Section I
Le pouvoir de police
§ 23. La contrainte de police ; l’exécution par contrainte
(109) Nous entendons par contrainte de police l’application des moyens de force appartenant à l’autorité en vue d’assurer l’exécution du devoir qui existe envers la police. Vis-à-vis du sujet, la puissance publique est armée de ces moyens d’une manière illimitée. Quant à savoir comment il lui est permis, selon le droit, d’en faire usage, c’est ce qui se détermine par l’organisation de l’Etat constitutionnel régi par le droit.
Il y a des circonstances dans lesquelles la force irrésistible de la puissance publique est dirigée, sans aucun intermédiaire, contre le fait contraire à la police ; c’est la contrainte directe, dont nous traiterons au § 24 ci-dessous.
A côté de la contrainte directe, on a organisé, d’après les idées fondamentales du régime du droit, une exécution par contrainte de police, qui suit le plus possible les formes de la procédure civile.
L’exécution par contrainte de police, c’est la procédure réglée en vue d’obtenir l’exécution d’un ordre de police auquel on n’a pas obéi1. L’ordre de police est, (110) pour elle, ce que le jugement est pour l’exécution de la procédure civile. C’est donc nécessairement un ordre individuel.
S’agit-il d’exécuter par contrainte un ordre contenu dans une règle de droit, le passage à cette procédure se fait au moyen d’un ordre individuel déclarant spécialement et prononçant pour le sujet cette obligation2.
L’ordre de police n’est pas, par lui-même, pas plus que le jugement civil, la détermination des moyens de contrainte à appliquer ni l’injonction de les employer. Il dit simplement ce qui doit être ; il représente le titre exécutoire ; l’exécution par contrainte s’y attache pour lui prêter main-forte par ses différents moyens. Des prescriptions préliminaires et introductives d’exécution peuvent déjà être jointes extérieurement à l’ordre comme au jugement.
Les moyens d’exécution ont été partout réglés par des lois récentes. Ils sont, en principe, identiques à ceux prévus dans le C. pr. O. § 887 ss. pour obtenir la réalisation de l’obligation de faire ou de ne pas faire.
Pour bien comprendre ces prescriptions légales et surtout pour combler leurs lacunes, il est nécessaire de se rendre compte des idées fondamentales qui doivent présider à cette exécution et qui la distinguent de l’exécution de la procédure civile.
La police, c’est-à-dire l’autorité administrative, (111) n’est pas une partie qui invoque le secours du tribunal et de ses agents d’exécution. L’ordre de police n’est pas la mise en demeure qu’un particulier adresse à son débiteur ; c’est un acte d’autorité. Il est de sa nature qu’il doive être exécuté par contrainte ; l’autorité peut le ramener à effet par son propre pouvoir au moyen des auxiliaires qui sont à sa disposition. La contrainte et la force, en tant qu’elles se sont exercées uniquement avec cet effet, n’ont pas besoin d’un nouveau fondement légal. La question de ce fondement est déjà vidée par le fait que l’ordre —dont la contrainte n’est que la conséquence — est valable. De même, toutes les décisions et constatations qui se tiennent dans la ligne directe de la continuation de l’ordre sont, par cela même, valables et efficaces. Il se peut que des prescriptions expresses de la loi les règlent et les restreignent. Il n’y a rien de juridiquement nécessaire à cet égard.
Un fondement légal nouveau ne devient nécessaire que dans le cas où il s’agit d’imposer à l’individu, comme suite de sa désobéissance, quelque chose de plus ou différent de ce qui est contenu dans son obligation d’obéir, notamment dans le cas où la contrainte affecte le caractère d’une punition. Mais l’exécution par contrainte ne peut pas arriver à un résultat sans ces additions ; dès lors, la question du fondement légal acquiert une importance considérable.
Fixer la ligne de séparation entre ce qui, en matière d’exécution, va de soi, et ce qui dépend de la loi, est une des tâches les plus essentielles de ceux qui étudient l’exécution par contrainte en matière de police3.
(112) I. — La peine coercitive est un mal à infliger au sujet, mal dont l’application est à la disposition de l’autorité en vue d’obtenir l’obéissance à un ordre individuel, émis par elle. C’est une peine, en ce qu’elle répond à la notion générale d’un mal infligé par l’autorité à raison d’une conduite répréhensible ; ici la conduite répréhensible consiste toujours dans la désobéissance à un ordre individuel4.
Mais elle frappe la désobéissance, non pas comme la peine de police, parce qu’elle a eu lieu, mais afin qu’elle ne continue pas ; elle n’a pas pour but général de faire expier, d’enseigner le devoir violé ; elle vise exclusivement l’accomplissement du devoir violé dans le cas donné. C’est un moyen de contrainte5.
De ce caractère de moyen de contrainte résultent les règles particulières qui la régissent dans tous les détails ; elle se distingue par-là de toutes les autres sortes de peines. Ce n’est pas une peine, en particulier au sens du Code pénal de l’Empire.
Il n’y a pas à appliquer les prescriptions des §§ 5 et 6 (113) E. G. z. Stf. G. B., qui restreignent les peines à fixer par des lois particulières selon la qualité et l’étendue du moyen de contrainte6.
1) La peine coercitive a besoin d’un fondement légal propre. Celui sur lequel repose l’ordre ne lui suffit pas. En effet, tout en servant à l’ordre et à son exécution, la peine coercitive agit de manière à imposer au sujet une charge qui n’est pas comprise dans l’ordre lui-même. Cette autre chose au moyen de laquelle la peine coercitive pousse à obéir à l’ordre, est une nouvelle atteinte à la liberté et à la propriété ; sans doute, cette atteinte est provoquée par la désobéissance ; mais, d’après les principes de l’Etat constitutionnel, elle ne peut avoir lieu qu’en vertu d’une autorisation de la loi. Qu’elle ait été usitée de tout temps, qu’on l’ait considérée de bonne heure comme un instrument indispensable des pouvoirs des autorités supérieures, cela n’y peut rien changer. L’Etat sous le régime de la police n’a pas créé, en pareille matière, de droit coutumier ; il n’a pas laissé subsister le droit qui pourrait avoir existé auparavant. Il n’y aurait là qu’une prescription générale émise par lui et susceptible d’être adoptée comme une loi dans le sens moderne (Comp. t. I, § 10, no 1 ci-dessus), loi qui, aujourd’hui encore, pourrait remplacer le fondement nécessaire.
Mais la tradition historique a exercé son influence sur la législation moderne pour lui faire accepter la peine coercitive d’une manière très étendue. En principe, on a placé la peine coercitive à côté de tout (114) ordre légitime des autorités de police. En fait, sa sphère d’application ne peut, être délimitée que négativement : la peine coercitive est admise dans tous les cas où elle n’a pas été exclue expressément ou par une organisation différente de la contrainte7.
La loi détermine les peines selon leur nature, le plus souvent comme des amendes, en fixant un maximum8. Ces amendes ne sont pas, en cas d’insolvabilité transformées d’elles-mêmes, selon les prescriptions du Code pénal, en un emprisonnement proportionné ; cette substitution n’a lieu que dans le cas où la loi l’a admis expressément9.
(115) Le fait que le pouvoir d’édicter des peines coercitives était considéré autrefois comme un attribut de la fonction même a laissé sa trace en ce que l’importance de la peine à infliger dépend du rang que l’autorité qui s’en sert occupe dans la hiérarchie de l’organisation administrative : l’autorité inférieure, pour maintenir ses ordres, dispose d’une peine moindre que l’autorité supérieure10.
