[gview file= »https://www.revuegeneraledudroit.eu/wp-content/uploads/2015/05/BJCL_2014_11.pdf »]
Un tel intitulé n’aurait pas eu grande signification il y a une cinquantaine d’années. Non qu’il n’y eût pas de risques, ni de nécessité de les prévenir. Mais ces notions n’étaient pas reçues comme elles le sont aujourd’hui, et un retour en arrière est utile pour comprendre l’évolution qui est intervenue.
Tout d’abord il faut s’interroger sur ce qu’est un risque, notion faussement simple. Le risque comporte plusieurs éléments1. Le premier élément est le danger encouru par un certain nombre de personnes : un phénomène naturel, s’il se produit très loin de nous, peut être un spectacle, mais n’est pas un risque2. Le danger semble se caractériser, d’une part, par la proximité (ce qui est lointain n’est pas un danger : la terre aura une fin, mais dans plusieurs milliards d’années, ce qui n’inquiète pas les habitants de la planète aujourd’hui). D’autre part, le risque se caractérise par sa probabilité, qui est une notion objective ne correspondant pas au sentiment que l’on peut avoir d’un risque : celui qui prend son automobile a moins le sentiment de prendre un risque que celui qui prend l’avion et, cependant, objectivement, le risque est bien plus grand ; de même, le risque nucléaire fait plus peur que le risque chimique alors que les probabilités de survenance de ce dernier sont bien plus élevées.
Penser en termes de probabilités c’est sortir du schéma de la fatalité, à laquelle, dans le temps, les hommes se sont si souvent résignés. On ne peut même parler de risque qu’à partir du moment où l’on abandonne la fatalité. Car le risque comporte non seulement l’idée de survenance possible, de péril, mais aussi l’espoir de pouvoir y échapper. Le rôle de la puissance publique apparaît alors directement car, à partir du moment où un événement, un fait, est considéré par le corps social comme un risque, il devient presque nécessairement un problème politique. La notion de risque détermine donc une responsabilité politique et un devoir spécifique des gouvernants.
Le risque peut se réaliser et, dans ce cas, nous ne sommes plus dans le champ, moderne, de la prévention, mais dans celui, plus classique, des mesures à prendre pour lutter contre la catastrophe, en limiter les effets, sauver les personnes et les biens, avec, ensuite, la politique d’indemnisation qu’il convient éventuellement de mettre en œuvre. En matière agricole d’abord, pour tous les dommages consécutifs à des phénomènes naturels catastrophique, aujourd’hui, des arrêtés de « catastrophe naturelle » peuvent être pris par les préfets, ce qui est la condition de mise en œuvre d’une indemnisation, par les assurances et par les pouvoirs publics.
Bien que l’on parle aujourd’hui beaucoup de risques, nos sociétés sont moins touchées que celles du passé. Les sociétés du passé étaient soumises à des risques beaucoup plus élevés que la nôtre : il suffit, pour s’en convaincre, de regarder les taux de mortalité, qui sont aujourd’hui sans commune mesure avec ce qu’ils furent autrefois. Nous avons ainsi, si ce n’est éradiqué, tout au moins largement écarté (pour notre temps, l’avenir n’est pas écrit d’avance…) une longue série d’épidémies qui décimaient les populations, et nous n’avons sans doute pas idée de ce que fut la peur des populations qui vécurent en un siècle où la peste revenait périodiquement, alors qu’on la croyait disparue, où les bandits de grand chemin terrorisaient les habitants, où des conflits incessants entre princes se traduisaient par des vols, pillages, meurtres de personnes tout à fait étrangères à ces conflits et qui ne demandaient qu’à vivre ou à survivre.
Une autre raison pour laquelle nous sommes sensibles aux risques, notamment naturels3, tient au fait que nous avons beaucoup plus à perdre que les sociétés d’autrefois. Notre société est, entre autres caractéristiques, qualifiée de « société de consommation », parce que nous avons, pour la plupart d’entre nous, de nombreux biens ainsi dénommés (réfrigérateur, four, téléviseur, voiture, etc.). Bien que, contrairement à d’autres temps, où la perte d’un bien, d’un animal4, pouvait signer la déchéance d’une famille, et bien que nous soyons couverts par des assurances qui n’existaient pas dans les siècles passés, la perte d’une voiture, à plus forte raison d’une maison, est durement ressentie, car, souvent, à la perte matérielle et à la perte monétaire s’ajoute la perte sentimentale, l’attachement à certains biens, aux souvenirs.
Un autre facteur à faire valoir est, désormais, la sensibilité au risque qui se traduit socialement, pour beaucoup, par le caractère inacceptable du risque. Face aux progrès de toutes sortes observables, et même mis en avant, dans les domaines les plus divers, les hommes de notre temps, dans une société telle que la nôtre, ne comprennent pas que l’on ne puisse éviter la plupart des catastrophes qui surviennent.
Enfin, il ne faut pas omettre un autre facteur, la médiatisation des catastrophes, les médias jouant un rôle d’amplification et de caisse de résonance, qui est sans doute à l’origine d’une sourde angoisse. L’explosion du volcan Krakatau (ou Krakatoa, comme on l’appelle parfois) en 1883, fut probablement la plus grande explosion volcanique connue de l’histoire5, les vagues provoquées par l’explosion firent, pense-t-on, plusieurs fois le tour de la terre, et le nombre de morts est inconnu. Le tsunami de 2004 a eu un retentissement sans commune mesure, les images ayant été transmises dans le monde entier. Et ne parlons pas de l’impact médiatique, dans un autre genre de catastrophe, de la destruction des Twin Towers, dont les images tournèrent en boucle pendant des heures et des heures sur les télévisions de toute la planète.
L’une des distinctions retenues en France dans le domaine des risques est la distinction entre risques naturels et risques technologiques. Mais, s’il est vrai que cette distinction est logique, d’une part, il n’est pas toujours possible de séparer les deux catégories de risques, et les mesures prises pour en éviter la réalisation sont communes, d’autre part, et pour cette dernière raison, une telle distinction n’a pas réellement d’incidence sur le partage des compétences entre les collectivités publiques.
Compte tenu de tous ces facteurs, la prévention a pris une place primordiale. « Mieux vaut prévenir que guérir », dit un adage, et cela vaut sans doute encore plus dans notre domaine que dans d’autres. Prévenir, c’est chercher à prévoir, à partir d’une connaissance ou d’une expérience que l’on a du passé, les effets indésirables et/ou calamiteux (pour reprendre un terme qui figure toujours dans nos textes) d’un fait, c’est prendre les devants, en cherchant à faire obstacle à la survenance de l’événement et de ses effets. Prévenir c’est également informer les personnes afin que, averties, ces dernières puissent, par leur comportement, contribuer à réduire les possibilités de réalisation d’un risque, ou d’en atténuer les effets.
