Partie Générale
Section Première : Le développement historique du droit administratif
§ 3 Le droit de supériorité des princes
[23] Le droit administratif actuel, comme toute autre branche du droit, a son histoire. Pour le bien comprendre, les phases par lesquelles il est passé sont d’une importance incomparable. Il faut constater que le point où nous nous trouvons est, pour un examen historique, particulièrement intéressant. Nous pouvons maintenant embrasser d’un coup d’œil toute une série de révolutions importantes et profondes qui se sont produites dans un espace de temps assez court et qui viennent seulement d’être achevées.
Ici, l’histoire du droit n’a pas à constater le développement paisible, semblable à celui de l’arbre, qui [24] pousse de jeunes rejetons et laisse périr les vieux ; il ne s’agit pas d’un lent accroissement et de l’épanouissement des différentes formes qui aujourd’hui nous entourent. C’est le fondement tout entier, qui est, à chaque fois, changé. Le rapport, juridique entre la puissance publique et le sujet, — rapport qui est l’objet du droit administratif, — repose sur certaines idées fondamentales dans le régime des droits de supériorité du princed’autrefois (landesherrliche Hoheitsrechte) ; il repose sur d’autres idées dans le régime qui suit, régime qui est caractérisé par la prépondérance de la police (Polizeistaat) ; il repose aujourd’hui sur d’autres fondements dans l’Etat soumis au régime du droit (Rechtsstaat).
Nous sommes loin du progrès insensible des institutions du droit civil. Pour que celles-ci présentent une raideur de contrastes analogue, il faudrait imaginer qu’un régime de droit civil, du caractère de celui que nous avons actuellement, serait d’abord remplacé par la mise en vigueur d’un idéal anarchiste et puis par un système conçu dans le sens du socialisme.
La transition ne se fait pas dans toute l’Allemagne à la fois et d’un seul coup; c’est tantôt l’un des groupes d’Etats, qui est à la tête, tantôt l’autre ; il y en a toujours qui s’attardent encore pour un certain temps dans le degré de l’époque précédente. Mais, en général, cette marche en avant s’est produite si rapidement, que nous pouvons, aujourd’hui encore, toucher presque de la main des institutions appartenant tout fait aux principes de la première époque.
Lentement, les prérogatives des princes s’étaient développées ; quelques-uns des Etats allemands ont persévéré dans cette forme caractéristique jusqu’à la dissolution du vieil empire au commencement du 19esiècle. Rapidement et sous une impulsion énergique, l’absolutisme avec son régime de la police s’était élevé pour détruire l’ancien ordre des choses ; au 18e siècle, il atteint son [25] apogée. C’est seulement depuis le commencement du 19esiècle, que la formation du droit constitutionnel, l’idée de l’Etat soumis au régime du droit s’introduit victorieusement.
A cette marche rapide correspond l’état de choses que nous trouvons devant nous.
Le droit actuel est encore rempli des débris des époques précédentes, débris qui sont en plein contraste avec les principes fondamentaux du droit moderne et qui doivent ou disparaître ou se transformer.
La doctrine elle-même est souvent encore liée par des manières de voir, qui ne sont plus conformes au droit actuel ; elle tient à des expressions qui, aujourd’hui, ne peuvent servir que dans un sens tout à fait différent. Pour s’orienter ici, la première condition est de garder toujours la conscience de ces contrastes historiques.
I. — Ce que nous appelons aujourd’hui l’administration est sorti non pas de l’Empire allemand, mais de la puissance inférieure appelée supériorité territoriale. Pour la réglementation des relations des individus entre eux, le Droit romain fut adopté ; pour la réglementation des relations de l’Etat et des sujets, il n’en fut pas de même. L’idée de l’État omnipotent, qui est inhérente à ce droit, a été perdue. La Majestas populi Romani, au nom de laquelle les magistrats romains commandaient souverainement à leurs concitoyens, était encore restée vivante dans les institutions de l’Empire romain1. Les peuples germaniques n’étaient pas capables de conserver cet héritage de la civilisation ancienne. La royauté franque avait encore pu tirer de cette succession une plénitude de puissance [26] assez considérable et qui l’élevait de beaucoup au-dessus de la position des anciens chefs de tribu2.
Sous les Carolingiens déjà, la destruction commence. L’Empire allemand a bien la prétention expresse de continuer le droit ; il prend bien de temps en temps un élan pour tirer de son idéal des forces nouvelles ; mais il s’en éloigne de plus en plus et s’affaiblit dans la même mesure. A la fin du Moyen Age, c’est chose faite : le centre de gravité de la vie politique du peuple allemand est dans les territoires. Mais dans ces territoires, la puissance publique se forme sans aucun contact avec l’Antiquité, sans aucune tradition. Lentement et à grande peine, elle se forme de toutes sortes de morceaux ; lors de sa première apparition, elle se présente à nous sous la forme bien accusée d’un conglomérat. C’est ce qui détermine aussi le caractère de ses relations avec les sujets.
