Le Conseil constitutionnel a été saisi dans les conditions prévues à l’article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés, le 26 mai 2008, par M. Jean-Pierre BEL, Mmes Jacqueline ALQUIER, Michèle ANDRÉ, MM. Bernard ANGELS, Bertrand AUBAN, Jean BESSON, Mme Marie-Christine BLANDIN, MM. Yannick BODIN, Didier BOULAUD, Mmes Yolande BOYER, Nicole BRICQ, Claire-Lise CAMPION, M. Jean-Louis CARRÈRE, Mme Monique CERISIER-ben GUIGA, MM. Pierre-Yves COLLOMBAT, Roland COURTEAU, Jean-Pierre DEMERLIAT, Mme Christiane DEMONTÈS, MM. Jean DESESSARD, Claude DOMEIZEL, Michel DREYFUS-SCHMIDT, Bernard DUSSAUT, Jean-Claude FRÉCON, Bernard FRIMAT, Charles GAUTIER, Jean-Pierre GODEFROY, Claude HAUT, Mmes Odette HERVIAUX, Annie JARRAUD-VERGNOLLE, M. Charles JOSSELIN, Mme Bariza KHIARI, MM. Yves KRATTINGER, Serge LAGAUCHE, Serge LARCHER, Mme Raymonde LE TEXIER, MM. André LEJEUNE, Roger MADEC, Philippe MADRELLE, Jacques MAHÉAS, François MARC, Jean-Pierre MASSERET, Marc MASSION, Pierre MAUROY, Jean-Luc MÉLENCHON, Louis MERMAZ, Jean-Pierre MICHEL, Gérard MIQUEL, Michel MOREIGNE, Jacques MULLER, Jean-Marc PASTOR, Jean-Claude PEYRONNET, Jean-François PICHERAL, Marcel RAINAUD, Daniel RAOUL, Paul RAOULT, Daniel REINER, Thierry REPENTIN, Roland RIES, André ROUVIÈRE, Mme Patricia SCHILLINGER, MM. Michel SERGENT, Jacques SIFFRE, René-Pierre SIGNÉ, Jean-Pierre SUEUR, Mme Catherine TASCA, MM. Jean-Marc TODESCHINI, André VANTOMME, Mme Dominique VOYNET et M. Richard YUNG, sénateurs ;
et, le 27 mai 2008, par M. Jean-Marc AYRAULT, Mme Sylvie ANDRIEUX, MM. Jean-Paul BACQUET, Dominique BAERT, Jean-Pierre BALLIGAND, Gérard BAPT, Claude BARTOLONE, Jacques BASCOU, Christian BATAILLE, Mme Delphine BATHO, M. Jean-Louis BIANCO, Mme Gisèle BIÉMOURET, MM. Serge BLISKO, Patrick BLOCHE, Daniel BOISSERIE, Jean-Michel BOUCHERON, Mme Marie-Odile BOUILLÉ, M. Christophe BOUILLON, Mme Monique BOULESTIN, M. Pierre BOURGUIGNON, Mme Danielle BOUSQUET, MM. François BROTTES, Alain CACHEUX, Jérôme CAHUZAC, Jean-Christophe CAMBADÉLIS, Thierry CARCENAC, Christophe CARESCHE, Mme Martine CARRILLON-COUVREUR, MM. Laurent CATHALA, Bernard CAZENEUVE, Jean-Paul CHANTEGUET, Alain CLAEYS, Jean-Michel CLÉMENT, Mme Marie-Françoise CLERGEAU, MM. Gilles COCQUEMPOT, Pierre COHEN, Mmes Catherine COUTELLE, Pascale CROZON, M. Frédéric CUVILLIER, Mme Claude DARCIAUX, MM. Pascal DEGUILHEM, Mme Michèle DELAUNAY, MM. Guy DELCOURT, Michel DELEBARRE, Bernard DEROSIER, Michel DESTOT, Marc DOLEZ, Julien DRAY, Tony DREYFUS, Jean-Pierre DUFAU, William DUMAS, Mme Laurence DUMONT, MM. Jean-Paul DUPRÉ, Yves DURAND, Mme Odette DURIEZ, MM. Philippe DURON, Olivier DUSSOPT, Christian ECKERT, Henri EMMANUELLI, Mme Corinne ERHEL, MM. Laurent FABIUS, Albert FACON, Hervé FÉRON, Mme Aurélie FILIPPETTI, M. Pierre FORGUES, Mme Valérie FOURNEYRON, MM. Michel FRANÇAIX, Jean-Claude FRUTEAU, Jean-Louis GAGNAIRE, Mme Geneviève GAILLARD, MM. Guillaume GAROT, Jean GAUBERT, Mme Catherine GÉNISSON, MM. Jean-Patrick GILLE, Jean GLAVANY, Daniel GOLDBERG, Gaëtan GORCE, Mme Pascale GOT, MM. Marc GOUA, Jean GRELLIER, Mme Elisabeth GUIGOU, M. David HABIB, Mme Danièle HOFFMAN-RISPAL, M. François HOLLANDE, Mme Monique IBORRA, MM. Michel ISSINDOU, Serge JANQUIN, Régis JUANICO, Armand JUNG, Mmes Marietta KARAMANLI, Conchita LACUEY, MM. Jérôme LAMBERT, François LAMY, Jean LAUNAY, Jean-Yves LE BOUILLONNEC, Gilbert LE BRIS, Jean-Yves LE DÉAUT, Jean-Marie LE GUEN, Bruno LE ROUX, Mme Marylise LEBRANCHU, M. Michel LEFAIT, Mmes Catherine LEMORTON, Annick LEPETIT, MM. Jean-Claude LEROY, Michel LIEBGOTT, Mme Martine LIGNIÈRES-CASSOU, MM. François LONCLE, Jean MALLOT, Louis-Joseph MANSCOUR, Mme Marie-Lou MARCEL, MM. Jean-René MARSAC, Philippe MARTIN, Mmes Martine MARTINEL, Frédérique MASSAT, MM. Gilbert MATHON, Didier MATHUS, Mme Sandrine MAZETIER, MM. Michel MÉNARD, Kléber MESQUIDA, Jean MICHEL, Didier MIGAUD, Arnaud MONTEBOURG, Pierre MOSCOVICI, Pierre-Alain MUET, Philippe NAUCHE, Henry NAYROU, Alain NÉRI, Mmes Marie-Renée OGET, Françoise OLIVIER-COUPEAU, George PAU-LANGEVIN, MM. Christian PAUL, Germinal PEIRO, Jean-Luc PÉRAT, Jean-Claude PÉREZ, Mme Marie-Françoise PÉROL-DUMONT, MM. Philippe PLISSON, Jean-Jack QUEYRANNE, Dominique RAIMBOURG, Mme Marie-Line REYNAUD, MM. Alain RODET, Bernard ROMAN, René ROUQUET, Alain ROUSSET, Patrick ROY, Michel SAINTE-MARIE, Michel SAPIN, Mme Odile SAUGUES, MM. Christophe SIRUGUE, François PUPPONI, Pascal TERRASSE, Mme Marisol TOURAINE, MM. Jean-Louis TOURAINE, Jean-Jacques URVOAS, Daniel VAILLANT, Jacques VALAX, André VALLINI, Manuel VALLS, Michel VAUZELLE, Michel VERGNIER, André VÉZINHET, Alain VIDALIES, Jean-Michel VILLAUMÉ, Philippe VUILQUE, Mme Chantal BERTHELOT, MM. Gérard CHARASSE, René DOSIÈRE, Paul GIACOBBI, Christian HUTIN, Serge LETCHIMY, Albert LIKUVALU, Mmes Jeanny MARC, Martine PINVILLE, M. Simon RENUCCI, Mme Chantal ROBIN-RODRIGO, M. Marcel ROGEMONT, Mmes Christiane TAUBIRA, Marie-Hélène AMIABLE, MM. François ASENSI, Alain BOCQUET, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Pierre BRARD, Mme Marie-George BUFFET, MM. Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Jacques DESALLANGRE, Jacques FRAYSSE, André GERIN, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER, Michel VAXES, Mme Martine BILLARD, MM. Yves COCHET, Noël MAMÈRE, François de RUGY, Mme Huguette BELLO et M. Alfred MARIE-JEANNE, députés ;
LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL,
Vu la Constitution et en particulier la Charte de l’environnement de 2004 ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la directive 90/219/CEE du Conseil du 23 avril 1990 modifiée relative à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés ;
Vu la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 modifiée relative à la dissémination volontaire des organismes génétiquement modifiés dans l’environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil ;
