1. Le développement du contrôle a priori à travers l’émergence de la QPC
a) Une approche initiale différente dans les contrôles a priori et a posteriori
i) Une différence d’appréciation dans la perception des contrôles
622 • Le 1er élément qui marque la spécificité des contrôles se trouve dans la façon de percevoir les décisions prises par le Conseil. L’appréciation effectuée dans le contrôle a priori est une appréciation abstraite en fonction d’un contexte constitutionnel figé sur un texte de loi qui n’a pas encore été appliqué alors que celle effectuée dans le contrôle a posteriori relève d’un contrôle concret visant une loi promulguée ou vivante qui est insérée dans un environnement factuel ou juridique. Les griefs invoqués ne sont pas les mêmes sur une loi déjà appliquée notamment si on tient compte des effets combinées avec d’autres dispositions déjà en vigueur. Par exemple, dans le cadre du contrôle a priori, le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur l’âge de la retraite mais toujours sur de griefs tendant à contester le report de l’âge de la retraite au nom du droit au repos et de la protection sociale des « vieux travailleurs ». La QPC l’a amené, dans ce cadre, à examiner des griefs à front renversé de ceux qui lui ont été soumis dans le cadre du contrôle a priori, les requérants contestant alors le report de l’âge de la retraite dans l’optique opposé de la perte de son emploi et de son droit d’obtenir un emploi (Cf. CC, n°2010-98 DC, 4 février 2011, M. Jacques N. [Mise à la retraite d’office], JO, 5 février 2011, p. 2355, Rec. CC, p. 108). Dans le même ordre d’esprit, il faut relever que l’environnement dans lequel est prise la décision du Conseil dans le cadre du contrôle a priori a toujours été très politisé amenant à des réactions partisanes et s’inscrivant dans la critique politique de l’opposition, le plus souvent auteur de la saisine. A l’inverse, et comme le note Julien Bonnet, « le contrôle a posteriori amorce […] un phénomène de dépersonnalisation politique de la figure du législateur dans le contentieux constitutionnel » (J. Bonnet, « Les contrôles a priori et a posteriori », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°40). La décision, ici, est davantage « juridictionnalisée, désynchronisée du débat parlementaire » et « imputée à un législateur perpétuel et impersonnel et non à un législateur actuel et politique » (Ibid.).
ii) Une différence dans l’utilisation des normes de référence : des normes spécifiques au contrôle a priori parce que non inclus dans la notion de « droits et libertés »
623 • Le 2nd trait principal de distinction concerne les normes de référence utilisées par le Conseil constitutionnel dans les deux contrôles. Celles-ci sont parfois communes : droits et libertés constitutionnels classiques, immixtion du législateur dans le domaine du pouvoir règlementaire ou encore la violation d’un engagement international qui ne saurait être regardé comme un grief d’inconstitutionnalité dans les deux contrôles. Pour autant, il existe de nombreuses normes spécifiques au contrôle a priori, tout particulièrement celles qui n’ont pas été inclus dans la notion des droits et libertés telle que consacrée par l’article 61-1 C° (Cf. J. Bonnet, « Les contrôles a priori et a posteriori », précité ; M. Guerrini, « Les moyens périphériques aux droits et libertés que la Constitution garantit »,www.droitconstitutionnel.org). On peut citer, à titre d’illustration et en tenant de l’ordre chronologique des décisions rendues, l’article 88 C° et l’exigence constitutionnelle de transposition en droit interne des directives communautaires qui « ne relève pas des « droits et libertés que la Constitution garantit » et ne saurait, par suite, être invoqué dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité » (CC, n°2010-605 DC, 13 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, JO, 13 mai 2010, p. 8897, Rec. CC, p. 78, cons. n°19), le principe du consentement à l’impôt (CC, n°2010-5 QPC, 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark [Incompétence négative en matière fiscale], JO, 19 juin 2010, p. 11149, Rec. CC, p. 114), l’article 75-1 C° et le fait que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France » (CC, n°2011-131 QPC, 20 mai 2011, Mme Térésa C. et autre [Exception de vérité des faits diffamatoires de plus de dix ans], JO, 20 mai 2011, p. 8890, Rec. CC, p. 244), l’article 6 de la Charte de l’environnement selon lequel « les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable » (CC, n°2012-283 QPC, 23 novembre 2012, M. Antoine de M. [Classement et déclassement de sites], JO, 24 novembre 2012, p. 18547, Rec. CC, p. 605), les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (CC, n°2013-344 QPC, 27 septembre 2013, Société SCOR SE [Garantie de l’État à la caisse centrale de réassurance, pour les risques résultant de catastrophes naturelles], JO, 1er octobre 2013, p. 16306, Rec. CC, p. 945), les 7 alinéas qui précèdent les articles de la Charte de l’environnement (CC, n°2014-394 QPC, 7 mai 2014, Société Casuca [Plantations en limite de propriétés privées], JO, 10 mai 2014, p. 7873, texte n° 78) ou encore l’article 1er al. 1er C° et le principe de parité (CC, n°2015-465 QPC, 24 avril 2015, Conférence des présidents d’université [Composition de la formation restreinte du conseil académique], JO, 26 avril 2015, p. 7355, texte n° 24).
iii) Une différence dans l’utilisation des normes de références : des normes entourant la procédure législative seulement invocables dans le contrôle a priori
624 • Toujours dans le cas des normes seulement invocables dans le contrôle a priori, il faut citer le cas des normes qui entourent la procédure législative comme le principe de normativité de la loi (CE, 18 juillet 2011, Fédération nationale des chasseurs, no 340512 ; CC, no 2004-500 DC, 29 juillet 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales, JO, 30 juillet 2004, p. 13562, Rec. CC, p. 116) ou les normes relatives à la mise en cause des cavaliers législatifs (CC, no2010-4/17 QPC, 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire de retraite outre-mer], JO, 23 juillet 2010, p. 13615, Rec. CC, p. 156) ; Voir, pour une étude dans le cadre du contrôle a priori : D. Chamussy, « La procédure parlementaire et le Conseil constitutionnel», Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°38, p. 37). C’est aussi le cas des normes relatives à l’organisation territoriale de l’Etat comme celles qui touchent au caractère unitaire (Cass., 2ème civ., 12 octobre 2011, no de pourvoi : 11-40064) ou décentralisé de l’Etat (CE, 15 septembre 2010, Thalineau, req. no330734). Il faut aussi citer l’article 72-1 C° et la possibilité pour le législateur d’organiser une consultation des électeurs en cas de modification des limites d’une collectivité territoriale (CC, n°2010-12 QPC, 2 juillet 2010, Commune de Dunkerque [Fusion de communes], JO, 3 juillet 2010, p. 12121, Rec. CC, p. 134) ou encore l’article 72-2 C° et l’habilitation du législateur à prévoir des dispositifs de péréquation entre collectivités territoriales (CC, n°2010-29/37 QPC, 22 septembre 2010, Commune de Besançon et autre [Instruction CNI et passeports], JO, 23 septembre 2010, p. 17293, Rec. CC, p. 248).