Et ces tâches relèvent au premier chef des personnes publiques. Mais les personnes publiques sont plurielles. Lesquelles vont intervenir dans cette politique de prévention des risques ? Plus spécialement, quel est le partage de compétences qui s’opère entre l’État et les collectivités territoriales ? La réponse peut tenir en deux temps. D’une part, ce partage s’effectue avec une prépondérance de l’État sur les collectivités territoriales, d’autre part, en tout état de cause, une coopération entre le premier et les secondes est indispensable.
I. Un partage des rôles entre collectivités publiques au profit de l’État
La prévention des risques est un champ de rôles différenciés entre l’État et les collectivités territoriales, avec un rôle premier à l’État et un rôle second, ce qui ne veut pas dire secondaire, des collectivités territoriales.
1. Le rôle premier et prépondérant de l’État
Une idée couramment répandue, qui est une idée largement reçue, veut que l’État perde au fur et à mesure ses prérogatives, ses pouvoirs, ses champs de compétences. Mais indépendamment de cette question, l’État a gagné de nouvelles prérogatives, notamment dans le champ des risques, et ce rôle s’exerce selon différentes modalités.
A. Les facteurs de l’intervention de l’État
Une première série de facteurs est constituée de facteurs historico-politiques. En premier lieu, et en résumant, autrefois on n’intervenait pas et on ne prévenait pas, parce qu’on ne savait pas prévenir, on ne savait pas intervenir. Prévenir, au double sens que nous avons vu précédemment, implique une connaissance suffisante du phénomène, et c’est cette connaissance dont on ne disposait pas.
La prévention telle qu’elle est entendue aujourd’hui s’applique à tous les risques, risques naturels et risques technologiques. Mais les premiers étaient considérés comme imprévisibles et imparables. Certes, l’expérience accumulée, la mémoire des événements passés, pouvaient laisser présager le renouvellement du phénomène, par exemple une inondation. Mais même si l’on avait « intégré » cette donnée historique (l’inondation décennale, ou qui revient tous les quarante ans, ou encore une autre durée), on ne disposait d’aucun moyen de prévenir le risque. Et les populations ne pouvaient pas plus être prévenues parce que l’on ne disposait pas de moyen de transmission suffisant et suffisamment précis. Dans le cas de survenance d’un risque, on accusait les dieux (ou Dieu) ou l’on mettait l’événement sur le compte de la fatalité.
À partir du moment où les techniques de connaissance se sont perfectionnées, où une certaine prévision a été possible, les autorités administratives ont cherché à mettre en place des instruments ou des mécanismes de prévision, par exemple les services d’annonce des crues.
Et, dans un pays tel que la France, c’est presque « naturellement » qu’est échue à l’État cette mission. D’abord, en effet, la tradition d’interventionnisme de l’État est très forte en France, elle remonte à l’Ancien Régime, elle n’a pas été remise en cause par la Révolution, au contraire. Ensuite, cette connaissance technique a été obtenue à un moment de croissance de l’intervention étatique un peu partout en Europe, elle a coïncidé avec l’avènement de « l’État providence » qui reconnaît un large rôle à l’État. Enfin, une donnée purement rationnelle impose le rôle de l’État, c’est la nécessité d’unification, d’harmonisation des normes sur tout le territoire. S’il est un domaine où il paraît souhaitable que les normes soient les mêmes partout sur tout le territoire, c’est bien dans ce domaine des risques : on imagine mal que les critères d’appréciation soient variables suivant les points du territoire, que les collectivités territoriales apprécient chacune à leur manière les normes à définir en matière de prévention des risques, qu’ils soient naturels ou technologiques6.
Le rôle de l’État est encore justifié dans de nombreux cas par la nature du risque lui-même. D’une part, le risque ne concerne pas, généralement, une seule commune, mais plusieurs, voire plusieurs départements. L’exemple le plus classique est celui de l’inondation, qui ne connaît évidemment pas de limites administratives : le bassin d’un cours d’eau concerne un ensemble plus ou moins étendu de collectivités. Il n’existe aucune autorité, en dehors de l’État, qui soit en mesure d’imposer des mesures efficaces pour prendre en compte l’ensemble des données relatives à l’événement, et à apprécier celles qui seront le plus à même de prévenir le risque.
La compétence de l’État s’impose à plus forte raison pour certaines activités qui présentent un risque dont les effets, s’il se réalise, dépassent non seulement le territoire d’une collectivité territoriale mais également, et éventuellement, le territoire national. Il en est ainsi, notamment, de ce que l’on appelle le « risque nucléaire » lié à l’existence et au fonctionnement d’installations nucléaires (les centrales nucléaires étant qualifiées administrativement d’« installations nucléaires de base » ou INB). Outre les directives existant en la matière, en France, une loi a été adoptée en 2006 qui vise spécifiquement les activités et installations nucléaires7.
D’autre part, le risque est parfois qualifié de « majeur ». Le code de l’environnement comporte un titre VI dont le chapitre 1er est intitulé « Mesures de sauvegarde des populations menacées par certains risques naturels majeurs ». Mais qu’est-ce qu’un risque majeur ? Selon une circulaire ministérielle : « Le risque majeur résulte de la conjonction d’une catastrophe naturelle et de personnes pouvant subir des préjudices »8, mais cette « définition » n’a aucune force légale et n’est pas reçue par tous9. Par ailleurs, la terminologie ne paraît pas bien fixée10.
B. Les modalités de l’intervention de l’État en matière de prévention
L’intervention de l’État se manifeste toujours en France par la création de structures administratives. En matière de risque, il faut signaler d’abord l’existence d’un comité interministériel de prévention des risques naturels majeurs11, chargé de contribuer à définir la politique conduite par le gouvernement en matière de prévention des risques naturels majeurs12. Une autre institution centrale est la délégation aux risques majeurs, créée auprès du Premier ministre13, dirigée par un délégué aux risques majeurs nommé par décret en conseil des ministres. La délégation a pour missions d’apprécier les risques majeurs d’origine naturelle, d’évaluer les moyens de les prévenir et de proposer les mesures propres à en atténuer les effets, de participer à l’élaboration des programmes d’utilisation des moyens de secours nationaux en cas de catastrophe quelle qu’en soit l’origine et de proposer les mesures de coordination interministérielles nécessaires, d’exécuter toute mission particulière ou de coordination en rapport avec ses missions permanentes qui lui est confiée par le Premier ministre.
