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L’entrée en vigueur de la loi n° 2014-744 du 1er juillet 2014 permettant la création des sociétés d’économie mixte à opération unique pose de nombreuses interrogations en raison de l’association du droit des sociétés et du droit des contrats publics. Toutefois, cette innovation doit être appréhendée comme l’apparition d’un nouveau type de contrat de partenariat en droit français. L’interventionnisme local alliant capitaux privés et publics n’est pas nouveau. Dès 1926, les décrets-lois Poincaré rendaient possible l’existence de sociétés d’économie mixte1 (SEM) avant que la loi du 7 juillet 19832 vienne renforcer leur statut, en posant le principe d’un capital majoritairement public. Révélateur de l’évolution de l’État, l’interventionnisme local est depuis quelques années marqué par une volonté de partenariat avec les personnes privées.
Détachée du droit des sociétés, l’utilisation par les collectivités territoriales des contrats de partenariat3 met aussi en exergue ce choix de faire appel aux moyens techniques et financiers des partenaires privés.
Ce mouvement de transformation se poursuit. En effet, suite à de nombreuses propositions de loi ayant pour objet d’introduire un nouveau procédé qualifié de société d’économie mixte à opération unique (SEMOU)4. Le Parlement a adopté le 1er juillet 2014 la loi permettant la création de sociétés d’économie mixte à opération unique5. Il faut noter que la composante contractuelle de ces partenariats public-privé transparaissait plus clairement dans la proposition de loi qui employait la notion de « société d’économie mixte contrat »6.
Ses atouts sont nombreux selon ses inspirateurs. Les SEMOU sont présentées comme des outils juridiques à la disposition des collectivités territoriales dans la gestion de leurs services publics locaux7, permettant d’augmenter la possibilité d’intervention dans l’économie et cela grâce à la participation renforcée de capitaux privés. Leurs domaines d’actions mis en avant sont la gestion de l’eau, des déchets, de l’énergie, du haut débit ou encore des opérations de rénovation urbaine8. Dans cette logique, le nouvel article L. 1541-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « dans le cadre de ses compétences, autres que l’exercice de missions de souveraineté, une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales peut créer, avec au moins un actionnaire opérateur économique9, sélectionnée après une mise en concurrence […], une société d’économie mixte à opération unique ».
Toutefois, l’étude de ce procédé démontre qu’il est préférable de le qualifier, de contrat de partenariat institutionnalisé.
Dans ce sens, ce nouveau type de contrat de partenariat est suggéré par le droit de l’Union sous le vocable partenariat public privé institutionnalisé (PPPI), en témoigne une communication de la commission du 5 février 200810 . De plus, ce contrat est déjà répandu dans certains pays de l’Union européenne11.
Par conséquent, cette innovation doit être analysée, au travers du processus d’institutionnalisation du contrat de partenariat (I), puis de ses caractéristiques, une fois institutionnalisé (II). L’ensemble de ces éléments concrétise une claire distinction entre SEM et SEMOU.
I. Le processus d’institutionnalisation du contrat de partenariat
Ce nouveau type de contrat de partenariat a pour particularité d’être institutionnalisé. Ce processus d’institutionnalisation s’appuie principalement sur le droit des sociétés, il constituera le seul point de rattachement de ces contrats institutionnalisés au SEM. Dans cette logique, la SEM est l’outil de l’institutionnalisation du partenariat (A). Cette institutionnalisation se concrétise en raison d’un unique appel d’offres (B).
A) Un contrat de partenariat institutionnalisé par une SEM
La jurisprudence de référence de la Cour de justice, Acoset12, pose le principe que dans le cadre d’un PPPI est créée une « société à capital mixte, public et privé, qui doit garder le même objet social »13.
S’inspirant de ce principe, le nouvel article L. 1541-1 du CGCT prévoit qu’une « collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales peut créer […] une société d’économie mixte à opération unique […] », ayant « un objet unique ».
Les possibles objets uniques de ces « fausses SEM » sont, soit la gestion d’un service public, la réalisation des opérations en matière de construction, d’aménagement, ou toute opération d’intérêt général14. Ces objets ne peuvent s’étendre aux missions « de souveraineté », cela limite donc le champ d’action des SEMOU, en excluant les missions de police, de sécurité. Cette limite est justifiée, il s’agit d’une restriction classique à l’utilisation des contrats publics15.