iv) Une différence dans l’utilisation des normes de référence : une incompétence négative du législateur seulement invocable indirectement dans le contrôle a posteriori (1)
625 • Des normes constitutionnelles sont évoquées de manière directe dans le contrôle a priori mais simplement de manière indirecte dans le contrôle a posteriori. C’est, en premier lieu, l’hypothèse de l’incompétence négative du législateur et de la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence qui ne peut être invoqué à l’appui d’une QPC que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit (Cf. P. Rrapi, « L’incompétence négative dans la QPC : de la double négation à la double incompréhension », Nouveaux Cahiers du CC 2012, n°34 ; A. Le Pillouer, « L’incompétence négative des autorités administratives : retour sur une notion ambivalente », RFDA 2009, p. 1203 ; J. Boucher, « L’incompétence négative du législateur », RFDA 2010, p. 704). Le Conseil exclu du champ de la QPC les normes qui ne s’adressent qu’au législateur et aux autorités publiques, les justiciables n’étant, à leur sujet, que les destinataires indirects. Il en est ainsi de la méconnaissance de la procédure d’adoption d’une loi (CC, n°2010-4/17 QPC, 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire de retraite outre-mer], précité), l’empiètement sur le champ du règlement dès lors que l’intervention constitue une garantie supplémentaire pour le justiciable (CE, 15 juillet 2010, Région Lorraine, req. n°340492), la méconnaissance par le législateur organique du champ de sa compétence (CC, n°2012-241 QPC, 4 mai 2012, EURL David Ramirez [Mandat et discipline des juges consulaires], JO, 5 mai 2012, p. 8016, Rec. CC, p. 236), les autorisations constitutionnelles d’habilitations législatives qui ne font qu’habiliter le législateur à intervenir dans un champ de compétence donné (CC, n°2015-471 QPC, 29 mai 2015, Mme Nathalie K.-M. [Délibérations à scrutin secret du conseil municipal], JO, 31 mai 2015, p. 9052, texte n°37).
v) Une différence dans l’utilisation des normes de référence : une incompétence négative du législateur seulement invocable indirectement dans le contrôle a posteriori (2)
626 • L’incompétence négative de la loi doit affecter « par elle-même » les droits et libertés que la Constitution garantit, en cas contraire, le grief doit être écarté (CC, n°2012-254 QPC, 18 juin 2012, Fédération de l’énergie et des mines – Force ouvrière FNEM FO [Régimes spéciaux de sécurité sociale], JO, 19 juin 2012, p. 10179, Rec. CC, p. 292, cons. n°3). Le Conseil a déjà considéré que cette dernière pouvait affecter notamment : la libre administration des collectivités territoriales (CC, n°2012-277 QPC, 5 octobre 2012, Syndicat des transports d’Île-de-France [Rémunération du transfert de matériels roulants de la Société du Grand Paris au Syndicat des transports d’Île-de-France], JO, 6 octobre 2012, p. 15654, Rec. CC, p. 508) ; le droit au recours juridictionnel effectif (CC, n°2012-298 QPC, 28 mars 2013, SARL Majestic Champagne [Taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises – Modalités de recouvrement], JO, 30 mars 2013, p. 5457, Rec. CC, p. 513); la liberté d’entreprendre (CC, n°2013-336 QPC, 1eraoût 2013, Société Natixis Asset Management [Participation des salariés aux résultats de l’entreprise dans les entreprises publiques] [Participation des salariés aux résultats de l’entreprise dans les entreprises publiques], JO, 4 août 2013, p. 13317, Rec. CC, p. 918) ; le droit de propriété (CC, n°2013-343 QPC, 27 septembre 2013, Epoux L. [Détermination du taux d’intérêt majorant les sommes indûment perçues à l’occasion d’un changement d’exploitant agricole], JO, 1er octobre 2013, p. 16305, Rec. CC, p. 942) ; la liberté de communication des pensées et des opinions (CC, n°2013-364 QPC, 31 janvier 2014, Coopérative GIPHAR-SOGIPHAR et autre [Publicité en faveur des officines de pharmacie], JO, 2 février 2014, p. 1991, texte n°45) ; la liberté individuelle, la liberté d’aller et venir et le respect de la vie privée (CC, n°2013-367 QPC, 14 février 2014, Consorts L. [Prise en charge en unité pour malades difficiles des personnes hospitalisées sans leur consentement], JO, 16 février 2014, p. 2726, texte n° 45) ou encore le principe de la participation du public (art. 7 Charte de l’environnement) (CC, n°2014-395 QPC, 7 mai 2014, Fédération environnement durable et autres [Schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie – Schéma régional éolien], JO, 10 mai 2014, p. 7874, texte n°79).
vi) Une différence dans l’utilisation des normes de référence : un principe de séparation des pouvoirs utilisé de façon analogue au principe d’incompétence négative du législateur
627 • Le juge constitutionnel a accepté d’examiner le grief dès lors qu’il était invoqué en tant qu’il en résultait une atteinte à la garantie des droits, elle-même invocable en QPC (CC, n°2010-29/37 QPC, 22 septembre 2010, Commune de Besançon et autre [Instruction CNI et passeports], JO, 23 septembre 2010, p. 17293, Rec. CC, p. 248), en tant qu’il en résultait une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et au droit à un procès équitable, eux-mêmes invocables en QPC(CC, n°2011-192 QPC, 10 novembre 2011, Mme Ekaterina B., épouse D., et autres [Secret défense], JO, 11 novembre 2011, p. 19005, Rec. CC, p. 528) ou encore en tant qu’il en résultait une atteinte au respect des droits de la défense, lui-même invocable en QPC (CC, n° 2015-524 QPC, 2 mars 2016, M. Abdel Manane M. K. [Gel administratif des avoirs], JO, 4 mars 2016, texte n°121). Mais le Conseil a aussi rappelé que le principe n’est pas invocable quand sa méconnaissance n’affecte pas par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Tel est le cas si sont en cause les dispositions du 1er alinéa de l’article 64 C° relative à l’indépendance de l’autorité judiciaire (CC, n°2016-555 QPC, 22 juillet 2016, M. Karim B. [Subordination de la mise en mouvement de l’action publique en matière d’infractions fiscales à une plainte de l’administration], JO, 24 juillet 2016, texte n°29).
