La décision du 10 juin 2004 relative à la loi transposant la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000, sur le commerce électronique (JOCE n° L 178, 17 juillet 2000, p. 1-16) se révèle propice aux interprétations ambiguës ; ces dernières naissent des contraintes contradictoires pesant sur le Conseil constitutionnel.
La Constitution fonde l’ordre juridique interne, ainsi que la compétence du Conseil pour le faire respecter au moyen du contrôle de constitutionnalité. Elle organise en outre les modalités d’intégration, en son sein, du droit supranational en posant une double condition de réciprocité et de publicité (Constitution, 4 octobre 1958, article 55). La régularité de la procédure d’intégration est contrôlée par le juge administratif (CE Ass., 18 décembre 1998, SARL du parc d’activités de Blotzheim et SCI Haselaecker, requête numéro 181249, rec. p. 483). À travers ce double aspect, l’article 55 implique la supériorité de la Constitution.
De la même façon, le contrôle préventif exercé par le Conseil Constitutionnel, en vertu l’article 54 de la Constitution du 4 octobre 1958, fait de la Constitution la norme de référence que devront respecter les traités pour entrer dans l’ordre juridique interne. Cet article suppose lui aussi la supériorité de la Constitution au sein de la hiérarchie des normes. Ainsi, les juges judiciaire et administratif ont conclu à la supériorité de la Constitution ; le premier dans sa décision Fraisse (Cass. Plén., 2 juin 2000, Fraisse, pourvoi numéro 99-60274, Bull. Ass. Plén., n° 4, p. 7) le second dans sa décision Sarran et autre (CE Ass., 30 octobre 1998 Sarran et Levacher, requête numéro 200286, requête numéro 200287, rec. p. 369) ; le Conseil d’Etat élargissait, par la suite, cette solution au droit communautaire, en concluant que les principes généraux du droit communautaire, pourtant dotés de la même valeur juridique que le traité, ne sauraient « conduire, dans l’ordre interne, à remettre en cause la suprématie de la Constitution » (CE, 3 décembre 2001, Syndicat national de l’industrie pharmaceutique, requête numéro 226514, rec. p. 624).
Mais cette supériorité doit être conciliée avec les exigences communautaires, dont la spécificité réside dans l’existence du recours en manquement, c’est-à-dire d’une sanction effective de leur méconnaissance, par opposition au droit international public traditionnel. Parmi ces exigences, on retrouve précisément le principe de primauté dégagé par la Cour de justice dans l’arrêt Costa c/ Enel (CJCE, 15 juillet 1964, affaire numéro 6/64, rec. p.1141), dont on sait qu’il implique, pour le juge communautaire, qu’aucune règle interne, y compris constitutionnelle, ne puisse faire obstacle au plein effet du droit communautaire (CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft mbH, affaire numéro 11/70, rec. p. 1125). On retrouve aussi la nécessaire transposition des directives dont l’absence ou l’insuffisance entraînera l’enclenchement d’une procédure en manquement par la Commission européenne. Ainsi, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, « un État membre ne saurait exciper de dispositions, pratiques ou situations de son ordre juridique interne pour justifier l’inobservation des obligations et délais prescrits par une directive » (CJCE, 18 mars 1999, Commission c/ France, affaire numéro C-166/97, rec. p. I-1719). À propos de la transposition des directives, le Conseil d’Etat a lui-même rappelé que « les autorités nationales sont tenues d’adapter la législation et la réglementation des Etats membres » (CE Ass., 22 février 1978, Cohn-Bendit, requête numéro 11604, rec. p. 524).
Dès lors, on comprend bien que le Conseil constitutionnel se trouve dans une situation délicate lorsqu’il est saisi d’une loi opérant la transposition d’une directive. La primauté de la Constitution supposerait le contrôle et la censure éventuelle des dispositions de la loi contraire à la norme fondamentale, malgré leur origine communautaire. Mais l’exercice d’un tel contrôle pourrait potentiellement conduire à la paralysie de la transposition de la directive, au mépris des obligations communautaires de notre pays. Face à ces données contradictoires, le Conseil constitutionnel va parvenir à une solution de compromis propre à concilier la primauté traditionnelle de la Constitution et la nécessaire réalisation de l’opération de transposition. Comme toute entreprise de conciliation, la solution d’espèce apparaît, par son caractère nuancé, difficilement lisible.