Cet objet contractuel unique est bel et bien synonyme de l’expression « objet social » utilisée par la Cour de justice. Il faut noter que contrairement aux contrats de partenariat classiques, ces partenariats institutionnalisés ne permettent pas de réaliser une mission globale16.
De cet objet unique, il résulte un type particulier de SEM déterminé par la durée d’exécution du contrat de partenariat. L’article L. 1541-1, précise qu’une SEMOU a une durée « limitée » et qu’elle est « dissoute de plein droit au terme du contrat […] ou dès que l’objet de ce contrat est réalisé ou a expiré ». La société n’a pas d’autonomie par rapport au contrat, elle n’a qu’une fonction d’institutionnalisation dudit contrat. Cette société est donc le support juridique institutionnalisant le contrat de partenariat public-privé.
Cela a été confirmé lors des discussions parlementaires au Sénat où il a été soustrait, la possibilité de faire perdurer ces sociétés une fois le contrat exécuté17. Les SEMOU auraient pu se transformer en SEM ou en société publique locale (SPL)18. Toutefois, cette possibilité aurait mis à mal l’idée d’une institutionnalisation du contrat de partenariat par une SEM car ces sociétés auraient été détachables du contrat.
Néanmoins, cette flexibilité aurait été profitable aux collectivités. En effet, il aurait été intéressant de laisser la ou les personnes publiques reprendre des parts dans le capital à l’issue de l’exécution du contrat. Par exemple, cela aurait permis de continuer la gestion d’un service public dans le cadre d’une SPL.
De plus, une des novations centrales concerne la répartition du capital de la société. En effet, à la lecture de l’article 1541-1 du CGCT, la collectivité territoriale ou le groupement de collectivités territoriales « détiennent entre 34 % et 85 % du capital […] ». L’obligation d’un capital majoritairement public qui caractérise les SEM n’est donc pas présente. Le but des SEMOU est clairement de permettre d’attirer des capitaux privés.
Sur le plan théorique, au regard de cette répartition du capital, il existerait des entreprises privées locales à mission publique. Le statut d’entreprise publique locale serait donc questionné, étant donné qu’une entreprise publique est caractérisée par le fait que « l’État ou d’autres personnes publiques disposent séparément ou conjointement de la majorité des actions ou des voix dans les organes délibérants, ou bien d’un pouvoir prépondérant sur les décisions ou la gestion »19. Toutefois, cette piste n’est pas viable car dans le cadre des SEMOU, la SEM a simplement un rôle d’institutionnalisation du contrat.
De plus, la composante contractuelle est renforcée, en raison d’une nouvelle dérogation aux principes structurants les SEM qui sont une durée non déterminée et une participation majoritairement publique. Toujours au titre des dérogations, le droit commercial prévoit que les sociétés anonymes (SA) doivent être constituées au minimum de sept actionnaires20, cela n’est pas le cas des contrats de partenariat institutionnalisés qui peuvent se limiter à deux actionnaires. Le caractère contractuel va être concrétisé par la technique de l’appel d’offres.
B) Un appel public à la concurrence unique
Le nouvel article L. 1541-1 prévoit qu’une « collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales peut créer […] après une mise en concurrence dans les conditions définies à l’article L. 1541-2 » ces sociétés qui institutionnalisent un contrat de partenariat. À ce propos, l’article 1541-2 choisit la notion « d’appel public à la concurrence » pour qualifier cette procédure unique21. Cet appel d’offres reprend les modalités de passation du contrat de la commande publique auquel renvoie l’objet du contrat. La passation se conclura par le choix par la collectivité de l’offre la plus avantageuse. Cette mise en concurrence unique se déroule donc au stade de création du partenariat. Elle permet de créer ce partenariat et de prévoir en même temps les missions qu’elle va assurer pour garantir son objet. Par cet appel d’offres unique, l’objet du contrat, la répartition des capitaux investis seront déterminés, il en est de même du coût global de l’opération. En cas de procédure infructueuse, la personne publique pourrait recourir à une procédure négociée avec publication d’un avis de publicité22 .