vii) Une différence dans l’utilisation des normes de référence : le cas de certains objectifs à valeur constitutionnelle qui ne peuvent être invoqués à l’appui d’une QPC
628 • C’est le cas de certains objectifs de valeur constitutionnelle qui n’ont pas, par nature, vocation à être invoqués dans le cadre de la procédure de l’article 61-1 C° comme l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi (CC, n°2010-4/17 QPC,22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire de retraite outre-mer], précité) sauf lorsqu’il est combiné avec l’article 2 C° qui fait du français la langue de la République (CC, n°2012-285 QPC, 30 novembre 2012, M. Christian S. [Obligation d’affiliation à une corporation d’artisans en Alsace-Moselle], JO, 1er décembre 2012, p. 18908, Rec. CC, p. 636). C’est le cas aussi de l’objectif de bonne administration de la justice (CC, n°2010-77 QPC, 10 décembre 2010, Mme Barta Z. [Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité], JO, 11 décembre 2010, p. 21711, Rec. CC, p. 384), de l’objectif de sauvegarde de l’ordre public (CC, n°2014-422 QPC, 17 octobre 2014, Chambre syndicale des cochers chauffeurs CGT-taxis [Voitures de tourisme avec chauffeurs], JO, 19 octobre 2014, p. 17454, texte n°44) de l’objectif du bon usage des deniers publics (CC, n°2014-434 QPC, 5 décembre 2014, Société de laboratoires de biologie médicale Bio Dômes Unilabs SELAS [Tarif des examens de biologie médicale], JO, 7 décembre 2014, p. 20465, texte n°23) ou encore de l’objectif du droit à un logement décent (CE, 23 mars 2016, M. A. B. contre commune de Colombs-en-Valois, req. n°392638).
b) La confusion entre la nature objective et subjective du contrôle a posteriori
i) L’avènement d’un contrôle concret et subjectif de la loi
629 • Lorsque le dispositif de la QPC a été introduit en France, on a d’abord et surtout parlé de rupture avec le système antérieur amenant à assimiler le contrôle a posteriori à un contrôle nouveau, concret et subjectif du juge par opposition au contrôle a priori jusqu’alors pratiqué procédant plutôt d’un contrôle abstrait et objectif (Voir en ce sens : R. Nollez-Goldbach, « De l’affirmation du Conseil en cour constitutionnelle », JCP 2011, G, n°26, p. 32 ; O. Pfersmann, « Le renvoi préjudiciel sur exception d’inconstitutionnalité : la nouvelle procédure de contrôle concret a posteriori », LPA 2008, 19 décembre, n°254, p. 103). Le contrôle exercé sur une loi appliquée étant nécessairement concret conformément aux doctrines italienne et allemande jusqu’à lors appliquées (Cf. C. Grewe, « Le contrôle de constitutionnalité de la loi en Allemagne : quelques comparaisons avec le système français », Pouvoirs 2011, n°137, p. 143). Certains éléments tendent en effet vers une telle qualification. C’est une situation concrète qui est à l’origine de la QPC puisque cette dernière nait d’un litige pendant devant les juridictions ordinaires. La décision rendue porte le nom des parties et de leurs représentants, la QPC ne peut être relevé d’office par le juge ordinaire et demeure à la disposition des parties, ce n’est pas un moyen d’ordre public. A cela s’ajoute la juridictionnalisation de la procédure que ce soit à travers la possibilité, pour le Conseil, de prononcer des mesures d’instruction ou de prendre en compte les observations des parties. La concrétisation du contrôle peut également découler du fait qu’il porte sur une loi déjà appliquée et interprétée. Le Conseil apprécie, comme on a déjà pu le voir, les changements de circonstances susceptibles de permettre le réexamen d’une disposition législative. Par là même, il peut remettre en cause l’autorité de chose jugée d’une précédente décision de conformité en tenant compte simplement de circonstances de fait. De façon générale, le Conseil n’est pas cantonné à la seule appréciation de la disposition législative mais peut analyser les effets ou la portée effective de la disposition puisque le justiciable, comme déjà mentionné aussi, a le droit de contester l’interprétation jurisprudentielle constante d’une disposition législative (Cf. Supra doctrine sur le droit vivant). Beaucoup d’éléments témoignent aussi de la prise en compte du fait et de l’opportunité dans la procédure et les décisions QPC. Le Conseil prend ainsi garde à l’impact réel de ses décisions dans le paysage juridique. Il se réserve la possibilité de moduler les effets de sa décision et notamment de décider si l’abrogation prend effet immédiatement ou doit être différée ou reportée à une date ultérieure en prenant, par exemple, en compte les contraintes techniques ou matérielles qui s’imposent au législateur ou les objectifs particuliers poursuivis par ce dernier lorsqu’il adopte une loi. De même, le Conseil prend soin de donner un effet utile à la déclaration de non-conformité afin de permettre aux requérants et aux instances en cours de bénéficier des nouvelles dispositions.