Vu le règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés ;
Vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes n° C-429/01 du 27 novembre 2003 et n° C-419/03 du 15 juillet 2004 ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu le code pénal ;
Vu le code rural ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 2 juin 2008 ;
Vu les observations en réplique des députés requérants, enregistrées le 9 juin 2008 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés et les sénateurs requérants défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative aux organismes génétiquement modifiés ; qu’ils contestent la régularité de sa procédure d’adoption ainsi que la conformité à la Constitution de ses articles 2, 3, 6, 7, 8, 10, 11 et 14 ;
– SUR LA PROCÉDURE D’ADOPTION DE LA LOI :
2. Considérant que la loi déférée a été adoptée, en première lecture, par les deux assemblées du Parlement, puis, en deuxième lecture, par le Sénat ; qu’à ce stade de la procédure, l’Assemblée nationale a adopté à son encontre une question préalable ; que le Premier ministre a alors provoqué la réunion d’une commission mixte paritaire, laquelle a proposé un texte sur les dispositions restant en discussion ; que ce texte, identique à celui qui avait été précédemment approuvé par les sénateurs, a ensuite été adopté par les deux assemblées ;
3. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que l’adoption de la question préalable a entraîné le rejet du texte sans qu’il fût possible de le soumettre à une nouvelle discussion avant l’expiration d’un délai d’un an ; qu’ils font valoir que la poursuite de la navette a méconnu le troisième alinéa de l’article 84 du règlement de l’Assemblée nationale et donc le quatrième alinéa de son article 91, dont la combinaison constituerait un prolongement du premier alinéa de l’article 34 de la Constitution ; qu’ils dénoncent une violation de l’article 45 de la Constitution, la commission mixte paritaire ayant été convoquée alors que, selon eux, les conditions prévues à cet effet n’étaient pas réunies ; qu’ils estiment, enfin, que la procédure suivie a porté atteinte à l’exercice du droit d’amendement conféré aux parlementaires par l’article 44 de la Constitution ;
4. Considérant que les députés requérants observent, pour leur part, que le rapport de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire sur le projet de loi devait comporter en annexe une analyse des suites données à une résolution adoptée par l’Assemblée nationale le 7 novembre 2000 sur la directive 2001/18/CE susvisée et dénoncent, sur ce fondement, une méconnaissance de l’article 151-4 du règlement de cette assemblée, lequel serait un prolongement de l’article 88-4 de la Constitution ; qu’ils contestent les conditions précipitées dans lesquelles la commission mixte paritaire a été convoquée après le vote de la question préalable et allèguent une méconnaissance du premier alinéa de l’article 42 du règlement de l’Assemblée nationale relatif à la présence obligatoire des commissaires aux réunions des commissions ; qu’ils mettent en cause le déroulement de la commission mixte paritaire en faisant valoir que, si le vote de la question préalable avait pour effet de remettre en discussion l’ensemble de la loi, il ne pouvait être procédé, sans examen préalable de leurs amendements, d’abord à un vote global sur l’ensemble des articles précédemment adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées, puis à un vote sur l’article 1er du projet de loi amendé en deuxième lecture par le Sénat ; qu’ils estiment que cette procédure, dans le cadre d’une commission mixte paritaire convoquée après le vote d’une question préalable, a porté atteinte au droit d’amendement des parlementaires ;
. En ce qui concerne les articles invoqués du règlement de l’Assemblée nationale :
5. Considérant que la méconnaissance alléguée des articles 42, 84 et 151-4 du règlement de l’Assemblée nationale ne saurait avoir pour effet, à elle seule, de rendre la procédure législative contraire à la Constitution ; que l’invocation, par les sénateurs, du troisième alinéa de l’article 84, qui ne s’applique qu’aux propositions de loi, est en outre inopérante en l’espèce ;
. En ce qui concerne la poursuite de l’examen du texte et la convocation d’une commission mixte paritaire :
6. Considérant qu’aux termes de l’article 45 de la Constitution : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux assemblées du Parlement en vue de l’adoption d’un texte identique. ? Lorsque, par suite d’un désaccord entre les deux assemblées, un projet ou une proposition de loi n’a pu être adopté après deux lectures par chaque assemblée ou, si le Gouvernement a déclaré l’urgence, après une seule lecture par chacune d’entre elles, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion. – Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement. – Si la commission mixte ne parvient pas à l’adoption d’un texte commun ou si ce texte n’est pas adopté dans les conditions prévues à l’alinéa précédent, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement. En ce cas, l’Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat » ;
7. Considérant qu’il ressort de cet article 45 que, comme le rappelle d’ailleurs l’article 109 du règlement de l’Assemblée nationale, le fait qu’un projet de loi examiné par le Parlement soit rejeté par l’une ou l’autre de ses deux assemblées n’interrompt pas les procédures prévues pour parvenir à l’adoption d’un texte définitif ; qu’il en va notamment ainsi lorsque l’Assemblée nationale adopte une question préalable ayant pour objet, selon les termes du quatrième alinéa de l’article 91 de son règlement, « de faire décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer », et dont le vote « entraîne le rejet du texte à l’encontre duquel elle a été soulevée » ; que rien ne faisait donc obstacle à ce que l’examen de la loi déférée se poursuive après le vote par les députés de la question préalable et le rejet du texte qui en est résulté ;