2) La peine coercitive est destinée à servir de moyen de contrainte pour vaincre la désobéissance à l’ordre de l’autorité. Elle est donc, pour atteindre ce but, à la libre disposition de l’autorité ; telle est la différence avec la peine de police. Toute la procédure est dominée par cette idée.
La peine n’est pas édictée à la manière de la règle de droit, une fois pour toutes, pour frapper les cas de désobéissance contre les ordres de l’autorité. L’autorité doit apprécier elle-même si, dans le cas individuel, elle veut armer son ordre de ce moyen de contrainte11. Par un acte administratif, elle édicte alors la peine pour le cas de désobéissance. Elle peut ajouter cet acte immédiatement à son ordre. Elle peut aussi l’accomplir à part, renvoyer à cet ordre ou le réitérer. Dans tous les cas, cette disposition doit être notifiée d’après les règles de l’ordre de police. Cependant, nous rencontrons ici, de préférence, des prescriptions de formes, qui, autrement, sont si rares ; en particulier, la signification par écrit est souvent prescrite par la loi.
La menace notifiée fait naitre pour celui auquel elle s’adresse, un état juridique de pénalité conditionnelle ; s’agit-il d’une défense, la condition est simplement l’inobservation de la défense ; s’agit-il d’un commandement, la condition est l’inobservation dans un délai déterminé qui résulte de la nature des choses ou qui est fixé expressément.
Quand la désobéissance se produit de l’une ou de l’autre manière, la pénalité conditionnelle devient effective : l’autorité a le pouvoir de prononcer la peine.
(116) Pour qu’il y ait désobéissance, il ne suffit pas d’une contradiction extérieure avec l’ordre ; ici, comme dans toute peine, on suppose une faute. Pour savoir s’il y a faute, on appliquera les mêmes principes que ceux qui régissent la peine de police : des causes de justification et de disculpation (Comp. § 22, III, no I et 2 ci-dessus) sont admises ici de la même manière12.
Mais la nature de cette peine, qui est d’être un moyen de contrainte, se fait encore sentir dans son application même, et cela de deux manières.
D’abord, l’application de la peine est à la disposition de l’autorité. La peine n’est pas encourue par le seul fait de la désobéissance, comme la peine de droit commun ou la peine de police, de telle sorte que l’autorité serait tenue, selon les principes du pouvoir exécutif, de prononcer ce qui maintenant est de droit conformément à la menace faite. Au contraire, l’autorité est libre d’apprécier si elle juge opportun d’user de la contrainte. En fait, il est bon que l’autorité ne s’expose pas à avoir l’air de faire de vaines menaces ; si donc la menace n’a pas eu d’effet, en règle, la peine sera prononcée. Et la peine appliquée aura aussi la gravité indiquée dans la menace. Mais l’autorité peut avoir changé d’avis ; elle peut ne plus attacher aucune valeur à la réalisation de son ordre ; ou bien d’autres chemins sont ouverts devant elle pour atteindre le but ; (117) elle peut alors renoncer complètement à infliger une peine. Elle peut aussi espérer arriver au but avec une pression moindre ; dans ce cas, elle prononcera une peine inférieure à celle dont elle avait formulé la menace, et réservera le reste13.
Toutefois, même la condition une fois remplie, et, par suite, malgré la désobéissance manifeste, la peine ne peut plus être prononcée, lorsque, avant que la peine ait été prononcée, son but, comme moyen de contrainte, disparaît. Peut-être la prestation due a-t-elle été effectuée après coup, alors que le délai était écoulé et que la peine, d’après les principes du droit pénal pur, était définitivement encourue : la peine coercitive, dans ce cas n’est plus à sa place, elle ne doit pas être prononcée. Il en serait de même, si l’accomplissement de l’obligation ordonnée est devenu impossible ; il n’y a plus alors rien à quoi l’on puisse contraindre ; avec son but, la peine coercitive perd son pouvoir. Il faut donc s’abstenir de la prononcer14.
La peine une fois prononcée crée pour le condamné une situation juridique nouvelle qui n’est plus à la libre disposition de l’autorité ; celle-ci n’a pas le droit de faire grâce. L’amende fait l’objet d’un droit correspondant du fisc, auquel l’autorité ne peut pas renoncer ; l’amende est exigée dans les formes de la contrainte fiscale. L’emprisonnement, au cas où il aurait (118) été prononcé, entre dans les formes ordinaires de l’exécution de la peine.
Quant à l’affaire de police elle-même, elle peut continuer malgré la peine prononcée et exécutée : le fait contraire à la police subsiste, le condamné reste toujours réfractaire. Dès lors, la peine, à raison de sa nature de moyen de contrainte, est encore à la disposition de l’autorité. Peu importe que le fait, auquel elle s’attache, soit le même que celui qui a déjà fait l’objet d’une condamnation ; la maxime non bis in idem n’existe pas pour elle. La menace de la peine peut être adressée à nouveau pour le même ordre et à raison de la même désobéissance qui ne fait que continuer. La menace nouvelle est faite dans l’acte même qui prononce la première peine ou bien elle est formulée ultérieurement dans un acte séparé. Il est contraire au but et, par conséquent, impossible de laisser s’accumuler les menaces et de réunir à la fin toutes les peines à prononcer dans un seul acte. En effet, la notification de la peine édictée doit, chaque fois, augmenter la force de la nouvelle menace ; la prononciation de la peine est, comme nous l’avons vu, considérée elle-même comme un moyen de vaincre la désobéissance ; c’est en ce sens qu’il faut en faire usage15.
La réitération de la menace et de la prononciation de la peine peut continuer aussi longtemps que le but (119) n’est pas atteint, et tant que le maximum de la peine, lui est à la disposition de l’autorité, n’est pas dépassé.
A cet égard, tout dépend de la manière dont la loi a voulu fixer le maximum : ce maximum peut concerner chaque cas de menace ; la réitération est alors illimitée ; il peut aussi signifier la somme que la totalité des peines prononcées à l’occasion de la désobéissance ne doit pas excéder ; il faut alors que l’autorité s’y conforme ; en règle, elle n’ira pas tout de suite jusqu’à la dernière limite ; elle se réservera la possibilité d’une pression ultérieure16.
3) La peine coercitive rencontre encore une limite spéciale dans le concours avec une peine dont la menace est édictée par une règle de droit.
Elle n’est pas soumise, par elle-même, à la règle non bis in idem. Elle n’empêcherait pas, une fois qu’elle aurait été prononcée et exécutée, l’application de la peine conforme à la règle de droit. Mais elle est exclue lorsque, pour le fait qu’elle doit frapper, la menace d’une peine est édictée par une règle de droit.
Cette dernière théorie, qui forme donc l’exception, s’explique par les principes généraux relatifs à la force obligatoire de la règle de droit vis-à-vis du pouvoir exécutif (Comp. t. I, § 7, ci-dessus). Ces principes produisent ici leur effet dans l’ordre d’idées que nous avons rencontré dans la permission de police (Comp. 21, II, no 2 ci-dessus). Dès que la règle de droit a fixé une peine pour un certain fait, elle s’est emparée (120) de la matière ; le pouvoir exécutif ne peut infliger de peine que selon les prescriptions de la loi. La peine coercitive, étant une peine malgré sa nature particulière, se trouve exclue par la règle de droit.
Dès lors, ce moyen de contrainte ne peut pas être employé pour amener une conduite contraire à celle que la loi frappe d’une peine ; en particulier, il ne peut l’être, quand il servirait à augmenter une peine de police.