À côté de ces structures générales ont été mises en place des structures plus ou moins spécialisées. Ainsi, le premier risque naturel étant, en France, le risque d’inondation, un dispositif de surveillance et d’annonce des crues a été mis en place depuis de nombreuses années. Ce dispositif a été renforcé avec la réorganisation territoriale du dispositif d’annonce des crues de l’État et la création d’un service technique central d’appui aux services chargés de la prévision des crues. De même, par exemple, une « agence de prévention et de surveillance des risques miniers » a été créée en 200214.
L’État par l’intermédiaire de ses organes édicte des mesures de prévention par le biais de réglementations. Les ICPE, ou installations classées pour la protection de l’environnement, en sont une bonne application. Ces installations correspondent bien à l’idée qu’elles sont qualifiées ainsi en raison des risques – qui peuvent être très différents – qu’elles présentent15. Les dispositions les régissant figurent au code de l’environnement, aux articles L. 511-1 et suivants.
Il appartient également à l’État d’établir des plans ou schémas qui servent à délimiter les parties du territoire qui sont plus particulièrement soumises à un risque, ces plans et schémas étant destinés à sensibiliser les citoyens comme les élus locaux et à inciter à adopter un certain nombre de mesures de prévention. Par exemple, selon l’article L. 562-1 du code de l’environnement : « L’État élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. » Une autre modalité d’intervention de l’État, inévitable, et que personne ne songe à contester, en en exigeant au contraire toujours plus, est constituée par les modalités financières. Il faut relever que le financement de la prévention est toujours un peu problématique parce que les citoyens – donc les dirigeants par voie d’effet en retour – n’en voient pas la nécessité, sauf lorsque le risque se réalise. Les effets de la prévention ne sont pas aussi visibles que les autres actions publiques, la prévention est moins « porteuse » d’image que des actions spectaculaires dont les médias se font facilement l’écho.
L’une des techniques choisies pour financer une activité nouvelle est celle des « fonds », même s’il n’existe aucune définition précise de ce qu’est un fonds. En fait, le terme de « fonds » désigne le regroupement de sources de financement qui peuvent être diverses, ce qui permet d’échapper au principe budgétaire classique de non-affectation des recettes aux dépenses. L’un de ces fonds est le fonds de prévention des risques naturels majeurs16, dit aussi fonds Barnier. Initialement destiné à financer les indemnités d’expropriation de biens exposés à un risque naturel prévisible de mouvements de terrain, d’avalanches ou de crues torrentielles menaçant gravement des vies humaines, ce fonds a vu son champ de compétences s’élargir constamment à de nouveaux domaines lors de chaque loi de finances de l’année17.
2. Le rôle second, mais essentiel, des collectivités territoriales
Les collectivités territoriales ne sont pas toutes également concernées par la politique de prévention des risques, et pas au même titre. La principale collectivité en ce domaine, et pour l’instant18, demeure la commune, avec un rôle spécifique consacré par la loi au profit du maire.
A. Le rôle du maire dans la prévention des risques
Le maire est titulaire du pouvoir de police, et il est à peine besoin de préciser que c’est de police administrative dont il s’agit. Or la police administrative est, par définition, et malgré les nuances qu’il conviendrait d’apporter au vu de la jurisprudence, préventive. L’exercice par le maire de son pouvoir de police a un caractère préventif. Ce pouvoir de police est appelé à s’appliquer dans le cas de risque puisque ce dernier peut emporter des atteintes à l’ordre public, qui est la finalité du pouvoir de police du maire.
Les textes, et notamment le célèbre article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) consacrent ce rôle du maire. Le premier alinéa de cette disposition affirme que la police municipale « comprend notamment », avec une énumération qui suit et dont le 5° est le suivant : « Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que les incendies, les inondations, les ruptures de digues, les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches ou autres accidents naturels, les maladies épidémiques ou contagieuses, les épizooties, de pourvoir d’urgence à toutes les mesures d’assistance et de secours et, s’il y a lieu, de provoquer l’intervention de l’autorité supérieure. » Cette disposition est le fruit d’une sédimentation de plusieurs législations, dont certaines remontent à la Révolution : nous n’avons plus tendance à parler de « fléaux calamiteux », expression qui fait un peu « vieillot », bien qu’elle soit particulièrement évocatrice. Elle est aussi une illustration de toute une série de risques susceptibles de survenir, et qui sont principalement des risques naturels. Cette liste donne une idée du rôle du maire, qui apparaît fondamental à l’échelon local. Ce pouvoir est général, puisque le maire est appelé à prévenir les risques « par des précautions convenables ». Le maire est la première autorité administrative à intervenir, parce qu’il est le plus proche des événements, il est aussi le plus « exposé ».
Cet article L. 2212-2 ne doit pas être lu seul, plusieurs dispositions qui suivent le complètent ; en particulier, dans notre domaine, l’article L. 2212-4 dispose : « En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l’article L. 2212-2, le maire prescrit des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d’urgence le représentant de l’État dans le département et lui fait connaître les mesures qu’il a prescrites. »
Cette disposition impose au maire de faire usage de son pouvoir de police dans une telle hypothèse, et son refus peut engager la responsabilité de la commune19. Et, par exemple, pour citer un exemple récent, le maire d’une commune « ne pouvait légalement refuser d’user des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales pour ordonner, aux frais de la commune, la réalisation des mesures de protection exigées par les circonstances pour assurer la mise en sécurité des immeubles appartenant à la copropriété et qui étaient exposés au risque de chutes de rochers »20. Et une commune ne peut s’exonérer de la responsabilité qu’elle encourt dans l’exercice de sa mission de prévention des inondations qui lui incombe en invoquant les fautes qu’aurait commises le service d’annonce des crues mis en place par l’État en tardant à informer les services municipaux de la montée des eaux ((CE 22 juin 1987, Ville de Rennes c/ Cie rennaise de linoleum et du caoutchouc : Rec., p. 223 ; AJDA 1988, p. 65, note J. Moreau.)).
