Section II
Principes généraux du droit administratif
§10. Les sources du Droit administratif
(154) Le droit constitutionnel contient la réglementation fondamentale du rapport existant, dans l’administration, entre la puissance publique et le sujet. Il se forme ensuite d’autres règles de droit pour déterminer ce rapport ; ce sont les règles du droit administratif.
Les différentes formes dans lesquelles ces règles sont créées, s’appellent les sources du droit administratif. Dans le droit actuel, il y en a quatre : la loi, l’ordonnance, le statut autonome et la coutume.
Mais nous rencontrons aussi des règles de droit, qui nous sont léguées par des époques antérieures, qui datent d’une époque antérieure au droit constitutionnel et administratif actuel, et qui proviennent de sources qui ne sont pas en harmonie avec l’ordre actuel.
I. — En tête de toutes les sources du droit, on trouve aujourd’hui la loi constitutionnelle, c’est-à-dire la loi émise selon les prescriptions de la Constitution.
C’est une source du droit administratif, quand elle concerne le rapport qui se produit, dans l’administration, entre la puissance publique et le sujet, et quand elle contient des règles de droit qui déterminent le rapport. Quand nous parlons d’une loi administrative, nous sommes censés entendre une loi ayant ce contenu1. Cela ne veut pas dire que tout son contenu (155) doit être règle de droit ; elle reste une source du droit administratif, bien qu’elle contienne, en même temps, de simples énonciations d’opinion ou des dispositions individuelles, qui, à elles seules, n’en feraient pas une source du droit. Cette expression s’attache à l’ensemble de l’acte qui comprend la règle de droit.
Si l’on passe en revue nos règles de droit administratif, l’on voit quantité de prescriptions qui portent le nom de lois, sans avoir la forme d’une loi constitutionnelle. Ce sont des lois de la période antérieure à la promulgation de la Constitution.
Voici ce qui s’est produit.
Le régime de la police sous l’absolutisme avait bien, pour la sphère de la justice, des lois établissant des règles obligatoires des deux côtés ; elles sont devenues le modèle de notre loi actuelle, laquelle est applicable partout. Pour l’administration, cela n’existait pas (Comp. § 4, I, no 1 ci-dessus). Du jour où la Constitution est établie, l’administration doit être liée par des lois ; toutes les fois qu’il s’agit de porter atteinte à la propriété ou à la liberté, l’administration, pour pouvoir agir d’une manière licite, a même besoin de s’appuyer sur la loi (Comp. § 6, I, no 2 ci-dessus). Dans cette situation, deux choses sont possibles : ou bien la législation se met immédiatement à fonctionner avec une activité fiévreuse, ou bien on laisse passer comme lois dans le sens nouveau ceux des anciens règlements qui leur ressemblent le plus, sauf à les modifier et à les compléter selon les besoins, tout comme les nouvelles lois.
C’est ce dernier procédé, que nous voyons choisi (156) généralement. Tout ce que le prince, en vertu de son pouvoir absolu, avait ordonné vis-à-vis des sujets sous forme de règle générale, sous quelque nom que ce soit, est considéré aujourd’hui comme une loi.
Et le critérium, c’est le fait de la publication2. Ce qui n’est pas publié est considéré comme simple communication, instruction, exhortation, concernant exclusivement les autorités et n’ayant aucune valeur juridique vis-à-vis des sujets.
Ce critérium, il est vrai, est bien superficiel, pour ne pas dire pris au hasard. Car la publication, comme nous l’avons vu, se faisait alors simplement dans le but pratique d’avertir les sujets de ce qu’on attendait d’eux et de ce qu’ils avaient à attendre des autorités (Comp. § 4, note 10 ci-dessus) ; elle n’ajoutait rien au caractère juridique de l’acte. Une simple communication faite aux autorités pouvait, pour les sujets, signifier la même chose. Il n’est pas étonnant que, contrairement à l’opinion assez généralement admise, on ait déjà voulu revendiquer la « force de la loi » pour des ordres non publiés, dont le contenu semblait y inviter3.
Néanmoins, on a bien fait de s’en tenir à ce critérium
(157) : il n’est pas exact, mais c’est cependant le seul qui puisse opposer une barrière à la foule des instructions et réglementations anciennes qui s’infiltreraient dans notre législation.
Seulement, il ne faut pas oublier qu’en adoptant ces anciennes « lois » on leur attribue une qualification que, à l’origine, elles n’avaient pas. Nous les déclarons obligatoires pour tout le pouvoir exécutif, le prince y compris, tandis que, primitivement, elles ne liaient juridiquement que les fonctionnaires vis-à-vis de leur maître. Nous les acceptons comme le fondement dont, d’après la Constitution, le prince aussi bien que les fonctionnaires ont besoin pour porter, d’une manière licite, atteinte à la liberté ou à la propriété des sujets, tandis que, auparavant, tout cela était déjà compris dans le pouvoir absolu du prince et dans les commissions générales données par ce dernier à ses fonctionnaires ; la prétendue loi ne pouvait pas servir à augmenter cette puissance ; elle servait plutôt à la déterminer et ainsi à la restreindre. Souvent aussi, l’ancien législateur n’a formulé que des considérations et des principes très généraux, qui ne donnent l’impression d’une autorisation voulue que lorsqu’on se les représente comme formant le contenu d’une loi moderne et se détachant de la réserve constitutionnelle de la loi4.
