Section I
Le pouvoir de police
§ 25. Cas particuliers de la contrainte par l’emploi de la force
(152) L’emploi de la force sert à l’exécution de police par contrainte aussi bien qu’à la contrainte directe. Les conditions dans lesquelles ce moyen de contrainte est possible ont été exposées dans les paragraphes précédents. Pour son application, il y a des règles communes.
I. — L’administration, lorsqu’elle emploie la force, se sert des hommes qu’elle se procure par le service personnel du droit public sous ses différentes formes, ou par le contrat de louage du droit civil, ou par le secours des citoyens réquisitionnés. Parmi ces individus se distingue une espèce particulière de fonctionnaires subalternes qui, par leur profession, sont destinés à prêter main-forte à l’emploi de la force en matière de police. Ce sont les officiers d’exécution de police.
L’administration des rois de France, par sa maréchaussée, avait donné aux princes allemands le modèle d’un corps d’agents de police organisés militairement, qui, sous les noms de milice de police, dragons de police, hussards de police, etc., fut instituée partout. Au commencement du XIXe siècle, notre gendarmerie en est sortie. Elle a son équivalent dans le corps militairement organisé des agents de la sûreté dans les villes plus importantes. Il faut ajouter les officiers d’exécution de police avec « organisation civile », les (153) employés de police locaux (agents de la sûreté, gardiens de la paix, gendarmes de nuit), ou les employés de police spéciaux, comme les gardes forestiers, les gardes champêtres, etc.1.
Tous ces officiers d’exécution ont un privilège propre dont ils jouissent lorsqu’ils procèdent à l’emploi de la force pour lequel ils sont destinés. Ce privilège produit son effet dans la poursuite pénale à raison de la résistance qu’ils peuvent rencontrer à cette occasion.
La résistance à la puissance publique est punie en vertu du § 113, Stf. G. B., qui forme maintenant le droit commun. Pour que cette pénalité soit encourue, il faut que la personne à laquelle la résistance est opposée ait été autorisée, à un titre quelconque, à employer la force au nom de l’autorité ou à participer à cet exercice. Ainsi, tout d’abord, il n’y a pas de différence suivant qu’il s’agit d’un officier d’exécution ou d’une autre personne. Mais on suppose que l’exercice de la force a été légitime. Le tribunal pénal procédera donc à un examen de la légalité de l’acte du fonctionnaire auquel la résistance a été opposée. Quant à ce qui est nécessaire pour que l’acte soit légal, on trouve la règle dans l’ordre juridique déterminant le rapport entre le sujet et l’Etat au nom duquel l’acte a été accompli. Cette règle reçoit une application absolue lorsqu’il s’agit de tout autre individu que l’officier d’exécution ; pour l’acte de l’officier d’exécution, au contraire, la règle ne s’applique qu’avec une restriction importante. C’est là ce qui fait sa situation privilégiée2.
(154) L’acte de l’officier d’exécution est, pour la question de la pénalité en cas de résistance, considéré dans certains cas comme valable, bien qu’il ne le soit pas par lui-même. Celui qui a résisté doit être puni, parce que l’acte est légal au sens du § 113 ; et toutefois, ce même acte peut être attaqué et redressé par la voie du recours ou de la justice administrative ; il peut même entraîner pour l’Etat l’obligation de payer une indemnité, parce qu’il n’est pas légal.
La raison de ces appréciations contradictoires est la même que celle qui a déjà, dans la question de la responsabilité civile du fonctionnaire, fait fléchir les principes généraux du droit des délits (Comp. t. I, § 17, I, no 1, ci-dessus).
La punition de la résistance est considérée comme une protection spéciale accordée au fonctionnaire agissant. Cette protection lui est refusée quand il agit illégalement. Toutefois, dans l’intérêt du service même, on ne doit pas lui imputer l’illégalité à laquelle il est spécialement exposé par son devoir ; à cet égard aussi, il ne doit pas supporter les risques de l’exercice de sa fonction. Il suffit donc que l’acte soit, en général, un acte de la fonction de l’officier d’exécution se tenant dans les limites générales de sa compétence3. L’illégalité (155) qui peut survenir ne doit pas lui nuire quand elle est la suite d’une erreur de sa fonction ou d’un ordre de service.
1) L’illégalité de l’acte est couverte, — de sorte que, quant à la résistance, l’acte est considéré comme légal, — lorsque l’illégalité ne repose que sur une erreur dans laquelle le fonctionnaire pouvait tomber sans manquer à ses devoirs. A des erreurs semblables inhérentes à sa fonction, l’agent est toujours exposé, toutes les fois qu’il doit agir avec une appréciation personnelle des circonstances matérielles4. La résistance (156) ne reste donc impunie que dans le cas où le fonctionnaire aurait, sciemment, ou, ce qui revient au même, par ignorance coupable de la situation, fait fausse route5. Elle sera aussi impunie quand l’erreur de l’agent concerne non pas des faits à apprécier, mais l’ordre juridique même qu’il devra observer ; une erreur semblable est toujours coupable ; ignorance et inintelligence des règles de droit dont dépend la possibilité de l’acte6, inobservation des (157) formes prescrites7, voilà les exemples principaux de la résistance non punissable.
2) L’illégalité doit aussi être écartée par un ordre de service exigeant l’acte, tout au moins lorsque, sans cela, le fonctionnaire se verrait, aveuglément et sans un examen personnel possible, lancé contre la résistance impunie8. C’est pour cela que l’ordre dûment notifié couvre entièrement les conditions de la légalité de son action qui sont derrière cet ordre, à savoir : le pouvoir de l’autorité qui lui ordonne de procéder contre le sujet de la manière indiquée, et la validité de l’acte d’autorité qu’il est chargé d’exécuter. Tout cela, l’officier d’exécution n’est pas appelé à le contrôler ; dès lors, si’ la mesure dirigée contre le sujet est illégale simplement parce qu’ici il y avait quelque irrégularité, l’agent doit être protégé contre la résistance ; son acte sera traité, à cet égard, comme légal9.
(158) Ce dont il doit répondre, c’est simplement qu’il est, en général, compétent pour effectuer, sur l’ordre de cette autorité, des actes semblables10, et que les prescriptions de la loi qui concernent directement son fait à lui, sont observées11. A cet égard, l’ordre ne le couvre pas ; si donc il y a ici quelque irrégularité, la résistance sera impunie.
II. — La forme et la mesure de la force à employer se déterminent toutes les deux selon le but à atteindre, selon la nature du fait contraire à la police qu’il s’agit de combattre. Leur limite juridique, c’est ce qui est nécessaire. Quand la législation prévoit des mesures de force pour des buts spéciaux — prélèvement d’échantillons de marchandises mises en vente, (159) destruction d’effets contaminés, répressions d’émeutes — elle détermine, pour ces cas spécialement, la limite de ce qui est possible.