Ce n’est pas l’Etat qui se trouve en présence des sujets ; cette notion abstraite ne fera son apparition que plus tard, pour produire alors tout de suite un effet puissant. C’est le prince en personne qui est en jeu. Il est investi d’une espèce particulière de droits qui lui sont propres. Ce sont des droits qui concernent les affaires de la communauté et qui marquent la position du prince au-dessus du territoire et des sujets. On les appelle droits de supériorité du prince : leur ensemble constitue la supériorité territoriale (Landeshoheit).
Ces droits ne sont pas les manifestations d’une plénitude de puissance dans le sens des droits de l’Etat, tels que nous les comprenons aujourd’hui ; ils sont acquis chacun séparément, l’un après l’autre, des titres différents, acquis d’un côté vis-à-vis de l’Empire, comme démembrements de la puissance originaire de l’Empereur, acquis d’un autre côté vis-à-vis des sujets qui, en [27] principe, sont réputés francs et libres de toute charge et ne sont soumis au prince qu’en tant qu’il peut produire contre eux un titre juridique. Par cette raison même qu’elle est ainsi conquise par morceaux, la supériorité territoriale a, suivant les lieux, une étendue très différente3.
Cette puissance cependant gagne en conformité et en plénitude sous l’influence du droit naturel. Ce courant singulier qui, pendant des siècles, a guidé le monde savant par la foi immuable en un droit émanant de la nature, — droit qui existe pour toutes les relations humaines et n’a qu’à être constaté par la science et à être mis en œuvre par le droit positif,— ce courant d’esprit s’empare surtout de l’objet dont nous parlons. Les savants des 16eet 17esiècles préparent la voie à l’idée de l’Etat, en plaçant les devoirs et les droits du prince sous le point de vue central du but de l’Etat. Le prince est là pour protéger et augmenter le bien-être général; tous les droits spéciaux qui lui appartiennent, il ne les a que pour ce but. Mais àl’inverse, si quelque chose est utile et nécessaire pour le bien-être général, il faut que le prince ait le droit correspondant, afin qu’il puisse y pourvoir. L’étendue de ses prérogatives se détermine donc par l’étendue des tâches qui, d’après l’opinion de l’époque, doivent être remplies pour la communauté. Plus ces tâches augmentent, plus les prérogatives, droits de supériorité, droits de majesté, jura majestatis seu regiminis jura regia seu regalia augmentent aussi. Leur énumération et leur classification, toujours amplifiée et perfectionnée, sont, pendant longtemps, un chapitre indispensable dans chaque cours de droit de l’Etat4.
[28] La théorie du « droit de la nature », il est vrai, ne dit que ce qui devrait être ; elle ne produit pas le droit directement ; le droit positif qu’elle rencontre est peut-être peu conforme avec ce qu’elle établit comme allant de soi et surtout avec ce qu’elle attribue au prince en fait de pouvoirs nouveaux. Mais elle a derrière elle la grande réalité de la force des princes ; celle-ci est toute disposée à prêter main forte à chaque programme nouveau pour le mettre à exécution et même pour le dépasser. Ainsi, la théorie du droit naturel a au moins indirectement, contribué à créer le droit nouveau5.
Toute cette évolution ne concerne pas l’Allemagne seule. En France surtout, le pouvoir royal s’était formé de bonne heure par un assemblage analogue de prérogatives ; il avait servi de modèle à notre théorie du droit naturel. En Allemagne, le caractère national devait ralentir cette marche en avant ; mais de plus, la dualité en laquelle ici la puissance publique se présente, comme puissance de l’Empereur d’une part, puissance des princes de l’autre, donne lieu à des dissemblances considérables.
Auquel des deux pouvoirs appartiendra l’accroissement que le « droit de la nature » entraîne d’une manière toujours plus large ? C’est évidemment au plus riche en sève vitale. C’est, depuis le traité de Westphalie, la supériorité territoriale qui l’emporte. La destinée de l’Empire s’annonce clairement dans le principe reconnu depuis cette époque : toutes les nouvelles [29] prérogatives qui s’introduisent reviennent à la supériorité territoriale6.
Mais ceci n’est qu’un point secondaire. Beaucoup plus important est un autre fait, dépendant aussi de la coexistence des deux sortes de puissances publiques : sur la puissance territoriale, qui renferme l’avenir de notre droit administratif, est placée, comme une sorte de grand régulateur, la juridiction de l’Empire. Au dernier moment, en 1495 — 25 ans plus tard cela aurait-il encore été possible ? –– les pouvoirs de l’Empire ont réussi à créer le Reichskammergericht, auquel en 1501 le Reichshofrat est joint. Ces deux tribunaux sont placés, avec compétence égale, au-dessus des pouvoirs des princes, celui-ci investi d’une supériorité honorifique et d’une position plus splendide, celui-là, malgré toutes les misères de sa situation, supérieur par son influence intellectuelle. Ils veillent spécialement sur le maintien des limites des prérogatives princières. Partout ailleurs où une telle institution manquait, la puissance des princes, sous l’impulsion continue du « droit de la nature », devait forcément franchir toutes les bornes du droit individuel déterminé et en perdre la mesure. Ici, cette marche est retardée. Tant que la juridiction de l’Empire règne, le développement de notre droit s’arrête au système des prérogatives. Tandis qu’en France, depuis longtemps, le système se réduit à prêter à la doctrine de simples rubriques pour classifier les différents effets du pouvoir absolu du roi, chez nous ce système est encore très sérieusement en vigueur : la puissance publique conserve chez nous, jusqu’à une époque récente, la forme d’un assemblage de droits particuliers du prince.