D’autres dispositions sont plus spécifiques à certaines activités. Ainsi, par exemple, en vertu de l’article L. 2213-23 le maire « exerce la police des baignades et des activités nautiques pratiquées à partir du rivage avec des engins de plage et des engins non immatriculés », cette police s’exerçant en mer jusqu’à une limite fixée à 300 mètres à compter de la limite des eaux. Et, en vertu du 4e alinéa : « Le maire est tenu d’informer le public par une publicité appropriée, en mairie et sur les lieux où elles se pratiquent, des conditions dans lesquelles les baignades et les activités nautiques sont réglementées, ainsi que des résultats des contrôles de la qualité des eaux de ces baignades accompagnés des précisions nécessaires à leur interprétation. »
Ainsi, « l’utilisation de la plate-forme flottante installée par la commune d’Étables-sur-Mer sur la plage publique des Gobelins présentait un danger particulier dès lors qu’elle permettait à des adolescents et à des enfants d’effectuer des plongeons, quelle que soit la profondeur de l’eau ; que, par suite, il incombait au maire de prendre, en application des dispositions de l’article L. 2213-23 du code général des collectivités territoriales […], les mesures appropriées à l’usage de cette plate-forme flottante ; qu’ainsi, le maire d’Étables-sur-Mer, en s’abstenant de prendre de telles mesures, a commis une faute dans l’exercice de ses pouvoirs de police »21.
Ce pouvoir de police du maire connaît des limites et, notamment, le maire doit respecter la répartition des compétences des différents pouvoirs de police. Il ne lui appartient pas de prendre des interdictions de police au motif d’un risque dès lors que la compétence dans le domaine considéré, et à supposer qu’il y ait effectivement un risque, relève d’une autre autorité.
L’un des exemples que l’on peut citer est celui des interdictions d’antennes relais qu’ont voulu édicter des maires. Dans une décision de principe de 2011, le Conseil d’État a déclaré qu’il résultait des dispositions de l’article 5 de la charte de l’environnement, invoquée par les maires à l’appui des mesures de police prises, que « le principe de précaution, s’il est applicable à toute autorité publique dans des domaines d’attribution, ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’exercer son champ de compétence et d’intervention en dehors de ses domaines d’attributions »22.
B. Les fonctions des collectivités territoriales en matière de prévention des risques
Rappelons d’abord que les collectivités territoriales (et d’autres institutions) peuvent avoir un rôle important pour prévenir des risques autres que ceux qui sont visés ici, c’est-à-dire les risques naturels et technologiques.
Ainsi, notamment, les collectivités territoriales, et en particulier le département, se sont vu reconnaître un rôle en matière de « risques sociaux ». Par exemple, selon l’article L. 121-2 du code de l’action sociale et des familles : « Dans les zones urbaines sensibles et dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale le département participe aux actions visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion et la promotion sociale des jeunes et des familles » ((Une autre disposition, dans le même code, reprend à peu près la même formulation. Il s’agit de l’article L. 221-1, 2°, selon lequel le département doit « organiser, dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale, des actions collectives visant à prévenir la marginalisation et à faciliter l’insertion ou la promotion sociale des jeunes et des familles ».)). Mais ce sens étendu de « prévention des risques », pour justifié qu’il soit, est trop loin de la notion habituelle de risque ici retenue et n’est donc pas pris en compte dans le développement qui suit.
La collectivité territoriale la moins concernée par la prévention des risques naturels et technologiques est le département, alors que, d’une part, cette collectivité est en revanche compétente en matière d’intervention dès lors qu’une catastrophe s’est produite, avec les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) et, d’autre part, l’échelon départemental est directement concerné, mais, ainsi que nous l’avons vu, à travers les attributions des DREAL.
Par ailleurs, le département se voit reconnaître des compétences ou des responsabilités dans d’autres domaines relatifs aux risques. Ainsi, par exemple, en vertu de l’article L. 121-2 et L. 222-1 du code de l’action sociale et des familles le département « a une mission de prévention de la marginalisation et d’aide à l’insertion dans les lieux où se manifestent des risques d’inadaptation sociale ». C’est bien de prévention et de risque dont parle le code précité, mais nous sommes ici dans le cadre de risques d’une autre nature, que l’on peut qualifier de « risques sociaux ».
La collectivité régionale paraît ne pas devoir être plus concernée, d’abord parce que, par ses dimensions – qui ne peuvent que s’étendre dans les réformes en cours – elle est plus éloignée des faits à l’origine des dommages, ensuite parce que la fonction des régions, telle qu’elle a été pensée lors de la création des régions, est orientée plutôt vers l’économie, vers les incitations, la coordination23. Toutefois rien n’empêche les régions – cela peut valoir aussi pour les départements, mais dans une moindre mesure – de développer une politique complémentaire en ce domaine. Et cette politique peut prendre deux orientations, que l’on retrouve dans plusieurs régions. La première consiste à favoriser le développement d’une « culture du risque » par l’information et la formation, la seconde consiste, classiquement, à attribuer à d’autres personnes publiques (principalement, à l’heure actuelle, des communes), et aussi à des personnes privées telles des associations, des subventions en vue de développer cette culture du risque24.
La commune, ainsi que, désormais les intercommunalités, demeure la collectivité principalement concernée par les actions en vue de la prévention des risques. Les articles précités du CGCT confèrent au maire de larges attributions qui vont au-delà des mesures de police examinées précédemment. Les termes utilisés par ces dispositions sont en effet très généraux. On peut en retenir tout d’abord une mission d’information. Cette mission du maire est double. Le maire a une mission d’information des populations. En tant qu’autorité de proximité le maire est le plus à même de porter à la connaissance des citoyens un certain nombre d’informations qui lui sont communiquées, soit par des autorités spécialisées, soit par les services de l’État.
Certes aujourd’hui les citoyens ont à leur disposition bien d’autres moyens d’information, notamment, en ce qui concerne la météorologie, avec Météo-France, mais toutes les personnes ne sont pas nécessairement informées, et le rôle du maire demeure irremplaçable. Il peut être aidé dans cette tâche par des services tels que le service des pompiers ou encore la gendarmerie. Toujours en ce qui concerne l’information, le maire est chargé d’informer l’autorité supérieure (c’est ainsi que certains textes la qualifient), c’est-à-dire le représentant de l’État. Bien que celui-ci dispose de ses propres services, les informations que lui font « remonter » du terrain les maires sont utiles pour les décisions à prendre.
La prévention à l’échelon de la commune est représentée également par les mesures prises en matière d’occupation du sol. L’expérience montre qu’en cas d’inondation, par exemple, un certain nombre de dommages auraient pu être évités si des constructions n’avaient pas été édifiées sur des terrains inondables ou facilement inondés. Dans le passé, des permis de construire ont été accordés trop facilement dans de telles zones. Les plans d’urbanisme sont destinés non seulement à préciser la vocation des différentes zones mais également à éviter la survenance d’un certain nombre de risques, en particulier les risques d’inondation.