Le Conseil a procédé en deux temps. Il a d’abord consacré l’existence d’une obligation constitutionnelle de transposition des directives, sur le fondement de l’article 88-1 de la Constitution du 4 octobre 1958, qui dispose que « la République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences ». La généralité des termes de l’article 88-1 ainsi que la place qu’il occupe – il ouvre le titre XV de la Constitution consacré aux Communautés européennes et à l’Union européenne – plaidaient pourtant pour le constat d’une simple proclamation à la portée symbolique et politique. Le Conseil constitutionnel fait donc preuve d’audace en lui accordant une portée juridique spécifique. On remarque cependant que la solution du 10 juin 2004 s’inscrit dans une certaine continuité jurisprudentielle puisque le Conseil constitutionnel avait déjà fait référence à l’article 88-1 dans des décisions antérieures. Il l’avait qualifié de « norme de référence applicable » lors de son examen de la conformité du traité d’Amsterdam à la Constitution, suggérant ainsi sa portée juridique effective (CC, décision numéro 97-394 DC, 31 décembre 1997, Traité d’Amsterdam, rec. p. 344), et s’y était référé lors de son contrôle de la loi organisant les circonscriptions pour l’élection des parlementaires européens (CC, décision numéro 2003-468 DC, 3 avril 2003, Loi relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu’à l’aide publique aux partis politiques, rec. p. 325).
Il déduit ensuite de cette obligation constitutionnelle le caractère spécifique du contrôle qu’il exerce désormais sur les lois opérant la transposition des directives, qui réside dans la mise en œuvre d’une théorie du « droit communautaire écran » ; cette théorie consiste en un refus de principe du Conseil de contrôler les lois tirant les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles d’une directive communautaire. L’aménagement du contrôle de constitutionnalité des lois de transposition va donc dans le sens dans un affaiblissement de celui-ci ; mais le fondement de cet examen diminué se trouve dans la Constitution elle-même, qui l’oblige, ou du moins l’autorise, en vertu de l’obligation constitutionnelle de transposition qu’elle contient. La primauté de la norme fondamentale est ainsi préservée, et pas seulement en apparence, puisque le Conseil constitutionnel consacre parallèlement l’existence d’une réserve de constitutionnalité. En effet, il affirme qu’il peut être fait obstacle à la transposition en raison d’une « disposition expresse contraire de la Constitution ».
Ce faisant, le Conseil faisait doublement preuve d’audace : d’une part en déduisant de la Constitution une obligation constitutionnelle nouvelle ; d’autre part, en tirant de celle-ci des effets juridiques importants par la transformation profonde de son contrôle dans le domaine des lois de transposition. Comme souvent, une telle audace jurisprudentielle s’accompagnait de certaines incompréhensions, et ouvrait une période de tâtonnements, durant laquelle le juge constitutionnel a progressivement affiné sa solution. Il conviendra donc de constater l’aménagement audacieux du contrôle de constitutionnalité des lois de transposition des directives communautaire (I) avant d’étudier la nécessaire clarification que celui-ci exigeait (II).
I) L’aménagement du contrôle de constitutionnalité des lois de transposition
L’aménagement du contrôle de constitutionnalité prend deux formes principales ; d’une part, l’obligation constitutionnelle de transposition, déduite de l’article 88-1, va créer un écran entre la loi contrôlée et la Constitution (A) ; d’autre part, elle semble impliquer, de la part du Conseil constitutionnel, un contrôle de conventionnalité novateur de la loi par rapport à la directive (B).
A) L’admission conditionnée d’une théorie de la « directive-écran »
L’apport fondamental de la décision commentée se trouve dans l’incompétence de principe du juge constitutionnel pour contrôler le respect de la Constitution par la loi de transposition. Lorsque la loi se borne à « tirer les conséquences nécessaires des dispositions inconditionnelles et précises » d’une directive, les griefs d’inconstitutionnalité ne peuvent être utilement soulevés par les auteurs de la saisine. L’obligation constitutionnelle de transposition conduit donc le Conseil à refuser de contrôler la loi déférée lorsque celle-ci opère la transposition des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive. Dans une telle hypothèse, le Conseil contrôlerait en réalité la directive dont la loi est l’exacte reproduction, et la censure éventuelle de la loi conduirait à la paralysie de la transposition, contrairement aux exigences de l’article 88-1.