ii) Le maintien d’un contrôle abstrait et objectif de la loi
630 • C’est d’abord le législateur organique, lui-même, qui a traduit cette volonté de maintenir une telle nature dans le contrôle a posteriori en rejetant la dénomination de « Cour constitutionnelle », en refusant l’accès direct au Conseil et en instaurant un filtrage des juges du fond ou encore en créant une procédure autonome pour la QPC. C’est toute la logique retenue pour le contrôle a priori qui est, en quelque sorte, ainsi transposée au contrôle a posteriori. La réforme de la QPC relève d’abord d’une logique d’objectivisation. Le Conseil ne devient pas une Cour suprême chapeautant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, il ne se prononce pas directement sur le cas d’espèce. Il traite d’une question de droit, de conformité de la loi à la Constitution. C’est en fonction de la réponse donnée que le juge compétent résout le litige après avoir sursis à statuer. Le contrôle mené par le Conseil est également totalement indépendant de celui des juges ordinaires. Grâce au filtrage des juges ordinaires, chacun des juges garde son domaine de compétence, un contrôle des données factuelles concret et singulier pour les juges ordinaires, un contrôle plus normatif, objectif et abstrait pour le Conseil. Ce n’est pas pour leur situation personnelle et subjective que les parties sont admises à agir devant le Conseil, mais pour les prétentions objectivesqu’elles font valoir ce que confirme la possibilité pour les juges ordinaires de ne pas transmettre de QPC qu’elles jugent dépourvues de moyens sérieux. Le Conseil effectue également un contrôle complet de la disposition législative en ce sens qu’elle sera réputée conforme à l’ensemble des normes constitutionnelles, et ne pourra donc plus, en principe, lui être déférée. A noter enfin que l’extinction de l’instance au fond n’a pas d’incidence sur l’examen de la QPC par le Conseil dès lors que celui-ci a déjà été saisi (art. 23-9 de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 C°).
iii) Un Conseil constitutionnel qui s’inscrit dans la logique abstraite et objective par l’utilisation de certaines techniques contentieuses
631 • Le maintien et l’extension de techniques qui relèvent de l’office du juge constitutionnel dans le contrôle a prioripermettent à ce que le procès incident dans le cadre de la QPC n’absorbe pas le contrôle a priori tout en conduisant à une répartition équilibrée des contentieux. On peut citer, à cet égard, l’utilisation renouvelée de la technique des moyens soulevés d’office qui est remobilisée dans le contrôle a posteriori et qui implique que le Conseil s’estime saisi de l’intégralité de la loi (cette faculté s’est notamment manifestée à 2 reprises : CC, n°2011-147 QPC, 8 juillet 2011, M. Tarek J. [Composition du tribunal pour enfants], JO, 9 juillet 2011, p. 11979, Rec. CC, p. 343 où le Conseil a soulevé d’office le grief tiré de ce que la présidence du Tribunal pour enfants par le juge des enfants qui a instruit la procédure porterait atteinte au principe d’impartialité des juridictions ; CC, n° 2011-153 QPC, 13 juillet 2011, M. Samir A. [Appel des ordonnances du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention], JO, 14 juillet 2011, p. 12251, Rec. CC, p. 362 où le Conseil a estimé que l’article 186 CPP prévoyant les possibilités d’appel contre les ordonnances du juge d’instruction ou du JLD devait être examiné de façon plus générale, au regard de l’équilibre des droits des parties dans la procédure et pas seulement au titre du droit à un recours effectif comme alors suggéré par les auteurs de la QPC). A l’inverse de ce qui est prévu devant le juge de droit commun, le Conseil ne se considère pas comme contraint ou lié par les moyens d’inconstitutionnalité invoqués par les parties. Quand il examine la loi, il le fait en tenant compte de tous les éléments de la Constitution et non pas sur le fondement des seuls griefs contenus dans la question de constitutionnalité. Tous les griefs utiles sont ainsi destinés à être étudiés. La sphère de contrôle du Conseil se doit ainsi d’être la plus large possible pour assurer objectivement le respect du principe de sécurité juridique. Les techniques de l’économie de moyens et de jonction des saisines démontrent aussi que le but premier n’est pas tant de répondre aux moyens invoqués par les parties pris individuellement mais plutôt répondre à la question plus générale de la conformité à la Constitution de la disposition législative.
iv) Un effet erga omnes des décisions rendues en QPC qui s’inscrit également dans le caractère abstrait et objectif du contrôle
632 • S’agissant des effets proprement dits de la décision rendue par le Conseil, c’est un effet erga omnes qui est attaché aux décisions rendues par ce dernier et non un objet inter partes. La norme n’existe plus pour tous, pas simplement pour les parties. Il n’y a pas de distinction entre le traitement de la procédure dans laquelle la QPC a été posée et les autres procédures. La déclaration d’inconstitutionnalité n’est pas réservée à l’instance qui a donné lieu à la QPC, et le constituant parle bien d’ « abrogation » totale de la disposition législative (article 62 C°). La préservation des droits subjectifs du requérant n’est en réalité qu’une conséquence du contrôle, elle n’est pas systématique, ce n’est que si le Conseil en décide ainsi que l’abrogation de la disposition législative bénéficie à l’auteur de la QPC. Par exemple, grâce à l’article 62 C°, le Conseil est investi du pouvoir de déterminer des règles transitoires en attendant l’adoption d’une éventuelle réforme qui remédierait à l’inconstitutionnalité quand cette dernière est prononcée. Il ne s’est, par exemple, pas limité à abroger la composition des tribunaux maritimes commerciaux, il a aussi établi que ceux-ci siègeront, dans l’attente d’une éventuelle loi, dans la composition des juridictions pénales de droit commun (CC, n°2010-10 QPC, 2 juillet 2010, Consorts C. et autres [Tribunaux maritimes commerciaux] précité).
c) Un contrôle a priori au dynamisme nouveau : l’influence de la QPC
i) Des facteurs nouveaux et des pouvoirs plus importants pour le juge a priori
633 • Le contrôle a priori et le contrôle a posteriori contribuent, aujourd’hui, de façon complémentaire au respect des exigences constitutionnelles, la jurisprudence du Conseil s’enrichi sous l’effet combiné de ces deux modes de contrôle. Le contrôle a posteriori est fortement marqué par le legs du contrôle a priori mais il faut aussi indiquer que le nouveau dispositif QPC présente des caractéristiques en mesure de renouveler, de manière substantielle l’exercice du contrôle par voie d’action. Dans le cadre de la QPC, plusieurs éléments sont susceptibles d’avoir une influence notable sur la pratique du contrôle a priori :outre les personnes susceptibles de saisir le Conseil et la publicité des audiences, l’accroissement du nombre des dispositions législatives contestées, la possibilité de faire contrôler des lois anciennes, y compris des lois antérieures à 1958 (Cf. CC, n°2014-429 QPC, 21 novembre 2014, M. Pierre T. [Droit de présentation des notaires], JO, 23 novembre 2014, p. 19677 qui a ainsi conduit le Conseil à contrôler une disposition relative au droit de présentation des notaires qui figurait dans une loi du 28 avril 1816 sur les finances), la prise en compte, par le Conseil, des conditions d’application de la loi ou, par les juges ordinaires, de l’interprétation de la loi. Les pouvoirs du Conseil se sont aussi développés dans le cadre de la QPC : par exemple, la possibilité laissé au Conseil de choisir la date d’effet de sa déclaration d’inconstitutionnalité, la possibilité d’établir les conditions et les limites dans lesquelles les effets produits par la disposition sont sen mesure d’être remis en cause, le pouvoir d’injonction implicite au législateur ou encore le pouvoir d’immixtion dans les procédures juridictionnelles.
