Afin de faire face aux conséquences engendrées par la limitation de la propagation de l’épidémie de Covid-19, le gouvernement a été habilité par la loi du 23 mars 2020 à prendre par ordonnance, jusqu’au 10 juillet 2020, toute mesure relevant du domaine de l’article 34 de la Constitution (L. n° 2020-290, 23 mars 2020, art. 2, I. 1°). Ainsi, en vue de prévenir et de limiter la cessation d’activité des entreprises, des aides sous la forme d’allégements fiscaux ont été adoptées pour amortir le choc de trésorerie causé par l’arrêt brutal de l’économie. Ces mesures de soutien ont principalement assoupli les modalités de recouvrement des impôts directs mais aussi, les rapports entre l’administration fiscale et le contribuable professionnel. De façon plus marginale, certaines modifications ont touché les impôts indirects.
Les impôts directs. Quatre types d’aménagements peuvent être recensés.
En premier lieu, les entreprises ont bénéficié d’un report de leur déclaration (ces reports sont opposables à l’administration fiscale sur le fondement de l’article L. 80 A du LPF). Elles auraient normalement dû déclarer, le 5 mai 2020, leurs résultats de l’exercice clos au 31 décembre 2019. Un délai supplémentaire a été accordé jusqu’au 30 juin 2020, que les résultats relèvent de l’impôt sur les sociétés ou des revenus catégoriels imposables au titre de l’impôt sur le revenu. Un report de trois mois a également été appliqué pour la déclaration de la contribution à l’audiovisuel public due par les entreprises relevant du secteur de l’hébergement, de la restauration ainsi que de l’exploitation de salle de sport.
En second lieu, les entreprises ont pu reporter de trois mois les échéances de paiement de leurs impôts directs (acomptes d’IS, contribution foncière des entreprises, cotisation sur la valeur ajoutée, taxe sur les salaires) sur simple demande au service des impôts des entreprises et sans justificatif (ord. n° 2020-306, art. 11. Pour un calendrier précis des échéances, v. https://www.impots.gouv.fr/portail/node/13467. Le Conseil d’État a par ailleurs rejeté un référé-liberté tendant à la prorogation du délai de dépôt des déclarations des revenus de 2019 jusqu’au 31 juillet 2020, CE, ord., 20 avril 2020, n° 439985). Les grandes entreprises (entreprises employant plus de 5000 salariés ou dont le chiffre d’affaires consolidé est supérieur à 1,5 milliard d’euros en France. Pour les groupes, ces interdictions s’appliquent à l’ensemble des entités, quand bien même seules certaines bénéficieraient du dispositif de soutien) ne peuvent toutefois en bénéficier que sous réserve de ne pas verser de dividendes à leurs actionnaires, en France ou à l’étranger, et de ne pas procéder à des rachats d’actions au cours de l’année 2020. Au titre de leurs revenus professionnels, les personnes physiques ont également pu formuler une demande de report de leurs acomptes d’impôt sur le revenu grâce à la modification des modalités du prélèvement à la source (jusqu’à trois fois si les acomptes sont mensuels, ou d’un trimestre si les acomptes sont trimestriels ). Il en est de même à l’égard de la contribution foncière des entreprises et de la taxe foncière grâce à la suspension du contrat de mensualisation. Enfin, comme pour sa déclaration, le paiement de la contribution à l’audiovisuel public par les entreprises relevant du secteur de l’hébergement, de la restauration ainsi que de l’exploitation de salle de sport pourra être reporté lors de la déclaration de TVA déposée en juillet. Plus généralement, les entreprises peuvent demander le remboursement des paiements réalisés au titre des impôts directs pendant cette période de report.
En troisième lieu, les entreprises ont pu bénéficier d’une réduction d’impôt à condition de justifier de difficultés ne pouvant se résorber par un simple report d’imposition. L’objet de la remise peut être totale ou partielle, tant à l’égard des pénalités et intérêts de retard que des impôts directs précédemment évoqués. Cette demande fait l’objet d’un examen individuel de la situation de chaque contribuable après l’envoi d’un formulaire simplifié au service des impôts des entreprises.