Il faut souligner que l’article L. 551-1 du code de justice administrative régissant le référé précontractuel est modifié pour y ajouter que dans le cadre de la « sélection d’un actionnaire opérateur d’une société d’économie mixte à opération unique » pourront être soulevés les manquements aux obligations de concurrence et de transparence23. Le juge administratif pourra donc suspendre l’exécution du contrat de partenariat institutionnalisé comme il peut le faire dans un contrat de partenariat classique.
Pour revenir sur le caractère unique de cet appel public à la concurrence, cette caractéristique est dans la continuité du droit de l’Union. La Cour de justice estime que l’obligation de mise en concurrence ne s’applique pas lorsque les partenaires privés ont été initialement sélectionnés aux termes d’une mise en concurrence24. Par conséquent, le droit de l’Union en forgeant ces contrats de partenariats a posé ce principe d’unicité de la procédure de mise en concurrence qui a été repris par le droit français. Toutefois, des interrogations demeurent sur le caractère dérogatoire de cette procédure unique au regard des principes de la commande publique. En effet, suite à la communication de la commission de 2008 sur les PPPI25, le ministre de l’Économie de l’époque avait demandé un avis au Conseil d’État sur ce mécanisme.
Par cet avis du 1er décembre 200926, la Haute Institution a été claire. Elle estime que ce type de société, avec un appel d’offres unique pour la création de la société et le choix de l’attributaire du contrat, serait potentiellement contraire au droit public français. Le Conseil souligne que « l’introduction dans le droit français d’une formule de PPPI au stade de la passation, c’est-à-dire avant la conclusion du contrat, nécessiterait une modification substantielle de l’ensemble des textes applicables ». « Dissociant le candidat initial et la personne retenue pour conclure le contrat, elle n’irait pas sans difficultés au regard des principes de valeur constitutionnelle […] »27. D’après le Conseil d’État, il faudrait donc procéder à une procédure en deux temps. En raison de cette mise en concurrence unique, les SEMOU emploieraient donc une procédure dérogatoire aux principes du droit de la commande publique, plus précisément à l’égalité de traitement devant la commande publique. Dans cette logique, la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 200328 évoque l’existence d’exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique, sur le fondement de l’article 6 de la DDHC29. À partir de ce constat, l’absence de seconde procédure de mise en concurrence spécifique à la passation du contrat serait possiblement une atteinte à ce principe.
En tout cas, face au caractère dérogatoire de la procédure d’appel d’offres, il aurait été opportun de s’inspirer des contrats de partenariat classiques. Ces derniers sont aussi susceptibles de priver des exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité devant la commande publique30 ; et en raison de cela, ils sont marqués par des conditions limitant leur utilisation. Par conséquent, le législateur aurait dû s’inspirer de l’exemple des contrats de partenariat classiques.
Dans cette logique, à titre d’exemple, la nécessité pour la collectivité de démontrer son incapacité à agir seule en raison de la complexité de l’objet du contrat, ou une situation d’urgence aurait dû être à démontrer. De plus, l’obligation de réaliser une évaluation préalable devrait conditionner le recours au SEMOU. Un risque d’inconstitutionnalité pèse donc sur cet appel d’offres unique en raison de l’absence de condition limitative. La jurisprudence du Conseil constitutionnel reste donc à suivre.
II. La phase postérieure à l’institutionnalisation
Après la phase de passation du contrat qui donne lieu à son institutionnalisation, il faut s’interroger sur la « vie du contrat ». Cette phase soulève de nombreux questionnements, tant du point de vue de la contestation de sa validité, que des garanties pour les personnes publiques dans son exécution.
À ce propos, la crainte d’une exécution du contrat dominée par l’opérateur économique est fondée (A). Par ailleurs, la soumission des contrats de partenariat institutionnalisés au contentieux de la commande publique est acquise tout en étant adaptée (B).
A) Une exécution du contrat dominée par l’opérateur économique
De nombreuses caractéristiques régissant ce nouveau type de partenariat soulèvent des incertitudes en raison de la position de l’opérateur économique ou des opérateurs économiques, dans le cadre de l’exécution du contrat.