La tentation est grande dans ce dernier cas. Dans cette hypothèse, en effet, il s’agit toujours d’un fait contraire à la police, fait que, sans cela, l’autorité serait peut-être appelée à combattre par ordre et contrainte. Toutefois, cette limite est généralement reconnue ; quand la loi ne la fixe pas expressément, la jurisprudence la fait découler de la nature même des choses17.
Mais, pour bien déterminer la portée de notre maxime, il faut distinguer.
La peine coercitive est absolument écartée quand (121) il s’agit d’empêcher la naissance du fait contraire à la police, fait qui serait en même temps le délit18.
Elle ne peut pas non plus être employée pour empêcher la réitération ou la continuation du délit. Ou bien le fait tombe sous une nouvelle peine de police, et alors la maxime s’applique aussi de nouveau. Ou bien la loi n’a pas admis une réitération de la peine, mais a voulu se contenter de cette punition unique, et alors il serait encore contraire à sa volonté de frapper ce même fait d’une nouvelle peine à titre de contrainte19.
La peine coercitive ne peut s’attacher qu’à des faits qui ne constituent pas en eux-mêmes le délit, quoiqu’ils lui soient connexes. Il peut s’agir de faits propres à préparer ou à faciliter le délit, ou bien de faits concernant ses suites matérielles. C’est surtout ce dernier cas qui offre une grande importance pratique. Le délit a laissé des traces ; il a créé un état de choses qui présente un trouble du bon ordre, tout en n’étant pas par lui-même le délit, ni sa continuation. Ce trouble doit faire l’objet de l’activité de la police en vue de l’écarter ; si la police procède contre ce trouble par la voie de l’ordre et de la contrainte, elle peut user de la peine coercitive. Elle frappe alors des faits dont la règle de droit ne s’est pas réservée la solution20.
(122) II. — Le droit allemand, en matière de procédure civile, offre une forme spéciale d’exécution pour le cas où il s’agit de contraindre quelqu’un à l’accomplissement d’un fait qui peut être accompli à sa place par un tiers : le créancier sera autorisé par le tribunal à faire exécuter l’obligation aux frais du débiteur : C. Pr. O., § 887.
Transporté dans la procédure d’exécution en matière de police, cela prend la forme d’un pouvoir accordé à l’autorité de réaliser elle-même son ordre lorsqu’il vise un fait analogue.
Cette contrainte par substitution est réglée comme suit :
1) La contrainte par substitution n’a pas besoin de fondement légal propre. A la différence de la peine coercitive, elle n’impose pas de charge nouvelle pour pousser indirectement à l’accomplissement de l’obligation ; elle se borne à réaliser ce qui, en vertu de l’ordre donné, est déjà dû. Elle ne fait qu’adapter l’obligation aux nécessités de la contrainte : à la place du simple fait, tel qu’il devrait être accompli volontairement, elle met la contrainte de supporter le fait d’un autre et de rembourser les frais. Que cette exécution soit plus incommode et plus désavantageuse que l’accomplissement volontaire, c’est un résultat conforme à la nature de la contrainte en général ; mais la faculté (123) d’opérer la transformation en contrainte est contenue de plein droit dans l’ordre d’autorité.
La législation moderne s’est emparée de ce moyen de contrainte ; elle en a surtout réglé la procédure.
En tant qu’elle ne l’a pas restreint spécialement, ce moyen est libre naturellement, même sans une loi21.
Il faudra donc qu’il s’agisse d’un fait commandé, qui puisse être accompli par un tiers à la place du (124) débiteur. L’hypothèse principale est celle où il s’agit d’un état de choses extérieur devant être modifié : des constructions, des dépôts contraires à la police doivent être enlevés, des précautions sont à prendre, des choses nuisibles et incommodes à améliorer ; en particulier, on fait ainsi disparaître les traces de délits commis.
Il se peut que, pour atteindre le but, à côté de l’exécution par substitution, le premier moyen d’exécution, la peine coercitive, soit également possible. Le Code de procédure civile a prescrit que, dans ce cas, la peine coercitive serait exclue (C. Pr. O., § 888).
Ce qui découle de la nature des choses, c’est que l’autorité aura alors le choix entre ces deux moyens ; elle emploiera l’un ou l’autre ou les deux successivement ; c’est ce qui, dans le doute, devra être observé en matière administrative. Par des prescriptions expresses de la loi et dans l’intérêt présumé du débiteur, des préférences peuvent être créées de différentes manières22.
2) La procédure a pour point de départ l’ordre dûment notifié de faire quelque chose. (125) Elle débute par la menace d’exécution par substitution pour le cas
de désobéissance. Il se peut que, en vertu d’une prescription de la loi, cette menace doive être faite expressément ; mais elle peut aussi être censée résulter suffisamment de l’ordre même qui, par sa nature, est susceptible d’être exécuté de cette manière23.
Il se peut aussi que l’on doive accorder un délai pour que l’individu puisse encore faire lui-même ce qui a été ordonné ; en l’absence d’une prescription, la nécessité d’un délai résulte de la nature même des choses. A défaut d’une durée fixée, le délai est « moral », c’est-à-dire qu’il a la durée indispensable pour que le fait puisse s’exécuter. La contrainte se produit alors dans deux directions.
(126) On accomplit, d’abord, à la place de l’individu, le fait dont s’agit. L’autorité le fait exécuter par ses subordonnés ; ou bien elle s’assure, dans ce but, les services d’autres personnes au moyen d’un contrat de louage de services ou même dans les formes du droit public, par exemple par la voie de la réquisition. En apparence, l’exécution des travaux ne se distinguera en rien des travaux analogues qu’un particulier fait faire. Seulement, derrière les travaux accomplis par substitution, se trouve la puissance publique, dont, ici, les affaires sont gérées et qui est armée de sa force irrésistible, s’il y a lieu, pour contraindre à laisser exécuter ces travaux. Cette contrainte se produit alors par le simple usage de la force qui brise la résistance et empêche de troubler les travaux. Il n’est pas besoin de recourir aux détours que la procédure civile impose, le créancier appelant d’abord l’huissier, et ce dernier faisant appel aux agents d’exécution de la police. La puissance publique est intéressée directement à l’affaire : ses agents se présentent dès le début pour aider à l’exécution ; ou bien ils sont appelés sans formes au moindre signe de résistance. Sur l’usage même de la force, comp. § 25, ci-dessous.
L’individu est ensuite obligé de rembourser les frais occasionnés par l’exécution par substitution. La dette n’existe pas vis-à-vis des ouvriers ou des fournisseurs qui ont été employés ; ceux-là n’ont de rapport juridique qu’avec leur commettant, avec l’Etat ou avec la commune chargée de l’administration de la police. C’est l’Etat, la commune, qui sont les créanciers de la somme à rembourser.
Ce n’est pas une créance de droit civil, alors même que les paiements qui l’ont constituée se rapportaient à des prix de vente et à des salaires d’ouvrage dus en vertu du droit civil. Elle n’a surtout aucun rapport avec la créance qui appartient au negotiorum gestor contre le dominus negotii, comme nos auteurs aiment à le dire, par comparaison. La nature juridique de l’obligation de rembourser est la même que celle de l’obligation de payer les frais qui, dans la procédure civile, incombent à la partie, et de l’obligation de payer ces frais au tribunal, au trésor. Les salaires, les prix du matériel employé, les indemnités qui auront pu être payées à des tiers, sont des frais de procédure semblables aux taxes des témoins que le tribunal aura fait payer par la caisse judiciaire et qu’il met à la charge de la partie qui les a occasionnés.
