Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 mars 2006 et 12 juillet 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA VENDEE, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DE LA VENDEE demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 2 décembre 2005 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a, d’une part, jugé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur ses conclusions tendant à l’annulation du jugement du 17 juillet 2002 du tribunal administratif de Nantes en tant qu’il lui a enjoint de dénoncer le contrat litigieux et d’autre part, rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant à l’annulation de ce jugement en tant qu’il a annulé la délibération du 29 juin 2001 de la commission permanente attribuant le contrat de délégation de service public de transport régulier de voyageurs concernant le secteur de Montaigu, Les Herbiers, La Chataigneraie et Nantes ;
2°) réglant l’affaire au fond, d’annuler le jugement du 17 juillet 2002 du tribunal administratif de Nantes et de rejeter la demande présentée par les sociétés Hervouët et les Cars Bleus Brisseau devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de chacune des sociétés Hervouët France et Les Cars Bleus Brisseau la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Agnès Fontana, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Coutard, Mayer, Munier-Apaire, avocat de la DÉPARTEMENT DE LA VENDEE et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat de la société Hervouet et de la société Les cars bleus brisseau,
– les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le DEPARTEMENT DE LA VENDEE a souhaité confier à un prestataire l’exploitation d’un service de transports de voyageurs incluant des usagers scolaires, sous la forme d’une délégation de service public ; qu’il a, à cet effet, fait paraître un avis d’appel à la concurrence au Bulletin officiel des annonces des marchés publics ainsi que dans le quotidien Ouest-France et dans une publication spécialisée ; qu’un avis a également été publié au Journal officiel de l’Union européenne ; que le groupement constitué des sociétés anonymes Hervouët, Les Cars bleus Brisseau et Sovetours a fait acte de candidature, puis a déposé une offre pour le lot numéro 1 correspondant au secteur Montaigu, Les Herbiers, La Chataigneraie et Nantes ; qu’après avoir complété son offre à la suite des négociations conduites avec le DEPARTEMENT DE LA VENDEE, le groupement a été informé du rejet de celle-ci par courrier en date du 12 juillet 2001 ; que les sociétés anonymes Hervouët et les Cars bleus Brisseau ont demandé au tribunal administratif, par requête enregistrée le 8 août 2001, l’annulation de la délibération de la commission permanente du conseil général de Vendée en date du 29 juin 2001, par laquelle la commission attribuait le lot n°1 au groupement constitué par les sociétés Moinet, Grolleau et Rigaudeau et rejetait par conséquent l’offre présentée par le groupement dont la société anonyme Hervouët était mandataire ; que par un jugement du 17 juillet 2002, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette délibération et enjoint au DEPARTEMENT DE LA VENDEE de résilier le contrat litigieux dans un délai de quatre mois assorti d’une astreinte ; que par l’arrêt attaqué du 2 décembre 2005, la cour administrative d’appel de Nantes a jugé qu’il n’y avait plus lieu de statuer sur les conclusions d’appel du DEPARTEMENT DE LA VENDEE dirigées contre l’injonction de résilier le contrat et a rejeté ses autres conclusions d’appel ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’ une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que s’agissant du lot n°1, la rémunération de l’entreprise attributaire était assurée par des recettes provenant à 93% environ du service de transport scolaire et par des recettes provenant, pour les 7% restant, d’autres services de transport et activités commerciales ; que le DEPARTEMENT DE LA VENDEE prenait en charge en substitution des familles environ 80% du coût du transport scolaire, le reste demeurant à la charge de ces familles ; qu’en se fondant, pour exclure une rémunération liée aux résultats de l’exploitation et caractériser ainsi l’existence d’un marché public, sur la seule participation directe des familles, sans prendre aussi en considération la part versée par le département pour chaque usager scolaire, en substitution des familles, laquelle constituait aussi une rémunération variant avec le nombre d’usagers et donc liée aux résultats de l’exploitation du service, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler l’arrêt du 2 décembre 2005 de la cour administrative d’appel de Nantes ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d’Etat, s’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ; que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond ;
Sur les conclusions à fin de non lieu soulevées par les sociétés Hervouët et Les Cars Bleus Brisseau :
Considérant que la circonstance que le DEPARTEMENT DE LA VENDEE a lancé une nouvelle procédure en vue de la passation du contrat de transport régulier de voyageur litigieux ne rend pas sans objet ses conclusions d’appel dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 juillet 2002, d’une part, annulant la délibération de la commission permanente du conseil général de Vendée du 29 juin 2001, ainsi que, la décision du président du conseil général de signer le contrat prise sur son fondement, et, d’autre part, enjoignant au département de dénoncer ce contrat ;