Mais il y a certains moyens de force d’une application générale qui, à raison de leur nature, ont été soustraits aux conséquences qui résulteraient de la nature des choses et qui ont été placés sur des fondements particuliers et formels.
1) Le dépôt de police. — Pour remédier aux troubles causés par une personne, il peut devenir nécessaire d’attenter de force à sa liberté. Il y a déjà quelque chose d’analogue dans tout empêchement apporté à la libre circulation ; il peut aussi être nécessaire d’éloigner de force une personne de l’endroit où elle se trouve, et même de l’enfermer pour un certain temps.
C’est ce dernier procédé qui semble se recommander tout spécialement aux officiers d’exécution de police comme le moyen le plus simple et le plus radical, attendu que leurs attributions en matière de justice pénale mettent déjà à leur disposition les locaux nécessaires.
Cependant, les lois se sont emparées de ce moyen de force et l’ont réglé d’une manière spéciale et expresse12. Elles déterminent surtout les conditions dans lesquelles une arrestation et une détention de cette espèce sont possibles en matière de police. Ces conditions sont formulées d’une manière plus ou moins large ; elles embrassent tantôt toutes sortes de troubles pouvant être écartés par l’usage de la force contre la personne qui les cause, tantôt seulement certaines espèces de troubles plus graves. Elles déterminent également — et c’est ce qu’il y a de plus important dans leurs prescriptions — la durée de la détention.
(160) Considérée au point de vue de la nature des choses cette détention de police devrait prendre immédiatement fin dès que le but de la police est atteint ; par contre, elle devrait durer aussi longtemps que le danger du trouble existe. Combien de temps la détention durera-t-elle ? La législation, naturellement, n’a pas voulu abandonner ce point à la libre appréciation des agents de police ; elle a tracé les limites d’une manière formelle. La détention dans le dépôt de police ne peut avoir lieu que pour un court délai fixé.
Il faut que la personne mise en dépôt soit relâchée après 24 heures, 48 heures ou « dans le courant du lendemain au plus tard », alors même que le danger du trouble à combattre — et à raison duquel l’arrestation a eu lieu — continueraient encore. La mise en liberté peut être contrariée par un mandat d’arrêt lancé par le juge ou par l’exécution d’une peine privative de la liberté ; ce sont d’autres questions. Au point de vue de la police, la contrainte est terminée. Il n’en pourra y avoir une nouvelle que lorsque se présenteront des causes nouvelles.
D’un autre côté, ce délai fixé existe également au profit de la police ; il lui évite d’observer scrupuleusement et d’une manière gênante les limites naturelles de la controverse. L’homme s’est peut-être calmé tout à fait ; il est de toute vraisemblance qu’il se soumettra maintenant à l’ordre ; logiquement, la contrainte devrait cesser immédiatement. Ou bien la possibilité extérieure du trouble a disparu ; les mesures de police, les travaux que l’homme pouvait empêcher ou gêner ont été achevés ; l’objet de ses attaques s’est éloigné. Pourtant, la prolongation de la détention jusqu’à l’expiration du délai n’est pas une illégalité. La crainte vague que l’individu puisse cependant recommencer, l’impossibilité de constater, sans une instruction minutieuse, qu’en réalité il ne pourrait plus rien (161) faire de mal, les lenteurs inévitables des formalités à remplir, le détenu devant être amené à un fonctionnaire déterminé, etc., tout cela pourra retarder la mise en liberté. La détention ne devient illégale qu’autant qu’il y a mauvaise volonté du fonctionnaire. La loi a abandonné l’individu au pouvoir de police pour un court délai ; il y a là — on ne saurait le méconnaître — l’idée d’une peine méritée13.
Lorsque les conditions légales particulières de l’arrestation et de la mise au dépôt de police ne sont pas indiquées, les moyens de force de ce genre ne sont pas complètement exclus. Cela est surtout important pour les législations qui restreignent le cercle de ces conditions, ou qui même ne l’admettent, comme la loi bavaroise, que pour empêcher des faits punissables. Dans la mesure où, selon les principes généraux, l’usage de la force en lui-même est admis (Comp. § 23, III, et § 24 ci-dessus), la liberté de la personne, quand le but poursuivi l’exige, n’est plus sacrée. Dès lors, en particulier pour la défense administrative et dans l’intérêt propre de cette personne, l’arrestation sera toujours possible. Seulement — et c’est là la grande différence — la force n’est pas ici réglée formellement ; seules les nécessités du but la justifient quant à sa durée. Ce qui excède cette nécessité devient immédiatement un tort14.
(162) 2) Pénétrer dans le domicile d’une personne est une manifestation de la force qui s’ajoute accessoirement à différentes espèces d’activités de la police ; peu importe que l’activité principale et représentant le but poursuivi soit ou non, en elle-même, un usage de la force.
C’est le fait de pénétrer et de séjourner dans le domicile d’un individu sans son consentement. Il y a consentement tacite de personne, lorsque les locaux ont été destinés par elle à une certaine circulation. Ce consentement général peut être aussi invoqué par les agents de police. Mais ceux-ci, selon les circonstances, sont aussi autorisés à y pénétrer et à y séjourner malgré l’individu.
La législation n’a pas abandonné, non plus, ce pouvoir aux conséquences logiques des principes généraux de la contrainte de police ; elle l’a délimité formellement. Elle l’a fait en imitant les règles de la procédure criminelle sur la police judiciaire, de manière à tracer les limites de ce pouvoir d’une façon beaucoup plus restrictive que cela ne résulterait de l’application pure et simple des principes généraux.
Cette délimitation tend surtout à une protection (163) rigoureuse du domicile contre l’entrée de la police pendant la nuit.
Pendant le jour, les agents de police sont libres de pénétrer dans le domicile, quand ils y sont appelés par des actes de leur fonction qui doivent s’y accomplir : notifications d’ordres de police, arrestations, changements et démolitions par la voie d’exécution de police par contrainte, etc. La délimitation de ce pouvoir se fait d’une manière plus précise par son contraire, à savoir regarder simplement et voir s’il y aura à accomplir un acte de leur fonction.
De semblables recherches pouvant être augmentées arbitrairement en nombre et en intensité, il y a là un danger contre lequel il convient de protéger la paix du domicile. Ces recherches ne sont possibles qu’en vertu d’une autorisation spéciale de la loi15. Pour les besoins de l’instruction criminelle, existe la perquisition avec toutes ses formes (Stf Pr. O., § 102, 103). Pour que la police puisse surveiller et prendre des renseignements, différentes lois spéciales l’autorisent à s’introduire dans le domicile des individus16. Mais la justice n’a pas, à cet égard, un pouvoir général et sous-entendu.