C’est ainsi que se détermine l’étendue de l’obligation de restituer : il n’y a pas lieu de faire payer plus que l’Etat n’a dépensé pour réaliser ce qui a été ordonné à la suite du refus opposé par l’individu ; car ce refus n’a occasionné que ces (127) dépenses24.
Le montant des frais est fixé, vis-à-vis du débiteur, par une résolution de l’autorité qui dirige l’exécution. La résolution de fixation des frais ne déclare que ce qui est dû en droit ; elle a la nature d’une décision. Elle sert de titre exécutoire pour l’exécution par la contrainte fiscale ; elle fait entrer l’affaire dans les formes propres à cette procédure ; comp. § 32 ci-dessous25.
III. — Le moyen de contrainte le plus rigoureux c’est l’usage de la force, c’est-à-dire la saisie du corps ou des choses de celui qui doit être contraint, pour vaincre sa résistance. Selon la puissance matérielle, ce moyen est toujours à la disposition de l’autorité d’une-manière prompte et suffisante. En fait, ce moyen serait, en définitive, de nature à amener toutes sortes d’effets sur la conduite du sujet et sur l’état de ses biens. Sous le régime de la police, on en a disposé assez librement. Dans notre Etat constitutionnel régi par le droit, tout cela doit aujourd’hui être soumis à des formes et à des règles.
(128) Nos législations ont répondu à ces exigences en réglant les conditions légales de l’emploi de la force, au moins pour les moyens les plus graves, tels que l’arrestation et l’usage des armes ; comp. § 25 ci-dessous. Pour le reste, elles n’ont pas réussi, jusqu’à ce jour, à tracer, d’une manière ferme et par une formule exacte et généralement applicable, les limites entre la liberté et le pouvoir de police, limites doublement nécessaires en une matière aussi délicate. Tandis qu’elles ont réglé exactement les autres moyens de contrainte et déterminé leurs formes et conditions, elles se contentent de réserver, d’une manière générale, la contrainte par le simple usage de la force. Elles ajoutent, tout au plus, la recommandation de ne point faire usage de la force sans nécessité, et de n’employer que la force légale c’est-à-dire une force qui ne soit pas contraire aux lois26.
Pour y voir clair, il faut commencer par éliminer soigneusement les cas où l’usage de la force a lieu dans les conditions spéciales de la contrainte directe ; il en sera traité au § 24 ci-dessous. Il s’agit ici de la question suivante : dans quelle mesure l’usage de la force est-il admissible comme moyen d’exécution de police par contrainte ?
L’usage de la force peut amener un état de choses conforme à l’ordre, soit directement par lui-même, soit par des détours en exerçant sur la volonté de celui qui est forcé une influence par des maux qui lui sont infligés ou dont il est menacé.
Dans la première forme, c’est un moyen de contrainte naturel et allant de soi, moyen qui est compris (129) dans la force de l’ordre d’autorité que l’on réalise ainsi simplement, tel qu’il est.
Dans la seconde forme, l’effet de contrainte n’est exercé qu’au moyen d’un renforcement des désavantages infligés à la personne obligée d’obéir, désavantages qui dépassent le contenu de l’ordre ; pour cela, il faut un fondement légal particulier, comme pour la peine coercitive (Comp. I, no I ci-dessus).
La loi peut, pour obtenir la réalisation de l’ordre, autoriser ce renforcement des désavantages ; elle pourrait aussi permettre la torture. Quand la loi s’est bornée à indiquer, d’une manière générale, l’usage de la force comme une contrainte admissible, cet usage n’est licite qu’autant qu’il constitue, pour l’ordre, un moyen d’exécution directe et, par conséquent, naturel. Autrement, l’usage de la force n’aurait aucune limite ; de cette manière, il a des limites.
Les limites, dans lesquelles l’usage de la force doit être considéré comme un moyen ordinaire de contraindre à une conduite personnelle, résultent, d’une manière éclatante, du modèle de l’exécution d’après la procédure civile. Tout dépend de ce qui doit être réalisé par la contrainte : supporter, ne pas faire ou faire. Cela nous amène à faire des distinctions.
1) La véritable sphère d’application de ce moyen de contrainte est le cas où il s’agit de contraindre à supporter quelque chose.
L’usage de la force, d’après la C. Pr. O., §§ 887, 892, s’ajoute surtout à l’exécution par substitution du fait dû ; nous venons de traiter du moyen correspondant qui existe en droit administratif.
De plus, l’usage de la force a lieu pour contraindre à supporter l’accomplissement d’un fait par le créancier (C. pr. O., §§ 890, 892) ; encore ce moyen est-il contenu dans la contrainte par enlèvement de choses (C. pr. O., § 883), par exemple la dépossession d’un (130) immeuble (C. pr. O., § 885). Dans ces dernières hypothèses, l’essentiel est aussi de supporter le fait d’un autre ; seulement, ici, cet autre qui agit, c’est l’autorité elle-même ; c’est pour cela que la C. pr. O. distingue ces hypothèses de celle où il faut supporter un fait. Pour l’exécution par contrainte en matière de police, cette distinction disparaît ; en effet, l’autorité et le créancier sont une seule et même personne.
Dès lors, nous trouvons la maxime générale : toutes les fois que l’effet correspondant à l’ordre à réaliser peut être obtenu par un fait de l’autorité que devra supporter l’individu, l’usage de la force est le moyen de contrainte naturel27.
Cette action de l’autorité consistera dans la modification de l’état de choses créé et maintenu par celui qui est soumis à la contrainte, quant à la disposition de ses biens, de ses entreprises : enlèvement, démolition et modification aux biens, fin de son entreprise industrielle, par l’enlèvement ou la mise hors d’usage des machines et appareils, par le renvoi des ouvriers, par la fermeture des portes aux clients. Dans ces derniers cas, l’usage de la force a une certaine ressemblance avec l’exécution par substitution. Toutefois, il y a une différence : ici, tout consiste à empêcher, à écarter ; il n’est effectué aucun travail utile, qui incombait à celui qui est contraint. Cela a une grande importance pour la question des frais : celui qui a été contraint n’a rien à rembourser ; la contrainte ne peut qu’une chose : l’obliger à supporter28.
(131) En règle, cette contrainte n’est soumise à aucune forme ; un avertissement préalable n’est même pas exigé. Mais, en fait, on ne s’en dispensera pas facilement29.
On s’abstiendra aussi de l’usage de la force, quand d’autres moyens de contrainte suffisent ou qu’une peine de police peut produire l’effet voulu ; d’une manière générale, toutes les fois que la mesure de force sera hors de proportion avec l’avantage que l’intérêt public retirera de la répression de la désobéissance. Il n’y a là que des raisons d’équité ; mais, dans une certaine mesure, le principe de la proportionnalité des manifestations du pouvoir de police (Comp. § 19, II, no 2 ci-dessus) trace une limite juridique que l’usage de la force ne doit pas dépasser.
2) Les règles qui précèdent permettent aussi de déterminer jusqu’à quel point l’usage de la force peut servir à exécuter un ordre de ne pas faire. Il ne faut pas dire que ce moyen de contrainte peut être employé toutes les fois qu’il s’agit de ne pas faire.
La force ne peut, en obligeant à supporter un fait, réaliser une obligation de ne pas faire, que dans le cas individuel immédiat, pour le moment30. Naturellement, on conçoit que l’on rende ainsi impossible pour la durée interdite le fait défendu. Mais on aurait besoin pour cela de s’emparer tout à fait de la personne. La force deviendrait alors toute autre chose qu’un moyen d’exécuter l’ordre.