Selon l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur sont compatibles, s’il y a lieu, avec : « 9° Les objectifs de gestion des risques d’inondation définis par les plans de gestion des risques d’inondation pris en application de l’article L. 566-7 du code de l’environnement, ainsi qu’avec les orientations fondamentales et les dispositions de ces plans définis en application des 1° et 3° du même article L. 556-7, lorsque ces plans sont approuvés. »
Et, selon l’article R. 123-11 du même code, les zones U, AU et N sont délimitées sur un ou plusieurs documents graphiques, et ces documents graphiques font apparaître « b) Les secteurs où les nécessités du fonctionnement des services publics, de l’hygiène, de la protection contre les nuisances et de la préservation des ressources naturelles ou l’existence de risques naturels, tels qu’inondations, incendies de forêts, érosion, affaissements, éboulements, avalanches, ou de risques technologiques justifient que soient interdites ou soumises à des conditions spéciales les constructions et installations de toute nature, permanentes ou non, les plantations, dépôts, affouillements, forages et exhaussements des sols. »
Enfin, selon l’article L. 122-1-13 du même code de l’urbanisme : « Lorsqu’un plan de gestion des risques d’inondation mentionné à l’article L. 556-7 du code de l’environnement est approuvé, les schémas de cohérence territoriale doivent être compatibles avec les objectifs de gestion des risques d’inondation et les orientations fondamentales définis par ce plan. »
Mais il apparaît très clairement, à la lumière des dispositions qui viennent d’être citées, que les mesures à prendre par les autorités locales décentralisées le sont le plus souvent en coopération avec les autorités de l’État, et cela est inévitable.
II. Un partage des compétences qui appelle des actions conjuguées
Le domaine de la prévention ne peut être le fait d’une seule personne, fût-elle l’État. Par ses caractéristiques, il appelle une collaboration de l’ensemble des personnes publiques, État et collectivités territoriales, et également les établissements publics qui contribuent, eux aussi, à cette politique de prévention.
1. Les différentes mesures de prévention
Les mesures de prévention consistent d’abord en une information qui est donnée aux citoyens, ensuite en l’établissement de documents qui, soit sont établis par les collectivités territoriales, soit s’imposent à elles.
A. L’information des citoyens
Il ne peut y avoir de démocratie qu’avec des citoyens dûment informés par leurs dirigeants de la situation, qu’elle soit politique ou autre, nationale ou locale. Cela vaut particulièrement dans le domaine des risques : il est indispensable que les citoyens sachent comment réagir face à un risque, qu’il soit naturel ou technologique, cela permet d’éviter des dommages matériels et, plus encore, de sauver éventuellement des vies.
Dans le projet de loi de modernisation de la sécurité civile25, le gouvernement se donnait plusieurs ambitions et le texte déposé au Parlement déclarait qu’il reconnaissait « le cadre communal comme le premier niveau pertinent pour l’information et la protection des populations ».
L’article L. 125-2 du code de l’environnement prévoit un tel droit à l’information. Selon cette disposition : « Les citoyens ont un droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis dans certaines zones du territoire et sur les mesures de sauvegarde qui les concernent. Ce droit s’applique aux risques technologiques et aux risques naturels prévisibles. / Dans les communes sur le territoire desquelles a été prescrit ou approuvé un plan de prévention des risques naturels prévisibles, le maire informe la population au moins une fois tous les deux ans, par des réunions publiques communales ou tout autre moyen approprié, sur les caractéristiques du ou des risques naturels connus dans la commune, les mesures de prévention et de sauvegarde possibles, les dispositions du plan, les modalités d’alerte, l’organisation des secours, les mesures prises par la commune pour gérer le risque, ainsi que sur les garanties prévues à l’article L. 125-1 du code des assurances. Cette information est délivrée avec l’assistance des services de l’État compétents, à partir des éléments portés à la connaissance du maire par le représentant de l’État dans le département, lorsqu’elle est notamment relative aux mesures prises en application de la loi n° 2004-11 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile et ne porte pas sur les mesures mises en œuvre par le maire en application de l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. » Les articles R. 124-1 et s. du code de l’environnement précisent le contenu de ce droit à l’information pour tout ce qui concerne l’environnement.
Ces obligations ne pèsent sur les maires, principale autorité administrative concernée à l’échelon local, que pour autant qu’ait été prescrit ou approuvé un plan de prévention des risques naturels prévisibles. Ces plans, sur lesquels nous allons revenir, sont laborieux à mettre en œuvre. C’est dire que le droit à l’information des citoyens n’est pas assuré de manière tout à fait satisfaisante. Il est vrai que, de leur côté, les citoyens ne font pas toujours l’effort indispensable pour s’informer loyalement.
Un exemple, certes particulier (mais néanmoins important), est représenté par l’information sur les risques nucléaires26, qui est l’un des domaines où l’information disponible est la plus importante. Les documents d’information ne manquent pas en la matière. Mais la difficulté est de trouver « le juste milieu » : les documents d’information à destination du « grand public », clairs, compréhensibles par les non spécialistes, sont accusés par certains d’être orientés, de ne pas dire la « vérité »27 ; et les documents complets, techniques, accessibles à ceux qui le souhaitent, sont accusés d’être incompréhensibles… Le recours à des organismes dits « indépendants » est tout aussi illusoire28.
Il faut relever également que si les collectivités territoriales, principales autorités concernées en matière de risques, ont une obligation d’information à l’égard des citoyens, l’État est, de son côté, tenu d’informer les collectivités territoriales à partir des informations dont il dispose lui-même. L’article L. 563-5 du code de l’environnement, qui ne vise que les risques naturels (les plus répandus tout de même) prévoit que l’État met gratuitement les données dont il a connaissance à disposition des collectivités territoriales.
L’information ne devrait pas aller sans la formation : face à un risque, des comportements adéquats sont requis. Dans certains pays confrontés plus que le nôtre à des risques naturels, comme le Japon, cette formation est systématique. Le lieu privilégié de la formation est d’abord l’école mais, en ce qui concerne la France, d’une part, la responsabilité première incombe à l’État et non aux collectivités territoriales29, d’autre part, la formation aux risques donnée aux enfants est quasiment inexistante. Quant aux adultes, rien n’est vraiment prévu en ce domaine. Les régions se reconnaissent un rôle en matière de formation : elles affirment vouloir engager des actions visant à développer une « culture du risque » à travers la diffusion des connaissances, la sensibilisation et l’éducation des différents publics. Il est difficile de faire le bilan de telles actions.