L’Etat moderne, le Rechtstaat, a dû trouver dans cet héritage mainte loi qui n’est pas bien en harmonie avec sa propre législation.
(158) II. — La seconde source du droit administratif est l’ordonnance.
Nous appelons ordonnance un acte de l’Etat ayant force obligatoire générale et qui n’est pas émis dans la forme de la loi.
L’ordonnance se distingue donc de la loi par son origine : elle émane du pouvoir exécutif ; c’est un organe quelconque de ce pouvoir qui l’émet.
Il faut que ce soit un acte de l’Etat pour qu’elle se distingue d’une autre catégorie d’actes ayant force obligatoire générale : les statuts autonomes.
Enfin, le fait que l’acte est revêtu de la force obligatoire générale distingue l’ordonnance de tous les autres actes du pouvoir exécutif et la rapproche de la loi.
C’est sur ce dernier élément que l’intérêt de notre examen doit se concentrer.
La faculté d’agir avec une force obligatoire générale n’est pas comprise dans le pouvoir exécutif même. Cette faculté est, dans l’Etat constitutionnel, considérée comme une qualité particulière du pouvoir législatif ; elle n’appartient donc, en principe, qu’à lui.
Mais cette force de la loi, ce pouvoir d’agir à la manière d’une règle de droit, peut être déléguée à un membre du pouvoir exécutif, au prince en personne ou à une autorité. La faculté spéciale qui en résulte pour ce membre du pouvoir exécutif est appelée le droit de faire des ordonnances, le pouvoir réglementaire (Verordnungsrecht)5.
(159) Cette délégation, la loi peut la faire d’une manière expresse, soit en vue de compléter une loi déterminée (clause d’autorisation), soit en vue de régler librement certains objets qui sont abandonnés à l’ordonnance (exemple principal : le règlement de police).
Tacitement, la délégation est attachée à la loi par la disposition constitutionnelle qui attribue au prince les ordonnances d’exécution. En vertu de cette disposition, le prince est autorisé à formuler, à la suite de chaque loi, les règles de droit nécessaires à son exécution, en tant que la loi elle-même n’exclut pas cette compétence. Cette exclusion existe, dans le doute, pour la loi civile et pour la loi pénale ; les lois d’organisation, de procédure et d’administration, au contraire, admettent les ordonnances d’exécution, quand elles ne les excluent pas formellement pour se réserver à elles-mêmes le complément qui pourrait devenir nécessaire.
La validité de l’ordonnance dépend donc de sa conformité à la loi, selon les règles de l’exécution ; c’est ce qui se passe pour l’acte administratif autorisé6. Mais l’ordonnance, quand elle émane d’une autorité investie du droit de faire des ordonnances, atteste par elle-même sa validité ; elle continue à produire son effet aussi longtemps que l’invalidité n’en est pas prononcée en vertu d’une compétence de contrôle (Comp. § 8, note 7 ci-dessus).
Mais n’est pas ordonnance tout acte émanant d’une-autorité investie du droit de faire des ordonnances. Il (160) y a une situation toute différente de celle de la loi. L’acte émanant du pouvoir législatif a toujours la même forme, le même nom et les mêmes qualités juridiques ; seul, l’effet dépend de son contenu. L’acte de l’autorité, au contraire, ne s’appelle pas ordonnance toutes les fois qu’il ne présente qu’une décision ou une disposition pour un cas individuel. Pour qu’il y ait ordonnance, il faut que l’autorité agisse par voie de règle générale, établie et publiée dans les formes prescrites à cet effet. Encore cela ne suffit-il pas.
Les autorités administratives peuvent régler les devoirs de leurs subordonnés par des instructions générales, ou organiser le service des établissements publics par des prescriptions administratives rendues publiques de la même manière que leurs ordonnances. Ces actes ne sont pas destinés à formuler des règles de droit ; par conséquent, ils ne rentrent pas dans la notion de l’ordonnance comme source du droit administratif, telle que nous l’avons définie.
Il s’en suit que la forme extérieure ne nous fournit pas ici le criterium décisif pour distinguer les ordonnances. Nous ne pouvons pas nous dispenser de rechercher ce que l’autorité a voulu.
Il n’y a ordonnance que dans le cas où il résulte des circonstances que l’autorité a eu l’intention d’user de la faculté qui lui a été attribuée de faire des règles de droit. Cela peut résulter de la forme de la publication, quand il y a des journaux spéciaux pour les ordonnances (celles du chef de l’Etat, par exemple, sont insérées exclusivement dans le Bulletin des lois) ; cela peut résulter encore de l’intitulé de la publication, par exemple l’acte est appelé lui-même une ordonnance. En dernière analyse, c’est toujours au contenu de l’acte qu’il faut recourir.
Nous devons considérer comme ordonnance tout acte réglant d’une manière générale des matières pour (161) lesquelles l’autorité, dont l’acte émane, est investie du droit de faire des ordonnances7.
Tout ce qu’un acte pareil contient n’est pas nécessairement règle de droit ; cela peut être une opinion, une recommandation, un exposé de motifs. Mais il faut ici suivre la méthode dont nous avons déjà recommandé l’observation pour la loi : ne pas facilement nier la qualité de règle de droit (Comp. § 7, III, no 2 ci-dessus)8.