Cela ne peut pas manquer de donner à toutes les [30] relations de la puissance publique avec les sujets qu’elle rencontre dans son activité, leur caractère juridique général. Le droit administratif de cette époque se construit sur le modèle du droit civil.
II. –– Le droit commun, pour l’application duquel les tribunaux de l’Empire sont constitués, apparaît à ces derniers sous la forme des droits individuels qui en découlent ; ces droits, le tribunal les protège dans leurs justes limites et les empêche aussi de franchir ces limites. Ces limites sont déterminées d’un côté par le titre d’acquisition du droit, de l’autre par la réaction des droits acquis par des tiers. C’est le système qui caractérise le droit civil ; il est appliqué aux prérogatives du prince.
1. –– Le prince lui-même ne peut pas faire valoir une prétention contre le sujet, si elle n’est pas basée sur un droit positif qui lui appartient. Aux prérogatives acquises à des titres divers, le « droit naturel » ajoute ses principes généraux sur ce qui doit lui appartenir : il n’a qu’à étendre la main et il possède ces droits dans toute leur étendue7. C’est également le « droit naturel » qui détermine cette étendue avec tendance à l’accroître de plus en plus.
A la tête de ce mouvement en avant, nous trouvons le jus politiae, l’élément le plus récent et le plus fécond de la supériorité territoriale. Le prince a le devoir de procurer l’ordre public et le bien-être général ; par conséquent, il a le droit d’exercer sur les sujets la puissance nécessaire à ce but, le droit de police. C’est dire qu’on ne veut pas s’en tenir à ce qui est en usage ; il faut pourvoir à des choses nouvelles ; la [31] police devient ainsi une source toujours abondante de nouvelles prétentions que le prince est autorisé à faire valoir et dont il détermine lui-même l’objet en vertu de son jus politiae. Pour ce droit, il n’y a pas, en définitive, de limite que l’on puisse fixer8.
Plus lentement avance le jus sequelae, le droit à des corvées, et surtout le droit d’imposer des contributions. Ici, les tribunaux aiment trouver dans l’exercice de ce droit certains ménagements, dans l’octroi de ce droit certaines conditions9. Mais, en général, la tendance est d’établir les prérogatives en elles-mêmes, quant à leur existence et leur portée, à l’abri de toute contestation et de toute critique : on peut prétendre à tout ce que, de bonne foi, on peut juger nécessaire10.
D’ailleurs, les tribunaux, avec une sévérité plus grande, veillent sur la limite qui existe pour tous les [32] droits : du meilleur droit on ne doit pas abuser. L’abus d’un droit n’est plus un droit. Les prérogatives des princes sont spécialement surveillées à cet égard. Car les unes et, les autres, d’après les idées du droit naturel, ne sont attribuées au prince qu’en vue du bien-être général ; le prince ne peut s’en servir que dans ce but ; sinon, il en abuse, il agit illégalement11. De même, la manière dont le droit est exercé doit rester convenable et régulière ; elle ne doit pas dégénérer en rigueurs inutiles. Dans ces cas, le tribunal de l’Empire accorde une protection efficace même contre la prérogative12.
2. — Les prérogatives du prince trouvent une autre limite dans les droits individuels des sujets. Les droits dont il s’agit sont ceux qu’on appelle droits acquis, jura quaesita. Ils s’opposent, à ce qui appartient à l’individu originairement comme conséquence de la liberté générale ; ils se distinguent aussi des simples possibilités d’acquérir, que le droit commun lui ouvre ; il faut qu’un fait juridique déterminé ait produit son effet caractéristique en sa faveur : le jus quaesitum est le droit fondé sur un titre spécial13.
[33] Aujourd’hui, on traite des droits acquis lorsque l’on s’occupe de l’effet des lois dans le temps ; leur portée est réduite par une présomption : dans le doute, la loi doit être interprétée en ce sens qu’elle n’a pas voulu toucher à des droits acquis14.
A l’époque des droits de supériorité du prince, les droits acquis ont une signification tout autrement importante ; c’est une barrière véritable qui s’oppose à la puissance publique, quelle que soit la forme sous laquelle elle puisse paraître, législation, justice ou administration ; même dans l’exercice de ses prérogatives, le prince ne doit enlever à personne son droit acquis15. Cette maxime s’explique d’abord de la manière la plus simple par le caractère de droit privé que revêtent les prérogatives. Contre l’obligation civile de payer, le débiteur peut acquérir un pactum de non petendo ; contre la propriété, le voisin peut acquérir un droit de servitude qui vient la restreindre. De même, par l’effet des droits acquis qui appartiennent aux individus, l’étendue extérieure des prérogatives est atteinte. De même que les prérogatives peuvent être acquises et accrues par des titres spéciaux, concession impériale, convention, prescription, de même, il est logique qu’elles puissent être [34] réduites au profit de droits contraires. Contre le droit de nomination du prince apparaît le droit de présentation d’une corporation ou d’un individu ; contre son droit d’imposer des contributions apparaît un droit d’immunité. En un mot, toute la variété des privilegia et des immunitates apparaît ici, formant des jura quœsitaen vertu du titre spécial de la convention, de la prescription, de la concession impériale ; tout cela obtient la protection des tribunaux de l’Empire contre les prérogatives que les privilèges restreignent16.