En vertu de l’obligation constitutionnelle de transposition, la directive communautaire va donc faire écran entre la loi et la Constitution et empêcher leur confrontation. Une telle solution se rapproche ainsi du procédé mis en œuvre par le juge administratif à l’occasion du contrôle de constitutionnalité des actes administratifs. Joue, en effet, en cette occasion la théorie de la loi-écran : le juge administratif se refuse à contrôler la constitutionnalité de l’acte attaqué lorsqu’il assure l’exécution d’une loi (CE Sect., 6 novembre 1936, Arrighi, rec. p. 966 ; CE, 5 janvier 2005, Mlle Deprez et M. Baillard, requête numéro 257341, rec. p. 1). Tout comme le refus de contrôle de la constitutionnalité des actes administratifs en cas de loi-écran ne suppose pas l’absence de supériorité de la Constitution sur les actes administratifs, la décision du Conseil n’implique pas la remise en cause de la supériorité de la Constitution, d’autant plus que le Conseil prend le soin d’assortir ce principe d’une exception.
Le principe évoqué ci-dessus ne joue en effet pas en cas de « disposition expresse contraire de la Constitution » ; dans une telle hypothèse il appartiendra au juge de contrôler la loi de transposition par rapport à ces dispositions et de la censurer, éventuellement, sur leur fondement. Le Conseil consacre une réserve de constitutionnalité qui témoigne de la permanence de la suprématie de la Constitution ainsi que des limites de l’article 88-1 et de l’obligation de transposition qu’il institue. Se pose cependant la question de la détermination précise de cette réserve de constitutionnalité. Force est de constater l’imprécision de la décision sur ce point : le Conseil se borne à consacrer une telle formule sans apporter, dans la suite de la décision, le moindre éclaircissement sur ce qu’il entend par « disposition expresse ». Il est sûr qu’une interprétation large de cette notion aurait conduit à minimiser très fortement la portée pratique de la décision du 10 juin 2004. Inversement, une acception réduite de celle-ci s’inscrirait dans une logique communautaire un peu plus orthodoxe. Le commentaire officiel de la décision n’apportait que peu de précisions sur de point : une disposition expresse devait se comprendre comme un « énoncé constitutionnel explicite, ancré dans le bloc de constitutionnalité » et non comme une « construction jurisprudentielle ». Là réside incontestablement la plus grande incertitude posée par la décision commentée, mais elle n’est pas la seule.
B) L’admission implicite d’un contrôle de conventionnalité de lois de transposition
Par la consécration de l’obligation constitutionnelle de transposition, le Conseil constitutionnel n’admet-il pas désormais d’exercer un véritable contrôle de conventionnalité de la loi de transposition par rapport à la directive ? La décision n’est pas limpide sur ce point, mais semble implicitement le reconnaître. Pourtant, le Conseil constitutionnel avait auparavant affirmé la solution selon laquelle, il ne lui appartenait pas « saisi en application de l’article 61 de la Constitution, d’examiner la conformité d’une loi à une directive européenne » (CC, décision numéro 98-405 DC, 29 décembre 1998, Loi de finances pour 1999, rec. p. 340). Dans la décision IVG (CC, décision numéro 74-54 DC, 15 janvier 1975, Loi relative à l’interruption volontaire de grossesse, rec. p. 19), le Conseil avait conclu à son incompétence pour assurer le contrôle de la conformité de la loi au droit supranational, imposé par l’article 55 de la Constitution. Depuis, un tel contrôle relève de la compétence des juges ordinaires (Cass. Mixte, 24 mai 1975, Jacques Vabre, pourvoi numéro 73-13556, Bull. Civ., 1975, I, p. 6 ; CE Ass., 20 octobre 1989, Nicolo, requête numéro 18243, rec. p. 190). Cependant, on comprendrait mal comment l’obligation de transposition se bornerait à limiter le contrôle de constitutionnalité des lois sans impliquer la mise en œuvre de l’examen, inhérent à une telle obligation, de la fidélité de la loi à la directive.