8. Considérant, en outre, que l’Assemblée nationale ayant rejeté le texte précédemment adopté par le Sénat, il existait un « désaccord entre les deux assemblées » et donc des « dispositions restant en discussion » ; que, contrairement à l’affirmation des sénateurs, deux lectures ont bien eu lieu devant chaque assemblée, y compris à l’Assemblée nationale où a été débattue et adoptée la question préalable ; qu’ainsi les conditions prévues par l’article 45 de la Constitution pour que le Premier ministre puisse provoquer la réunion d’une commission mixte paritaire étaient réunies ; qu’au demeurant, l’urgence ayant été déclarée, l’existence d’une deuxième lecture à l’Assemblée nationale ne constituait pas un préalable pour la convocation d’une commission mixte paritaire ;
. En ce qui concerne l’exercice du droit d’amendement :
9. Considérant qu’il résulte de la combinaison de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, du premier alinéa des articles 34 et 39 de la Constitution, ainsi que de ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1, que le droit d’amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s’exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées ; qu’il ne saurait être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité, pour un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l’objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie ;
10. Considérant qu’il ressort également de l’économie de l’article 45 de la Constitution, et notamment de son premier alinéa, que les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion, c’est-à-dire qui n’a pas été adoptée dans les mêmes termes par l’une et l’autre assemblées ; que, toutefois, ne sont pas soumis à cette dernière obligation les amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec des textes en cours d’examen ou à corriger une erreur matérielle ;
11. Considérant qu’en l’espèce, le droit d’amendement a pu s’exercer pleinement dans les deux assemblées au cours de la première lecture de la loi déférée, ainsi qu’en deuxième lecture au Sénat, dans les limites rappelées au considérant précédent ; que si, devant l’Assemblée nationale en deuxième lecture, les amendements déposés n’ont pas pu être débattus, c’est en raison de l’adoption par les députés d’une question préalable en application de laquelle il n’y avait « pas lieu à délibérer » sur le texte qui leur était soumis ;
12. Considérant que l’adoption de cette question préalable conduisait, dans les conditions où elle est intervenue, à remettre en discussion l’ensemble des dispositions du projet de loi ; que, toutefois, la commission mixte paritaire n’est chargée par le deuxième alinéa de l’article 45 de la Constitution que de « proposer un texte » sur lesdites dispositions ; qu’elle s’est effectivement prononcée, à cet effet, sur l’article 1er, devenu l’article 2 dans la loi déférée, et sur les autres articles, rejetant, par là même, toute modification de la version précédemment adoptée par le Sénat ;
13. Considérant que les autres restrictions dénoncées par les requérants trouvent leur origine dans les termes mêmes du troisième alinéa de l’article 45 de la Constitution qui prévoit que, lorsque le Gouvernement soumet pour approbation aux deux assemblées le texte élaboré par la commission mixte paritaire, « aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement » ;
14. Considérant, dès lors, que les griefs tirés d’une atteinte au droit d’amendement des parlementaires doivent être rejetés ; qu’il résulte de tout ce qui précède que la loi déférée n’a pas été adoptée au terme d’une procédure irrégulière ;
– SUR LES ARTICLES 2, 3 ET 6 :
15. Considérant que l’article 2 de la loi déférée insère, dans le code de l’environnement, un article L. 531-2-1 portant sur les principes généraux relatifs au recours aux organismes génétiquement modifiés ; que l’article 3 modifie les articles L. 531-3 à L. 531-5 de ce même code, et y insère un article L. 531-4-1, relatifs au Haut conseil des biotechnologies ; que l’article 6 introduit, dans le code rural, les articles L. 663-2 et L. 663-3 relatifs aux conditions techniques visant à éviter la présence accidentelle d’organismes génétiquement modifiés dans d’autres productions ;
16. Considérant que, selon les auteurs des saisines, le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi déférée, ainsi que ses articles 3 et 6, dénaturent le sens et la portée du principe de précaution ; qu’en outre, le deuxième alinéa de cet article 2 méconnaîtrait l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi et serait entaché d’incompétence négative ; qu’enfin le cinquième alinéa de ce même article ne respecterait pas l’exigence constitutionnelle de transposition des directives ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de précaution :
17. Considérant que, selon les requérants, les dispositions des articles 2 et 6 de la loi se limitent à prévenir le seul risque de dissémination d’organismes génétiquement modifiés dans les cultures voisines et à en réparer les conséquences économiques, sans exiger le respect de conditions techniques propres à assurer plus spécifiquement la préservation de l’environnement ; qu’en outre, la définition imprécise des pouvoirs du Haut conseil des biotechnologies par l’article 3 de la loi manifesterait la carence du législateur dans la définition des exigences procédurales résultant du principe de précaution ; que, dès lors, au regard du « risque… grave et irréversible » que présenterait pour l’environnement la culture d’organismes génétiquement modifiés, la loi ne parerait pas à la réalisation d’un dommage éventuel à l’environnement et, partant, méconnaîtrait le principe de précaution imposé par l’article 5 de la Charte de l’environnement ;