Mais le modèle, que le droit civil poursuit dans le droit contraire, ne suffit pas pour expliquer toute la portée des droits acquis. Depuis que, pour les prérogatives elles-mêmes, la théorie du « droit de la nature » avait effacé le souvenir des titres d’acquisition spéciaux, on ne pouvait conserver l’argumentation correspondante par laquelle on expliquait la force de résistance des droits acquis. En outre, comme droits acquis auquel le prince ne doit pas toucher, on ne comprend pas seulement ceux qui ont été acquis contre lui ; tous les droits acquis, sans distinction, ont la même valeur : les prérogatives ne doivent jamais être exercées de manière à enlever à l’individu son droit acquis contre n’importe qui. La propriété et les droits de créance fondés sur le droit commun, les droits de maîtrise acquis selon l’organisation existante des arts et métiers, les droits de membre dans une corporation quelconque peuvent être constatés judiciairement et déniés comme mal fondés et frappés de déchéance ; ils ne peuvent pas être enlevés purement et simplement par l’exercice d’une prérogative [35] quelconque, pas même de la plus étendue, du jus politiae ((Struben, Rechtl. Bed. V, (J. S.), p. 272, ne semble reconnaître comme barrière aux prérogatives que le droit qui a été acquis directement contre le prince lui-même, spécialement le droit qui résulte d’une convention passée avec lui. Mais, d’après l’opinion généralement adoptée, tout droit acquis contre n’importe qui doit suffire : v. Berg, Pol. R., I, p. 166 ; Pütter, Beitr, I, no20 ; Haeberlin, St. R., 11, p. 489 ; Leist, St. R., § 86 ; v. Kreitmayr, St. R., § 32, § 35 infine ; Neurath, De cognitione et potestate judiciaria in causis quoe politiae nomine veniunt, § 4.)).
Il faut constater ici une restriction qui est propre aux droits de supériorité. Le simple particulier, lui non plus, ne doit pas empiéter sur les droits acquis d’un autre particulier ; il n’a pas le droit de lui nuire ; il doit donc obéir à la maxime: neminem laede. Dans le cas cependant où, en vertu d’un titre quelconque, un droit lui appartiendrait, dont l’exercice aurait pour conséquence de détruire le droit d’autrui, ce droit acquis lui-même ne formerait pas un obstacle: qui jure suo utitur neminem laedit. S’il en est autrement des prérogatives, cela s’explique par le caractère général de la situation du prince auquel elles appartiennent. Elles ne lui appartiennent que pour le bien public ; mais à cet égard, le prince est, en première ligne, le gardien du droit commun du pays ; il est chargé, en sa qualité de grand justicier, de protéger et de maintenir les droits de ses sujets partout où il les rencontre. Cette fonction judiciaire l’emporte tellement dans sa situation publique, qu’aucun des autres droits que cette position lui donne ne doit amener la destruction d’un objet dont elle lui impose le soin17.
[36] 3. — A l’encontre des restrictions des prérogatives que nous venons d’énumérer s’élève maintenant un droit de supériorité spécial, qui, appelé à battre en brèche ces restrictions même, forme la clef de voûte de tout le système.
Les droits acquis des individus ne sont une barrière pour les prérogatives que dans le courant ordinaire des choses18. Par exception, ils ne lient pas l’intérêt public — la raison d’Etat. — Il faut, pour cela, qu’il y ait collision, c’est-à-dire qu’il soit nécessaire, pour atteindre le but de l’Etat, de passer outre à un droit acquis. Alors, la propriété peut être enlevée, le privilège annulé, la convention méconnue. Ce pouvoir extraordinaire prend de nouveau la forme d’une prérogative spéciale du prince, qui vient compléter toutes les autres ; elle est appelée jus eminens, droit suprême de la puissance publique, potestas, imperium ou dominium eminens, plénitude de puissance19.
III. — Les tribunaux de l’Empire sont placés [37] au-dessus des détenteurs de la puissance territoriale à un double point de vue.
1) Pour contrôler la justice, qu’ils administrent ou font administrer en leur nom, sur la requête des intéressés et par la voie ordinaire de l’appellation.
La procédure, d’après le droit commun allemand, telle qu’elle était en usage près du Reichskammergericht, se divisait en deux phases. La procédure proprement dite, la « Judizialprozess », commence seulement avec les débats des parties devant le tribunal. Tout ce qui se fait avant et à côté, en propositions unilatérales des parties et ordres du juge, se nomme Extrajudizialprozess. Contre les jugements rendus dans la procédure de la première espèce, il y a lieu à l’appellation proprement dite ; contre les ordres de la seconde espèce, il y a un moyen analogue l’Extrajudizial appellation, le recours judiciaire (Gerichtliche Beschwerde) comme nous dirions aujourd’hui20.