Premièrement, en cas de participation minoritaire de la personne publique, la collectivité territoriale n’aura plus le contrôle du partenariat institutionnalisé. En effet, le « partenaire commercial » qualifié par la loi d’actionnaire opérateur économique aura le dernier mot, le nombre de sièges d’administrateur étant attribué en proportion du capital détenu.
Dans ces conditions, le fait que le président de la SEMOU soit un représentant de la personne publique est insuffisant. L’existence d’une minorité de blocage semble aussi inutile. Cette caractéristique n’empêchera pas la perte de contrôle de la société car les décisions courantes au sein de ces sociétés se prennent à la majorité en raison du droit commun des sociétés anonymes, tant au sein du conseil d’administration, que dans le cadre de l’assemblée générale.
De plus, il n’est pas certain que dans le cas de la gestion d’un service public, une simple minorité de blocage suffise pour garantir la qualité du service. La seule possibilité pour l’actionnaire public minoritaire serait de s’opposer à l’évolution du capital de la société en assemblée générale extraordinaire31. Cet argument est vain car la société à opération unique n’a pas vocation à voir son capital évoluer. La possible perte de contrôle de la personne publique est une difficulté qu’il faut soulever.
Par ailleurs, la question du risque financier est assez problématique. Le parallèle entre un contrat de délégation de service public et un contrat de partenariat institutionnalisé ayant pour objet la gestion d’un service public en est assez révélateur. En tant qu’actionnaire, la personne publique ne pourra pas transférer une part importante du risque comme elle le fait dans le cadre d’un contrat classique portant délégation de service public32 . Cela s’explique car dans une délégation de service public (DSP) la personne publique ne participe pas à l’exécution du contrat alors qu’elle y participe dans le cadre du partenariat institué. Dans l’hypothèse d’un contrat de partenariat institutionnalisé, les risques seront donc plus importants pour la personne publique que dans le cadre d’un contrat de DSP.
De plus, ces risques encourus s’accompagneront de l’absence de contrôle de fait sur la gestion de la société en cas de participation publique minoritaire. Contrairement au contrat de DSP, où il demeure un contrôle de la personne publique sur le délégataire. Toutefois, le contrat de DSP et l’exécution d’un service public dans le cadre de ce type de contrat de partenariat renvoient à deux régimes juridiques différents.
Enfin, concernant la question de la responsabilité, la situation est plus mitigée.
Le président de la SEMOU expose sa responsabilité pénale en tant qu’élu administrateur33 . Néanmoins, l’institutionnalisation du contrat va conditionner le partage de la responsabilité administrative, la personne publique qui sera le plus souvent minoritaire au capital voit sa responsabilité limitée.
Il faut en déduire qu’à l’inverse d’une DSP dans laquelle le délégant est responsable auprès des tiers d’une mauvaise exécution du contrat34 , il y aurait un partage des responsabilités dans le cadre d’une SEMOU. Ce partage résulterait donc de la répartition du capital de la société institutionnalisant le contrat de partenariat.
Par conséquent, ce nouveau type contrat de partenariat est donc questionné surtout concernant les risques. Cette formule semble donc peu avantageuse pour les collectivités territoriales lorsque la collectivité est actionnaire non majoritaire. Cette situation d’actionnariat privé majoritaire sera la plus répandue car elle constitue une des raisons de l’apparition en droit français de ces partenariats. Toutefois, ces partenariats résulteront souvent du manque de moyen des collectivités, tel un « choix contraint ».
B) Une soumission adaptée au contentieux de la commande publique
L’analyse selon laquelle les SEMOU doivent être qualifiées de nouveau type de contrat de partenariat plutôt que de SEM est renforcée par le régime contentieux. En effet, les recours contractuels du droit de la commande publique vont en grande partie s’appliquer.