B. Les documents de prévention à l’échelon des collectivités territoriales
Il existe de nombreux documents de prévention des risques. En matière de risques naturels, l’un des plus importants documents est le plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRNP), mais si, comme nous l’avons vu plus haut, ces documents sont décidés et établis par l’État, et même si c’est, comme nous le verrons, après concertation avec les autorités locales. Un document purement communal est le plan communal de sauvegarde. Selon l’article L. 731-3 du code de la sécurité intérieure30 : « Le plan communal de sauvegarde regroupe l’ensemble des documents de compétence communale contribuant à l’information préventive et à la protection de la population. Il détermine, en fonction des risques connus, les mesures immédiates de sauvegarde et de protection des personnes, fixe l’organisation nécessaire à la diffusion de l’alerte et des consignes de sécurité, recense les moyens disponibles et définit la mise en œuvre des mesures d’accompagnement et de soutien de la population. Il peut désigner l’adjoint au maire ou le conseiller municipal chargé des questions de sécurité civile. Il doit être compatible avec les plans d’organisation des secours arrêtés en application des dispositions des articles L. 741-1 à L. 741-5. / Il est obligatoire dans les communes dotées d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ou comprises dans le champ d’application d’un plan particulier d’intervention. / Le plan communal de sauvegarde est arrêté par le maire de la commune et, pour Paris, par le préfet de police. / Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, un plan intercommunal de sauvegarde peut être établi en lieu et place du plan prévu au premier alinéa. En ce cas, il est arrêté par le président de l’établissement public et par chacun des maires des communes concernées. / La mise en œuvre du plan communal ou intercommunal de sauvegarde relève de chaque maire sur le territoire de sa commune. »
À l’échelon du département les services d’incendie et de secours, organisés sous forme d’un établissement public qualifié de service départemental d’incendie et de secours (SDIS), ont un rôle de prévention contre les incendies même si leur rôle premier est évidemment un rôle de lutte et de protection. Les dispositions générales du dispositif opérationnel « ORSEC départemental »31 définissent, selon le décret précité de 2005 : « 2° Le suivi des dispositifs de vigilance ayant pour but de prévoir, de prévenir ou de signaler certains risques. »
Et l’article L. 1424-4 du CGCT dispose : « Un schéma départemental d’analyse et de couverture des risques dresse l’inventaire des risques de toute nature pour la sécurité des personnes et des biens auxquels doivent faire face les services d’incendie et de secours dans le département, et détermine les objectifs de couverture de ces risques par ceux-ci. / Le schéma départemental d’analyse et de couverture des risques est élaboré, sous l’autorité du préfet, par le service départemental d’incendie et de secours. / Après avis du conseil général, le représentant de l’État dans le département arrête le schéma départemental sur avis conforme du conseil d’administration du service départemental d’incendie et de secours. » Les compétences, ici, sont partagées, si ce n’est imbriquées, entre le département et le représentant de l’État.
À l’échelon régional, et dans le cadre du projet régional de santé, il doit être établi un schéma régional de prévention. Selon l’article L. 1434-5 du code de la santé : « Le schéma régional de prévention inclut notamment des dispositions relatives à la prévention, à la promotion de la santé, à la santé environnementale et à la sécurité sanitaire. Il organise, dans le domaine de la santé des personnes, l’observation des risques émergents et les modalités de gestion des événements porteurs d’un risque sanitaire, conformément aux articles L. 1435-1 et L. 1435-2. » Mais ce schéma échappe largement aux collectivités territoriales, c’est une autorité particulière de l’État, l’Agence régionale de santé (ARS), qui dispose de la compétence première.
Les différents documents adoptés par les autorités locales peuvent faire des renvois à des documents concernant les risques, et cela se vérifie en particulier, et de manière logique, pour les documents d’urbanisme. Ainsi, les schémas de cohérence territoriale (SCOT)32 ainsi que les schémas de secteur « sont », en vertu de l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, « compatibles, s’il y a lieu, avec les objectifs de gestion des risques d’inondation définis par les plans de gestion des risques d’inondation pris en application de l’article L. 566-7 du code de l’environnement, ainsi qu’avec les orientations fondamentales et les dispositions de ces plans définies en application des 1°et 3° du même article L. 556-7, lorsque ces plans sont approuvés ».
Et l’article L. 122-1-13 du même code de l’urbanisme dispose : « Lorsqu’un plan de gestion des risques d’inondation mentionné à l’article L. 556-7 du code de l’environnement est approuvé, les schémas de cohérence territoriale doivent être compatibles avec les objections des risques d’inondations et les orientations fondamentales définis par ce plan. »
2. Une conjugaison nécessaire des interventions des collectivités territoriales et de l’État
L’idée de la conjugaison est d’unir (conjugare signifie unir), unir les interventions de l’État et des collectivités territoriales dans le domaine de la prévention des risques. Cette conjugaison est d’autant plus indispensable que les actions de prévention se trouvent imbriquées avec les actions de protection.
A. L’imbrication des actions de prévention et de protection
Parodiant une formule célèbre sur le bonheur, on pourrait dire que la prévention est une idée neuve, en France comme dans les autres pays33. Pendant des siècles, la prévention n’a pas été à l’ordre du jour parce que, d’une part, le concept lui-même de prévention est un concept moderne, d’autre part, parce que les hommes comme leurs dirigeants ne disposaient pas des moyens techniques de procéder à une véritable prévention.
La préoccupation traditionnelle est celle de la protection. Ce terme est à la fois vague et large, il recouvre toutes sortes de mesures, précisément parce que les mesures prises étaient très pragmatiques, en fonction des possibilités dont les hommes pouvaient disposer. Ainsi, par exemple, s’agissant du risque d’inondation, le plus fréquent comme nous l’avons vu, les mesures de protection consistaient notamment en la construction de digues et, depuis plusieurs siècles, des institutions particulières sont chargées de lutter contre ce risque en entretenant les digues et les berges34. Plus tard, des retenues et des barrages ont été construits, avec des préoccupations qui étaient à la fois de protection contre les crues des cours d’eau et de production d’électricité.
Les ouvrages de protection ne suffisaient pas toujours, le risque se réalisait souvent. Et les victimes de ces risques se tournaient tout naturellement vers les collectivités publiques pour obtenir des secours. Déjà sous l’Ancien Régime, les communautés villageoises ou les provinces (les « États généraux) prenaient des mesures de secours envers les habitants victimes de calamités naturelles. Au xixe siècle, le Parlement intervient régulièrement pour apporter des secours aux personnes victimes d’inondations, de sécheresse, de tornades, etc.35. L’État a donc pris le relais des collectivités locales en la matière. Mais ces aides étaient surtout symboliques, elles ne constituaient pas une véritable réparation.