L’ordonnance qui se présente dans ces conditions compte parmi les sources du droit ; elle est une source du droit administratif, quand elle contient des règles concernant le rapport entre la puissance publique et le sujet. Dans ce sens, nous plaçons, à côté de la loi administrative, l’ordonnance administrative.
Le mot « ordonnance » (Verordnung) était déjà usité comme forme technique à l’époque où il n’y avait pas encore de Constitution ni de Droit administratif. La signification variait alors beaucoup. On y comprenait tantôt tous les actes d’autorité, tantôt tous les actes émis par le prince en personne, tantôt l’établissement (162) d’une règle générale au nom de l’Etat. Sous la Constitution, les lois qui contiennent des règles générales se détachent de cette notion. Enfin, sous le régime du droit, où la question de savoir s’il y a règle de droit ou non, entraine chaque fois une différence si fondamentale, il faut encore distinguer entre les règles du pouvoir exécutif. Si nous appelons ordonnance (Verordnung) les actes du pouvoir exécutif qui contiennent des règles de droit, il nous faut évidemment un autre nom pour ceux de ces actes qui contiennent également des règles générales, mais qui ne sont pas des règles de droit. Ces autres règles, nous les avons déjà mentionnées aux § 8, II, no 3 et § 9, I, no 2 ci-dessus. Elles ont pour fondement, non pas une délégation de la loi, mais un rapport de sujétion particulière ; leur nature juridique est celle d’actes administratifs généraux ou de dispositions générales (Generalverfügungen). Il n’y a pas d’autres cas où le pouvoir exécutif, en dehors d’une délégation de la loi et de l’établissement de véritables règles de droit, puisse formuler des règles qui obligent ceux auxquels elles sont adressées.
Pour désigner, par opposition à ce que nous appelons ordonnance, un acte qui ne doit contenir que des règles de la seconde espèce, la terminologie ne s’est pas encore fixée. La législation de l’Empire allemand se sert, dans ce but, de l’expression « prescription administrative » (Verwaltungsvorschrift). Il serait bon de s’y tenir9.
(163) III. — Une troisième source du droit administratif, moins riche que les autres, vient de l’autonomie.
L’autonomie, la législation propre, dans la sphère de l’administration, ne se trouve que jointe à l’administration propre (Selbstverwaltung)10.
L’administration propre, c’est l’attribution à une personne morale du droit public inférieur (à un corps d’administration propre) d’une portion de l’administration publique pour la gérer en son nom. C’est de l’administration publique détachée de l’Etat. Ses objets forment les « affaires propres » du corps d’administration propre.
Cela n’entraîne pas nécessairement la faculté d’agir, dans le cercle de ces attributions, par des règles de droit. Car cette faculté est une force propre à la loi, force qui ne peut être attachée à une autre source qu’en vertu d’une délégation faite par la loi.
Mais la loi donne quelquefois aux corps d’administration propre une autorisation de ce genre, pour une certaine étendue, afin de les mettre en mesure de gérer leurs affaires. Lorsque cela a eu lieu, le corps d’administration propre a le droit d’autonomie, de législation
(164) propre, c’est-à-dire la faculté de formuler, en son nom, des règles obligatoires générales, d’établir des préceptes de droit. Ces préceptes s’appellent des règles de droit autonomes. Les actes par lesquels ce droit de législation propre est exercé s’appellent des statuts. Ces statuts, par lesquels le corps d’administration propre manifeste sa force créatrice de règles de droit, sont des sources du droit ; quand ces règles déterminent les rapports de la puissance publique et des sujets dans la sphère d’administration qui lui est attribuée, elles constituent des sources du droit administratif.
L’autonomie correspond donc au droit de faire des ordonnances, le statut correspond à l’ordonnance.
La différence réside en ceci : l’ordonnance formule ses règles au nom de l’Etat ; le statut autonome, au contraire, est émis au nom de la personne morale subordonnée ; par conséquent, la manière dont le statut est créé, modifié et aboli se détermine, non pas d’après le droit constitutionnel et l’organisation des autorités, mais d’après les règles de l’organisation propre11.
Les deux sortes de droit positif se présentent quelquefois l’une à côté de l’autre, réunies par une origine commune. Les chefs des communes, chargés de l’administration des affaires communales et de l’exercice de l’autonomie qui y est jointe, peuvent être appelés, en même temps, à gérer des affaires qui dépendent du pouvoir central avec le droit de faire des ordonnances (165) de police. Ils créent alors deux sortes de règles de droit, différentes entre elles quant à leur nature juridique et quant aux conditions dans lesquelles elles sont établies12.
De même que dans l’administration de l’Etat, nous rencontrons également dans l’administration propre de simples prescriptions administratives contenant des instructions pour les employés ou des règlements-intérieurs des services publics qui dépendent de cette administration.
Mais il y a ici encore une catégorie spéciale d’actes réglementaires qui portent également le nom de statuts ; ce sont les statuts d’association ou de corporation. Malgré cette identité de nom, il faut bien les distinguer de la source de droit dont nous venons de parler.
Ces statuts d’association reposent sur un fondement tout autre, qui, en partie, est en dehors de la sphère du droit public.
L’association, la corporation appartiennent tout d’abord au droit civil.