Tout d’abord, il faut rappeler que l’article L. 551-1 a été modifié pour ouvrir le référé précontractuel à l’encontre de la passation des contrats de partenariat institutionnalisés. Reconnaître ce type de recours avant la création des SEMOU, c’est reconnaître que la passation d’un contrat public est bien envisagée, avant même son exécution. La logique contractuelle va demeurer au-delà de la phase précontractuelle. En effet, le référé contractuel va lui aussi être ouvert car l’article L. 551-13 du code de justice administrative35 qui le régit fait de l’article L. 551-1 du code de justice administrative le référentiel des situations dans lesquelles il peut s’appliquer. Malgré son institutionnalisation au travers de sa conclusion, le contrat pourra donc toujours être contesté au regard des obligations de publicité et de concurrence. Ce référé peut aboutir à l’annulation de la passation du contrat.
Dans cette logique, l’ensemble du contentieux de la passation du contrat sera ouvert, cela concernera tant les tiers concurrents évincés36, que tous tiers ayant un intérêt à agir37. Il en est de même de la possibilité de contester les clauses réglementaires du contrat38. Dans le cadre de ces recours, le juge administratif pourra exceptionnellement annuler le contrat. Par conséquent, les SEMOU ont une durée déterminée à la condition sine qua non de respecter la légalité.
Le caractère de société de droit privé tend à se diluer au profit de celui de contrat public. En témoigne le fait que la création d’une société anonyme, certes par un contrat39 n’est pas en principe soumise au droit de la concurrence, ni au recours devant le juge administratif. Toutefois, il ne s’agit pas d’un contrat de partenariat classique car le contentieux de l’exécution interpartes semble limité. En effet, il est problématique qu’un actionnaire puisse attaquer un autre actionnaire dans le cadre de l’exécution commune du contrat. Cette limite au contentieux contractuel a pour conséquence que l’attributaire public soit dépourvu de la possibilité de mettre en cause son partenaire dans le cadre de la mauvaise exécution de l’objet contractuel desdits SEMOU, au nom de la fiction juridique selon laquelle il y a un unique exécutant. La personne publique est un attributaire particulier car elle participe aussi à l’exécution du contrat.
A contrario, en cas de préjudices causés dans le cadre de l’exécution du contrat de partenariat institutionnalisé, la question est posée de savoir si un tiers usager ou une victime de l’exécution dudit contrat pourra agir selon les modalités prévues par le contentieux de la responsabilité administrative. La réponse est positive au nom de la composante contractuelle des SEMOU.
De cette complexité amplifiée par les voies de droit, il faut en déduire que le législateur crée un procédé qui est un nouveau type de contrat de partenariat public-privé pouvant être aussi qualifié de contrat public sui generis, sui generis en raison de son lien avec le droit des sociétés.
Conclusion
En dépit de leurs caractéristiques « janusiennes » alliant droit des sociétés et droits des contrats publics, les SEMOU apparaissent comme les contrats de partenariats institutionnalisés. Ces partenariats posent de réelles questions du point de vue constitutionnel car leurs limites habituelles sont absentes. Il s’agit d’un type de contrat de partenariat public-privé, à tort, non limité. Le processus d’institutionnalisation permet de contourner les limites classiques du contrat de partenariat, ce contournement explique les doutes sur sa constitutionnalité.
Sur le plan pratique, l’apparition de ces partenariats correspond à l’émergence d’un mécanisme pragmatique, qui répond à la réduction des budgets des collectivités ; d’où des capitaux privés possiblement majoritaires. Cette caractéristique a des effets négatifs, comme la possible perte de maîtrise publique de ces partenariats. De plus, la personne publique peut être amenée à conserver une part importante des risques et semble être dans l’impossibilité de mettre en cause la personne privée dans le cadre de l’exécution du contrat.
Toutefois, la nécessité pour les collectivités de recourir à des fonds privés confère à ce mode d’action des perspectives non négligeables.