Les deux sortes d’appellation subissent des restrictions par suite des privilegia de non appellandoqui, peu à peu, ont été octroyés aux différents Etats de l’Empire dans une mesure très différente.
2) D’un autre côté, les tribunaux de l’Empire sont investis, vis-à-vis des princes, de la compétence ordinaire pour toutes les demandes qui pourraient être intentées contre eux par l’Empereur, par les Etats ou par d’autres personnes, en particulier, par leurs propres sujets.
La simple demande, dans la procédure ordinaire, simplex querela, est d’habitude tellement traînée en longueur, qu’elle n’aboutit pas facilement à un résultat. S’il y a la moindre possibilité, la demande contre le prince est introduite par la voie de la procédure sommaire. Le procès par mandat (Mandatsprozess) [38] devient la forme régulière. On commence par provoquer un mandatum prohibitorium, inhibitorium ou restitutorium— ob factum nullo jure justificabile ou obdamnum irreparabile. A ces demandes contre le prince, il y a également des restrictions : c’est l’instititution des Austräge, sorte d’arbitrage légal devant lequel la cause doit être portée d’abord, pour n’arriver devant les tribunaux de l’Empire qu’en seconde instance. Cependant, ces Austrägen’existaient pas partout, on y renonçait facilement ; en tous cas, on cherchait à les éluder par tous les moyens21.
Toute la juridiction que les tribunaux de l’Empire ont à exercer sur les princes rentre dans ces deux classes. Cette classification ne distingue pas suivant qu’une prérogative est en jeu ou qu’il s’agit d’un autre droit, tel qu’un simple particulier peut l’avoir. Elle détermine elle-même le critérium pour tracer la ligne séparative entre les deux procédures.
On s’attache à la forme dans laquelle le prince a agi ; s’il a fait ou fait faire un acte de juridiction, alors c’est l’appellation qui intervient : dans tous les autres cas, il faut attaquer le prince par la voie de la demande.
Ainsi, les fonctions des tribunaux de l’Empire en matière administrative, comme nous disons aujourd’hui, sont de deux sortes :
1) Si l’autorité prend une décision pour appliquer au cas particulier l’ordre existant ou pour statuer sur l’existence et la valeur d’un droit individuel, alors elle fait fonction de juge et il y a lieu à l’appellation, sans distinguer si le prince y est intéressé pour son propre compte ou non22. C’est l’appellation proprement [39] dite, quand la, décision a été rendue entre des parties opposées ; c’est l’Extrajudizialappellation, quand il a été procédé sur la requête d’un intéressé ou même d’office. Naturellement, dans la sphère que nous appelons aujourd’hui administration, ce dernier cas formait la règle. On essayait d’étendre l’Extrajudizialappellationmême dans des cas où il s’agissait, de la part de l’autorité, de l’emploi de la force ou d’une disposition nouvelle. Cela avait l’avantage d’éviter les Austräge. Mais la législation de l’Empire insiste sur le principe que l’Extrajudizialappellation n’est recevable que dans le cas où l’autorité a agi tanquam judex ; a-t-elle agi tanquam parset non de manière judiciaire, alors il faut prendre la simple demande, par conséquent, aller d’abord devant les Austräge ((Ainsi Reichsabschied de 1594, §§ 94 et 95. Reichskammergerichts-Ordnung. II, tit. XXXI, §§ 16 et 18, Reichshaforts-Ordnung de 1654, tit. II, § 2. Gneist, Rechtsstaat, semble confondre l’Extrajudizialappellation et la querela.Lœning, V, R., p. 773, est d’avis que, par le décret de 1594, l’Extrajudizialappellation a été complétement abolie pour les « actes extra judiciaires » de l’autorité, en sorte que les sujets qui voulaient se plaindre d’une lésion causée à leurs droits n’avaient que la voie de la demande ordinaire. Mais le Reichsabschied n’abolit rien. Il rappelle seulement ce qui était déjà de droit. L’Extrajudizialappellation, comme on le voit chez Cramer, est restée en usage sans aucune contestation.)).
2) Tandis que l’appellation fait, dans une certaine mesure, concourir le tribunal de l’Empire à l’exercice des droits de supériorité, la demande tend à une haute surveillance des droits réciproques du prince et de ses sujets. Elle ne suppose pas qu’on se soit servi de prérogatives dans une certaine forme ni même qu’il s’agisse de prérogatives. Le prince, en général, se présente ici devant les tribunaux comme une partie privée. Seules, les Austräge, dont nous avons parlé plus haut, y apportaient une exception.