L’association se forme par le contrat, qui réunit plusieurs personnes dans un but commun. Elle a ses statuts, qui règlent son organisation, les droits et devoirs de ses membres. En vertu de ce contrat originaire, la représentation de l’association prend des résolutions pour développer les règles de conduite à imposer à ses membres. Ces décisions s’appellent également des statuts. Les membres y sont soumis en vertu de leur engagement, sans qu’il y ait besoin d’un consentement nouveau. C’est ce que nous appelons le (166) pouvoir de l’association, qui est exercé sur eux (Vereinsgewalt).
Quand l’association acquiert la personnalité morale, devient une corporation, les rapports intérieurs sont modifiés en conséquence : le pouvoir de l’association s’exerce désormais non plus en vertu d’un engagement réciproque, mais en vertu d’un engagement vis-à-vis de la personne morale et au nom de celle-ci.
Il faut ajouter qu’il y a des personnes morales du droit public, formées sur la base d’une association d’individus ; ce sont les associations syndicales (eigentliche Genossenschaften). Que l’entrée en soit libre ou forcée, l’association syndicale signifie toujours la soumission au pouvoir d’association à exercer au nom de l’association syndicale13. Mais ici ce pouvoir, par sa nature juridique, appartient au droit public ; le rapport entre l’association et ses membres est un rapport de sujétion particulière, ainsi que nous l’avons exposé au § 9, I, no 2 ci-dessus. L’obligation des membres en vertu de ce rapport, peut être déterminée au nom de l’association publique par des actes administratifs généraux. Ce sont ces actes qui s’appellent des statuts. Ce sont des actes du droit public, ce sont des règles générales ; mais elles diffèrent essentiellement de nos statuts autonomes. Ces statuts de corporation n’agissent pas avec la force obligatoire générale de la loi, ils n’agissent qu’en vertu du rapport de sujétion particulière. Ce ne sont pas, comme ceux-ci, des sources du droit administratif ; ce sont de simples prescriptions administratives, de la même nature juridique que les instructions (167) pour les fonctionnaires ou les règlements de services publics. Si la loi intervient pour les régler, c’est non pas pour changer leur nature, mais pour fixer les limites et les formes de l’exercice de ce pouvoir qui continue, néanmoins, à produire non pas des règles de droit, mais des dispositions administratives générales14.
Quand il y a une loi déterminant le pouvoir qui doit appartenir à la direction d’une personne morale du droit public pour régler les intérêts de celle-ci, on peut se demander s’il s’agit d’une autonomie ou d’un pouvoir d’association, de règles de droit à faire ou de simples prescriptions administratives. Mais on peut être certain qu’il s’agit d’autonomie et par conséquent de règles de droit, toutes les fois que la loi permet à une association syndicale de réglementer pour des personnes qui ne sont pas ses membres et qui, par conséquent, ne sont pas soumises au pouvoir de l’association, ou toutes les fois qu’elle autorise un corps d’administration propre qui n’a pas la forme d’une association et qui, par conséquent, n’a pas de pouvoir d’association15.
(168) IV. — A côté du droit positif, qui découle des trois sources dont nous venons de parler, nous trouvons le droit coutumier, créé non pas par un acte d’autorité, mais par le fait de l’usage, par la coutume. La coutume qui a cette force et qui, par conséquent, est une source du droit, s’appelle la coutume juridiquement obligatoire16.
Très souvent, dans notre littérature, on parle d’un (169) droit administratif coutumier ; c’est seulement pour appuyer une affirmation sans vouloir se donner la peine de se livrer à un examen approfondi. En réalité, cette source du droit n’a d’importance que pour un cercle très restreint qui se dessine clairement dans la pratique du droit actuel.
Les conditions de sa formation sont, en effet, pour le droit coutumier, tout autres dans l’administration que dans la justice.
La justice est instituée pour conserver l’ordre juridique, l’appliquer et le maintenir dans le cas individuel. D’après sa nature même, la justice ne peut entrer en action qu’en vertu des règles de droit. A défaut d’un droit positif, elle est obligée de prendre ce qui le remplace en fait, ce qui, jusque-là, a passé pour le droit clans les usages des individus et des autorités chargées de le maintenir. Dès lors, la mission du juge renvoie celui-ci nécessairement à la coutume dans les cas où la législation est absente ou incomplète. Et ce renvoi implique la reconnaissance par la puissance publique de l’usage, reconnaissance qui donne à l’usage le caractère de droit coutumier17.
Pour l’administration, il en est différemment.
L’administration avait, dans le régime de la police, fortement développé son activité féconde et compliquée, sans qu’il y eût ordre juridique au sens où nous entendons cette expression. Le régime du droit a introduit dans l’administration, un ordre juridique au moyen de la force obligatoire de la loi et des législations secondaires qui en dépendent. Mais jamais, pour l’administration, l’ordre juridique n’est la condition de son existence, aussi complètement que pour la justice. L’ordre juridique n’y apparaît que le plus possible ; lorsqu’il n’existe pas de règle de droit, on administre quand (170) même ; et cela est valable. L’administration, par opposition à la justice, n’est donc pas tenue de chercher dans son objet un droit pour combler les lacunes du droit positif.