18. Considérant qu’aux termes de l’article 5 de la Charte de l’environnement : « Lorsque la réalisation d’un dommage, bien qu’incertaine en l’état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l’environnement, les autorités publiques veillent, par l’application du principe de précaution et dans leurs domaines d’attributions, à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage » ; que ces dispositions, comme l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement, ont valeur constitutionnelle ; qu’elles s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif ; que, dès lors, il incombe au Conseil constitutionnel, saisi en application de l’article 61 de la Constitution, de s’assurer que le législateur n’a pas méconnu le principe de précaution et a pris des mesures propres à garantir son respect par les autres autorités publiques ;
19. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 531-2-1 inséré dans le code de l’environnement par l’article 2 de la loi déférée : « Les organismes génétiquement modifiés ne peuvent être cultivés, commercialisés ou utilisés que dans le respect de l’environnement et de la santé publique, des structures agricoles, des écosystèmes locaux et des filières de production et commerciales qualifiées “sans organismes génétiquement modifiés”, et en toute transparence. La définition du “sans organismes génétiquement modifiés” se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire. Dans l’attente d’une définition au niveau européen, le seuil correspondant est fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut conseil des biotechnologies, espèce par espèce » ;
20. Considérant qu’aux termes de l’article L. 663-2 du code rural, tel qu’il résulte de l’article 6 de la loi déférée : « La mise en culture, la récolte, le stockage et le transport des végétaux autorisés au titre de l’article L. 533-5 du code de l’environnement ou en vertu de la réglementation communautaire sont soumis au respect de conditions techniques notamment relatives aux distances entre cultures ou à leur isolement, visant à éviter la présence accidentelle d’organismes génétiquement modifiés dans d’autres productions… – Les conditions techniques relatives aux distances sont fixées par nature de culture. Elles définissent les périmètres au sein desquels ne sont pas pratiquées de cultures d’organismes génétiquement modifiés. Elles doivent permettre que la présence accidentelle d’organismes génétiquement modifiés dans d’autres productions soit inférieure au seuil établi par la réglementation communautaire » ;
21. Considérant, d’une part, que ces dispositions fixent les principes qui encadrent les conditions techniques d’introduction dans l’environnement de végétaux génétiquement modifiés après qu’ils ont été légalement autorisés ; qu’il ressort des articles L. 533-2, L. 533-3 et L. 533-5 du code de l’environnement, tels qu’ils sont modifiés par la loi déférée, que « toute introduction intentionnelle dans l’environnement d’un organisme génétiquement modifié, pour laquelle aucune mesure de confinement particulière n’est prise pour en limiter le contact avec les personnes et l’environnement », est soumise à un régime d’autorisation préalable ; que cette autorisation est délivrée par l’autorité administrative préalablement soit à une dissémination volontaire qui n’est pas destinée à la mise sur le marché, soit à la mise sur le marché du produit génétiquement modifié ; qu’elle est donnée après avis du Haut conseil des biotechnologies « qui examine les risques que peut présenter la dissémination pour l’environnement » ; qu’en outre, l’article L. 532-2 impose que toute utilisation d’organisme génétiquement modifié qui peut présenter des dangers ou des inconvénients pour l’environnement soit réalisée de façon confinée ; que ces dispositions ont pour objet d’interdire la culture en plein champ d’organismes génétiquement modifiés qui, en l’état des connaissances et des techniques, pourraient affecter de manière grave et irréversible l’environnement ; que, dès lors, le fait que les conditions techniques auxquelles sont soumises les cultures d’organismes génétiquement modifiés autorisés n’excluent pas la présence accidentelle de tels organismes dans d’autres productions, ne constitue pas une méconnaissance du principe de précaution ;
22. Considérant, d’autre part, que l’article 3 de la loi institue le Haut conseil des biotechnologies chargé d’éclairer le Gouvernement sur toutes questions intéressant les organismes génétiquement modifiés ou toute autre biotechnologie et de formuler des avis en matière d’évaluation des risques pour l’environnement et la santé publique que peut présenter le recours aux organismes génétiquement modifiés ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’article L. 531-3 du code de l’environnement ne se limite pas à prévoir que cet organisme consultatif peut se saisir d’office de toute question concernant son domaine de compétence, mais qu’il énumère précisément les cas dans lesquels l’avis du Haut conseil doit être recueilli et organise ses attributions ; qu’en outre, le deuxième alinéa de l’article L. 531-2-1 du code de l’environnement prévoit que « les décisions d’autorisation concernant les organismes génétiquement modifiés ne peuvent intervenir qu’après une évaluation préalable indépendante et transparente des risques pour l’environnement et la santé publique… assurée par une expertise collective menée selon des principes de compétence, pluralité, transparence et impartialité » ; que les dispositions de l’article 9 de la loi instituent les conditions d’une surveillance continue, par l’autorité administrative, de l’état sanitaire et phytosanitaire des végétaux et de l’apparition éventuelle d’effets non intentionnels des pratiques agricoles sur l’environnement ; qu’il ressort enfin des articles L. 533-3-1 et L. 533-8 du code de l’environnement qu’en cas de découverte de risques pour l’environnement, postérieurement à une autorisation, l’autorité administrative peut prendre les mesures appropriées allant jusqu’à la suspension ; que, par l’ensemble de ces dispositions, le législateur a pris des mesures propres à garantir le respect, par les autorités publiques, du principe de précaution à l’égard des organismes génétiquement modifiés ;
23. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les dispositions des articles 2, 3 et 6 de la loi déférée ne méconnaissent pas l’article 5 de la Charte de l’environnement ;
. En ce qui concerne les griefs tirés de l’incompétence négative et de la méconnaissance de l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi :
24. Considérant que les requérants soutiennent qu’en renvoyant au pouvoir réglementaire le soin de définir la notion du « sans organismes génétiquement modifiés », le premier alinéa de l’article L. 531-2-1 précité du code de l’environnement n’est pas conforme à l’article 34 de la Constitution ; qu’en outre, cet alinéa méconnaîtrait l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ;
25. Considérant, d’une part, qu’il incombe au législateur d’exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence, ainsi que l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; qu’il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi ;
26. Considérant, d’autre part, qu’en vertu de l’article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux « de la préservation de l’environnement » ;
27. Considérant qu’en adoptant les dispositions précitées, le législateur a entendu permettre la coexistence des cultures génétiquement modifiées et des cultures traditionnelles ou biologiques ; qu’à cet effet, il a décidé d’instituer des seuils de présence fortuite ou techniquement inévitable de traces d’organismes génétiquement modifiés autorisés, en deçà desquels les produits ne seront pas regardés comme génétiquement modifiés ;
28. Considérant qu’il ressort des travaux parlementaires qu’en faisant référence à la « définition communautaire », le législateur a entendu qu’en l’état actuel du droit, le pouvoir réglementaire prenne en considération, sans être tenu de le retenir, le seuil d’étiquetage fixé par les articles 12 et 24 du règlement 1829/2003 susvisé et par l’article 21 de la directive 2001/18/CE lorsque la présence d’organismes génétiquement modifiés autorisés est fortuite ou techniquement inévitable ; qu’ainsi, le législateur a fixé une limite au seuil de tolérance de présence fortuite ou techniquement inévitable de traces d’organismes génétiquement modifiés ; qu’il a exigé que les seuils soient fixés espèce par espèce, sur avis du Haut conseil des biotechnologies ; qu’il a imposé que cette fixation respecte « la liberté de consommer et de produire avec ou sans organismes génétiquement modifiés, sans que cela nuise à l’intégrité de l’environnement et à la spécificité des cultures traditionnelles et de qualité » ;
29. Considérant qu’en encadrant ainsi le renvoi à un décret en Conseil d’État le soin de déterminer les seuils susmentionnés et en faisant référence au droit communautaire, le législateur n’a ni méconnu l’étendue de sa compétence ni porté atteinte à l’objectif constitutionnel d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l’exigence constitutionnelle de transposition des directives :
30. Considérant qu’aux termes du quatrième alinéa de l’article L. 531-2-1 du code de l’environnement, résultant du cinquième alinéa de l’article 2 de la loi déférée : « Les conclusions de toutes les études et tests réalisés dans ces laboratoires sont mises à la disposition du public sans nuire à la protection des intérêts énumérés aux I de l’article L. 124-4 et II de l’article L. 124-5 et à la protection de la propriété intellectuelle lorsque l’organisme génétiquement modifié ne fait pas encore l’objet d’une protection juridique à ce titre » ;
31. Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, ces dispositions n’ont pas pour objet d’assurer la transposition de la directive 2001/18/CE ; que, par suite, le grief tiré de leur incompatibilité manifeste avec cette directive doit être rejeté ;
– Sur l’article 7 :
32. Considérant que l’article 7 de la loi déférée insère, dans le code rural, un article L. 671-15 dont le 3° réprime de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 EUR d’amende le fait de détruire ou de dégrader une culture autorisée en application des articles L. 533-5 et L. 533-6 du code de l’environnement ; que le cinquième alinéa de cet article L. 671-15 porte le maximum de la peine à trois ans d’emprisonnement et 150 000 EUR d’amende lorsque la culture détruite a été autorisée en application de l’article L. 533-3 du même code ;
33. Considérant que, selon les requérants, d’une part, les peines encourues pour ce délit sont manifestement disproportionnées au regard des infractions commises, en particulier compte tenu de l’absence d’exigence d’élément moral qui permet l’application de ces incriminations à des destructions accidentelles ; que, d’autre part, elles introduiraient une différence non justifiée par rapport au délit de destruction du bien d’autrui prévu par le code pénal ; que, dès lors, elles méconnaîtraient tant le principe de nécessité des peines que le principe d’égalité devant la loi pénale ;
34. Considérant que l’article 8 de la Déclaration de 1789 dispose : « La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires… » ; qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; que l’article 61 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d’appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité à la Constitution des lois déférées à son examen ; que, dès lors, si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue ;