Une neutralisation pareille n’est pas tacitement comprise dans l’admission générale de l’usage de la force comme moyen de contrainte. C’est pour cela que (132) les formes plus graves de l’usage de la force, qui, en fait, sont susceptibles et ont pour but d’amener une neutralisation, par exemple l’arrestation et l’emploi des armes, ont été réglées spécialement par la loi, celle-ci a fixé les conditions dans lesquelles elles sont admises ; comp. § 25 ci-dessous.
3) Tout autre est la question de l’admissibilité de la force pour réaliser, par la voie d’exécution, un fait positif qui a été ordonné.
Ici, l’exécution de la procédure civile ne donne pas de modèle. La raison en est que la simple traduction du contenu du jugement dans l’usage de la force ne peut avoir d’autre influence, sur la conduite de la personne, que de l’obliger à supporter ou à ne pas faire.
Il en est de même pour l’exécution par contrainte d’un ordre de police. L’exécution par contrainte d’une obligation de faire ne peut avoir lieu par l’usage de la force que si l’on peut disposer d’un renforcement de maux à infliger, renforcement que la loi doit avoir autorisé spécialement. Même dans ce cas, ce n’est toujours qu’une tentative, une contrainte psychologique, dont le résultat reste incertain.
L’usage de la force peut produire effet dans cette direction, quand elle se présente seulement comme imminente, sous la forme d’une menace. Elle doit alors toujours signifier un mal extrinsèque et en dehors du fait ordonné ; en effet, la réalisation par contrainte du fait ordonné lui-même n’étant pas possible, il n’est pas possible de s’en servir comme menace.
L’usage de la force peut aussi servir à ébranler la volonté récalcitrante par les maux qui en résultent. Il peut surtout rapprocher l’individu du fait ordonné, de telle manière que la pression morale qu’exerce le sentiment de la force suffira à en amener l’accomplissement. (133) On traînera l’individu à l’endroit où il doit agir ; on lui forcera la main pour prendre les instruments ; on le mettra dans la position voulue. On ne peut pas aller plus loin ; mais la volonté brisée fera d’elle-même le dernier pas.
C’est la façon dont la réquisition militaire procède en temps de guerre ; elle se sert, en outre, de menaces plus graves.
Des prescriptions expresses de la loi permettent de faire une tentative de ce genre pour réaliser par la force d’autres obligations de faire ; nous disons une tentative ; en effet, la question de savoir si le dernier pas sera fait ou non, dépend de la fermeté de la volonté à vaincre. Mais jamais cette manière d’employer la force ne sera un moyen de contrainte, qui soit sous-entendu ; il faut une loi expresse ; ce procédé n’est pas contenu dans l’ordre exécutoire, pas plus que la peine à laquelle il ressemble par son effet et par sa nature juridique31. C’est se tromper complètement que d’argumenter comme on aime à le faire, en disant que la loi qui charge l’autorité de réaliser un fait a voulu aussi lui donner, par le droit de faire cet usage de la force, le moyen d’atteindre ce but. En effet, la force n’est pas ici un moyen qui atteigne le but directement ; si cependant l’on veut la comprendre dans l’autorisation générale, par ce motif qu’elle peut servir indirectement à atteindre le but, je ne vois pas alors pourquoi la torture proprement dite serait exclue32.
(134) Dans la pratique, nous voyons très souvent encore nos autorités employer des mesures de force contre des personnes qui ne veulent pas obéir à l’ordre qu’elles donnent d’effectuer un fait déterminé. L’individu récalcitrant est arrêté et mis en prison ; ou bien il est amené de force devant l’autorité à laquelle il doit fournir des renseignements. L’autorisation d’agir ainsi est tirée de l’argumentation sus-indiquée ; il faut, dit-on, que l’autorité puisse exercer cette contrainte ; ou bien encore, on trouve dans la désobéissance, un danger pour l’ordre et la sûreté publique, danger qui doit être prévenu par ces mesures.
Quand on examine de près ces hypothèses, on a souvent l’impression qu’il ne s’agit plus du tout d’une exécution par contrainte, à l’effet de réaliser un ordre de police : l’homme qui a été amené de force pour fournir des renseignements n’en sera pas plus capable, ni mieux disposé ; l’arrestation n’avance nullement, pour le moment où cela importe, l’accomplissement du fait dû. En réalité, c’est plutôt le prestige de l’autorité, — prestige offensé par la désobéissance — qui réclame une satisfaction et qui se donne instantanément cette satisfaction par les désagréments qui atteignent si manifestement le récalcitrant. (135) L’esprit de corps est, sans qu’on en ait conscience, assez fort, même dans nos cours suprêmes de justice, pour les rendre peu disposées à condamner ce procédé33.
- La différence fondamentale entre l’exécution par contrainte et la contrainte directe n’est pas observée par nos auteurs, comme elle le mérite, Foerstemann, Pol. R., p. 393, la laisse deviner en quelque sorte, quand il parle de la première comme du « pouvoir d’exécuter proprement dit qui appartient à la police » et lui oppose la contrainte de la police « pour son autre activité ». G. Meyer, dans Wörterbuch, II, p. 800, remarque avec raison que les formes de cette contrainte s’appliquent aussi dans des sphères de l’administration autres que la police. On peut donc se servir avec lui de l’expression plus générale de « procédure de contrainte administrative » (Verwaltungszwangsverfahren). Mais en définissant cette contrainte comme « l’exécution des ordres et dispositions des autorités administratives ainsi que des tribunaux administratifs », il ne comprend que l’exécution par contrainte ; il oublie la contrainte directe. [↩]
- Foerstemann, Pol. R., p. 401 : « Toute exécution de police dépend de l’existence d’un rescrit de police ou d’une disposition de police ». Trop vague est le Bad. Pol, Stf. G. B., § 31 ; mais encore ici, un ordre individuel, une prescription « in concreto » est tacitement supposée : Binguer et Eisenlohr, Bad. Stf. R., p. 192. [↩]
- Gneist, dans Holtzendorff Rechtslexikon, III, 2, p.1106 ss., n’accepte pas cette distinction. Pour lui, le pouvoir de contraindre appartient aux autorités en vertu de la tradition historique. Mais on ne peut pas ainsi faire abstraction de la transformation de toutes les bases juridiques qu’a dû amener l’Etat constitutionnel régi par le droit. Anschütz, dans Verw. Arch., I, p. 385 ss., fait très bien ressortir les différentes étapes de l’histoire de la contrainte administrative en Prusse. [↩]
- C’est pour cela qu’on l’appelle aussi : peine de désobéissance (Ungehorsamsstrafe). On la désigne aussi sous le nom de peine d’ordre (Ordnungsstrafe). Mais, sous ce nom, on comprend encore d’autres choses : des peines disciplinaires (Comp., t. IV, § 45, II, ci-dessous), des peines pour désordre commis à une audience judiciaire (G. V. G., § 179 ; Schicker, Württ. Pol. Stf., p. 80), certaines peines fiscales (Comp., § 31, ci-dessous). [↩]