- Décrets-lois Poincaré du 5 novembre 1926 et du 28 décembre 1926 [↩]
- Loi n° 83-597 du 7 juillet 1983 relative aux sociétés d’économie mixte locales, modifiée par la loi n° 2002-1 du 2 janvier 2002 tendant à moderniser le statut des sociétés d’économie mixte locales ; codifiée aux articles L. 1521-1 à L. 1525-3 du CGCT. [↩]
- Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004, modifiée par la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat ; codifiée à l’article L. 1414-1 du CGCT. [↩]
- Six propositions de lois ont été déposées sur ce sujet entre octobre et novembre 2013. [↩]
- Loi n° 2014-744, JO, n° 0151 du 2 juillet 2014, p.10897. [↩]
- La proposition de loi employée cette notion avant la discussion en commission. [↩]
- Voir le compte rendu de la séance en commission du 11 décembre 2013. [↩]
- Propos d’André Vallini lors de la discussion à l’Assemblée nationale. [↩]
- Les EPIC pourront être actionnaires, en raison du choix de ne pas retenir dans la loi, la notion de personne privée, mais celle d’actionnaire opérateur. Ce point a peu ou prou d’intérêts car en réalité les collectivités cherchent des capitaux dont les détenteurs sont des entreprises privées. [↩]
- COM C[2007]6661, 5 février 2008 : JO n° C 91, 12 avril 2008, p. 4 ; voir aussi V. B. du Marais et J.-M. Glatt, « PPP institutionnalisés : La Commission européenne précise l’application aux PPP institutionnels de l’exception in house et de la procédure de sélection » : Concurrences, 2008, n° 2, p. 174. [↩]
- À titre d’exemple, il est possible de citer, l’Espagne, l’Allemagne, l’Italie. [↩]
- CJCE 15 octobre 2009, Acoset SpA, aff.196/08 : Rec., p. 9913. [↩]
- Ibid., point 62. [↩]
- 3e alinéa de l’article L. 1541-1. [↩]
- CE 1er avril 1994, Commune de Menton, req. nos 144152 et 144241 : publié au Recueil Lebon. [↩]
- Voir article L. 1414-1 du CGCT. [↩]
- La proposition de loi prévoyait cette possibilité. [↩]
- La loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 a créé les sociétés publiques locales, entités sans participation privée et soustraites au droit de la concurrence. [↩]
- M. Durupty, « Existe-t-il un critère de l’entreprise publique ? », Rev. adm. 1984, p. 7, sp., p. 19. Définition citée par le JCL Administratif, Fasc. 158-10. [↩]
- Voir l’article L. 225-1 code du commerce. [↩]
- Cette procédure se réalise dans le respect des dispositions du livre II du code de commerce applicables aux sociétés anonymes, nécessitant la rédaction des statuts, l’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, et la publicité. [↩]
- Article L. 1541-2 du CGCT [↩]
- Cette possibilité n’était pas envisagée par la proposition de loi et a été ajoutée par la Commission des lois de l’Assemblée nationale. [↩]
- Arrêt Acoset précité, point 61. [↩]
- Communication précité JO, 12 avril 2008, p. 4. [↩]
- CE Avis 1er décembre 2009, req. n° 383264. [↩]
- Ibid., point.1.2. [↩]
- Le Conseil utilise pour la première fois, la notion de commande publique, Décision n° 2003-473, loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit, Journal officiel du 3 juillet. 2003, p. 11205. [↩]
- Ibid., considérant 18. [↩]
- Idem [↩]
- Code du commerce, articles L. 225-129, al. 1er, et L. 225-149-3, al. 2. [↩]
- La DSP est marquée par le transfert d’une part significative du risque économique qui est lié au mode de rémunération du délégataire. Voir en ce sens, CE 7 novembre 2008, Département de Vendée, req. n° 291794. [↩]
- Cass. (ch. crim.) 16 février 1971 : Bull. crim. n° 53, p. 133. [↩]
- CE S. 7 novembre 1958, Société Électricité et eaux de Madagascar et territoire de Madagascar c/ Sieur Nicola : Rec., p. 530, concl. Heumann. [↩]
- Article L. 551-13 : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi, une fois conclu l’un des contrats mentionnés aux articles L. 551-1 et L. 551-5, d’un recours régi par la présente section. » [↩]
- CE Ass. 16 juillet 2007, Tropic, req. n° 291545. [↩]
- CE 4 avril 2014, Département du Tarn et Garonne, req. n° 358994. [↩]
- CE Ass. 10 juillet 1996, Cayzelle, req. n° 138536 [↩]
- Article 1832 alinéa 1 du code civil : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter. » [↩]
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