35. Considérant, en premier lieu, qu’en l’absence de précision sur l’élément moral de l’infraction, le principe énoncé à l’article 121-3 du code pénal selon lequel il n’y a point de délit sans intention de le commettre s’applique de plein droit ; que, dès lors, ne pourront être condamnées pour le délit prévu au 3° de l’article L. 671-15 du code rural que les personnes qui ont agi volontairement et dans la connaissance que des organismes génétiquement modifiés étaient cultivés sur les parcelles en cause ;
36. Considérant, en second lieu, qu’il ressort des travaux parlementaires que le législateur a entendu, par la création d’un délit spécifique, répondre à des destructions répétées de cultures d’organismes génétiquement modifiés autorisés et, ainsi, assurer, par une peine dissuasive, la protection de ces cultures, en particulier celles consacrées à la recherche ; qu’en outre, la création d’un registre national rendant publiques la nature et la localisation des parcelles où sont cultivés des organismes génétiquement modifiés augmente le risque de destruction volontaire de ces cultures ; que, dans ces conditions, les peines d’emprisonnement établies par l’article L. 671-15 du code rural, qui, d’ailleurs, n’excèdent pas celles encourues, en application des articles 322-2 et 322-3 du code pénal, en cas de délit de destructions, dégradations et détériorations aggravées du bien d’autrui, et les peines d’amende instituées par ce même article, au demeurant comparables à celles prévues par les articles L. 536-3 à L. 536-7 du code de l’environnement pour les délits commis en matière de dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés, ne méconnaissent ni le principe de nécessité des peines ni le principe d’égalité devant la loi pénale ;
– Sur l’article 8 :
37. Considérant que l’article 8 de la loi déférée introduit dans le code rural les articles L. 663-4 et L. 663-5 qui instituent un régime de responsabilité de plein droit de tout exploitant agricole mettant en culture un organisme génétiquement modifié dont la mise sur le marché est autorisée, pour le préjudice économique résultant de la présence accidentelle de cet organisme génétiquement modifié dans la production d’un autre exploitant agricole ; qu’aux termes des alinéas 2 à 4 de l’article L. 663-4 du code rural, cette responsabilité est engagée lorsque sont réunies les conditions suivantes :
« 1° Le produit de la récolte dans laquelle la présence de l’organisme génétiquement modifié est constatée est issu d’une parcelle ou d’une ruche située à proximité d’une parcelle sur laquelle est cultivé cet organisme génétiquement modifié et a été obtenu au cours de la même campagne de production ;
« 2° Il était initialement destiné soit à être vendu en tant que produit non soumis à l’obligation d’étiquetage mentionnée au 3°, soit à être utilisé pour l’élaboration d’un tel produit ;
« 3° Son étiquetage est rendu obligatoire en application des dispositions communautaires relatives à l’étiquetage des produits contenant des organismes génétiquement modifiés » ;
38. Considérant que, selon les requérants, ce régime d’indemnisation des exploitants cultivant sans organisme génétiquement modifié « en cas de contamination de leur production », qui est soumis à des conditions « manifestement trop restrictives » et est fondé sur « la seule dépréciation du produit contaminé en raison d’une différence de prix » méconnaît la liberté d’entreprendre de ces exploitants et n’assure pas la réparation de l’atteinte à leur droit de propriété ;
39. Considérant que l’article L. 663-5 du code rural, tel qu’il résulte de la loi déférée, prévoit que les dispositions de l’article L. 663-4 du même code ne font pas obstacle à la mise en cause « de la responsabilité des exploitants mettant en culture un organisme génétiquement modifié, des distributeurs et des détenteurs de l’autorisation de mise sur le marché et du certificat d’obtention végétale » sur tout autre fondement que le préjudice constitué par la dépréciation du produit de la récolte ; que ces dispositions, qui simplifient l’indemnisation d’un préjudice économique, ne limitent pas le droit des exploitants agricoles ayant subi un dommage d’en demander la réparation sur un autre fondement juridique, indépendamment des conditions prévues par l’article L. 663-4 précité, ou pour d’autres chefs de préjudice ; que, dès lors, ces dispositions n’apportent aucune limitation au principe de responsabilité qui découle de l’article 4 de la Déclaration de 1789 et n’ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté d’entreprendre ou au droit de propriété ;
– SUR L’ARTICLE 10 :
40. Considérant que l’article 10 de la loi déférée insère dans le code rural un article L. 663-1 dont le dernier alinéa est ainsi rédigé : « L’autorité administrative établit un registre national indiquant la nature et la localisation des parcelles culturales d’organismes génétiquement modifiés. Les préfectures assurent la publicité de ce registre par tous moyens appropriés, notamment sa mise en ligne sur l’internet » ;
41. Considérant que les sénateurs requérants font valoir qu’en créant un registre national ne comportant pas « les informations relatives aux études et tests préalablement effectués sur les OGM concernés », le législateur n’a pas assuré la correcte transposition de la directive 2001/18/CE et a donc méconnu l’article 88-1 de la Constitution ; que les députés requérants soutiennent que, pour le même motif, le législateur a violé l’article 7 de la Charte de l’environnement ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l’exigence de transposition des directives :
42. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 88-1 de la Constitution : « La République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences » ; qu’ainsi, la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle ;