Cependant, l’admission d’un tel contrôle est source de difficultés ; il remet en cause l’édifice jurisprudentiel bâti à partir de la jurisprudence IVG. Il conforte la position des défenseurs de l’intégration du droit international au sein du bloc de constitutionnalité contrôlé par le Conseil constitutionnel et remet en question la compétence des juges ordinaires, dont le contrôle diffus et permanent est pourtant source d’efficacité. Il pose en tout cas le problème de l’articulation des contrôles du juge constitutionnel et des juges ordinaires, et peut expliquer les réserves manifestées par certains commentateurs de la décision. Il est vrai que le Conseil avait déjà eu à statuer sur le respect, par une loi organique, d’une directive communautaire (CC, décision numéro 98-400 DC, 20 mai 1998, Loi organique relative à l’application de l’article 88-3, rec. p. 251). Mais cette hypothèse exceptionnelle était justifiée par le renvoi exprès qu’opérait l’article 88-3 de la Constitution du 4 octobre 1958 au droit communautaire. En vertu de cet article, la loi organique doit respecter les modalités prévues par le traité CE ; le traité renvoyant à la directive 94/80/CE du 19 décembre 1994, fixant les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils n’ont pas la nationalité (JOCE 31 décembre 1994, n° L 368, p. 38-47), le soin de mettre en œuvre ces modalités, il était normal que le Conseil s’assure du respect de cette directive. Mais, dans le cadre de l’article 88-1 et de l’obligation de transposition, la référence à la directive n’est qu’implicite et peut ne pas conduire au contrôle de son respect. Il appartenait donc au Conseil de préciser toutes les potentialités ouvertes par sa décision du 10 juin 2004. C’est ce qu’il a progressivement fait à travers ses décisions ultérieures.
II) La nécessaire clarification de la jurisprudence constitutionnelle
Cette clarification a concerné tout à la fois la définition de la réserve de constitutionnalité consacrée dans la décision commentée (A) et la mise en œuvre du contrôle de conventionnalité par le Conseil constitutionnel (B).
A) La clarification de la réserve de constitutionnalité
L’étude de la jurisprudence ultérieure permet aujourd’hui de comprendre le sens de la réserve de constitutionnalité consacrée par le Conseil ; le cheminement a cependant été long et délicat et impliqué des changements de terminologie, preuves de l’ambiguïté de l’expression initialement retenu par le juge constitutionnel. La « disposition expresse » laisse place à une règle ou un principe « inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » (CC, décision numéro 2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, rec. p. 88), cette terminologie étant aujourd’hui clairement établie. Cependant, devait-on comprendre le terme « inhérent » comme fondamental ou essentiel à l’ordre constitutionnel français, ou devait-on au contraire l’assimiler à un principe propre, c’est-à-dire spécifique à cet ordre ? C’est cette seconde acception qu’il convient aujourd’hui de retenir. Le Conseil constitutionnel est donc incompétent pour contrôler la constitutionnalité des lois de transposition, sauf en cas de méconnaissance d’une règle constitutionnelle qui n’a pas d’équivalent en droit communautaire. Une telle définition a été ainsi clairement retenue par le Conseil d’Etat, lorsqu’il a lui-même consacré, à la suite du Conseil constitutionnel, l’obligation de transposition des directives de l’article 88-1, et aménagé en conséquence son contrôle de constitutionnalité des règlements de transposition des directives communautaire (CE Ass., 8 février 2007, Société Arcelor Atlantique et Lorraine, requête numéro 287110).