La formule constitutionnelle déjà citée, comme l’enrichissement global du pays, et le développement de l’assurance, ont permis la mise en place de mécanismes d’indemnisation et de réparation, une véritable politique de réparation étant définie. En même temps, le coût de plus en plus élevé des indemnisations a conduit les pouvoirs publics à chercher à développer la prévention, moins coûteuse, tout au moins à long terme, que la réparation.
Les deux préoccupations sont donc désormais intimement liées. Il n’y a pas de politique d’indemnisation sans une politique de prévention et celle-ci doit également prendre en compte le fait qu’elle n’est pas entièrement efficace, qu’elle peut faillir et que, dans ce cas, il faut des mesures d’indemnisation, de réparation. Le terme de « se prémunir » est au fond très significatif de la non-séparabilité des préoccupations de prévention et de protection. Se prémunir c’est se protéger, et se protéger signifie désormais indissociablement prendre des mesures de prévention et des mesures de réparation. Celle-ci relève désormais presque exclusivement des assurances et de l’État, en revanche la prévention implique bien à la fois l’État et les collectivités territoriales, ce qui impose une coopération entre les deux.
B. La coopération obligée entre l’État et les collectivités territoriales
L’efficacité des dispositifs de prévention implique au minimum d’adhésion des personnes publiques comme privées. Les collectivités territoriales, principalement les communes, étant, comme nous l’avons vu, les premiers acteurs de la prévention à l’échelon local, une coopération de ces collectivités avec l’État est plus que souhaitable, elle est indispensable. Plusieurs dispositions dans un certain nombre de lois (aujourd’hui codifiées dans différents codes) prévoient cette coopération sous différentes formes.
Un deuxième stade de la participation, après l’information qui en est le premier, est la concertation36. Une concertation est prévue à l’échelon national par l’article L. 566-4 du code de l’environnement selon lequel : « L’État, en s’appuyant sur le conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs et en concertation avec les parties prenantes concernées au niveau national, dont les associations nationales représentatives des collectivités territoriales, élabore une stratégie nationale de gestion des risques d’inondation qui définit les grands objectifs de réduction des conséquences négatives potentielles associées aux inondations pour les intérêts définis à l’article L. 566-1, les orientations et le cadre d’action, et les critères nationaux de caractérisation de l’importance du risque d’inondation. Le projet de stratégie, en particulier ces critères, est soumis à l’avis du conseil d’orientation pour la prévention des risques naturels majeurs. L’État arrête cette stratégie, dont les critères nationaux de caractérisation de l’importance du risque d’inondation, à l’issue de l’évaluation préliminaire des risques d’inondation. » De la même manière, à l’échelon local, les schémas de prévention des risques naturels prévus par l’article L. 565-2 du code de l’environnement doivent être élaborés en concertation37.
La coopération peut aller au-delà de la concertation, tout au moins dans la volonté affichée des pouvoirs publics. Ainsi, ces derniers ont déclaré vouloir établir un véritable partenariat avec les collectivités territoriales pour l’établissement des programmes de prévention des inondations (PAPI). Ces derniers, d’abord créés à titre expérimental par une simple circulaire, ont été pérennisés par la loi dite MAPTAM38 qui, dans son article 58, a modifié l’article L. 561-3 du code de l’environnement. Et la circulaire du 1er octobre 2002 relative aux plans de prévention des inondations et à l’appel à projets, adressée aux préfets coordonnateurs de bassins, a invité ces derniers à établir un partenariat avec les collectivités territoriales39.
La prévention des risques est donc une mission originale des collectivités territoriales car c’est une mission (en même temps qu’une fonction) qui a pris une importance considérable, mais qui ne peut s’exercer qu’en liens étroits avec tous les niveaux d’administration, et avec l’État en particulier. Par sa complexité, par la diversité des instruments qu’elle appelle, par la coopération indispensable qu’elle implique avec les autres personnes, publiques et privées, la prévention des risques apparaît comme une fonction particulièrement moderne, particulièrement actuelle, et qui, compte tenu des évolutions climatiques annoncées, ne peut que se développer dans l’avenir.
- Voir J.-M. Pontier, « La puissance publique et la prévention des risques », AJDA 2003, p. 1752 et s. et, du même auteur, « Le droit de la prévention des risques, droit en devenir des sociétés développées d’aujourd’hui et de demain », in Les plans de prévention des risques, PUAM 2007, p. 11 et s. [↩]
- Et encore que nous savons désormais qu’un événement qui se produit fort loin peut cependant avoir des incidences sur nous (« effet papillon », par exemple). [↩]
- Les risques naturels sont, en termes statistiques, ceux qui touchent le plus les Français. [↩]
- Par exemple, une vache : dans son roman Sans famille, qui est une bonne description de la société de son temps, H. Malot décrit l’histoire de Rémi, vendu par sa famille d’accueil, à la suite de la perte de la vache qui faisait vivre la famille. [↩]
- L’homme n’était pas présent lors des probables gigantesques explosions volcaniques qui contribuèrent tout aussi probablement, à la fin du crétacé, à la disparition des dinosaures… [↩]
- Cette exigence de disposer de normes similaires ou comparables se retrouve dans d’autres domaines que le domaine des risques. Par exemple, en matière d’inventaire du patrimoine, transféré en 2004 de l’État aux régions, il a été prévu de conserver la méthodologie qui avait été mise au point par les services du ministère, sinon cela aurait été une véritable régression. [↩]
- Il s’agit de la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire. Sur cette loi, voir J.-M. Pontier, « Introduction au droit nucléaire », in Le contentieux nucléaire, Le droit du nucléaire, PUAM 2011, p. 11 et s. [↩]
- Circulaire du 20 juin 1988, Équipement et risques majeurs. [↩]
- Le ministère chargé de l’écologie et du développement durable a caractérisé en 2000 le risque majeur à partir de deux critères, la faible fréquence et « une énorme gravité » (c’est-à-dire de nombreuses victimes, des dommages importants aux biens et à l’environnement). [↩]
- Par exemple, un arrêté du 10 mai 2000 est relatif à « la prévention des accidents majeurs impliquant des substances ou des préparations dangereuses présentes dans certaines catégories d’installations classées pour la protection de l’environnement soumises à autorisation ». [↩]
- Ce comité a été institué par le décret n° 2001-116 du 5 février 2001. [↩]