(164) Sont exceptés de ces limites protectrices, d’une manière générale, les locaux qui, quoique appartenant à un particulier, sont cependant, selon la destination qui leur a été donnée, accessibles au public : auberges, théâtres, salles de danse, salles de concert, etc. Tant qu’elles ont ce caractère, elles l’ont aussi pour la police, et même dans un sens plus prononcé. Les agents de la police ont le droit d’y entrer non seulement pour accomplir un acte de leur fonction, mais encore pour exercer simplement une surveillance et pour s’informer. L’entrepreneur, il est vrai, peut, après avoir ouvert ses locaux au public, apporter des exceptions et en refuser, par exemple, l’accès à un individu quelconque ou lui enjoindre de sortir : il y aurait violation du domicile à ne pas se soumettre à ces exceptions. Mais cela ne s’applique pas à l’agent de police dont le droit est absolu. C’est ce qui fait l’importance juridique de la notion de ces « locaux accessibles à la police »17.
Pendant la nuit, l’entrée de la police est soumise à de nouvelles restrictions. Nous faisons encore abstraction de la perquisition appartenant à la sphère de la police judiciaire (Stf. Pr. O., § 104).
Pour la police pure, il ne suffit pas qu’elle ait quelque chose à faire dans la maison. Il faut que quelque chose d’extraordinaire s’y passe qui appelle son action immédiate ; sinon, la police doit attendre qu’il fasse jour.
Il peut y avoir un cas de nécessité urgente qui justifierait l’entrée de force par un particulier : incendie, inondation, danger de mort pour les habitants de la maison qu’il s’agit de sauver ; voilà les exemples (165) principaux ; mais il peut y avoir d’autres cas d’une nature semblable.
En outre, on reconnaît qu’un motif formel justifiant l’entrée de la police sont les cris de détresse partis de la maison. Il n’est pas nécessaire que ce soit le maître du logement qui appelle la police. Tous ceux qui s’y trouvent soit à juste titre, soit à tort, ont la faculté d’amener cette compétence de la police. Les cris n’ont pas besoin de sortir de la maison, il suffit que celui qui appelle vienne de là. Le secours invoqué ne peut consister que dans un acte urgent rentrant dans la fonction de l’agent. Mais il n’est pas nécessaire que l’agent soit désigné distinctement et spécialement par le cri de détresse, ni que la police soit appelée expressément. Le cri : « Au secours ! » ou mieux seulement : « La police ! » est un motif suffisant pour pénétrer18.
Les « locaux ouverts à la police » ayant cette qualité en temps de nuit sont exposés, par cela même, aux entrées de la police, même pendant la nuit, tant qu’ils restent ainsi ouverts. Après la clôture de l’auberge et le départ des clients, la maison est protégée comme une autre.
3) Le moyen le plus efficace pour venir à bout d’un individu, c’est de faire usage des armes. Ce moyen est permis, d’une manière inégale, au personnel servant à la contrainte de police.
Le point de départ de toute cette théorie doit être pris dans le fait que l’usage des armes, par ses effets, excède les limites dans lesquelles se tient, en principe, la contrainte de police. La force, en effet, doit écarter (166) le trouble, empêcher celui qui l’a causé de continuer ; elle ne doit pas lui infliger un mal qui subsistera après que le trouble aura disparu. L’usage des armes, par sa nature, amène toujours un mal de ce genre. Dès lors, à la différence des deux moyens de force dont nous venons de parler, celui-ci n’est pas admis dès que l’usage de la force, en général, est devenu possible. Il faut un fondement juridique pour que l’on puisse choisir ce moyen rigoureux.
Ce fondement peut résider dans le droit commun de la légitime défense. Les cas dans lesquels l’usage de la force est admis pour la contrainte directe en matière de police, surtout ceux de la défense administrative et de l’empêchement de faits punissables, ne coïncident pas nécessairement avec la légitime défense. C’est par extraordinaire que l’agent de police se trouve dans la situation prévue par le Code pénal d’avoir à repousser une attaque illégale faite contre lui-même ou contre un tiers. Dans cette hypothèse, le but de la police est au second plan ; la mesure de la force à employer, ainsi que la possibilité de l’usage d’une arme qu’on a sous la main, se règlent d’après les principes qui existent pour tout le monde au cas de légitime défense. Il n’y a pas ici, de particularités de droit administratif. Sans influence est le fait que le fonctionnaire, en prévision des attaques auxquelles il pourra avoir à résister dans l’accomplissement de son service, a été muni d’une arme d’ordonnance. Cela équivaut à l’instruction de service de ne pas se servir, autant que possible, d’autres armes ou instruments que de l’arme d’ordonnance. Dans les rapports avec les tiers, il devient en même temps plus vraisemblable qu’il sera fait usage d’une arme, puisqu’une arme est toujours sous la main. Toutefois, l’usage d’un instrument moins dangereux ne sera jamais illégal vis-à-vis de l’adversaire ; l’usage d’une (167) arme plus grave semblera peut-être justifié par les principes de la légitime défense. Le fait d’être muni d’une arme d’ordonnance n’implique, pour l’agent de police, aucune particularité vis-à-vis du droit commun de la légitime défense.
Mais, en outre, il y a des règles spéciales pour l’usage des armes ; ces règles ont été établies expressément par la loi19.
Partout, la loi vise, en, première ligne, les cas où la gendarmerie doit faire usage de son arme d’ordonnance.
Pour désigner ces cas, on est d’accord pour l’essentiel, sauf quelques divergences dans le détail. Le gendarme doit se servir de son arme : pour se défendre lui-même ou pour défendre des tiers contre des attaques effectives ou, des menaces sérieuses ; pour vaincre la résistance par voies de fait ou, menaces, résistance qui met obstacle à l’accomplissement de son devoir de procéder à une arrestation, de maintenir un poste, etc. ; et, selon quelques législations, pour empêcher l’évasion de la personne arrêtée.
Ces pouvoirs spéciaux de se servir de l’arme — la chose est évidente — excèdent, en plusieurs points, le droit de légitime défense ; briser la résistance, empêcher l’évasion, etc., cela ne rentre plus dans la légitime défense. D’un autre côté, l’usage de l’arme, comme nous venons de le voir, n’est jamais compris dans le droit de contrainte qui appartient à la police comme moyen naturel de l’usage de la force. Il s’ensuit que ces pouvoirs spéciaux se restreignent à la mesure que la loi leur a donnée. Le droit de légitime (168) défense subsistera dans toute son étendue au profit du gendarme, en tant que cela peut lui être utile20. Mais le pouvoir d’user de l’arme en dehors de ces cas ne peut être accordé que par une loi ou une ordonnance légale, et non par une instruction de service21.