Enfin, deux types d’exonération ont été institués afin de soulager leur trésorerie à plus long terme. La première s’applique aux entreprises ayant reçu l’aide du fonds de solidarité (les très petites entreprises comptant moins de 10 salariés, dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 1 million d’euros, et dont le bénéfice annuel imposable est inférieur à 60 000 euros, ayant fait l’objet d’une mesure d’interdiction d’accueil du public ou ayant enregistré une perte de chiffre d’affaires d’au moins 50% ont bénéficié d’une aide financière renouvelable de 1500 euros, d’une aide complémentaire de 2000 à 5000 euros, et jusqu’à 10000 euros pour les professionnels du tourisme et des loisirs, hôteliers, cafés et restaurants. Le dispositif était également applicable aux agriculteurs membres d’un groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC), aux artistes-auteurs, ainsi qu’aux entreprises en redressement judiciaire ou en procédure de sauvegarde ; ord. n° 2020-317 du 25 mars 2020 créant le fonds de solidarité). Ces sommes, qualifiables de subvention, seront exonérées d’impôt sur les sociétés, d’impôt sur le revenu et de toutes les contributions et cotisations sociales s’y rattachant (LFR 2020 (2) n° 2020-473, 25 avril 2020, art. 1er ). Elles ne seront pas non plus prises en compte pour l’appréciation des seuils de chiffre d’affaires encadrant l’application des régimes d’impositions simplifiés. La seconde exonération ne leur profite qu’indirectement : il s’agit d’encourager les abandons de loyers par les bailleurs de locaux professionnels ou commerciaux pour les exercices clos entre le 15 avril et le 31 décembre 2020 (LFR 2020 (2) n° 2020-473, 25 avril 2020, art. 3). Le dispositif est applicable dès lors que le bailleur et l’entreprise locataire n’ont pas de liens de dépendance (celui-ci est présumé exister entre deux entreprises lorsque l’une détient directement ou indirectement, par une personne interposée, la majorité du capital de l’autre ou y exerce, en fait, le pouvoir de décision, ou bien lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre sous le contrôle d’une même tierce entreprise, CGI, art. 39, 12). Son contenu déroge au droit commun qui aurait recherché le caractère normal ou non de cet abandon pour le bailleur et l’aurait imposé entre les mains du locataire. Ainsi, le bailleur ayant renoncé au paiement de ses loyers ne sera pas imposé à ce titre, toutefois, les charges afférentes à ces revenus resteront normalement déductibles. Il n’aura pas non plus à justifier de son intérêt à consentir ce manque à gagner, ni des difficultés rencontrées par son locataire (CGI, art. 14 B. Pour plus de détails concernant les régimes d’imposition, v. J.-P. MAUBLANC, « Décroissance économique et fiscalité à l’épreuve de la pandémie de coronavirus », AJDI 2020, p. 365), sauf s’il est imposé au titre des revenus fonciers et que l’entreprise locataire est exploitée par un ascendant, un descendant, ou un membre de son foyer fiscal (Idem). Corrélativement, à l’égard du locataire, l’abandon de loyer échappe à la qualification de produit imposable. Il est exceptionnellement traité de la même façon que les abandons de créance consentis dans le cadre d’un accord de conciliation constaté ou homologué (C. com., art. L. 611-8), ou d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire (CGI, art. 209-I, 4ème alinéa). De la sorte, cette extension permet aux entreprises locataires de majorer la limite de 1 million d’euros du montant des abandons de créances, en cas de report de l’excédent de déficit sur les exercices suivants (CGI, art. 39, 1, 9°).
Les relations entre l’administration fiscale et les entreprises. Celles-ci sont plus favorables aux entreprises à trois égards.
D’une part, l’administration fiscale s’est engagée à verser le plus rapidement possible les crédits d’impôts restituables aux entreprises en 2020, quel qu’en soit la forme (TVA, crédit d’impôt compétitivité emploi, crédit impôt recherche, crédit d’impôt innovation). Ce remboursement est néanmoins conditionné à la télé-déclaration de certains formulaires (notamment n° 2573, n° 2069-RCI et n° 2572).
D’autre part, la crise sanitaire aura également eu une incidence importante sur les procédures fiscales. Le lundi 16 mars 2020, le Ministre de l’Action et des Comptes publics avait annoncé qu’aucun nouveau contrôle ou acte de procédure lié à un contrôle en cours ne serait réalisé à compter du 12 mars 2020 pendant l’état d’urgence sanitaire (v. égal. Ord. n° 2020-306 du 25 mars 2020, art. 10). En outre, les ordonnances du 25 mars 2020 ont affecté les délais applicables aux procédures fiscales, qu’elles soient contentieuses ou non, tant à l’égard du contribuable que de l’administration (v. pour les détails, L. AYRAULT, « L’incidence de la crise sanitaire sur les procédures fiscales », Procédures n° 5, Mai 2020, comm. 101).
Enfin, l’administration fiscale a fait preuve de tolérance à l’égard des entreprises rencontrant des difficultés matérielles liées au confinement. La notion de facture électronique a été assouplie (pour la notion usuelle, v. CGI, art. 289, VI ). Il est admis qu’une facture initialement conçue sur support papier, puis numérisée, ait pu être adressée par courrier électronique sans envoi postal de la facture papier correspondante. Toutefois, les assujettis les ayant émises ou reçues doivent veiller à ce que leur fiabilité puisse être ultérieurement contrôlée (LPF, art. 102 B-2). De même, les entreprises ayant eu des difficultés à rassembler les pièces nécessaires pour déclarer et régler leur TVA ont été admises, temporairement, à utiliser les modalités applicables pendant la période des congés payés (Bofip BOI-TVA-DECLA-20-20-10-10, § 260).
Les impôts indirects. Dans ce cas, les entreprises interviennent en tant que collecteurs pour le compte de l’État, elles ne sont pas directement redevables de l’impôt. Le paiement de la fiscalité indirecte n’a donc pas fait l’objet d’aménagements. Toutefois, l’administration fiscale a admis, pour les seules entreprises ayant connu une baisse de chiffre d’affaires, un aménagement du versement de leurs acomptes de TVA.
Par ailleurs, à titre exceptionnel, le Gouvernement a annoncé que les entreprises qui feraient dons de matériels sanitaires (gels hydroalcooliques, masques, respirateurs et tenues de protection ), entre le 1er mars et le trentième jour suivant la fin de la période d’urgence sanitaire, pourront récupérer la TVA supportée à l’occasion de l’achat ou de la fabrication de ces produits, sous réserve de remplir certaines conditions tenant à la qualité du donataire (établissement de santé, public ou privé, établissement social ou médico-social accueillant des personnes âgées, handicapées, ou atteintes de pathologies chroniques, un professionnel de santé ou, un service de l’État ou des collectivités territoriales).