43. Considérant qu’il appartient par suite au Conseil constitutionnel, saisi dans les conditions prévues par l’article 61 de la Constitution d’une loi ayant pour objet de transposer en droit interne une directive communautaire, de veiller au respect de cette exigence ; que, toutefois, le contrôle qu’il exerce à cet effet est soumis à une double limite ;
44. Considérant, en premier lieu, que la transposition d’une directive ne saurait aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti ;
45. Considérant, en second lieu, que, devant statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel ne peut saisir la Cour de justice des Communautés européennes de la question préjudicielle prévue par l’article 234 du traité instituant la Communauté européenne ; qu’il ne saurait en conséquence déclarer non conforme à l’article 88-1 de la Constitution qu’une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu’elle a pour objet de transposer ; qu’en tout état de cause, il revient aux autorités juridictionnelles nationales, le cas échéant, de saisir la Cour de justice des Communautés européennes à titre préjudiciel ;
46. Considérant que l’article 31, paragraphe 3, de la directive 2001/18/CE exige des États membres qu’ils établissent des registres destinés à recenser et à rendre publique la localisation de la dissémination des organismes génétiquement modifiés, opérée au titre de la recherche ou de la mise sur le marché, sans exiger que ces registres comportent des informations relatives aux études et tests préalablement réalisés sur ces organismes génétiquement modifiés ;
47. Considérant qu’il s’ensuit que la disposition contestée qui institue, sur le plan national, un tel registre en vue de le rendre public n’est pas manifestement incompatible avec la directive 2001/18/CE et n’est dès lors pas contraire à l’article 88-1 de la Constitution ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement :
48. Considérant qu’aux termes de l’article 7 de la Charte de l’environnement : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement » ;
49. Considérant que ces dispositions, comme l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement, ont valeur constitutionnelle ; qu’il ressort de leurs termes mêmes qu’il n’appartient qu’au législateur de préciser « les conditions et les limites » dans lesquelles doit s’exercer le droit de toute personne à accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques ; que ne relèvent du pouvoir réglementaire que les mesures d’application des conditions et limites fixées par le législateur ;
50. Considérant que les avis du Haut conseil des biotechnologies sur chaque demande d’autorisation en vue de la dissémination d’organismes génétiquement modifiés sont publics, conformément aux articles L. 531-3 et L. 531-4 du code de l’environnement ; que le registre national indiquant la nature et la localisation des parcelles culturales d’organismes génétiquement modifiés est accessible au public ; que, par suite, en ne prévoyant pas que ce registre devrait comporter les informations relatives aux études et tests préalablement réalisés sur les organismes génétiquement modifiés autorisés, le législateur n’a pas dénaturé le principe du droit à l’information qu’il lui appartient de mettre en œuvre ;
– SUR L’ARTICLE 11 :
51. Considérant que le I de l’article 11 de la loi déférée modifie l’article L. 532-4 du code de l’environnement ; que son II y insère un article L. 532-4-1 ; que son III modifie son article L. 535-3 ; que le I et le II ont trait au contenu des dossiers constitués par l’exploitant et mis à la disposition du public dans le cadre de la procédure d’agrément pour l’utilisation confinée d’organismes génétiquement modifiés ; que le III, applicable à l’introduction d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement à des fins de recherche ou de mise sur le marché, a trait à la protection du secret des informations confidentielles ou affectant les droits de la propriété intellectuelle ; que le troisième alinéa de l’article L. 532-4-1 et le second alinéa du II de l’article L. 535-3, tels qu’ils résultent des neuvième et treizième alinéas de l’article 11, disposent, dans les deux cas, que : « La liste des informations qui ne peuvent en aucun cas rester confidentielles est fixée par décret en Conseil d’État » ;
52. Considérant que les sénateurs requérants font valoir qu’en créant une clause de confidentialité au bénéfice des exploitants d’organismes génétiquement modifiés et en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de fixer « la liste des informations qui ne peuvent en aucun cas rester confidentielles », l’article 11 « n’assure pas une correcte transposition de la directive en ce qu’il contrevient à l’objectif général de celle-ci qu’est l’information et la consultation permanentes du public » ; que les députés requérants soutiennent, quant à eux, que le législateur n’a pas exercé une compétence qui lui est confiée par l’article 7 de la Charte de l’environnement ;
. En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de l’exigence de transposition des directives :
53. Considérant que, si la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle, il ressort de la Constitution et notamment de son article 88-4 que cette exigence n’a pas pour effet de porter atteinte à la répartition des matières entre le domaine de la loi et celui du règlement telle qu’elle est déterminée par la Constitution ;
54. Considérant que l’article L. 535-3 modifié du code de l’environnement se borne à reprendre les dispositions de l’article 25 de la directive 2001/18/CE à l’exception de celles de son paragraphe 4 ;
55. Considérant que le renvoi au décret en Conseil d’État opéré par le législateur pour fixer la liste des informations qui ne peuvent en aucun cas rester confidentielles ne peut être regardé, par lui-même, comme ayant manifestement méconnu la directive 2001/18/CE et, par suite, comme n’ayant pas respecté l’article 88-1 de la Constitution ;