ii) La création de certains monopôles et l’encadrement des saisines blanches
634 • La saisine a priori bénéficie aussi indirectement de la combinaison des contrôles qui est susceptible de conduire à une forme de spécialisation du contrôle par voie d’action notamment à l’égard des normes constitutionnelles qui intègrent la périphérie des droits et libertés que la Constitution garantit. Le contrôle par voie d’action a ainsi, par exemple, un monopolesur les questions de procédure législative, l’exigence constitutionnelle de transposition des directives de l’Union, le principe du consentement à l’impôt, ou encore le principe de péréquation financière des collectivités territoriales. C’est le cas pour toutes les règles qui intégreront cette catégorie et qui ne pourront dépendre que d’un contrôle unique par voie d’action. Pour ces moyens périphériques, il n’y aura pas de 2nde chance. De la même façon, le contrôle du respect des principes de droit budgétaire ou de ceux applicables au financement de la sécurité sociale ne peut être assuré que dans le cadre du contrôle a priori. La modification des modalités contentieuses du contrôle a priori pour mieux protéger le contrôle a posteriori témoigne aussi de cette nouvelle complémentarité des contrôles. Plusieurs exemples peuvent être mentionnés. Le législateur a mis en avant que, sauf changement des circonstances, les QPC qui portent sur des dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution seraient irrecevables. Il a limité le champ d’application de cette irrecevabilité aux seules dispositions déjà jugées conformes à la Constitution « dans les motifs et le dispositif » d’une décision du Conseil (article 23-2 2° de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel). La question était aussi de savoir si la pratique des « saisines blanches », en l’occurrence les saisines des parlementaires ne formulant aucun grief, ne pouvait apparaître comme faisant obstacle de manière injustifiée au droit des justiciables de poser une QPC. Elles conduisent, en effet, à une validation quasi mécanique de la loi s’il n’existe pas de grief ou encore un possible et réel examen de la constitutionnalité. Le Conseil a, en conséquence, recadré la pratique en décidant que, faute de griefs, la loi est désormais déclarée conforme à la Constitution dans le dispositif de la décision sans avoir été spécialement examinée dans ses motifs, ce qui ne ferme pas la voie à une éventuelle QPC (CC, n°2011-630 DC, 26 mai 2011, Loi relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016, JO, 2 juin 2011, page 9553, texte n° 2, Rec. CC, p. 249, cons. n°3 ; voir M. Guerrini, « De l’articulation des contrôles a priori et a posteriori de constitutionnalité : le cas des saisines blanches », RFDC 2012, vol. 1, n° 89, p. 109 et suiv.). Depuis 2011, le juge constitutionnel adopte une attitude identique à l’égard des saisines blanches, en refusant de les examiner intégralement et en ne leur accordant plus de brevet de constitutionnalité (Voir, par ex., CC, n° 2016-730 DC, 21 avril 2016, Loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections, JO, 26 avril 2016, texte n°6).
iii) L’encadrement des griefs uniques tenant à la procédure législative
635 • Dans la même logique que celle des saisines blanches, le Conseil a cessé de déclarer conforme à la Constitution, dans le dispositif de ses décisions, les dispositions contre lesquelles seul un grief tenant à la procédure législative est soulevé, réservant ainsi la voie à une contestation de ces dispositions par d’éventuelles QPC (Voir, par ex., CC, n°2012-654 DC, 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012,JO, 17 août 2012, p. 13496, Rec. CC, p. 461). Le juge constitutionnel veille aussi à préserver l’avenir en se gardant de soulever d’office des conclusions au-delà de celles figurant dans la saisine parlementaire (Cf. CC, n°2013-665DC, 28 février 2013, Loi portant création du contrat de génération, JO, 3 mars 2013, p. 3946, Rec. CC, p. 412 ; Cf. C. Bezzina, « L’étendue du contrôle du Conseil Constitutionnel sur la loi ordinaire à travers l’étude des moyens et conclusions soulevés d’office »,www.droitconstitutionnel.org). Si les requérants ne contestent que la procédure d’adoption de la loi, le juge constitutionnel, aujourd’hui, « préserve « le droit à QPC » » (C. Fernandes, « Le contrôle de constitutionnalité a priori exercé sur les lois ordinaires depuis l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité », RFDA 2018, p. 387 et suiv.) en n’effectuant pas de contrôle intégral sur les dispositions contestées (Cf. CC, n° 2016-744 DC, 29 décembre 2016, Loi de finances pour 2017, JO, 30 décembre 2016, texte n°5 ; CC, n°2016-745 DC, 26 janvier 2017, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, JO, 28 janvier 2017, texte n°2 ; CC, n° 2017-752 DC, 8 septembre 2017, Loi pour la confiance dans la vie politique, JO, 16 septembre 2017, texte n°5).