Bien au contraire ! Lorsqu’il n’y a pas de droit positif, c’est qu’on a voulu qu’il n’y en ait pas ; en règle, les choses doivent rester ainsi.
Quand il n’existe pas de loi générale pour autoriser les fonctionnaires à porter atteinte à la liberté et à la propriété, cela prouve que le pouvoir législatif n’a pas voulu admettre ces atteintes. Que deviendrait sa réserve constitutionnelle, s’il était permis à l’administration de se créer à elle-même, par un usage prolongé, les règles de droit nécessaires ? D’un autre côté, lorsque les pouvoirs appelés à faire le droit ont laissé toute liberté aux autorités du pouvoir exécutif pour faire, selon leur conscience et leur juste appréciation, ce qui est convenable et utile dans le cas particulier, ces autorités ne peuvent pas se soumettre à une règle tirée d’une source quelconque pour se décharger de cette obligation et s’exonérer de la responsabilité qu’elle leur impose. Dès lors, il faut dire que la formation d’un droit coutumier pour l’administration est exclue par les principes généraux mêmes de notre droit public18.
Cela ne va pas sans exception et il n’en a pas toujours (171) été ainsi ; en sorte que nous avons cependant encore un droit coutumier public.
Il y a deux sortes de droit coutumier public :
Il y a d’abord ce qu’on pourrait appeler un droit coutumier historique. L’ancien régime, dominé partout par des idées de droit civil, avait, pour régler les droits réciproques du prince et des sujets, admis, d’une manière plus que large, le titre de l’usage, de la coutume, de l’«observance». Sous le régime de la police, tout cela se restreint à la sphère du droit civil19. Les rapports du fisc, ainsi que les rapports pécuniaires des collectivités inférieures, continuent seuls à être réglés par un droit coutumier, aussi bien que par des lois et des statuts. Aujourd’hui, beaucoup de ces rapports, par suite de la disparition de la doctrine du fisc, sont considérés comme appartenant au droit public. Cela s’applique surtout à toutes les indemnités, remboursements, restitutions et autres dettes à la charge de l’Etat, qui résultent de l’administration publique. Le changement dans l’appréciation de leur nature juridique n’a pas fait disparaître les règles de droit qui déterminent ces rapports. Tant qu’une nouvelle loi n’est pas intervenue, ces rapports continuent à être régis par les anciennes lois, ordonnances, statuts et coutumes. Et c’est ainsi que nous trouvons, dans notre droit public actuel, des règles de droit coutumier, qui ne pourraient plus se former aujourd’hui.
La seconde espèce est représentée par la coutume qu’on désigne sous le nom d’« observance ». Elle a cette particularité de pouvoir devenir une source du (172) droit public même dans l’état de choses actuel. C’est parce qu’elle a pour objet des rapports juridiques d’une nature spéciale, dans lesquels les considérations qui, d’ordinaire, s’opposent à la formation du droit public par la voie de la coutume n’ont pas de valeur. Ces rapports, en effet, quoique appartenant au droit public puisque la puissance publique est en jeu, ressemblent, par leur structure intérieure, plutôt à des rapports de droit civil : ce sont les rapports juridiques collectifs ou rapports de droit public secondaires dont nous avons déjà parlé au § 9, I, no 2 ci-dessus.
L’ « observance » est définie comme une coutume qui s’est formée dans une collectivité de droit pour régler les rapports juridiques de ses membres20. Ces rapports sont des rapports de droit public, quand la collectivité consiste dans une obligation commune de ses membres vis-à-vis de la puissance publique, dans une charge publique à supporter par eux en commun. L’autorité a alors pour mission de veiller à l’exécution de cette charge commune selon la manière dont elle est réglée entre les intéressés. Sa situation ressemble à celle du tribunal civil vis-à-vis des rapports juridiques qui sont soumis à sa décision. La réglementation de ces rapports intérieurs peut se faire par un statut, quand les intéressés forment en même temps une association, une corporation. Elle peut se former par contrat ; cette forme de règlement des rapports entre des personnes juridiquement égales est ici à sa place. Elle peut également se faire par l’usage. L’autorité qui doit maintenir cet ordre de choses, étant appelée à reconnaître également l’ordre fixé par un semblable usage, cet usage devient juridiquement obligatoire ; c’est une source de droit pour des rapports de droit public21.
(173) L’effet du droit coutumier, dans ce cercle restreint, dépend toujours de la loi. Le développement de notre droit évolue incontestablement dans le sens de la substitution du droit positif, au droit coutumier. Si le Code civil exclue la coutume dérogatoire, c’est-à-dire contraire à la loi positive, cette maxime s’étend au droit administratif. Car la force du droit positif ne peut pas être moindre en droit administratif qu’en droit civil22.
Ainsi, le droit coutumier, en matière administrative, se restreint de plus en plus. Il ne subsiste, en effet, que pour les parties négligées du droit public. Ce ne sont que les formations lourdes et incultes des collectivités en vue de supporter les charges des écoles, des ponts, des chemins et des églises, qui admettent encore en partie, pour la réglementation de leurs rapports intérieurs, la voie du droit coutumier public23.
