une faute personnelle détachable de l’exercice par l’enseignant de ses fonctions. Si des rapports d’inspection font état d’un climat de confiance régnant dans la classe ainsi que des qualités manifestées par l’intéressé dans ses fonctions tant d’enseignant que de directeur d’école, ces circonstances ne sont pas de nature à retirer aux faits leur gravité.
1522.- Jurisprudence de la Cour de cassation.- Plus généralement, comme l’a relevé la chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 septembre 2008 (pourvoi numéro 07-82.249), est une faute personnelle « détachable de la fonction d’un agent public, même si elle n’est pas dépourvue de tout lien avec son service, celle qui révèle un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique, qui comporte une intention de nuire ou présente une gravité inadmissible ou particulière compte tenu des règles déontologiques de la profession ».
Un arrêt plus récent de la chambre criminelle se montre quant à lui plus favorable à une conception particulièrement restrictive de la faute personnelle en considérant que « la faute, quelle que soit sa gravité, commise par un agent du service public, dans l’exercice de ses fonctions et avec les moyens du service, n’est pas détachable de ses fonctions » (Cass. crim., 30 novembre 2010, pourvoi numéro 10-80.447, G. : AJDA 2011, p. 349).
Toutefois, la jurisprudence la plus récente de la chambre criminelle paraît avoir renoué avec celle de 2008, mais sans pour autant se référer expressément à la notion de « faute personnelle détachable du service », notion dont il faut bien reconnaître qu’elle est peu propice à s’appliquer à des fautes, mêmes graves, commises dans le cadre du service. Dans un arrêt du 29 novembre 2016 (pourvoi numéro 15-80.229.- V. aussi Cass. crim., 11 septembre 2018, pourvoi numéro 17-82.272) elle a en effet considéré que « si la responsabilité de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs établissements publics est engagée en raison des fautes commises par leurs agents lorsque ces fautes ne sont pas dépourvues de tout lien avec le service, cette responsabilité n’est pas exclusive de celle des agents auxquels est reproché un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique ». Elle précise ce principe en affirmant que « la seule circonstance que le prévenu (ait) commis les faits reprochés dans l’exercice de ses fonctions ne pouvait exclure que son comportement relevât d’un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d’ordre professionnel et déontologique ».
B – Fautes personnelles commises en dehors de l’exercice des fonctions de l’agent mais présentant un lien avec elles
1523.- Fautes commises dans le prolongement du service.- Ces fautes sont considérées, selon l’expression consacrée par la jurisprudence, comme « non dépourvues de tout lien avec le service ».
Le plus souvent, il s’agit de fautes commises dans le prolongement de l’accomplissement du service.
Exemple :
– CAA Paris, 26 juin 2006, requête numéro 03PA01323, Ministre de la Défense : le chauffeur militaire qui détourne la destination normale du véhicule qui lui a été confié pour l’accomplissement d’une mission déterminée commet une faute personnelle.
1524.– Fautes commises grâce aux moyens du service.- Relèvent également de cette catégorie les fautes commises en dehors du service grâce aux moyens du service. Ces moyens peuvent être matériels.
Exemple :
– CE Ass., 26 octobre 1973, requête numéro 81977, Sadoudi (Rec., p. 603 ; AJDA 1973, p. 582, chron. Franc et Boyon ; D. 1974, p. 255, note Auby ; JCP 1974, comm. 17596, note Franck ; RDP 1974, p. 554, note Waline et p. 936, concl. Bernard) : un accident survenu en dehors du temps de service peut néanmoins être tenu pour lié au service, si son auteur était astreint à porter l’arme à l’origine des dommages dont il est demandé réparation en dehors des heures de service.
En revanche, la faute personnelle n’est pas rattachable au service dans le cas où l’arme a été sciemment utilisée pour perpétrer un homicide volontaire (CE, 12 mars 1975, requête numéro 94207, Pothier : Rec., p. 190 ; Rev. adm. 1975, p. 268, note Moderne).
Ces moyens peuvent également consister en la connaissance des dossiers qu’un agent, animé d’intentions malveillantes, peut acquérir du fait des fonctions qui sont les siennes.
Exemple :
– CAA Paris, 17 décembre 2003, requête numéro 99PA04181, Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales : commet une faute personnelle non détachable du service un enquêteur de police qui a profité de ses contacts avec un indicateur, exerçant la profession de serrurier, pour cambrioler une bijouterie.
Mais la distinction entre faute de service et faute personnelle n’est pas toujours évidente à établir. Tel est le cas notamment dans une affaire où il a été jugé, de façon assez surprenante, que si le fait, pour l’ancien directeur central des renseignements généraux d’avoir, après avoir quitté ses fonctions, conservé à son domicile des carnets relatant des informations dont la vocation était d’être utilisées pour le service constitue une faute, celle-ci, « dès lors que l’intéressé n’a pas conservé ces carnets en vue de s’en servir à des fins personnelles, n’a pas revêtu le caractère d’une faute personnelle » alors même que des extraits étaient publiés dans la presse (CE, 20 avril 2011, requête numéro 332255, Bertrand : Rec., p. 166 ; AJDA 2011, p. 1441, note Lagrange). Notons aussi que la question de la qualification de la faute se posait dans dans le contexte d’une demande de protection fonctionnelle, domaine dans lequel la faute personnelle est conçue de façon plus large que dans le droit de la responsabilité administrative (sur ce point V. supra).
C – Fautes personnelles dépourvues de tout lien avec le service
1525.- Fautes de caractère exclusivement « privé ».- Généralement, il est assez facile d’identifier ce type de faute. En effet, elle présente un caractère exclusivement « privé » : elle n’a pas été commise à l’occasion du service et elle n’a pas été rendue possible par la détention régulière de moyens du service.
Exemple :
– CE, 13 mai 1991, requête numéro 82316, Société d’assurances Les mutuelles unies (Droit adm. 1991, 351 ; LPA 27 mai 1992, p. 15, note Pacteau ; RDP 1991, p. 1642) : un pompier allume un incendie en dehors de ses heures de service. Bien qu’il ait utilisé les connaissances acquises lors de l’exercice de sa profession, la faute personnelle ainsi commise est considérée comme dépourvue de tout lien avec le service.
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