Un ordre de service même exprès du supérieur ne peut pas autoriser le gendarme à se servir de l’arme dans une mesure plus grande et dans des cas autres que ceux que la loi a permis ; il y a ici une règle concernant directement son action personnelle. Il n’y a pas d’ordre qui puisse couvrir sa contravention22.
Ces pouvoirs spéciaux, le fonctionnaire ne peut pas non plus les exercer au moyen d’autres armes que celles désignées par la loi, « les armes qui leur sont confiées », les armes d’ordonnance.
Enfin, ce pouvoir n’appartient pas à tout officier d’exécution de police, pas même à tout officier d’exécution que l’autorité jugera à propos de munir d’une arme23. La délimitation de la catégorie des (169) fonctionnaires autorisés, telle qu’elle est donnée par la loi elle-même, est seule décisive. Elle vise, en première ligne, les gendarmes. Quand la loi ne parle que de ceux-là, une interprétation extensive au profit d’autres catégories de fonctionnaires ayant un nom différent n’est pas exclue. Ce qu’il faut seulement c’est que, malgré cet autre nom, ils désignent matériellement la même chose que la gendarmerie. Cette identité essentielle ne résulte pas du fait que l’agent est muni d’une arme d’ordonnance ; la condition dont dépend le droit particulier du gendarme et qui fait que ce pouvoir s’étend à d’autres catégories de fonctionnaires, c’est le fait d’être organisé militairement. Le privilège accordé à la gendarmerie de l’usage des armes en matière de police existe ordinairement — et, en partie, avec des formes plus sévères — au profit des sentinelles, postes et patrouilles militaires (Comp. III ci-dessous). Quand la gendarmerie fut détachée comme troupe spéciale pour le service de la police, il fut entendu tacitement, lorsqu’on ne l’a pas dit expressément — que les particularités de l’usage de la force militaire seraient aussi conservées pour son service de sûreté intérieure24. La loi réglant ce privilège par des prescriptions expresses vise précisément le cas spécial d’hommes de police organisés militairement. Il n’y a donc pas de difficultés pour appliquer ces règles partout où se retrouve cette qualité décisive.
(170) Tel sera surtout le cas pour les agents de la sûreté militairement organisés des grandes villes. Lorsque cette qualité n’existe pas, une interprétation extensive ne doit pas avoir lieu. Seule une prescription spéciale de la loi pourrait établir, pour un cercle de fonctionnaires, plus étendu, le privilège de l’usage des armes.
III. — C’est l’armée permanente, le miles perpetuus, qui a donné aux formations idéales de notre jeune puissance d’Etat leur fondement dans les dures réalités ; la souveraineté intérieure, elle aussi, est son œuvre. Aujourd’hui que l’administration, et surtout la police sont depuis longtemps pourvues de moyens de contrainte propre, l’armée et ses ressources inépuisables continuent cependant à servir au maintien du bon ordre de la communauté par l’usage de la force nécessaire. Non seulement l’armée apparaît, au cas de nécessité extrême, comme le dernier moyen de contrainte ; mais, encore elle prête nue collaboration moins éclatante, quoique beaucoup plus importante, dans le service journalier de garde de garnison.
Tout ce que nous venons de dire sur l’usage de la force en matière de police et sur son fondement juridique ne s’applique pas naturellement à cette activité. Le soldat, en effet, n’est pas officier d’exécution de police ; la destination essentielle de l’armée n’est pas de poursuivre des buts de police.
Dès lors, se pose la question de savoir comment se justifie l’usage de la force du militaire contre le sujet, ou, comme l’on dit, en temps de paix. Pour nous, sa possibilité juridique ne résulte pas de ce que, en fait, l’usage de la force du militaire n’est que trop facile à exercer.
Nous avons des lois expresses qui règlent cette matière. Elles forment, en partie, des institutions spéciales, telles que l’état de siège, la répression de l’émeute. Pour une autre partie, elles règlent, d’une (171) manière générale, l’usage des armes du militaire en temps de paix. Ce sont ces dernières prescriptions qui nous intéressent25.
Dans ces prescriptions, il est facile de le remarquer, on suppose toujours que le militaire a, conformément au droit et à son devoir, manifesté une activité, au cours de laquelle peut intervenir l’usage des armes réglé par les lois, par exemple, arrestations, transports, protection de personnes, de bâtiments, de mesures de toute espèce, cordons, etc. Dès lors, le fondement juridique de ces activités supposées reste en question. Par les prescriptions sur l’usage des armes du militaire, on ne dit pas encore comment et quand le militaire représente, vis-à-vis du sujet, des intérêts de la police et agit pour ces intérêts.
Le soldat invoquera simplement son instruction de service ou l’ordre spécial d’un supérieur. L’obéissance militaire l’empêche de se livrer à tout autre examen ; en même temps, elle le couvre quant aux conséquences pour sa personne. Mais, vis-à-vis du sujet, cela ne constitue pas un titre juridique. L’instruction et l’ordre de service ne peuvent que formuler, appliquer, attribuer le pouvoir déjà existant de la puissance militaire.
L’activité légitime du militaire en matière de police est le résultat de causes diverses. On peut distinguer trois cas principaux d’usage de la force du militaire en temps de paix :
1) Le fonctionnement paisible des services et établissements publics appartient au bon ordre de la chose publique ; écarter, par la puissance d’autorité, les (172) troubles qui y sont apportés, c’est une partie principale de la police (Comp. § 19, I, no 3 ci-dessus). Cette défense est exercée dans la forme de la contrainte directe par le personnel ordinaire de la police, par les officiers d’exécution de police, ou bien, séparément, par les agents subalternes et les serviteurs du service intéressé : employés du service hydraulique, cantonniers, fossoyeurs, personnel inférieur des tribunaux, etc. Le titre juridique est dans les principes de la défense administrative (Comp. § 24, I. ci-dessus). L’armée est aussi un de ces services publics ; elle a même cette particularité de posséder en abondance les forces personnelles pour assurer sa propre défense.
C’est en vertu de ce droit que l’armée protège ses bâtiments de service, ses places d’armes, ses fortifications et tout ce qui s’y rapporte, matériel, instruments, armes, provisions et pièces d’inventaire de toute sorte, munitions, etc. Ce qui peut les endommager ou en entraver l’usage est repoussé avec contrainte directe. Toutes les formes de l’usage de la force peuvent y servir. L’arrestation de la personne de l’agresseur est possible selon les règles de la Stf. Pr. O. à raison du délit commis ; mais, même sans cela, elle constitue simplement le moyen d’empêcher, qui est de droit naturel comme nous venons de l’exposer ci-dessus (II, no 1). Elle est même ici un moyen relativement moins sévère. La loi a, en effet, ajouté ici la permission d’user des armes.