Il résulte de cette définition désormais clarifiée que la réserve consacrée par le Conseil constitutionnel n’a, en réalité, qu’une portée réduite. D’une part, on peut considérer les règles constitutionnelles de compétence et de procédure comme inhérentes à l’identité constitutionnelle française. Le législateur transposant une directive devra agir dans le respect de ces règles constitutionnelles. Il est normal que la transposition des directives n’autorise pas le pouvoir législatif à échapper au formalisme constitutionnel. Cependant la contrainte pesant sur le législateur reste légère ; on sait, par exemple, que le Conseil constitutionnel, malgré l’évolution récente de sa jurisprudence (CC, décision numéro 2005-512 DC, 21 avril 2005, Loi d’orientation pour l’école, rec. p. 72), ne censure pas les dispositions législatives adoptées dans le domaine réglementaire (CC, décision numéro 82-123 DC, 30 juillet 1982, Loi sur les prix et les revenus, rec. p. 113). D’autre part, l’approfondissement de la protection des droits fondamentaux au niveau communautaire, d’abord grâce à l’intégration de l’apport de la convention européenne des droits de l’homme par le biais des principes généraux du droit communautaire, puis par l’adoption d’une Charte des droits fondamentaux, dont le futur traité de Lisbonne signé le 13 décembre 2007 consacre la portée normative, rend quasiment équivalente la protection des droits et libertés fondamentales aux niveaux national et communautaire. On peut dès lors supposer que les hypothèses de contrôle de la part du Conseil demeureront exceptionnelles (par exemple, dans le cas d’une violation du principe constitutionnel de laïcité). On le voit, la clarification opérée est allée dans le sens d’une limitation de la réserve constitutionnelle, et elle consacre ainsi la volonté initiale du Conseil de protéger les engagements communautaires de notre pays dans sa décision du 10 juin 2004. Mais peut-on en dire de même de la clarification du contrôle de conventionnalité ?
B) La clarification du contrôle de conventionnalité
La position du juge constitutionnel est ici plus ambiguë. Une lecture a contrario du considérant 28 de la décision relative à la loi pour l’égalité des chances (CC, décision numéro 2006-535 DC, 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, rec. p. 50) laissait supposer la mise en œuvre d’un tel contrôle. Il est aujourd’hui fermement établi que le Conseil accepte de contrôler la fidélité de la loi aux dispositions de la directive. Un tel examen de la loi a pu donner lieu à censure de certaines de ses dispositions (CC, décision numéro 2006-543 DC, 30 novembre 2006, Loi relative au secteur de l’énergie, rec. p. 120). Ainsi, l’article 88-1 et l’obligation de transposition apporte ici un aménagement à la jurisprudence IVG, en permettant exceptionnellement au Conseil constitutionnel de contrôler la conventionnalité d’une loi par rapport à un texte international. Cette exception est permise par le fondement spécifique de ce contrôle : elle ne constitue pas une remise en cause de la conception traditionnelle de l’article 55 mais s’interprète comme une simple application de la disposition constitutionnelle autonome que constitue l’article 88-1. Elle permet en tout cas un plus grand respect du droit communautaire par la mise en œuvre d’un contrôle a priori, propre à empêcher l’existence dans l’ordre juridique d’une contrariété avec les dispositions d’une directive.
Néanmoins, ce contrôle est exercé dans des conditions particulières propres à relativiser sa portée. D’une part, le Conseil constitutionnel a affirmé qu’il ne lui appartenait que de censurer les dispositions législatives manifestement incompatibles avec la directive (CC, décision numéro 2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, préc.). Le Conseil s’est, en effet, déclaré incompétent pour saisir la Cour de justice d’un renvoi préjudiciel en raison des exigences, notamment de rapidité, de son contrôle avant la promulgation de la loi. Il ne peut donc trancher que les problèmes juridiques de conformité ne présentant aucune difficulté spécifique, et ne nécessitant pas le recours à l’interprétation du juge communautaire. D’autre part, le Conseil n’accepte de contrôler la loi que par rapport au contenu de la seule directive dont elle assure la transposition. Le contrôle de l’obligation constitutionnelle de transposition, parce qu’il ne repose pas sur l’article 55, n’impose pas « d’examiner la compatibilité d’une loi avec les dispositions d’une directive communautaire qu’elle n’a pas pour objet de transposer en droit interne » (CC, décision numéro 2006-535 DC, 30 mars 2006, Loi pour l’égalité des chances, préc.). Le contrôle exercé par le Conseil ne saurait donc garantir l’absence de contrariété de la loi avec la directive transposée, puisqu’il se bornera à sanctionner les incompatibilités manifestes, ni, plus généralement, le respect par une loi du respect des directives communautaires. Un tel constat conduit à s’interroger sur le nécessaire perfectionnement de la jurisprudence constitutionnelle et l’éventuel élargissement du champ du contrôle du Conseil constitutionnel.