Les lois de l’Empire, visant des abus de cette procédure même, recommandent aux tribunaux de [40] l’Empire de ne pas admettre facilement l’ouverture d’une instance contre le prince, et, en tous cas, de chercher au préalable les informations de l’autorité ; les mandats que le tribunal aurait émis sans avoir observé cette formalité, doivent être tenus pour nuls et sans effet, à tel point que les Etats puissent denen mandatis impune nicht parieren ((R. A. 1594, § 79 ; R. A. 1654, § 105 : Wahlkapitulation Jos., II, art. 19, §§ 6 et 7 ; Moser, Tertusche Justizverfassung, I, pp. 1090 ss. Ce dernier signale un mémoire (de 1750), dans lequel un Etat cherche à exposer que le Kammergericht n’est pas compétent pour statuer sur des régales et sur leur exercice légitime : c’est le droit futur qui s’annonce ici.)). Ici encore, il n’y a pas de distinction à faire entre les différentes espèces de droits qui peuvent appartenir au prince.
Il y a cependant un point sur lequel les prérogatives diffèrent sensiblement des autres droits : c’est que, pour elles, il est admis qu’on peut se faire justice à soi-même. Les tribunaux de l’Empire, comme on le sait, ont été institués en première ligne pour maintenir la paix publique et réprimer les excès du recours au droit du plus fort. Ils ont conservé de cette origine, une tendance à manifester une sévérité excessive dans les cas où ils croient rencontrer des traces de ce recours au droit du plus fort. La Via facti est absolument défendue à tous les sujets, aux Etats entre eux, enfin au prince lui-même vis-à-vis de ses sujets, dans le cas tout au moins où fiscus agiret, c’est-à-dire quand il s’agit d’affaires privées. Mais il lui est permis « de se maintenir dans la supériorité territoriale. » Si le prince se trouve en possession de l’exercice d’une prérogative, il peut, de sa propre autorité et nonobstant toute contestation, poursuivre son droit par des voies de fait. Il n’a pas à tenir compte ici des mandats et inhibitoria. Il ne reste au sujet qu’à se porter demandeur23.
[41]Que l’exécution administrative et la répression de la police soient considérées comme des actes par lesquels le prince se fait justice à lui-même en poursuivant ses prérogatives, ce sont là des faits qui entrent tout à fait dans le cadre des idées du droit civil ; cependant, le fait d’admettre la légalité d’un pareil procédé équivaut déjà à une sorte de reconnaissance de la nature spéciale de ces droits.
Ainsi, le tribunal de l’Empire, par sa juridiction, tantôt en concours, tantôt en prêtant sa surveillance, a dominé l’activité toute entière de la puissance territoriale employée à poursuivre le but de l’Etat. Une idée qui aujourd’hui encore se manifeste quelquefois, a été une vérité pour cette époque du développement du droit : le droit et la justice sont placés au-dessus de la puissance publique.
Ce pouvoir, il est vrai, était loin d’être parfait. De bonne heure, la puissance territoriale avait commencé à l’ébranler. Elle se procurait exemptions sur exemptions ; c’étaient surtout les territoires les plus importants qui arrivaient à exclure entièrement, par des privilegia de non appellando, la première partie de l’influence des tribunaux de l’Empire. De plus, par des chicanes illégales et des actes de violence, on s’efforça de fermer la voie de l’appellation et de la demande devant ces tribunaux24. Surtout, l’exécution des jugements est une chose bien délicate, quand [42] il s’agit d’un potentat ayant une certaine puissance. En effet, la voie du procès n’est praticable jusqu’au bout que contre les petits25. Malgré tout, le principe tout au moins était sauf, dès que l’on pouvait obtenir une déclaration solennelle qu’une injustice avait été commise et si, çà et là, on réussissait à donner un exemple. Vers le commencement du XIXesiècle encore, époque de complète décadence, nos juristes n’estimaient pas sans valeur cette institution ; ils vantaient son heureuse influence sur la conscience publique en matière de droit et sur le sentiment de liberté civique26.