- Anschütz dans Verw. Arch., I, p. 455. Lœning n’est pas d’accord avec la législation qui, d’après lui, sous l’influence de la fausse théorie qui considère la peine coercitive comme un moyen de contrainte, fait à cette peine un traitement tout différent de la peine criminelle, tandis qu’elle n’en diffère que par la menace spéciale contenue dans une disposition de l’autorité. Mais il nous semble qu’il y a déjà là une différence très considérable. — G. Meyer, dans Wörterbuch, II, p. 801, voit la particularité de la peine coercitive dans ce qu’elle est « fixée à une époque où l’on ne sait pas encore s’il y aura contravention ou non ». Par la fixation, la menace est entendue ici ; mais la menace par la règle de droit n’est-elle pas en présence de la même incertitude? — Erronée est l’opinion de Schulze, Preuss. Staatssrecht, II, p. 219. [↩]
- Cela n’a d’importance que dans le cas où le droit particulier n’observe pas, lui-même, ces limites ; par exemple, un droit qui ne fixe pas de limite pour la peine coercitive, comme le droit de la Saxe ; Schwarze, Sächs. Gerchtszeitung, XV, p. 165, — Inutile de dire qu’il ne peut pas être question d’appliquer à ces « affaires criminelles » les règles de la Stf. Pr O., et du G. V. G. ; Thilo, Stf. Pr. O., p. 552. Mais il ne faut pas, pour cela, les qualifier d’« affaires disciplinaires dans le sens large », comme le fait Schicker, Württtemb., Pol. Stf. R., p.84, note I. Il y a là tout autre chose. [↩]
- Preuss. L. V. G., § 132 ; Württemb. Ges., 12 août 1879, art. 2 ; Bad. Pol. Stf. G., art. 31 ; Hess. V. Ges., 1874, art. 80. Restrictif est le Bayr. Pol. Stf. G. B., art. 21 ; comp. la note 17, ci-dessous. Les députés du Palatinat, dans la Chambre bavaroise, ont autrefois vivement combattu, au point de vue de leur droit provincial, l’admission de la peine coercitive dans l’E. G. Z. Stf. G. B., 1861, art. 28 (Risch dans Dollmann, Bayr. Gesetzgebung, III. III, p. 146).Ce droit provincial était le droit français qui, depuis la Révolution, avait éliminé la peine coercitive. La prescription de l’art. 471, § 15 du Code pénal, que Lœning, V. R., p. 252, cite parmi les lois sur la peine coercitive, contient une simple peine de police. [↩]
- Excepté Württemb. Ges., 27 décembre 1871, article 2 : amende ou détention. La peine coercitive a, dans cette loi, beaucoup de particularités qui la rapprochent de la peine de police. D’après le droit de la Saxe, les autorités peuvent menacer de « peines convenables », sans qu’il y ait de règles sur la qualité et l’étendue ; Leuthold, Sachs V. A., p. 376. [↩]
- En ce sens, Bingner et Eisenlohr, Bad, Stf. R., p. 194. [↩]
- G. Meyer dans Wörterbuch, II, p. 800, 801 donne un résumé de cette législation. Une exception dans le droit récent de Württemberg d’après la loi du 12 août 1879, art 2 : peu importe celui qui a émis l’ordre ; on considère celui qui prononce la peine : l’autorité supérieure peut frapper la désobéissance à un ordre de l’autorité inférieure d’une peine plus sévère que cette dernière ne pourrait le faire. [↩]
- Ce n’est qu’en Württemberg, loi du 12 août 1877, que la menace d’une peine prévue par la loi est toujours censée être jointe tacitement à l’ordre. Cependant, en pratique, quand on a l’intention de se servir du moyen de contrainte, il est d’usage d’avertir, donc de menacer de la peine. Schicker, Württemb. Pol. Stf. R., p. 78. [↩]
- C’est l’autorité même qui émet l’ordre et qui menace de la peine coercitive, qui prononce la peine ; le contrôle de la validité de l’ordre, qui s’exerce si rigoureusement lorsqu’il s’agit de statuer sur la peine de police (Comp., § 20, III, n. 1 ci-dessus), n’existe donc pas ici. Il en serait autrement d’après la loi de la Hesse du 12 juin 1874, art. 80 ; cette loi fait prononcer par le tribunal ordinaire la peine coercitive, dont l’autorité administrative a formulé la menace. Mais ici, il est déclaré expressément que le tribunal aura à prononcer la peine toutes les fois que « l’on constatera une notification suffisante de l’ordre de police à la personne dénoncée et la contravention ». Ainsi, le contrôle du tribunal est encore restreint à la question de savoir s’il y a ordre de police, c’est-à-dire ordre émis par une autorité de police dans sa compétence générale. Cela suffit pour assurer l’indépendance de l’exécution par contrainte de police. [↩]
- La libre disposition de l’autorité administrative quant à la peine à prononcer est admise même dans les législations qui rapprochent la peine coercitive de la peine de police. Württemb. Ges., 12 août 1879, quoique considérant la menace de la peine comme toujours sous-entende, déclare dans son article 2 : « la désobéissance.., pourra être punie ». Hess. Ges., 23 juin 1874, qui fait prononcer la peine coercitive par le tribunal, fait cependant dépendre la poursuite d’une demande de l’autorité administrative et, par conséquent, de la libre appréciation de cette dernière. [↩]
- En ce sens O. V. G., 31 janvier 1877, 9 juin 1877, 20 juin 1880. Neukamp dans Verw. Arch., III, p. 72, note 61. Il en est autrement en droit württemb. : la peine est encourue comme la peine de police ; Schicker, Württ, Pol. Stf. R., p. 77, note 2. [↩]
- O. V. G., 10 juin 1880 (Samml. VII, p. 341) : prononcer la peine coercitive, c’est, en soi, « un moyen de contrainte pour forcer celui contre lequel ce moyen est dirigé, d’obéir, et pour atteindre ainsi un but déterminé ». Il faut que la première menace soit arrivée à son terme par la prononciation de la peine ; alors seulement, on pourra procéder à une nouvelle menace : Bayr. Pol. Stf. G. B., art. 21, al. 3. Mais il n’est pas nécessaire que l’acte qui inflige la peine soit devenu inattaquable : O. V. G., 11 décembre 1880 (Samml. VII, p. 388, décision, dans laquelle Parey, Rechtsgrundsätze, p. 367, no 4, veut trouver la maxime contraire. Il en est autrement, quand, à l’avance, la menace de la peine a été adressée pour chaque cas individuel de contravention ; ici, plusieurs peines peuvent en définitive être additionnées et infligées par un seul et même acte : O. V. G., 25 octobre 1886. Comp. aussi Anschütz dans Verw. Arch., I, p. 455. [↩]
- En ce sens le droit badois : Bingner et Eisenlohr, Bad. Stf. R., p. 194. Par contre, la limite indiquée dans Preuss. L. V. Ges., § 139, ne concerne que « chaque acte de punition séparément » : O. V. G, 11 décembre 1880 (Samml. VII, p. 383). Bayr. E. G. Z. Stf. G. B., .1861, art. 28, n’avait nullement prévu une réitération de la peine coercitive ; aujourd’hui, Pol. Stf. G. B., 1871, art. 21, al. 3 l’admet sans limiter la totalité des peines. [↩]