iv) La mise en place du triple test de proportionnalité
636 • C’est plus ou moins conjointement à la mise en place de la QPC que le juge constitutionnel a rehaussé l’intensité de son contrôle en exerçant désormais un triple test de proportionnalité en vertu duquel les atteintes portées à la liberté individuelle doivent être « adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis » (CC, n°2008-562 DC, 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, JO, 26 février 2008, p. 3272, Rec. CC, p. 89 ; Voir V. Goesel Le Bihan, « Le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil constitutionnel, technique de protection des libertés publiques ? », Jus Politicum 2012, n° 7 qui souligne les limites néanmoins apportées par un tel contrôle) avant de l’étendre à la liberté d’expression et de communication (CC, n°2009-580 DC, 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, JO, 13 juin 2009, p. 9675, Rec. CC, p. 107 et CC, n°2012-647 DC, Loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, JO, 2 mars 2012, p. 3988, Rec. CC, p. 139) puis au droit au respect de la vie privée (CC, n°2012-652 DC, 22 mars 2012, Loi relative à la protection de l’identité, JO, 28 mars 2012, p. 5607, Rec. CC, p. 158) ou, plus récemment, à la liberté de manifester (CC, n° 2019-780 DC, 4 avril 2019, Loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations, JO, 11 avril 2019, texte n°2). Dans la même logique, c’est la même année que le Conseil a rendu sa 1ère décision DC procédant un report dans le temps des effets d’une déclaration de non-conformité (CC, n°2008-564 DC, 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés, JO, 26 juin 2008, p. 10228, Rec. CC, p. 313).
v) L’épanouissement de la jurisprudence État d’urgence en Nouvelle-Calédonie
637 • Le dernier exemple du développement du contrôle a priori depuis l’instauration de la QPC réside dans l’épanouissement de la jurisprudence « Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie » (CC, n°85-187 DC, 25 janvier 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances, JO, 26 janvier 1985, p. 1137, Rec. CC, p. 43) permettant de connaitre d’une disposition législative promulguée à l’occasion de l’examen des dispositions d’une loi nouvelle qui la « modifient, la complètent ou affecte son domaine ». Il s’agissait de faire obstacle aux lacunes du contrôle a priori en introduisant un assouplissement nécessaire en cas d’élément nouveau survenant après l’adoption de la loi. En dépit de son caractère novateur, cette jurisprudence a été très peu utilisée, il a fallu attendre 1999 (CC, n°1999-410 DC, 15 mars 1999, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, JO, 21 mars 1999, p. 4234, Rec. CC, p. 51) puis 2002 (CC, n°2002-464 DC, 27 décembre 2002, Loi de finances pour 2003, JO, 31 décembre 2002, p. 22103, Rec. CC, p. 583) pour voir les premières applications. L’entrée en vigueur de la QPC semblait avoir dissous l’utilité de cette jurisprudence mais on a assisté, paradoxalement et au contraire, à une résurgence assez spectaculaire de la pratique selon des modalités, qui plus est, assez inédites et plus extensives quant aux conditions de recours à cette jurisprudence (Cf. C.-E. Sénac, « Le renouveau de la jurisprudence Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie », RDP 2013, p. 1453 ou C. Fernandes, « Le contrôle de constitutionnalité a priori exercé sur les lois ordinaires depuis l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité », RFDA 2018, p. 387 et suiv.). L’idée étant dorénavant de renforcer le contrôle a priori par rapport au contrôle a posteriori, le Conseil pouvant se prononcer sur la loi antérieure sans être dépendant d’une QPC. C’est en réalité une voie de droit autonome qui est mise en avant, le Conseil disposant ainsi et désormais de deux voies pour contrôler la conformité à la Constitution des lois en vigueur : la QPC et la jurisprudence « néocalédonienne ». Des conditions originales apparaissent dans l’utilisation de la procédure. Certains ont, par exemple, pu faire état de la chronologie inversée des contrôles dorénavant opérée (C.-E. Sénac, « Le renouveau de la jurisprudence Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie », précité) ou de la mise en œuvre du mécanisme à l’égard d’une disposition nouvelle qui affecte « indirectement » le domaine d’application de la loi en vigueur conduisant à déclarer contraire à la Constitution la disposition législative promulguée tout en déclarant conforme la loi nouvelle (Cf. J. Bonnet, « L’épanouissement de la jurisprudence Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie », AJDA 2014, p. 467 ; CC, n°2012-659 DC, 13 décembre 2012, Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, JO, 18 décembre 2012, p. 19861, Rec. CC, p. 680 ; CC, n°2012-662 DC, 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013, JO, 30 décembre 2012, p. 20966, Rec. CC, p. 724).
vi) L’utilisation de techniques contentieuses qui n’avaient jamais été utilisées jusque-là dans le contrôle a priori
638 • Un autre aspect de l’originalité de la démarche renouvelée du Conseil réside dans l’utilisation de techniques contentieuses qui n’avait, jusque-là, jamais été utilisées dans ce cadre précis. Par exemple, le Conseil reprend, depuis 2012, les déclarations d’inconstitutionnalité dans le dispositif allant même affirmer, de manière inédite, qu’une disposition législative promulguée est déclarée contraire à la Constitution (CC, n°2012-654 DC, 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II), JO, 17 août 2012, p. 13496, Rec. CC, p. 461, annonce faite dans le dispositif). Toujours dans le dispositif, le Conseil règle dorénavant lui-même les effets dans le temps de la déclaration d’inconstitutionnalité. C’est grâce à une interprétation constructive des textes qu’il a importée, depuis le contentieux QPC, la possibilité de moduler dans le temps les effets de sa décision « néocalédonienne » (CC, n°2013-672 DC, 13 juin 2013, Loi relative à la sécurisation de l’emploi, JO, 16 juin 2013, p. 9976, Rec. CC, p. 817, cons. n°14). Le dispositif peut également s’appuyer sur des réserves d’interprétation. Le Conseil a, à titre d’illustration, dans le contrôle de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, porté à son examen, tout à la fois les dispositions de la loi déférée qui ouvrent le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe et les dispositions sur l’adoption que cette loi rend applicables aux couples de personnes de même sexe. S’il a jugé la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe conforme à la Constitution, il a également formulé, aux fins de respect de dispositions constitutionnelles tenant à l’intérêt de l’enfant, une réserve d’interprétation relative à l’agrément en vue de l’adoption de l’enfant (CC, n°2013-669 DC, 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, JO, 18 mai 2013, p. 8281, Rec. CC, p. 721). Au final, avec la combinaison des contrôles, c’est à un véritable dialogue avec le législateur auquel on assiste. Plus que jamais, le Conseil est conduit à fournir un mode d’emploi au législateur qu’il ait désormais lieu avant la promulgation ou après l’entrée en vigueur de la loi.