Non seulement les choses corporelles appartenant au grand service public qu’est l’armée sont protégées de cette manière, mais encore sa marche et son fonctionnement. Pour ce fonctionnement, il y a bien des locaux spéciaux ; mais le service fonctionne aussi en marches, haltes, parades, dans les rues et places publiques, refoulant le public, et ne supportant aucun dérangement : nous voyons la rue barrée par (173) des postes qui repoussent à coups de crosse ceux qui avancent ; nous voyons l’individu pressé, qui essaie de gagner, à travers la longue file des troupes qui passent, le trottoir de l’autre côté de la rue frappé à coups de plat d’épée. Ce n’est pas, comme on pourrait le croire d’après les apparences, simplement de la violence ; c’est la défense propre d’un service public, très susceptible, il est vrai ; c’est de la police26.
2) Si ce que nous venons de dire représente une nature de pouvoir de police propre appartenant au service public de l’armée vis-à-vis des sujets, l’armée peut encore être appelée à participer, par l’exercice de sa force, à la police d’autres services, c’est-à-dire à l’activité de la police appartenant à d’autres administrations. C’est alors de la contrainte de police militaire dérivée. Son objet et son étendue se déterminent d’après le droit de la branche d’administration à laquelle s’attache l’activité auxiliaire du militaire. Seulement, les conditions et les formes de cette activité auxiliaire ont naturellement dû être fixées d’une manière aussi simple et aussi uniforme que possible, afin que les hommes aient à marcher d’après une ligne nettement dessinée.
Il se peut que d’autres services et établissements aient besoin d’une protection plus forte que celle que leurs propres forces et le personnel ordinaire de la police pourraient procurer ; l’armée leur prête alors des sentinelles et des postes. Cela se fait surtout pour garantir les prisons et autres édifices publics importants. Quant à savoir la part que, dans la contrainte de police, le militaire aura à prendre, cela dépend de (174) l’instruction de service. Mais le droit de la contrainte, dont l’instruction doit observer les limites, est emprunté-au droit de la défense personnelle de l’établissement protégé ; il faut toujours ajouter la forme spéciale de contrainte résultant de l’autorisation donnée par la loi de se servir des armes27.
Le personnel ordinaire de la police peut aussi, dans le cas individuel, se trouver en présence d’un trouble du bon ordre qui excède ses forces. La loi permet, sous certaines conditions, de réclamer le secours de l’armée ; celle-ci agit alors à côté de ce personnel ou à sa place, mais toujours avec les formes sévères quant à l’usage de la force, qui lui sont propres. Le principal cas est celui de l’intervention du militaire pour combattre des attroupements et des émeutes. La loi peut y appeler directement l’activité du militaire, abstraction faite d’une réquisition de l’autorité civile. C’est alors-du droit spécial.
Il y a aussi des situations moins difficiles, non prévues par la loi et dans lesquelles le personnel de police peut avoir besoin d’un semblable secours. Les sentinelles, postes et patrouilles militaires reçoivent d’habitude l’instruction de prêter main-forte. Leur titre juridique vis-à-vis du sujet est encore, alors, dans le droit qui appartient au fonctionnaire de police qu’elles secourent, de faire usage de la force, bien que ce fonctionnaire, étant donné l’intervention du militaire, perde la direction des mesures de force qui auront lieu28.
(175) 3) Enfin l’usage de la force du militaire contre l’individu peut se justifier par les mêmes causes qui autoriseraient un particulier à cet usage. La défense du soldat en service pour repousser une attaque dirigée contre lui-même ou contre d’autres membres de l’armée en service, rentre encore dans la catégorie de la défense administrative (Comp. no 1 ci-dessus). Par contre, le militaire exerce, comme un particulier et selon les principes du Stf. S. B. § 58 al. 2, le secours pour la légitime défense d’un tiers, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’un fonctionnaire en service. De même, les sentinelles, postes et patrouilles sont autorisés par Stf. Pr. O. § 127 à procéder à l’arrestation provisoire dans le cas de flagrants délits, comme tout le monde et non autrement.
Quant à savoir si cela leur est permis au point de vue de leur devoir de service, cela dépend de l’instruction et de l’ordre spécial. Si tel n’est pas le cas, cela n’empêche pas l’usage de la force d’être légitime vis-à-vis de la personne contre laquelle il a été exercé, le droit légal existant en soi. Mais si tel est le cas, alors l’intervention du soldat est protégée par la pénalité de la résistance selon Stf. G. B. § 113, al. 2 ; elle est accompagnée, en outre, du droit de faire usage des armes sous les conditions des lois spéciales qui règlent la matière29. Les conditions de la possibilité juridique de son intervention continuent quand même à dépendre de ce qui constitue le fondement légal, à savoir : la défense légitime d’après le Code pénal, et (176) le droit d’arrestation qui appartient à tout le monde. Dès lors, l’arrestation est impossible, lorsque le coupable n’est pas soupçonné de vouloir prendre la fuite et lorsque son identité est constatée. Il n’y a pas, pour le militaire, de droit spécial de procéder à des arrestations pour un délit quelconque. L’instruction elle-même ne peut pas l’accorder.
Ce dernier groupe d’usage de la force militaire ne rentre donc plus dans la sphère du pouvoir de police ; il faut appliquer le droit commun en vigueur pour tout le monde, renforcé, pour la manière dont il s’exerce, par des additions tirées du droit militaire.