- G. Meyer dans Würterb., II, p. 801 ; Hingner et Eisenlohr, Bad. Stf. R., p. 193 ; Schicker, Württemb. Pol. Stf. R., I, p. 78 ; surtout O. V. S., 9 avril 1879 (Samml. VII, p. 278 ss.) et 12 février 1887 (Samml. VII, p. 215 ss.). Même dans le droit de police de la Saxe, cette limite, du moins, est reconnue : Ordonnance du ministre de l’intérieur, 24 sept. 1855 (Sächs. Ztschft f. Pr., VI, p. 320). La véritable explication de la maxime se laisse entrevoir dans Anschütz dans Verw. Arch., I, p. 457. Rosin, Pol. Verord., p. 107 ss., la donne maintenant très exactement ; dans la 1re édition, p. 65 ss., il s’était créé lui-même des difficultés ; il appuyait trop sur le caractère de contrainte qu’il revendiquait aussi pour la peine de police (« psychologischer Erfüllungszwang ») ; cela aurait exclu les autres moyens de contrainte aussi bien que la peine coercitive. C’est à raison de son caractère de peine — qu’elle partage avec le contenu de la règle de droit — qu’elle cède à la concurrence de cette dernière. Bayr. Pol. Stf. G. R., art. 21 et 22 n’admet la peine coercitive que pour l’exécution de lois (et d’ordonnances) dont l’inobservation n’est pas déjà soumise à une peine fixée par une règle de droit. Cela rend déjà le concours impossible. Il est vrai que l’autorité de police bavaroise devra quelquefois se contenter de la peine de police, sans pouvoir atteindre l’accomplissement de ce qui avait été exigé au nom de la police : Bayr. Ob. G. II., 30 septembre 1867 (Stenglein,Ztschft,. IV, p. 26). Mais, en réalité, cela n’est pas aussi néfaste qu’il pourrait le sembler au zèle des fonctionnaires de la police. [↩]
- Rosin, Pol. Verord., pp. 107, 112 ; O. V. G., 12 avril 1878 : une ordonnance de police pénale défend d’organiser des bals publics sans permission ; l’autorité apprend qu’un aubergiste auquel elle avait refusé la permission veut faire danser ; elle le lui interdit sous une peine coercitive. Cela est déclaré inadmissible. [↩]
- Neukamp, dans Verw. Arch., III, p. 30. En sens contraire, Rosin, Pol. Verord., p. 118 ss. Quand il s’agit de l’omission d’un fait exigé dans l’intérêt de la police, Rosin, loc. cit., note 13, évite l’incompatibilité des deux peines en coupant cette omission en deux et en attribuant à chacune sa part séparée : il y a l’omission dans le délai voulu, laquelle est frappée par la peine de police, et l’omission qui se produit encore après coup, laquelle peut faire l’objet d’une peine coercitive. Mais n’est-ce pas un moyen d’éluder toute la maxime ? [↩]
- La démolition de constructions faites illicitement fournit les exemples principaux : Rosin, Pol. Verord., p. 116 : Schicker, Württemb. Pol. Stf. R., pp. 78, 79. Au cas d’une industrie frappée par la loi pénale, il s’agira du matériel qui reste, de l’enseigne, etc., pouvant faciliter la réitération du délit : O. V. G., 9 avril 1879 (Samml. V, p. 289 ss.). O. V. G., 6 juin 1885 (M. BI. d. I., 1885, p. 151) : Une société coopérative émet des jetons semblables aux pièces de 50 pf., ce qui est défendu par une ordonnance de police pénale. La direction de police ordonne aux membres du comité de retirer les jetons dans les 14 jours, sous peine coercitive. C’est une obligation nouvelle, dont l’inobservation n’est pas frappée par la régie de droit pénale. La poursuite devant le tribunal pénal aboutit à un acquittement, la procédure de l’exécution par contrainte, au moyen de la peine coercitive, poursuivait sa route à part. [↩]
- Bayr. Pol. Stf. G. B., qui est avare, nous l’avons vu, de la peine coercitive, distingue aussi, dans ses articles 16, 20 et 21, alinéa 4 : l’état de choses créé par un fait punissable ne peut être changé par l’exécution par substitution qu’à la suite d’une condamnation en justice ; l’exécution par substitution, pour des choses qui ont été imposées par la loi en fixation d’une peine, peut être ordonnée comme mesure provisoire ; mais le remboursement des frais n’a lieu qu’au cas de condamnation à la peine qui sera ensuite prononcée par le tribunal ; c’est uniquement dans le cas d’un ordre servant à l’exécution d’une loi (ou ordonnance) dont l’inobservation n’est pas sanctionnée par la menace d’une peine, que l’exécution par substitution peut être ordonnée et réalisée par l’autorité administrative seule. En Alsace-Lorraine, l’institution de la peine coercitive n’est pas connue (Comp., note 7 ci-dessus). Quant à l’autre moyen de contrainte — l’exécution par substitution, — il y avait dans la législation des difficultés assez singulières. Le droit français avait soumis cette procédure à la condition d’une condamnation judiciaire pour contravention de police, laquelle condamnation autoriserait en même temps la mesure d’exécution à prendre (ma Theorie d. Franz., V. R. p. 190). Mais la législation judiciaire de l’Empire a aboli l’article 161 du Code d’instruction criminelle français, sur lequel reposait cette procédure ; elle a défendu de confier aux tribunaux de semblables missions. La police, croyant encore avoir toujours besoin d’une autorisation de la justice chercha à se procurer cette autorisation en assignant régulièrement les coupables devant le tribunal civil en vue de les faire condamner à démolir le travail fait contrairement à la police, etc. C’était une situation intolérable dont les effets désagréables se faisaient surtout sentir en matière de police des constructions. C’est alors que, chargé en qualité d’adjoint de la ville de Strasbourg de la direction de la police municipale, j’ai cherché une issue : l’abolition de l’article 161 Code d’instruction, à mon avis, avait pour conséquence non pas de nous renvoyer devant le tribunal civil à l’effet d’obtenir son autorisation, mais de nous dispenser de la nécessité d’une autorisation qui n’était imposée à la police que par une prescription positive de la loi. Nous rentrions donc dans le droit naturel ; en particulier, l’exécution par substitution allait de soi. La contrainte, en matière de police de constructions, a été organisée dans ce sens à Strasbourg et dans d’autres villes qui ont suivi mon exemple ; depuis lors, elle fonctionne parfaitement sans que sa l’égalité ait été mise en doute. [↩]
- Le choix est libre d’après Württemb. Ges., 12 août 1879, art. 2, al. 2 (Schicker, Württemb. Pol. Stf. G. B., p. 80) ; Bad. Pol. Stf. G. B., 30, 31 « aussi ») ; Hess. Ges. 20 juin 1873, art. 50 (Prov. Aussch. f. Ober Hessen, 10 juin 1884 ; Ztschft f. St. u. Gern. Verw., IX, p. 171) ; pour la Saxe : Leuthold, Sächs. Verw. R., p. 375. Bayr. Pol. Stf. G. B.. art. 21, ne laisse le choix libre que pour la première menace ; la réitération n’est admise que dans le cas où un autre moyen de contrainte, et spécialement l’exécution par substitution, n’est pas à la disposition de l’autorité. D’après Preuss. L. V. G. § 132, il faut préparer l’exécution par substitution à la peine coercitive, « quand la chose est faisable ». Mais faisable n’est pas identique à possible ; on doit avoir égard à des considérations d’opportunité en ce qui concerne les frais à recouvrer et les intérêts personnels de celui qui sera contraint : O. V. G. 2 octobre 1860 (Samml. VII, p. 342) ; 21 avril 1888 (Samml. XVI, p. 392). Il est donc inexact de restreindre, comme le fait G. Meyer dans Wörterb., II, p. 800, la peine coercitive à la réalisation de faits qui ne peuvent pas être exécutés par des tiers, et à des omissions. [↩]