d) L’apport des contrôles de constitutionnalité a priori et a posteriori au travail du législateur
i) Un juge constitutionnel qui protège toujours le législateur
639 • Comme peut le relever Georges Bergougnoux, le Conseil n’est pas, quelque part, l’ennemi des parlementaires, en réalité, il « protège le législateur » (G. Bergougnoux, « Le Conseil constitutionnel et le législateur », Nouveaux cahiers du CC 2013, n°38) mais cette protection il l’exerce dans une optique de dialogue avec ce dernier. Par exemple, lorsqu’une procédure est utilisée par la majorité, de manière quelque peu abusive voire détournée pour des gains de temps notamment, le Conseil ne remet pas systématiquement en cause la procédure et tient compte des circonstances dans lesquelles elle est intervenue (il prend en compte, par exemple, le fait qu’elle constitue une réponse à une obstruction caractérisée de l’opposition : CC, n°95-370 DC, 30 décembre 1995, Loi autorisant le Gouvernement, par application de l’article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale, JO, 31 décembre 1995, p. 19111, Rec. CC, p. 269, cons. n°12 ; en ce sens, G. Bergougnoux, « Le Conseil constitutionnel et le législateur » précité). De même, au cours de la période récente, la jurisprudence du Conseil relative aux conditions d’exercice du droit d’amendement a connu de sensibles inflexions : ce droit s’est vu opposer un certain nombre de limites (CC, n°2005-532 DC, 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers, JO, 24 janvier 2006, p. 1138, Rec. CC, p. 31, cons. n°24 à n°27) mais qui sont en réalité protectrice du Parlement. C’est en se fondant sur le nouveau principe constitutionnel de « clarté et sincérité du débat parlementaire » (explicitement dégagé par la décision CC, n°2005-526 DC, 13 octobre 2005, Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale, JO, 20 octobre 2005, p. 16610, Rec. CC, p. 144, cons. n°5 et confirmé par la décision CC, n°2006-537 DC, 22 juin 2006, Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale, JO, 27 juin 2006, p. 9647, Rec. CC, p. 67, cons. n°10) fondé sur l’article 6 DDHC (« La Loi est l’expression de la volonté générale ») et l’article 3 al. 1er C° (« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants […] ») que le Conseil a fondé sa jurisprudence.
ii) Un juge constitutionnel qui adopte une interprétation neutralisante de l’art. 88-1 C°
640 • Lorsque des droits et libertés protégés par la Constitution le sont aussi par les conventions internationales, le Conseil prend également soin de préserver le législateur national à travers une interprétation neutralisante de l’article 88-1 C°. La primauté de la Constitution amènerai normalement au contrôle et à la censure éventuelle des dispositions législatives contraires à la norme fondamentale, malgré leur origine liée au droit de l’Union. Mais l’exercice d’un tel contrôle entrainerait, de manière virtuelle, une possible paralysie de la transposition de la directive, au mépris des obligations liées au droit de l’Union de notre pays.Face à ce problème, le Conseil constitutionnel va réussir à établir un compromis propre à accommoder la primauté traditionnelle de la Constitution et la nécessaire réalisation de l’opération de transposition en établissant une obligation constitutionnelle de transposition des directives, sur le fondement de l’article 88-1 C° à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse (CC, n°2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique, JO, 22 juin 2004, p. 11182, Rec. CC, p. 101, cons. n°7) et spécifique (CC, n°2004-498 DC, 29 juillet 2004, Loi relative à la bioéthique, JO, 7 août 2004, p. 14077, Rec. CC, p. 122, cons. n°7) contraire de la Constitution. La primauté constitutionnelle interne est ainsi préservée tout en assurant le principe de primauté du droit de l’Union. Dans la même logique, le Conseil a clairement affirmé « que la transposition d’une directive ne saurait aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » (CC, n°2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, JO, 3 août 2006, p. 11541, Rec. CC, p. 88, cons. n°19), partant du postulat de principe selon lequel l’existence du principe de primauté « est sans incidence sur l’existence de la Constitution française et sa place au sommet de l’ordre juridique interne » (CC, n°2004-505 DC, 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe, JO, 24 novembre 2004, p. 19885, Rec. CC, p. 173, cons. n°10). La primauté du droit de l’Union reste inopposable, dans l’ordre juridique interne, aux dispositions de la Constitution française inhérentes à ses structures fondamentales. Enfin, et poursuivant cette évolution, le juge constitutionnel a pu juger qu’en « imposant l’examen par priorité des moyens de constitutionnalité avant les moyens tirés du défaut de conformité d’une disposition législative aux engagements internationaux de la France, le législateur organique a entendu garantir le respect de la Constitution et rappeler sa place au sommet de l’ordre juridique interne » (CC, n°2009-595 DC, 3 décembre 2009, Loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, JO, 11 décembre 2009, p. 21381, Rec. CC, p. 206, cons. n°14).
iii) Une QPC qui amène à ce que le juge constitutionnel devienne coproducteur de la loi
641 • Au-delà de la protection du législateur ainsi établie par le Conseil, la procédure de QPC renouvelle en profondeur les rapports entre la procédure législative et le contrôle de constitutionnalité. Le contrôle a priori ne constitue qu’une étape de l’élaboration de la loi à laquelle participe les parlementaires. Le contrôle a posteriori s’inscrit en dehors de cette élaboration de la loi, la procédure législative et le contrôle de constitutionnalité se succédant dans le temps. Plus précisément, la QPC se déroule dans le cadre d’une procédure juridictionnelle vis-à-vis de laquelle les parlementaires sont exclus. Donc, a priori, la QPC ne touche pas directement la procédure parlementaire mais on peut dire qu’elle va produire, indirectement, des effets non négligeables sur le travail des représentants au Parlement. C’est toute la législation en vigueur qui est en mesure de subir le contrôle de la Constitution. Il est certain qu’aujourd’hui, « le législateur négatif que doit être le Conseil constitutionnel devient un participant direct à la confection de la loi, un coproducteur de la loi ». (G. Drago, « L’influence de la QPC sur le parlement ou la loi sous la dictée du Conseil constitutionnel », Jus Politicum 2011, n°6). Le contrôle par voie d’action avait déjà, en son temps, exercé une influence notable sur le travail parlementaire. Le 1er exemple est l’attitude du Conseil vis-à-vis du principe de séparation des pouvoirs. Le juge sanctionne comme une atteinte à la séparation des pouvoirs les intrusions, non prévues par la Constitution, d’un pouvoir dans l’exercice des fonctions d’un autre, même si, on le sait, il ne sanctionne pas l’intrusion de la loi dans le domaine réglementaire (même s’il n’hésite pas à sanctionner un législateur s’aventurant hors de son domaine de prédilection. Cf. Censure de la modification du traitement du Président de la République et du Premier ministre, soulevée d’office : CC, n°2012-654 DC, 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II), JO, 17 août 2012, p. 13496, Rec. CC, p. 461, cons. 81 et 82). En d’autres termes, « invoquant le principe de la séparation des pouvoirs, le Conseil cherche à maintenir les équilibres mis en place par la Constitution, quitte parfois à opter pour une conception très rigide du principe qui privilégie la spécialisation des fonctions à la répartition de celles-ci » (Cf. A. Roblot-Troizier, « Un concept moderne : séparation des pouvoirs et contrôle de la loi », Pouvoirs 2012, n°143, p. 89). Ainsi, concernant les rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, le législateur ne saurait, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, adresser des injonctions au gouvernement tendant à ce qu’il consulte une commission parlementaire (CC, n°2009-577 DC, 3 mars 2009, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision,JO, 7 mars 2009, p. 4336, Rec. CC, p. 64, cons. n°29 à n°31).