- G. Meyer, Verw. Recht, I, p. 7 ; v. Sarwey, Allg. Verw. Recht, p. 37 Contrairement à la signification ordinaire du mot, Laband, Staatsrecht, éd. all. I, p. 679 (éd. franç. II, p. 519) veut entendre par loi administrative le contraire de la loi juridique c’est-à-dire de la loi qui contient une règle de droit. Mais le contraire de la loi administrative n’est pas la règle de droit, mais la loi de justice, c’est-à-dire celle qui sert à organiser la justice. Il nous semble impossible de nier le caractère de règles de droit qu’ont les lois administratives. [↩]
- Gneist, Rechtsstaat, p. 218 ; le même, dans Holzendorff, Rechtslexikon (3e éd.) III, 2 p. 1063 ; V. Sarwey, Allg. Verw. Recht, p. 16 ; Arndt, Verord. Recht, p. 30; Reichsgesetz, 24 janv. 1885 (Samml. XIII, p. 213) ; Obertrib. 22 fév. 1858 (Str. XXIX, p. 149) ; Bl. für adm. Pr., 1876, p. 10. [↩]
- Un exemple frappant dans Obertrib., 21 déc. 1854 (Str., XVI, p. 101), où l’on traite de loi-règle de droit un rescrit non publié, ainsi conçu : « Mon cher ministre baron de Schulenburg. Il est juste, que les sujets, qui reçoivent gratuitement de nos forêts du bois de construction, soient astreints à faire gratuitement des travaux d’exploitation de ces forêts ». La solution que Bornhak, Preuss. Staatsrecht., I, p. 90 ss., a proposée, nous parait être un peu factice. — En France, autrefois, la transition à l’Etat constitutionnel amena des controverses, tout à fait semblables, relativement aux anciennes ordonnances : la Cour de cassation ne voulait considérer comme lois que celles qui avaient été enregistrées par le Parlement ; le Conseil d’Etat en ajoutait d’autres. Dufour, Droit adm., I, nos 33 et 34. [↩]
- Ainsi, par exemple, la proposition, dans A. L. R., II, 17, § 10, qui énumère, d’une manière doctrinale, les tâches de la police, est devenue, après l’établissement de la Constitution, le fondement légal nécessaire pour les pouvoirs, un peu trop larges, de la police prussienne. A l’origine, cette proposition signifiait tout simplement : sur la police, l’Allgemeines Landrecht ne donne pas de dispositions spéciales. La police, à cette époque, n’avait pas besoin de cela pour faire sa besogne. [↩]
- Seydel, Bayr. Staatsrecht, III. p. 585. Parmi les juristes prussiens, l’opinion s’est affirmée que la couronne a un droit indépendant de faire des ordonnances praeter legem ; Gneist, Verw., Justiz. Rechtsweg, P. 74 ; Arndt, Verord. Recht, p. 64 ss. ; Bornhak, Preuss. Staatsrecht, I, p. 437. Cela résulte d’une confusion qu’on fait entre l’ordonnance-règle de droit et la simple prescription administrative (instruction, circulaire, etc.). Ainsi, par exemple, Bornhak, loc. cit., p. 442, classe tout bonnement parmi les règles de droit une « instruction, qui prescrit aux autorités leur manière de procéder ». Zolger, Oesterreich. Verord. Recht, p. 93 ss., a commis, sous l’influence d’Arndt. la même erreur ; comp. Arch. für öff. Recht, XIV, p. 137.Anschütz, die gegenwærtigen Theorien über den Begriff der gesetzgebenden Gewalt, combat avec vigueur « ces tendances pseudo-absolutistes » (p. 1). [↩]
- Laband, Staatsrecht, éd. all. I, p. 610 (éd. fr. II, p. 411). C’est une erreur d’Arndt, Verord. Recht, p. 83 de ne pas reconnaître d’autre limite à l’ordonnance d’exécution, que celle de ne pas être en contradiction avec une loi ; elle est plus étroitement liée par la loi à exécuter ; cf. le § 7 note 7 ci-dessus. [↩]
- Il n’y a pas de voie d’ordonnance « au sens où il y a une voie de législation » : Laband, Staatsrecht, éd. all. I, p. 592 (éd. fr. Il, p. 381). La forme dans laquelle l’ordonnance est créée est la forme commune aux actes du pouvoir exécutif et n’a pas d’importance propre. Il n’y a aucun intérêt à répéter ici la distinction que l’on a faite entre la loi dans le sens formel et la loi dans le sens matériel. C’est ce qu’ont voulu faire Laband, Staatsrecht, éd. all. I, p. 590 (éd. fr. II, p. 379) ; Seligmann, Begriff des Gesetzs, p. 103. [↩]
- Laband, Staatsrecht, I, p. 681 (éd. fr. II, p.521). La notion de l’ordonnance, telle que nous venons de la fixer, donne la solution de la question si vivement discutée sur la nature juridique de l’ordonnance d’organisation. (Lœning, Verw. Recht., p. 270 ; Jellinek, Gesetz und Verordnung, p. 387 ; Seydel, Bay. Staatsrecht, I, p. 261) : il s’agit simplement de savoir si cette ordonnance a été émise dans l’exercice d’un droit de faire des ordonnances, en vertu d’une loi qui en a donné l’autorisation ; ou bien si c’est un acte du pouvoir discrétionnaire de l’autorité supérieure sur la composition intérieure des organes de l’Etat et sur l’emploi de son personnel. Dans ce dernier cas, l’acte n’est pas une ordonnance dans le vrai sens du mot ; il appartient à la classe des règles générales dont nous allons parler au texte. [↩]