- Bayr. Pol. Stf. G. B., art. 16 et 21 ; Preuss. L. V. G. § 132 prescrit que la menace soit faite par écrit. [↩]
- Ne doivent pas entrer en compte les dépenses faites pour constater le fait, pour éclairer l’autorité sur les mesures à prendre et pour les préparer : Wielandt, Rechtspr. d. Bad. V. G. H., p. 130, 131. Les dépenses superflues ne doivent pas être remboursées : Bad. V. G. H., 12 septembre 1871 dans Wielandt, p. 126. D’un autre côté, l’Etat n’est pas, comme un negotiorum gestor, restreint à demander le remboursement d’après les prix courants : C. C. H., 11 avril 1868 (I. M. BI. 1865, p. 255). Le principe décisif sera encore qu’il faut rembourser tout ce que l’autorité a avancé de bonne foi, alors même qu’elle se serait trompée et qu’elle aurait dépensé trop. [↩]
- Quand l’entreprise, la possession contre laquelle l’exécution par substitution était dirigée a été, depuis lors, transmise à un tiers, ce dernier n’est pas tenu des frais. Contestée est, au contraire, la question de savoir si la procédure elle-même d’exécution par substitution qui n’est pas encore terminée, peut-être simplement continuée contre un successeur : BI. f. adm. Pr. 1872. p. 127 (surtout les observations de Luthardt), Foerstemann, Pol. R., p. 402 (qui propose d’assurer la continuation par des inscriptions à prendre au bureau des hypothèques!). A mon avis, l’exécution par substitution, une fois commencée, se transmettra ; on est en effet, dans le cas où l’ordre lui-même qu’elle doit exécuter produit effet sur le successeur (Comp. § 21, note 20 ci-dessus) : les travaux une fois commencés ne seront plus interrompus par le changement de possession : l’administration s’est emparée de la chose ; mais les frais ne devront frapper que le possesseur originaire. En tout cas, one location n’empêcherait pas la continuation contre le propriétaire : O. V. G., 21 octobre 1876 (Samml. I, p. 361). [↩]
- Preuss. L. V. G., § 132, chiff. 3 ; Hess. Ges., 12 juin 1874, art. 80 ; Bad. Pol. Stf. G. B., § 130 ; Württemb. Ges., 12 août 1879, al. 2 (Schicker, Württemb. Pol. Stf. R., I, p. 79) ; Bayr. Pol. Stf. G. B., art. 21 (Riedel, Erläuterungen sous l’article 21, no 3 ; Seydel, Bayr. St. R., V, p. 10). [↩]
- Seydel, Bayr. St. R., V. p. 10. [↩]
- L’exécution par substitution et le simple usage de la force sont clairement distingués dans Bayr. Pol. Stf. G. B. art. 20, al. 1-3 et al. 4. O. V. G., 1er août 1876 (Samml. I, p. 322) rapporte une espèce où l’on a fermé de force une auberge : l’autorité « dans l’intérêt de l’ordre public », fait simplement couvrir de goudron l’enseigne placée malgré la défense. Cela n’est certainement pas une exécution par substitution avec obligation de rembourser les frais. Avec un peu trop de prolixité, l’usage de la force est motivé dans R. G., 14 janvier 1882 (Samml. IV p. 363 ss.). [↩]
- Bingner et Eisenlohr, Bad. Stf. R., p. 163 : la mise en demeure peut être omise quand il y a péril en la demeure. [↩]
- Mot du projet de la C. Pr. O., p. 443 (Hahn, Mat., I, p. 466) : omettre et supporter si ce n’est supporter en fait pour le cas individuel, ne peuvent pas être réalisés directement par la force. [↩]
- Stf. Pr. O. § 50 permet, outre l’amende et l’emprisonnement, d’amener de force le témoin, qui, sans excuse, n’a pas comparu. Lors des débats au Reichstag, on expliquait toutes ces « mesures de contrainte » comme des « peines qui ne peuvent être prononcées que par le juge ». C’est dans le même sens que la peine coercitive est encore considérée comme un moyen de contrainte : elle est destinée à ébranler la volonté ; comp. la note 15 ci-dessus. Pour d’autres exemples : Seemannsordnung, 27 décembre 1872, § 29 ; Preuss. Gesindeordnung, 8 novembre 1810, § 51 ; Bayr. Pol. Stf. G. B., art. 106, al. 4 et 5. [↩]
- Bingner et Eisenlohr, Bad. Stf. R., p. 183 ; Seydel, Bayr. St. R., V, p 10. La question revient à la théorie de la contrainte directe comp. § 24, note 13 ci-dessous. [↩]
- Amener de force est admis, dans le style officiel, sous le nom de Realcitation, Sistierung, Zwangsgestellung, parmi les institutions du droit administratif : Bayr Ob. G. H, 19 octobre 1855 ; BI. f. adm, Pr., XI, p. 399, 400 ; Obr., 8 octobre 1887. Seydel, Bayr. St. R., V, p. 10, croit pouvoir mettre cela d’accord avec le principe si énergiquement établi par lui, que la force corporelle n’est admise qu’autant qu’elle est susceptible de réaliser directement ce qui a été ordonné. On n’est contraint, dit-il, qu’à « comparaître devant l’autorité » ; or, cela, du moins, peut être réalisé par la force. Mais alors on pourrait aussi commencer par contraindre le propriétaire qui doit nettoyer son trottoir à « comparaître » dans la rue en l’y amenant par la force ; peut-être alors balaiera-t-il, tout comme l’individu qui a été sistiert consent à fournir des renseignements. Le fait, qui est le but, n’est pas réalisé par le moyen même de la contrainte. Il en est autrement, quand on fait amener une personne en vue de lui faire une communication : il s’agit alors de souffrir un fait ; cela peut être réalisé par la force jusqu’au bout ; mais cette force n’est légitime qu’autant que l’ordre qu’elle doit exécuter est légitime ; or de quel droit nos autorités commandent-t-elles aux sujets de subir cette formalité ? En Prusse, la pratique de l’usage de la force va encore beaucoup plus loin que ces Sistierungen. O. V. G. 1er décembre 1880 (M. BI. d. L, 1880, p. 45) : Lors d’un incendie, le maitre commande à un élève en pharmacie qui assiste en spectateur, de porter une petite pompe à incendie ; désobéissance ; arrestation immédiate dans la salle de police ; l’élève arrêté prie qu’on le mette en liberté, jurant de faire maintenant ce qui est commandé ; ayant été reconduit sur le lieu de l’incendie, il refuse à nouveau ; en conséquence, il subit une nouvelle arrestation. Le tribunal déclare que cela a été possible en vertu de la loi « pour la protection de la liberté individuelle du 12 février 1850 », attendu que la sûreté publique était compromise par la force contagieuse du mauvais exemple que la désobéissance devait donner aux autres. Même solution dans l’affaire O. V. G., 16 novembre 1889 (Samml. VIII, p. 407) : le commandant de la compagnie des pompiers volontaires, l’incendie une fois éteint, ne voulait plus rester, malgré l’ordre du fonctionnaire de police, attendu que celui-ci n’aurait plus rien à lui commander et ne pourrait que lui « demander ». Mais le danger « pour la sûreté publique », danger à raison duquel son arrestation a été déclarée justifiée, est, à coup sûr, simplement celui-ci : l’autorité offensée pouvait se procurer immédiatement une satisfaction éclatante. Dans le droit de la Saxe, tout ceci est reconnu comme « émanation de la puissance d’exécuter attribuée aux autorités » : Sächs. Ztschft f. II, p. 71. Contre tous ces abus, Seuffert dans Wörterbuch, II, p. 675, 676 se prononce avec beaucoup d’énergie. [↩]
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