- G. Meyer, dans Wörterbuch, II, p. 262. Pour l’historique : V. Kamptz, Allg. Codex der Gendarmerie, 1815 (F. Meinert), Der Soldat als Beistand der Polizei, 1807. [↩]
- L’officier d’exécution, naturellement, ne se confond pas avec « le fonctionnaire appelé à l’exécution des lois, etc. », dans le sens du § 110, Stf. G. B. On trouvera un exemple dans R. G., 10 janvier 1887 (Samml. Stf. t. VII, p. 289) : un assesseur avait ordonné l’arrestation immédiate d’un individu pour désordre commis à l’audience et y avait lui-même participé ; la Cour déclare punissable la résistance opposée « comme étant dirigée contre un fonctionnaire appelé à l’exécution d’une décision du tribunal ». Il s’était appelé lui-même et d’une manière un peu sommaire. En tout cas, il n’était pas devenu, pour cela, officier d’exécution, ce qui aurait pu avoir des conséquences ; comp. la note 9 ci-dessous. [↩]
- Lors des débats en seconde lecture sur le § 113, le Reichstag avait décidé de subordonner la pénalité attachée à la résistance uniquement au fait que le fonctionnaire aura agi « dans sa compétence ». En troisième lecture, on a substitué, sans aucune explication, l’expression « acte légitime de sa fonction ». Verhandlungen, 1870, I, p. 430 ; II, p. 1169 ; comp. aussi les explications du député Planck, loc. cit., I, p. 429. La condition de la compétence générale fait défaut, lorsque le fonctionnaire sort de sa circonscription territoriale ou s’occupe d’une autre branche d’administration : Oppenhoff, Stf. G. B., sous le § 113, n. 10 ; Olshausen, Stf. G. B. sous le § 113, n. 13 a : Binding, Stf. B., I, p. 741. De même, dans le cas d’abus de la fonction dans un intérêt personnel ou dans l’intérêt d’une partie (O.Tr., 10 mars 1869), ainsi que dans ce qu’on appelle excès proprement dit : mauvais traitement et injures à l’occasion de l’exercice de la fonction. Si ces faits ne sont pas couverts par l’autorité de la fonction, ce n’est pas parce qu’ils sont punissables ; au contraire, ils sont punissables parce qu’ils n’ont pas la nature générale d’un acte de la fonction et tombent ainsi sous l’application du droit pénal commun. Hiller, Rechtmaessigkeit der Amtsausübung, p. 85, 86. [↩]
- D’ordinaire, on dit que c’est le cas où la question de savoir s’il faut faire l’usage de la force et comment on doit en faire usage « est laissée à l’appréciation consciencieuse des fonctionnaires » : Oppenhoff, Stf. G. B. sous le § 113, n. 13 ; Hiller, Rechtmæssigkeit der Amtsausübung, p. 80 ; Seeger, Abhandl. aus d. Stf. R., p. 314 ; John, dans Holtzendorff Handb., III, p. 120 ss. ; Freund, dans Arch, f. öff. R., I, p. 126 ss. ; Binding, Stf. R., I, p. 742 ; Verhandl. des Nordd. Reichstags, 1870, p. 478 (surtout les deux discours du député Planck). L’expression prête à des malentendus : s’il doit y avoir libre appréciation de la part du fonctionnaire et que celui-ci reste dans les limites de cette latitude, il n’y a pas d’illégalité devant être couverte par son erreur. En ce sens, John (Holzendorff Handb., III, p 121) enseigne, en effet, que la résistance opposée à l’acte argué d’illégalité n’est punie que dans le cas où on aurait laissé au fonctionnaire une pareille latitude. Elle est donc impunie lorsque, par exemple, le fonctionnaire croyant, par erreur, qu’il y a un motif de dissolution, dissout une réunion. Ainsi, il n’y aurait rien de particulier pour l’officier d’exécution. Mais, Hiller, Rechtmaessigkeit der Amtsanssübung, p. 80, déclare avec raison la résistance punissable justement dans le cas que John cite comme exemple d’impunité. Binding, Stf. R., I, p. 742, voulant, au lieu d’une légalité présumée au profit du fonctionnaire, une légalité réelle, prétend qu’il s’agit ici de cas dans lesquels « le droit de procéder à un acte de la fonction dépend, d’après la loi, non pas de l’existence de ces conditions, mais de la conviction qu’en a le fonctionnaire après un examen consciencieux ». Tel serait, par exemple, le cas pour l’arrestation provisoire de la personne prise en flagrant délit, d’après Stf. Pr. O., § 127. Mais ce droit, au cas de soupçon de fuite, appartient à tout le monde ; et cependant, « l’assassin apparent », qui résiste à l’arrestation faite par erreur, n’est puni que dans l’hypothèse où celui qui commet l’erreur est un officier d’exécution ; il ne l’est pas quand c’est un autre fonctionnaire ou un particulier. Dès lors, ce qu’il y a ici de spécial tient non pas à la forme de l’autorisation, mais à la qualité de l’officier d’exécution. Voici des exemples : O. Tr., 24 sept. 1874 (Oppenhoff, Rspr., XV, p. 389) : les conditions de l’intervention avaient été, par erreur, considérées comme étant données. O. Tr., 9 oct. 1876 (Oppenhoff, Rspr., XVII, p. 104) : on a cru, par erreur, qu’il s’agissait de bois volé et saisi. R. G., 31 mars 1880 : un cheval est mis en fourrière par une erreur semblable. R. G., 5 nov. 1881 : l’huissier, par erreur, saisit contre le mari des choses appartenant à la femme. R. G., 19 nov. 1881 : l’huissier saisit des vivres nécessaires, croyant, par erreur, qu’il y en avait encore en quantité suffisante. Dans tous ces cas, la résistance a été punie. [↩]
- O Tr., 20 oct. 1871 : le porteur de contrainte avait saisi des objets qu’il savait insaisissables ; la résistance reste impunie. Bayr. Ob. G. H., 19 janv. 1874 (Samml. IV, p. 39) : une société avait obtenu une prorogation de l’heure de clôture ; deux agents de police qui l’ignorent veulent obtenir l’évacuation des locaux avant l’heure. La résistance est punie. Les intéressés, dit le tribunal, auraient dû fournir des explications. Si alors les agents avaient insisté pour l’évacuation, la résistance aurait été impunie, tout au moins si l’explication avait raisonnablement exclu la possibilité de continuer à avoir une opinion erronée. [↩]
- Oppenhoff, Stf. G. B. sous le § 113, n. 11 ; Bolze dans Goltdammer Arch., XXIII, p. 293 ; John dans Holtzendorff Handb., III, p. 121. R.G., 1er mai 1882 (Samml. Stf. t. IV, p. 415) : le gendarme soupçonne un individu d’avoir l’intention de braconner dans la forêt voisine ; il le fouille pour rechercher des lacets. La résistance reste impunie parce que, d’après le droit bavarois applicable, l’empêchement par la force suppose que le délit est imminent ; mais le gendarme n’avait pas admis cela lui-même ; il avait commis une erreur de droit. R. G., 24 oct. 1884 (Reger, V, p. 351) : le gendarme avait procédé à une saisie selon la Stf. Pr. O., § 94 ss., saisie à laquelle ne sont autorisés que les « auxiliaires du ministère public » ; d’après le droit prussien applicable, le gendarme n’a pas cette qualité. Dès lors, la résistance reste impunie. [↩]