- Il fixe plus particulièrement les orientations dans les domaines suivants : amélioration de la connaissance des risques, renforcement de leur surveillance et de leur prévision, développement de l’information préventive sur ces risques ; renforcement de la prise en compte des risques dans l’utilisation des sols et dans la construction et réduction de la vulnérabilité des personnes et des biens aux aléas, notamment par le développement des plans et des travaux de prévention des risques naturels ; développement des méthodes d’analyse et d’expertise dans le domaine du risque naturel, notamment par l’amélioration des méthodes de retour d’expérience pour tirer les leçons des catastrophes occasionnées par la survenance des aléas et le renforcement des recherches dans le domaine de la prévention des risques naturels majeurs. [↩]
- Décret n° 84-243 du 10 avril 1984 portant création d’une délégation aux risques majeurs. [↩]
- Décret n° 2002-353 du 15 mars 2002 portant création de l’agence de prévention et de surveillance des risques miniers. Il s’agit d’un établissement public de l’État à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé des mines. [↩]
- La bibliographie sur les installations classées est énorme. On en trouve un très bon recensement dans le commentaire des dispositions du code de l’environnement chez Dalloz (sous la dir. de C. Cans et J. Makowiak). [↩]
- Ce fonds a été créé par la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l’environnement, dite « loi Barnier ». [↩]
- Sur ce fonds, et son évolution continue, voir C. Cans, I. Diniz, J.-M. Pontier, T. Touret, Traité de droit des risques naturels, Lexis Nexis 2014. [↩]
- Dans les recompositions en cours, les rôles peuvent être amenés à évoluer. La perspective, pour l’instant purement théorique, de création d’une nouvelle catégorie de collectivités territoriales qui se substituerait à la commune ou constituerait une sorte de « super commune » pourrait changer les choses. [↩]
- L’arrêt de principe en ce domaine est la décision du CE Ass. 24 janvier 1936, Sieur Mure : Rec., p. 105. [↩]
- CE 11 juillet 2014, Copropriété Les Hauts de Riffroids, req. n° 360835. [↩]
- CE 19 novembre 2013, M. C… A… et M. et Mme B… A…, req. n° 352955. [↩]
- CE Ass. 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, req. n° 326492. [↩]
- La coordination est évidemment indispensable en matière de prévention des risques, comme dans la lutte contre ces derniers, cette coordination peut se faire, dans certains cas, à l’échelon de la région mais, d’une part, cet échelon administratif n’est pas nécessairement adapté, d’autre part, dans ce cas, c’est une autorité représentant l’État qui est compétente. [↩]
- Par exemple, la région Rhône-Alpes déclare soutenir : « Les actions visant à favoriser le développement d’une culture du risque à travers la diffusion des connaissances, la formation, l’information, la sensibilisation et l’éducation des publics / les actions visant à améliorer la connaissance des risques et leur prise en compte dans les grands projets d’infrastructure ou les projets de territoire, ainsi que les actions visant à développer la planification régionale et la surveillance des phénomènes/ les actions favorisant le développement de la formation professionnelle dans le domaine des risques, le développement de l’innovation et de l’expérimentation et la coopération interrégionale. » [↩]
- Loi n° 2004-811 du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile, JO 17 août 2004, p. 14626. Les dispositions de cette loi sont, pour la plupart, codifiées en plusieurs articles du code de la sécurité intérieure (notamment, pour la définition, les articles L. 112-1 et s.). [↩]
- Sur cette question, voir, sous la direction de J.-M. Pontier et E. Roux, Droit nucléaire. Démocratie et nucléaire, PUAM 2013. [↩]
- Ce terme est un terme redoutable car sujet à des interprétations infinies. Dans le domaine scientifique, normalement, on ne devrait jamais parler de vérité, c’est un terme qui ne ressort pas du domaine scientifique, de l’expérimentation qui, seule, permet de vérifier une hypothèse. [↩]
- Il n’y a jamais de véritable indépendance et, dans les domaines un peu « sensibles », ceux qui se prétendant indépendants ne le sont pas plus que les pouvoirs publics ou les autorités spécialisées, leur orientation est simplement différente. [↩]
- Rappelons que les transferts qui ont eu lieu en ce domaine ont été des transferts de responsabilités, non des transferts de compétences (contrairement à ce qui est parfois écrit) et que les compétences essentielles (programmes, pédagogie, examens, personnels enseignants) demeurent à l’État, ce qui fait de la France un cas presque unique. [↩]
- Cet article a été créé par l’ordonnance n° 2012-351 du 12 mars 2012 relative à la partie législative du code de la sécurité intérieure, JO 13 mars 2012, p. 4533. Il est repris de la loi 2004-811 précitée. [↩]
- La disposition résulte du décret n° 2005-1157 relatif au plan ORSEC et pris pour l’application de la loi n° 2004-811 de modernisation de la sécurité civile, précitée. [↩]
- Ces schémas ont succédé, depuis la loi SRU du 13 décembre 2000, aux schémas directeurs, lesquels avaient eux-mêmes succédé, depuis la loi du 7 janvier 2003 relative à la répartition de compétences entre l’État, les communes, les départements et les régions, aux schémas directeurs d’aménagement et d’urbanisme (SDAU). [↩]
- À condition naturellement de ne pas entendre cette expression comme renvoyant seulement à une année ou deux… L’idée est neuve par rapport aux préoccupations et aux politiques suivies depuis plus d’un siècle. [↩]
- Cette institution particulière, dont on trouve déjà des exemples au xive siècle, est représentée par les associations syndicales de propriétaires. Ces « associations » qui n’en sont pas sont originales car pouvant relever, selon les cas, du droit privé (pour les associations syndicales libres, ASL) ou du droit public (pour les associations syndicales autorisées, ASA, et les associations syndicales constituées obligatoirement, ASCO). [↩]
- Pour de nombreuses illustrations, voir J.-M. Pontier, Les calamités publiques, Berger-Levrault 1980. [↩]
- Sur les différents « niveaux » de participation, voir J.-M. Pontier, La participation à la vie administrative, in Citoyen et administration, Cabay-Bruylant, Bruxelles 1985, p. 95. [↩]
- Selon le premier alinéa de cet article : « Le préfet, en concertation avec les collectivités territoriales compétentes, peut élaborer des schémas de prévention des risques naturels, tenant compte des documents interdépartementaux portant sur les risques existants. » [↩]
- Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique et des territoires et d’affirmation des métropoles (MAPTAM). [↩]
- Sur les PAPI, voir C. Cans, I. Diniz, J.-M. Pontier, T. Touret, Traité de droit des risques naturels, Lexis Nexis 2014. [↩]
Table des matières