. En ce qui concerne le grief tiré de l’incompétence négative :
56. Considérant qu’en vertu de l’article 7 de la Charte de l’environnement, le droit de toute personne d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques s’exerce « dans les conditions et les limites définies par la loi » ; qu’aux termes de l’article 34 de la Constitution : « La loi fixe les règles concernant… les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » et « la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables » ; qu’elle détermine les principes fondamentaux « de la préservation de l’environnement » ;
57. Considérant qu’en se bornant à renvoyer de manière générale au pouvoir réglementaire le soin de fixer la liste des informations qui ne peuvent en aucun cas demeurer confidentielles, le législateur a, eu égard à l’atteinte portée aux secrets protégés, méconnu l’étendue de sa compétence ; que, dès lors, le renvoi au décret en Conseil d’État opéré par le troisième alinéa de l’article L. 532-4-1 et le second alinéa du II de l’article L. 535-3 , tels qu’ils résultent des neuvième et treizième alinéas de l’article 11 de la loi déférée, est contraire à la Constitution ;
. En ce qui concerne les conséquences de l’inconstitutionnalité des dispositions déférées :
58. Considérant que la détermination des informations qui ne peuvent en aucun cas être considérées comme confidentielles est exigée, en matière d’utilisation confinée d’organismes génétiquement modifiés, par l’article 19 de la directive 90/219/CE susvisée et, en matière de dissémination volontaire de tels organismes, par l’article 25 de la directive 2001/18/CE ; que, par suite, l’établissement des listes énumérant ces informations découle de l’exigence constitutionnelle de transposition en droit interne des directives communautaires ; que la déclaration immédiate d’inconstitutionnalité des dispositions contestées serait de nature à méconnaître une telle exigence et à entraîner des conséquences manifestement excessives ; que, dès lors, afin de permettre au législateur de procéder à la correction de l’incompétence négative constatée, il y a lieu de reporter au 1er janvier 2009 les effets de la déclaration d’inconstitutionnalité ;
– SUR L’ARTICLE 14 :
59. Considérant que l’article 14 de la loi déférée est relatif à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés ; qu’en particulier, son 10° insère dans le code de l’environnement un article L. 533-8 dont le I est ainsi rédigé :
« Après la délivrance d’une autorisation en application des articles L. 533-5 ou L. 533-6, lorsque l’autorité administrative a des raisons précises de considérer qu’un organisme génétiquement modifié autorisé présente un risque pour l’environnement ou la santé publique en raison d’informations nouvelles ou complémentaires devenues disponibles après la délivrance de l’autorisation et qui affectent l’évaluation des risques pour l’environnement et la santé publique, ou en raison de la réévaluation des informations existantes sur la base de connaissances scientifiques nouvelles ou complémentaires, elle peut :
« 1° Limiter ou interdire, à titre provisoire, l’utilisation ou la vente de cet organisme génétiquement modifié sur son territoire, après avis du Haut conseil des biotechnologies ;
« 2° En cas de risque grave, prendre des mesures d’urgence consistant notamment à suspendre la mise sur le marché ou à y mettre fin et en informer le public » ;
60. Considérant que les sénateurs requérants soutiennent que ces dispositions ne respectent pas l’obligation d’information du public prévue par l’article 23 de la directive 2001/18/CE aux termes duquel : « L’État membre veille à ce qu’en cas de risque grave, des mesures d’urgence consistant, par exemple, à suspendre la mise sur le marché ou à y mettre fin, soient prises, y compris en ce qui concerne l’information du public » ;
61. Considérant que les dispositions précitées instaurent une clause de sauvegarde permettant à l’autorité administrative de revenir sur une autorisation de mise sur le marché d’organismes génétiquement modifiés si de nouveaux risques apparaissent ; qu’en l’absence de risque grave, les mesures de sauvegarde seront prises après avis du Haut conseil des biotechnologies, lequel sera rendu public comme l’exige l’article L. 531-3 du code de l’environnement ; que, dès lors que des mesures d’urgence seront arrêtées en cas de risque grave, elles seront portées à la connaissance du public comme le précise le nouvel article L. 533-8 du même code ; que, dans ces conditions, les dispositions contestées ne méconnaissent pas manifestement l’obligation d’information du public prévue par l’article 23 de la directive 2001/18/CE et, par suite, ne sont pas contraires à l’article 88-1 de la Constitution ;
62. Considérant qu’il n’y a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever d’office aucune question de conformité à la Constitution,
D É C I D E :
Article premier.- Sont déclarés contraires à la Constitution, à compter du 1er janvier 2009, le troisième alinéa de l’article L. 532-4-1 et le second alinéa du II de l’article L. 535-3 du code de l’environnement, tels qu’ils résultent des neuvième et treizième alinéas de l’article 11 de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés.
Article 2.- Les articles 2, 3, 6, 7, 8, 10 et 14, ainsi que le surplus de l’article 11 de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés ne sont pas contraires à la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 19 juin 2008, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, MM. Guy CANIVET, Jacques CHIRAC, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Olivier DUTHEILLET de LAMOTHE et Valéry GISCARD d’ESTAING, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Pierre JOXE et Jean-Louis PEZANT, Mme Dominique SCHNAPPER et M. Pierre STEINMETZ.