- Il ne peut s’agir ici que des formes prescrites par des règles de droit ; des prescriptions « instructionnelles » ne sont pas obligatoires pour le rapport avec le sujet. Si Neumann, dans Goltdammer, Arch., XXII, p. 259, exige que les formes soient prescrites « par une loi ou par une instruction prévue par la loi », il veut, sans doute, entendre par cette dernière instruction une ordonnance. Les formes prescrites concernent les documents dont l’officier d’exécution doit être porteur, l’ordre de service spécial qui le commet, le lieu et le moment où son acte doit être accompli, la présence de témoins, etc. Hiller, Rechtmæssigkeit, p. 75-78. [↩]
- R. G., 1er nov. 1880 (Samml. Stf. t. II, p. 424) insiste avec une grande force sur ces considérations de l’utilité et de la justice naturelle. [↩]
- Les auteurs de droit pénal se plaisent à exiger, pour que la résistance soit punie, que l’acte à exécuter soit légal : Hiller, Rechtmaessigkeit, p. 82 et 83 ; Seeger, Abhandl., I, p. 315 ; Oppenhoff, Stf. G. B. sous § 193, no 13 ; V. Kirchenheim dans Gerichtssaal, XXX, p. 190 ; Neumann dans Goltdammer, Arch, 22, p. 226. Comp. l’énumération dans Olshausen, Stf. G. B. sous le § 113, n. 15 a. Souvent, on confond ici, avec l’acte à exécuter, l’ordre de service, la commission donnée à l’officier d’exécution. Cela apparait très nettement chez Neumann dans Goltdammer Arch., loc. cit. ; cet auteur parle de l’« exécution » de la commission, compte parmi les commissions les « ordres, commandements, jugements et dispositions » indiqués par le § 113 ; il fait alors (p. 223) dépendre la légalité de l’officier d’exécution de la « légalité de la commission ». Olshausen, qui, de son côté, exige seulement que l’autorité supérieure soit « compétente pour la commission », cite, loc. cit., Hiller comme étant de cet avis ; celui-ci cependant exige que l’autorité soit compétente pour émettre les « ordres, dispositions, jugements qui doivent être exécutés » et, par suite, les actes que la commission veut faire exécuter. Comp. aussi Bolze dans Goltdammer Arch., XXIII, p. 393, où il y a des confusions semblables. La jurisprudence est unanime pour dire que l’officier n’a pas à examiner la validité de l’acte à exécuter, et que, par conséquent, l’absence de cette validité ne peut pas rendre impunie la résistance opposée à l’acte. Olshausen, Stf. G. B. sous le § 113, n. 15 a ; Neumann, dans Goltdammer Arch., XX, p. 219. Non seulement il n’est pas nécessaire que l’acte à exécuter soit valable, mais encore l’acte peut ne pas exister du tout, à moins que, par suite de prescriptions de formes concernant l’acte même de l’officier d’exécution, et ordonnant par exemple qu’il soit porteur d’une expédition exécutoire, cette existence extérieure ne soit indispensable ; en dehors de ces cas, le fonctionnaire n’a pas même la faculté d’examiner ce qui est derrière la commission d’exécuter. Cette force justificative de l’ordre de service peut avoir pour effet que la résistance contre l’officier d’exécution soit punie dans des hypothèses où elle ne le serait pas contre son supérieur, si celui-ci essayait d’exécuter la mesure en personne. C’est ce qui est remarqué avec raison dans Goltdammer Arch., XIX, p. 808, à propos de O. Tr., 27 sept. 1871. L’assesseur, dans le cas cité note 2 ci-dessus, aurait pu lui aussi faire cette distinction. [↩]
- En ce sens, Olshausen, Stf. G. B. sous le § 113, n. 15 a. [↩]
- R. G, 1er nov. 1880 (Samml. Stf. S I, p. 424) reconnaît la maxime : « les ordres ne peuvent pas rendre légitime l’action illégitime ». La Cour veut parler d’un ordre de service du supérieur et d’un acte illégitime en lui-même accompli par celui auquel cet ordre est adressé, ce qui est derrière l’ordre du supérieur étant, d’après les-motifs de l’arrêt, sans importance. [↩]
- Preuss. Ges., 12 févr. 1850, § 6 ; Bad. Pol. Stf. G. B, § 30, al. 3 ; Bayr. Ausf. Ges. z. Stf. Pr. O., art. 102. Comp. pour l’ensemble de cette législation, Seuffert, dans Wörterb., I, p. 690. [↩]
- Eisenlohr, Bad Stf. G. B., p. 184, prétend que le délai légal est simplement le maximum dans les limites duquel ce qui est juridiquement possible se détermine par la nécessité. Il en trouve la preuve dans la prescription du § 77, d’après laquelle des personnes ivres ayant causé des désordres doivent, par exception, être retenues non pendant quarante-huit heures entières, mais seulement pendant vingt-quatre heures. La loi, d’après lui, exprimerait ainsi sa volonté que la contrainte devra cesser dès que l’individu sera dégrise ; pour cela, il suffira d’un délai de vingt-quatre heures. Mais le législateur ne peut pas avoir prévu une véritable ivresse de vingt-quatre heures ; il y a donc encore ici un certain excédent avec une légère couleur de pénalité. [↩]
- Dans une instruction générale du ministre de l’intérieur pruss. (Min. BI., 1879, p. 71), il est dit : « Le pouvoir des autorités de police de garder an dépôt de police des personnes qui peuvent être expulsées d’après les §§ 361 et 362 Stf. G. B., tant que la réalisation de l’expulsion par transport n’est pas devenue possible faute du consentement de l’Etat d’origine, est incontestable. Il y a lieu de prendre en considération non seulement les prescriptions du § 6 de la loi pour la protection de la liberté individuelle du 12 févr. 1850, mais encore les pouvoirs dont l’Etat, d’après les principes du droit des gens, peut faire usage contre des étrangers dans l’intérêt public ». Il sera procédé de la même manière contre les mendiants, vagabonds, etc., « quand il s’agit encore de statuer définitivement sur leur placement ». L’usage de la force va ici un peu loin, mais son admissibilité en droit ne saurait être contestée. La personne elle-même représente, dans ces cas, le trouble du bon ordre, trouble qui doit disparaître de la scène de la liberté commune. Il n’y avait pas, il est vrai, à invoquer ici les principes du droit des gens ; entre la puissance publique et l’individu étranger — aussi bien que mendiant — c’est non pas le droit des gens qui vaut, mais le droit administratif. [↩]