Sur les conclusions d’appel du DEPARTEMENT DE LA VENDEE dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Nantes du 17 juillet 2002 en tant qu’il a annulé la délibération de la commission permanente du conseil général de Vendée du 29 juin 2001, ainsi que la décision du président du conseil général de signer le contrat prise sur son fondement :
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête d’appel ;
Considérant qu’il ressort des pièces du contrat relatif au lot n°1, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, que le prestataire choisi devait tirer sa rémunération de l’exploitation du service, que ses recettes soient versées par le département au titre de sa prise en charge de 80% du coût des abonnements de transport scolaire, par les familles pour la part restante du coût de ces abonnements, ou qu’elles proviennent des sommes versées par les usagers non scolaires ou d’autres produits commerciaux ; que si une convention d’intéressement financier prévoit le versement d’une subvention par le département d’un montant initial de 25 733,39 euros, pour des recettes d’exploitation évaluées alors à environ 1,5 million d’euros, celle-ci laisse une part de l’éventuel déficit d’exploitation au cocontractant, laquelle peut s’élever à 30% de ce déficit, déduction faite du montant de la subvention initiale ; qu’ainsi, une part significative du risque d’exploitation demeurant à la charge de ce cocontractant, sa rémunération doit être regardée comme substantiellement liée aux résultats de l’exploitation ; que dès lors, le DEPARTEMENT DE LA VENDEE est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement du 17 juillet 2002, le tribunal administratif de Nantes a annulé la délibération du 29 juin 2001 de sa commission permanente au motif que la convention n’est pas une délégation de service public mais un marché public soumis aux règles fixées par le code des marchés publics ;
Considérant qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens présentés par les sociétés anonymes Hervouët et Les Cars Bleus Brisseau devant le tribunal administratif de Nantes, tendant à l’annulation de la délibération de la commission permanente du conseil général de la Vendée en date du 29 juin 2001, arrêtant le choix du groupement constitué par les sociétés Moinet, Rigaudeau et Grolleau pour l’attribution de la délégation de service public de transport régulier de voyageurs ; ensemble la décision du président du conseil général de signer ce contrat ;
Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales: Les offres ainsi présentées sont librement négociées par l’autorité responsable de la personne publique délégante qui, au terme de ces négociations, choisit le délégataire ; que ces dispositions permettent à l’exécutif du département de confier à ses agents la négociation des offres avec les candidats admis à négocier, sans même qu’il soit besoin à cet effet d’une délégation formelle ;
Considérant en second lieu qu’aux termes de l’article L. 1411-7 du code général des collectivités territoriales dans sa rédaction applicable à la date de la délibération litigieuse : Deux mois au moins après la saisine de la commission mentionnée à l’article L. 1411-5, l’assemblée délibérante se prononce sur le choix du délégataire et le contrat de délégation ; qu’il ressort des pièces du dossier que la commission permanente du conseil général avait reçu une délégation aux fins d’arrêter la liste des candidats admis à négocier une offre et de choisir le délégataire ; qu’il ressort de ce qui précède que les sociétés Hervouët et les Cars Bleus Brisseau ne sont pas fondées à soutenir que le choix du délégataire aurait été arrêté par une autorité incompétente ;
Considérant que contrairement à ce qu’allèguent les sociétés Hervouët et les Cars Bleus Brisseau, la nature et la hiérarchie des critères de sélection prévus au règlement de la consultation n’ont pas été modifiés ;
Considérant enfin, que compte tenu de ce que le groupement retenu disposait pour le démarrage des prestations du nombre de conducteurs et de véhicules requis, de la qualité du service attendue et eu égard au montant de la contribution financière qu’il demandait au département, le choix de ce délégataire n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les sociétés Hervouët et les Cars bleus Brisseau ne sont fondées à demander ni l’annulation de la délibération du 29 juin 2001 de la commission permanente du conseil général, ni celle de la décision du président du conseil général de signer le contrat ; que par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d’injonction doivent être rejetées ;
Sur les conclusions aux fins d’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions susmentionnées font obstacle à ce que la somme demandée par les sociétés Hervouët et les Cars Bleus Brisseau soient mises à la charge du DEPARTEMENT DE LA VENDEE qui n’est pas, dans la présente affaire, la partie perdante ; qu’il y a lieu en revanche, en application des mêmes dispositions, de mettre à la charge de chacune de ces deux sociétés la somme de 2 000 euros qui sera versée au DEPARTEMENT DE LA VENDEE ;
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt du 2 décembre 2005 de la cour administrative d’appel de Nantes et le jugement du 17 juillet 2002 du tribunal administratif de Nantes sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par les sociétés Hervouët et les Cars Bleus Brisseau devant le tribunal administratif de Nantes et leurs conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les sociétés Hervouët et les Cars Bleus Brisseau verseront chacune au DEPARTEMENT DE LA VENDEE la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA VENDEE, à la société Hervouët et à la société Les Cars Bleus Brisseau.