- Mommsen, Abriss des Roem. St. Rechts, p. 81 ; le même, Roem. Staatsrecht, II, pp. 725 ss. [↩]
- Brunner, Deutsch. Recht. Geschichte, II, p. 8. [↩]
- Pütter, Beitraege, 1, no6 ; Seckendorff, Deutsch. Fürsten-St., addit., § 19, no4 et 5. [↩]
- Pütter, Instit. jur. publ., lib. VI et VII, donne un modèle de cette manière d’énumérer et d’analyser ; voir aussi son « conspectus », p. XXVII et XXVIII. Goenner, Staatsrecht, § 275, se contente, dans sa « classification des prérogatives », de onze espèces. Lorsque, sous l’influence du « droit naturel », les prérogatives ont été complétées et amenées à une certaine uniformité, les titres d’acquisition originaires s’effacent ; toutes les prérogatives sont maintenant attribuées au « droit naturel ». Hufeland, Natur-Recht, § 460, 461, 468 ; Haeberlin, Staatsrecht § 215. [↩]
- Gierke, Natur-Recht und Deutsch. Recht (discours de rectorat), p. 28. [↩]
- Pütter, Beitraege, I, p. 194. [↩]
- Lotz, Nachrichten, p. 639 : « Le chef de l’Etat peut donc s’attribuer lui-même les prérogatives nécessaires ». Expression significative ! Dans le même sens : Haeberlin, Staatsrecht, II, p. 139. A côté de cela, la possibilité reste ouverte de restreindre ou d’élargir les prérogatives par des lois de l’Empire ; Pütter, Beitraege, I, p. 299. [↩]
- Jungst, Reichs-Abschied, § 106, recommande au Reichskammergericht de reconnaître comme valables, en matière de police, « les règlements raisonnables et compatibles avec les lois de l’Empire », que les Etats pourraient faire. On voulait donc encore réserver l’examen de la question de savoir si ces règlements étaient raisonnables ou non. Mais Hommelius, Rhapsod., vol. IV, obs. DII, se plaint : Multiplicare solent collegia causas politiae ut liberiorem aliquid audendi potestatem adipiscantur. On voit comment, dans cette marche en avant, le jus politiae est à la tête de toutes les autres prérogatives. Enfin v. Cramer, Wetzl. Nebenst., VII, p. 81, avoue : « ce qui peut être compté adpolitiam dépend du liberum arbitrium qui appartient au summe imperanti, de sorte qu’aucun subditus ne peut prétendre à un jus contradicendi légitime ». [↩]
- Philoparchus, Der gute Beamte, I, tit,. XXVIII, § 29, tit., XXXV, § 7 ; Pütter, Beitraege, I, p. 357, v. Cramer, Wetzl. Nebenst., VII, p. 85, IC, p. 93 ; C, p. 92. Ce dernier, loc. cit., VI, p. 2, s’exprime encore avec une certaine réserve : « Si l’on veut établir un jus territoriale arbitrarium, alors il est dans l’arbitrio d’un prince d’introduire noviter le droit de détraction. Mais un jus territoriale de cette importance a été signalé dans un traité spécial de M. Freuer comme un monstrum ». [↩]
- Pour la manière dont on argumente, l’arrêt suivant que nous trouvons rapporté dans v.Cramer, Wetzl. Nebenst., XIII, pp. 1 ss., servira d’exemple : L’évêque de Spire veut construire à Bruchsal une maison de correction ; le propriétaire du terrain dont il veut se servir, l’assigne devant le Reichskammergericht. La demande est rejetée ; il est « principium », qu’un prince puisse entreprendre tout ce qui sert au bien commun et au salut public : des maisons de correction sont très utiles ; « donc il fallait reconnaître à M. le Prince le droit de choisir lui-même l’emplacement et d’y construire une maison de correction ». [↩]
- Lotz, Nachrichten, p. 145 : « tout acte contraire au bien commun de l’Etat est contre le but, pour lequel l’administration de l’Etat a été confiée au souverain, par suite illicite et illégal », v. Cramer, Wetzl, Nebenst., I, pp. 88 ss. ; Pütter, Beitraege, I, p. 320, p. 354. [↩]
- V. Cramer, Wetzl. Nebenst., I, p. 90 : en matière de police aussi la règle s’impose, « le modus est juris » ; pour une application de ce principe, v.loc. cit., p. 104 ; v. Berg, Pol. R., I, p. 161 ; l’évêque de Spire avait, par mesure de police, fait transporter un couple et celui-ci avait été assez maltraité. Il est condamné par le Reichskammergericht à des dommages-intérêts et à une amende pour avoir commis une « hoechst illegale Transportierung » ; son procédé est qualifié « d’abus inconvenant ». Autres exemples dans Struben, Rechtl. Bed. V, (J. S.), pp. 56 ss. (Exécution, sans observation des formes, d’une amende fiscale), Pfiefler, Proct. Ausf., III, p. 425 (une interdiction de séjour, prononcée par le gouvernement Hanovrien, est annulée pour absence de motifs). [↩]
- Pütter, Inst., §119 : « non infrigere liceat jus quaesitumi. e. nifallor, quod speciali titulo acquiritur, non ex sola libertaten aturali obtinet ». Voir aussi Struben, Rechtl. Bed., V, (J. S.), pp. 93 et 94 ; Wippermann, Beitr. Z. St. R., § 8. [↩]
- R. G. 17 février 1883 (Collect., IX, p. 235). [↩]