- La loi du 19 févr. 1850, § 7 (Prusse), ne permet de pénétrer dans le domicile qu’en vertu « d’un pouvoir résultant d’une qualité officielle ou d’une commission de la part d’une autorité ayant l’autorisation légale ». Si l’on voulait, avec Foerstemann, Pol. R., p. 439, admettre comme fondement suffisant, dans le sens de cette loi, l’autorisation si large contenue dans A. L. R., II, 17, § 10, cette forme d’usage de la force, en dépit du texte si sévèrement restrictif de la loi, serait sans limites. Mais les tribunaux maintiennent la restriction dans le sens indiqué ci-dessus ; ils ne considèrent pas les autorisations générales comme suffisantes pour légitimer la recherche dans un logement privé. R. G., 24 sept. 1880 (Samml. Stf. S. II, p. 249 ; O. V. G., 8 nov. 1876 (Samml. I, p. 375). [↩]
- Exemples d’autorisations spéciales : loi de l’Emp , 14 mai 1879, §§ 2 et 3, touchant les locaux dans lesquels des aliments sont fabriqués, conservés ou mis en vente : Gew. O., § 139 b, relatif à l’inspection des fabriques ; la législation particulière ajoute : l’inspection des cheminées, la visite des logements insalubres, l’inspection des pharmacies. [↩]
- Oppenhoff, Stf. G. B. sous le § 143, n. 11 ; H. Seuffert dans Würterb., I, p. 292. Le droit de la police sur les locaux ouverts ne comprend pas les perquisitions intérieures, ni les saisies ou les prélèvements d’échantillons ; il faudrait, pour cela, un titre spécial. [↩]
- Loi du 12 févr. 1850, § 8 (Prusse) ; V. Roenne, Preuss. St. R., II p. 50, note 4. Il va sans dire que l’autorisation de faire des recherches peut comprendre tacitement l’autorisation d’entrer pendant la nuit, quand le fait que la loi veut faire surveiller doit se passer justement pendant la nuit, par exemple, une fabrication. [↩]
- Le modèle commun se trouve dans Preuss. Dienstinstruction f. d. Gendarmerie, 30 déc. 1820, § 28. Comp. Bayr. Verord., 24 juillet 1868, §§ 74 et 75 ; Württemb. Instr., 5 juin , 1823, §§ 48 et 49 ; Sachs. Verord., 14 juin 1855, § 1 ; Bad. Ges. über d. Gendarmerie, 13 déc. 1851, § 36. L’ensemble de cette législation dans G. Meyer dans Wörterbuch, II, p. 850. [↩]
- Le droit de légitime défense est expressément réservé au gendarme dans Verord. d. Min. d. I., 17 juin 1867 (Saxe), où l’on ajoute avec raison que cela va de soi. [↩]
- Dès lors, la validité de l’instruction ministérielle württemb. prétendant régler la question de sa propre autorité pourra être contestée. Comp. Van Calker, Recht. des Militärs z. adm. Waffengebrauch, p. 17, p. 39. L’auteur va seulement trop loin quand il prétend que la loi doit régler directement cette question, ne peut pas faire de délégation, et même que ce règlement ne peut se faire que dans le Code pénal ou dans le Code d’instruction criminelle. Les lois s’entendent cependant entre elles. [↩]
- Comp. la note 11 ci-dessus. D’après la Preuss. Instr. de 1820 (Comp, aussi Bayr. Verord. de 1868), « les gendarmes ont le droit de se servir des armes qui leur sont confiées, même sans l’autorisation de l’autorité supérieure, quand etc, » Seydel, Bayr. St. R., V, p. 21, veut entendre cela en ce sens qu’avec l’autorisation de l’autorité supérieure l’usage des armes pourrait avoir lieu même sans cela, c’est-à-dire en dehors des cas spécialement indiqués. Mais l’instr. prussienne, évidemment, n’a pas voulu créer un semblable droit d’autoriser l’usage des armes, elle ne fait que renvoyer à la possibilité d’une pareille autorisation qui, à l’époque, était donnée dans la plénitude de la puissance d’autorité du régime de la police, mais qui aujourd’hui n’existe plus. [↩]
- Preuss. Min. d. I., 13 juillet 1823 et Allerh. Erl. du 4 février 1854 (Min. BI. d. L, 1854, p. 69) voudrait, il est vrai, étendre à tous les fonctionnaires exécutifs de la police le droit spécial qui appartient aux gendarmes de se servir de leurs armes. Mais parmi ces fonctionnaires figure aussi, par exemple, le veilleur de nuit (O. Tr. 22 déc. 1858) : doit-il pouvoir manier sa hallebarde d’ordonnance en vertu de ce privilège ? Tel n’est pas le droit existant. [↩]
- Ainsi, le Preuss. Gendarmerie edict du 20 juillet 1812 s’est contenté de dire que la gendarmerie a un costume et des armes militaires (§ 64) ; le privilège de l’usage des armes allait alors de soi. Ce n’est qu’en 1820 qu’il fut réglé expressément. Els. Lothr. Ges., 20 juin 1872, § 2, déclare simplement les règles sur l’usage d’armes militaires en temps de paix applicables à la gendarmerie. [↩]
- Preuss. Ges. über den Waffengebrauch des Militärs du 20 mars 1837 a servi de modèle ; les cas dans lesquels l’usage des armes est possible sont ceux que nous avons mentionnés, II, n. 3, ci-dessus, en parlant de l’usage des armes permis à la gendarmerie. Comp. G. Meyer, dans Würterb., II, p. 848 ss..; van Calker, Recht des Militärs z. adm. Waffengebrauch. [↩]
- Partant, l’usage de la force se trouve ici aggravé par le point d’honneur militaire. Bayr. Garnisonsdienst-Instr. 5 avril 1885, § 12, exige que, suivant le cas, on se serve de l’arme avec la dernière énergie ; car « ce n’est qu’ainsi que la dignité du service militaire est sauvegardée ». Pour la police civile, semblables considérations ne peuvent pas exister. [↩]
- C’est ainsi que le poste militaire, dans une maison de correction, a le droit de faire usage de la force : pour empêcher des tentatives d’évasion et d’effraction, pour réprimer une émeute des prisonniers, pour protéger contre une attaque les fonctionnaires ou employés ou même d’autres prisonniers (Bayr. Specialinstruction, dans van Calker, loc. cit., p. 57). [↩]
- Foerstemann, Pol. R., p. 113. Quand, à l’occasion d’un incendie qui a éclaté dans une ville de garnison, les militaires font la haie pour interrompre les communications dans la rue (Foerstemann, loc. cit., p. 111), cela peut avoir lieu tant dans leur propre intérêt pour aider les travaux des pompiers qui servent à protéger les bâtiments militaires, que pour venir en aide à la police civile. Chacun de ces deux motifs suffit à lui seul. Mais il faut qu’il y ait une cause justificative ; il n’est pas de droit naturel que les militaires puissent barrer n’importe quelle rue. [↩]
- Cela se fait alors « dans notre service pour le maintien de l’ordre, de la tranquillité et de la sécurité publiques », au sens du § 1 Preuss. Ges, über d. Waffengebrauch, 20 mars 1837. [↩]
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