- Sur la différence qu’il y a entre ces prescriptions administratives du droit de l’Empire et les ordonnances qui contiennent des règles de droit, comp. Seydel dans Annalen 1874, p. 1143 ss. ; Laband,Staatsrecht, éd. all., I, p. 596 (éd. fr., II, p. 387 ss. ), où est réfutée l’opinion d’Arndt, qui réclame pour ces prescriptions le caractère de règles de droit. Haenel, Staatsrecht, I, p. 382 veut donner à l’expression « prescription administrative » une « signification subjective » : elle doit vouloir indiquer l’auteur de l’acte, qui est l’administration, c’est-à-dire le pouvoir exécutif. Cela pourrait comprendre des règles de droit. Nous interpréterons plutôt en ce sens que « administratif » veut désigner ici une prescription dont la force n’est pas empruntée à la loi, mais repose sur la force propre de l’administration, du pouvoir exécutif. Depuis quelque temps, en doctrine, on a pris l’habitude de marquer le contraste en appelant les ordonnances, « ordonnances de droit » (Rechtsverordnungen) et les prescriptions administratives « ordonnances d’administration » (Verwaltungsverordnungen). Laband, Staatsrecht. éd. all., I, p. 592 (éd. fr., II, p. 382, note I) donne une énumération de tous les auteurs qui ont déjà adopté cette terminologie. Logiquement, elle n’est possible que quand on s’associe à Laband pour entendre par loi administrative une loi qui ne contient pas de règles de droit (Comp. la note 1 ci-dessus). Le prix me semble un peu élevé pour un avantage très douteux. Pourquoi persister à donner le nom d’ordonnance à deux choses si différentes ? Il est vrai qu’autrefois elles étaient identiques ; mais, pour que notre langage soit clair et simple, il faut savoir échapper à cette influence inconsciente du passé. [↩]
- Laband, Staatsrecht, éd. all., I, p. 100 (éd. fr., I, p. 177) ; Gareis, Allg. Staatsrecht, p. 86. [↩]
- Laband, Staatsrecht, éd. all., I, p. 104 (éd. fr., I, p. 177) ; G. Meyer énumère parmi les sources du droit administratif comme « établissements autonomes », entre autres, « les règlements intérieurs des autorités et tribunaux administratifs organisés d’après le système collégial ». Mais, tout d’abord, ce ne sont pas des règles de droit ; de plus, fussent-ils des règles de droit, il n’y aurait pas d’autonomie, parce que le droit propre manque ; ce ne pourraient être que des ordonnances. Roesler, Verw. Recht, I, p. 18 ne donne qu’une définition très insuffisante de notre source de droit. [↩]
- Pour distinguer ces deux sortes de règles, le droit Bavarois parle de « statuts communaux » d’une part, et de « prescription de police locale » d’autre part ; Seydel, Bayr, Staatsrecht, III, p. 41 ss. ; BI. für adm. Pr. 1871, p. 306. Dans le royaume de Saxe, on les appelle « statut locaux » et « régulatifs de police » ; Lenthold, Sachs. Verw. Recht, p. 78, note 7. [↩]
- Sur les variations de ce pouvoir d’association, comp. Gierke, Genoss. Theorie, pp. 150, 141. Puisque toutes ces différentes formes se tiennent entre elles, la question de savoir si la corporation privée est investie de l’autonomie n’est pas aussi dépourvue d’intérêt pour notre matière que le croit Rosin, Oeffent. Genoss., p. 182, note 1. [↩]
- Rosin, Oeff. Genoss., p. 187 ss., appelle cela des règles de droit statutaires « qui reposent sur le pouvoir propre de l’association vis-à-vis de ses membres ». De même, Gierke, Genoss. Theorie, p. 720, note 2. Mais c’est justement parce qu’elles reposent sur ce pouvoir propre, qu’elles ne sont pas des règles de droit. Dans l’Etat moderne, il n’y a ‘pas de pouvoir de créer le droit, qui ne soit délégué par l’Etat. [↩]
- La commune ne repose pas sur une association ; par conséquent, elle n’a pas de pouvoir d’association sur ses membres. Or, d’après la loi Bavaroise sur les communes, art. 41, 49, 112, no 15, un règlement statutaire peut imposer des droits d’octroi, ordonner des prestations en nature, régler la charge des logements militaires. Ce sont, comme Seydel, Bayr. Staatsrecht, III, p. 42 les appelle, des « actes de législation de la commune dans son cercle d’action propre », par opposition aux règlements de police, qu’il appelle des « actes de législation de la commune dans son cercle d’action délégué ». Lœning, Verw. Recht, p. 182, fait disparaître la distinction en voulant ramener l’un et l’autre à l’autonomie de la commune ; mais il n’y a autonomie que dans le premier cas. Gierke, au contraire, Genoss. Theorie, p. 720, refuse le caractère d’autonomie à l’un et à l’autre, parce que, pour lui, l’autonomie est l’opposé d’une législation déléguée ou dont l’exercice a été concédé » ; mais le pouvoir de faire des règles de droit, exercé par les fonctionnaires de la commune, est toujours un pouvoir délégué. Il y