- Pütter, Beitr., I, p. 317, traite d’abord de la puissance territoriale en tant que soumise à la condition qu’elle n’existe que pour le bien être commun (voir ci-dessus note 11), et puis p. 351 : « de sa destination de laisser à chacun le droit acquis qui lui appartient ». –– Le droit acquis est une barrière pour la législation du prince aussi bien que pour ses actes individuels ; la législation n’est pas, comme aujourd’hui, une manifestation spécialement caractérisée de la volonté souveraine ; c’est l’exercice d’une prérogative comme les autres. De là cette conséquence. On la tire du reste expressément : Moser, Landeshoh. In Reg. S., p. 307 ; Leist. St. R. p. 290 ; Struben, Rechtl. Bed., V. (J. S.), pp. 37 ss. Chez Goenner, St. R., p. 471, note 5, nous voyons, il est vrai, apparaître une distinction : « Ce n’est pas contre des règles générales (lois), mais seulement contre des commandements spéciaux, que les individus intéressés prétendent à un jus quoesitum ». Ceci est écrit en 1808. Ce n’est pas encore la loi dans le sens du droit public moderne, mais il y a déjà quelque chose qui y ressemble. [↩]
- Struben, Rechtl. Bed. V (J. S.), p. 128, 272 ; Leist, St. R., §155. La même idée fait encore une apparition bien tardive dans le « specielle Rechtstitel » (titre spécial) de la loi prussienne du 11 mai 1842, § 2 ; Oppenhoff, Ressort. Verh., p. 350, no68. [↩]
- On a l’habitude de ne pas donner de motifs expliquant pourquoi ces droits acquis doivent être inviolables vis-à-vis des prérogatives. A toutes les époques, ce sont justement les maximes fondamentales du droit public en vigueur, qui se présentent sous la forme d’axiomes. C’est le cas de dire « fasest », (Prütter. Inst., § 119). Le même Pütter, dans Beitr., I, p. 362, se prononce déjà cependant dans le sens de l’explication que nous venons de donner, quand il recommande aux souverains et autorités comme « règle d’or », que « même la puissance suprême n’est pas en droit d’enlever à quelqu’un sa propriété ou son droit acquis, attendu que la conservation et la sûreté sont l’un des premiers mobiles qui ont amené les hommes à quitter la liberté naturelle et à entrer dans des sociétés civiles ». [↩]
- Ordinarie, comme dit Pütter (Inst. §119). [↩]
- Klüber, Oeff. R., 552 : « Cette triste chose qu’on appelle un droit ». Nous faisons aujourd’hui absolument les mêmes choses en vertu des lois qui les prévoient comme régulières. — Un conflit a déjà lieu quand la publica utilitas est en question : HugoGrotius, J. B. et P., III, cap. XX, § 7 ; Pütter, Beitr., I, p. 358. Si ce dernier, loc.cit., p. 356, considère même l’imposition de contributions comme un empiètement sur les jura quaesita justifié par le dominium eminens, le formalisme de sa classification systématique en est seul la cause ; dans ces matières, Putter est impitoyable. — Dans le cas dont nous avons parlé note 10 ci-dessus, on commence par faire reposer une expropriation sur le jus politiae ordinaire, pour invoquer ensuite expressément encore le jus eminens ; c’est qu’il s’agit ici d’enlever, dans un intérêt de police, un jus quaesitum. On insiste sur le jus eminens, parce que celui-ci a pour conséquence de donner lieu à une indemnité au profit du propriétaire dépouillé ; Pütter, Beitr, I, p. 357 explique cette particularité pour la lex Rhodia de jactu. [↩]
- V. Cramer, Wetzl. Nebenst., VII, p. 86, Haeberlin, St. R., 11, p. 341 ;Bayer, Gem. civ. Pr., II, § 309 B. [↩]
- Moser, Teutsch. Just.-Verfassung I, chap. III. § 78 ; v. Kreittmayr, St. R., § 84. [↩]
- V. Cramer, Systema processus imperii, § 1046 ; le même, Wetzl. Nebenst., I, p. 119, III, p. 1, VII, p. 84, p. 94 ; XXXV, p. 143 ; Schnaubert, Anfangsgründe des St. R., p. 130 ; Haeberlin, St. R., p. 457, note 4. [↩]
- Cramer, Wetzl. Nebenst., II, pp. 122, 133, 150 ; Moser, Wahlkapitulation Jos. II, t. II. p. 163 note 2, p. 165 note 1. Le prince ne se présente donc pas facilement comme demandeur devant le tribunal de l’Empire. Il n’en a pas besoin. Par exception, quelquefois un prince moins puissant cherche la protection du tribunal contre ses sujets récalcitrants. Il s’agit surtout du mandatant de manutenendo pour lui donner plus de force dans la défense de ses droits grâce à la commission qui est donnée à un voisin plus puissant de lui venir en aide ; Pütter, Beitr., I, 18, §§ 2 et 3. Mais en dehors de ce cas, il y a aussi des demandes reconventionnelles qui se produisent souvent. On en trouve des exemples dans Cramer, dans les procès sans fin du Comte de Crichingen, avec ses paysans ; Wetzl. Nebenst., II C, pp. 129 ss, ; IC, p. 93 ; IC,p. 99 ; IC, p. 104 ; C, p. 67 ; CI, p. 92. [↩]
- Moser, Teutsche Just. Verfassung, I, p. 556 ss., donne une longue liste des excès commis. [↩]
- Moser, loc. cit., II, chap. 54, § 28, traite de cette question sous le titre : « exécutions difficiles. ». [↩]
- Schloezer, All. St. R. (1793), sect. III, § 8 in fine. « Heureuse Allemagne, le seul pays du monde, où l’on puisse tenir tête à un souverain, sauf sa dignité, devant un tribunal étranger, et non pas devant le sien ». Et rapportant une boutade, qui alors avait cours, Haeberlin. St. R., II, p. 647, s’écrie : « Heureusement que nous pouvons en Allemagne faire des procès de révolution ». C’est, d’après lui, une soupape qui nous protège contre les explosions. [↩]
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