a seulement cette différence, que le pouvoir peut être délégué à la commune, pour être exercé en son nom par ses fonctionnaires (autonomie), ou à ses fonctionnaires, pour être exercé par eux au nom de l’Etat (ordonnance). Puisque, dans l’autonomie, il s’agit de règles de droit, il n’est pas exact de dire, avec Gierke, que tous les actes d’autonomie « appartiennent nécessairement à la vie intérieure de la commune ». Le statut d’autonomie qui établit des droits d’octroi n’oblige pas seulement les membres de la commune, mais « tous ceux que cela concerne », les étrangers aussi bien que les habitants. Gierke, il est vrai, parle ici d’ « autonomie corporative » et semble viser plutôt les actes de simple pouvoir d’association. Cela serait une question de terminologie. Un autre exemple nous est fourni par les corps de métiers (Innungen). La corporation peut adresser des prescriptions à ses membres pour les buts statutaires, touchant par exemple la situation des apprentis ; c’est du pouvoir d’association ; cela ne constitue pas des règles de droit. Mais, d’après la loi (Gewerbe Ordn. § 100 c.), la corporation peut, en outre, être autorisée à établir des prescriptions pareilles d’une manière obligatoire pour la généralité, pour tous ceux que cela concerne, membres ou non. Ce sont alors des statuts autonomes, des règles de droit. Rosin, Oeff. Genoss. p. 187, d’accord avec Gierke, déclare que ces statuts ne sont pas autonomes, parce que « le cercle des personnes, auxquelles ils doivent s’appliquer, est placé en dehors de la sphère de la volonté de la corporation ». Les personnes, qui ne sont pas membres, ainsi que leurs apprentis, sont, il est vrai, en dehors de la « sphère de la volonté » de la corporation, c’est-à-dire de la sphère du pouvoir d’association. Mais la loi a délégué à la corporation le pouvoir de faire des règles de droit justement dans le but de placer ces personnes dans la sphère de sa volonté. Si la loi l’a fait, c’est parce que ces personnes, exerçant le métier de la corporation sont, ainsi que leurs apprentis, dans la sphère des intérêts de la corporation. Il appartient au cercle d’action propre qui est attribué à la corporation « de veiller sur les intérêts communs du métier » ; la surveillance de tous les apprentis de ce métier y est comprise. En y pourvoyant au moyen des règles de droit que la loi lui permet d’édicter, la corporation fait des statuts autonomes. [↩]
- Ici on a l’habitude de citer Lüders, Das Gewohnheitsrecht auf dem Gebiete der Verwaltung 1863. Ce livre ne doit cette citation qu’à son titre. [↩]
- Rümelin dans Jahrb. für Dogm. XXVII, p. 204 ss. On a cru pouvoir dire que la justice est « affamée des règles de droit ». [↩]
- Sans examiner de près ce qui se pratique en réalité et sans en tenir compte, on reprend encore, de temps à autre, la thèse que le droit coutumier doit avoir la même valeur pour les rapports du droit public que pour ceux du droit civil : Mohl, Württemb. Staatsrecht, I, p. 76 ; Bornhak, Preuss. Staatsrecht, I, p. 100 ; Schulze, Staatsrecht, I, p. 11 ; BI. für adm. Pr. 1871, p. 391. Seidler, Zur Lehre vom Gewohnheitsrecht, veut prendre la défense, dit-il, de la coutume, comme source du droit public, contre les restrictions dont elle est menacée, tant par la Cour administrative de l’Autriche que par la doctrine ci-dessus exposée. Mais il faudrait tout simplement démontrer, par un exemple pratique, qu’un droit coutumier s’est formé en dehors des cas exceptionnels que j’admets ; ceci. Seidler s’abstient complètement de le faire. Comp. Arch. f. öff. Recht XIV, p. 132 ss. [↩]
- F. F. Mayer, Grunds. des Verw. Rechts, p. 449 note 2, rapporte une décision ministérielle très caractéristique pour la manière dont, sous le régime de la police, la coutume est traitée, dès qu’elle touche à la puissance publique : c’est aux autorités à décider si elle existe et si elle doit être maintenue ; il va sans dire qu’elle doit se modifier « selon les besoins et les circonstances ». [↩]
- Définition donnée par l’Ober Trib. 16 déc. 1870 (Str. 80, p. 179). Comp. O. V. G., 29 oct. 1887 (Samml. XVI, p. 292). [↩]
- Exemples dans Ober. Tr. 16 déc. 1870 (Str. 80, p. 179), 18 avril 2871 (Str. 81, p. 286) ; O. V. G., 29 janv. 1879, 18 mars 1880, 15 mai 1886, 22 mai 1886, 29 oct. 1887, 12 mai 1888. [↩]
- Laband, Staatsrecht, éd. all., I, p. 580 (éd. fr., II, p. 364) ; Motiv z. Entw. des bürg. Gesetz Buchs, 1, p. 3 ss. ; O. V. G. 22 mai 1886, 14 sept. 1887. [↩]
- Nous y reviendrons quand nous traiterons des prestations publiques. On est d’accord pour reconnaitre que, même dans cette sphère restreinte, le droit coutumier disparait de plus en plus : G. Meyer, Staatsrecht I, p. 6 ; Leuthold, Sachs. Verw. Recht, p. 68 ; Schulze, Staatsrecht, I, p. II. [↩]