iv) Un juge constitutionnel qui rappelle l’indépendance des juridictions et qui corrige les dérapages du pouvoir législatif dans la protection des droits
642 • Le Conseil rappelle l’indépendance des juridictions et « le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le gouvernement » (CC, n°80-119 DC, 22 juillet 1980, Loi portant validation d’actes administratifs, JO, 24 juillet 1980, p. 1868, Rec. CC, p. 46, cons. n°6) quand il doit évoquer les rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir juridictionnel. Pour lui, « il n’appartient pas au législateur de censurer les décisions des juridictions et d’enfreindre par là même le principe de séparation des pouvoirs » (CC, n° 87-228 DC, 26 juin 1987, Loi organique relative à la situation des magistrats nommés à des fonctions du premier grade, JO, 26 juin 1987, p. 6998, Rec. CC, p. 38, cons. n°8), ni à des commissions parlementaires d’enquêter sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires(CC, n°2009-582 DC, 25 juin 2009, Résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat, JO, 28 juin 2009, p. 10871, Rec. CC, p. 132). Il s’est aussi montré plus que vigilant dans son rôle de défenseur des droits fondamentaux et des libertés essentielles, face aux excès de pouvoir législatifs, en accordant une protection toute particulière aux libertés de 1er rang. Il n’a pas été appelé à créer des droits fondamentaux nouveaux et il a pris garde à ne pas porter atteinte au pouvoir d’appréciation et de décision du législateurmais, dans le cadre de son pouvoir d’interprétation des normes, il a pu préciser le contenu et la portée des droits et libertés. On peut citer, à titre d’exemple, l’interprétation donnée à l’article 8 DDHC consacrant les principes de nécessité, proportionnalité et d’individualisation des peines. Pour le Conseil, l’article ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition (CC, n°82-155 DC, 30 décembre 1982, Loi de finances rectificative pour 1982, JO, 31 décembre 1982, p. 4034, Rec. CC, p. 88). Il implique aussi bien une proportionnalité des délits et des peines (CC, n° 88-248 DC, 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, JO, 18 janvier 1989, p. 754, Rec. CC, p. 18, cons. n°30) que l’exigence de l’application immédiate d’une loi pénale plus douce (CC, n°80-127 DC, 19 et 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes, JO, 22 janvier 1981, p. 308, Rec. CC, p. 15).
v) Une QPC qui influence les débats législatifs
643 • L’influence de la QPC se répercute aussi, de manière générale, sur les débats législatifs. On a déjà pu parler, à propos du contrôle a priori, d’un véritable processus de réécriture de la loi, que ce soit après des décisions de censure partielle ou totale ou que ce soit après des décisions de conformité à la Constitution mais accompagnées de réserves d’interprétation à destination des parlementaires. La menace du recours au Conseil a imprégné ainsi, peu à peu, le travail d’écriture de la loi. Cette évolution n’a fait que se confirmer avec l’avènement de la QPC dont la crainte pèse ainsi sur les débats législatifs. Les parlementaires doivent redoubler d’attention pour éviter d’éventuelles failles juridiques portant atteinte aux droits et libertés. Dorénavant, l’absence d’opposition juridique dans le contrôle a priori ne suffit plus à pallier le risque d’inconstitutionnalité. La QPC a, par exemple, été invoquée directement dans les débats sur la loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures par fracturation hydraulique (loi n°2011-835 du 13 juillet 2011 (JO, 14 juillet 2011, p. 12217) visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique) ou lors de l’examen de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (Loi n°2013-404 du 17 mai 2013 (JO, 18 mai 2013, p. 8253) ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe). Les QPC seront ultérieurement transmises mais sans succès (respectivement, CC, n°2013-346 QPC,Société Schuepbach Energy LLC [Interdiction de la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures – Abrogation des permis de recherches], JO, 13 octobre 2013, p. 16905, Rec. CC, p. 988 et CC, n°2013-353 QPC, M. Franck M. et autres [Célébration du mariage – Absence de « clause de conscience » de l’officier de l’état civil], JO, 20 octobre 2013, p. 17279, Rec. CC, p. 1002). Il faut aussi relever que les autorités parlementaires et gouvernementales participent à l’instruction d’une QPC devant le juge constitutionnel, elles ont le même statut procédural que les parties. Les décisions rendues au titre de l’article 61-1 C° sont communiquées aux présidents des assemblées (art. 23-11 al. 2 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958). Le contradictoire s’applique à eux comme aux parties. Ils sont destinataires des décisions de renvoi QPC (art. 23-8 al. 1er de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958) et de toutes les productions des parties au cours de la procédure contradictoire (art. 1er Règlement QPC) sur lesquelles, à chaque fois, ils peuvent adresser leurs observations. En pratique, cette possibilité n’est guère utilisée par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat eu égard au fait que le 1er Ministre, qui bénéficie du même statut procédural, intervient à chaque audience QPC par le biais d’un agent du secrétariat général du gouvernement pour prononcer ses observations (art. 10 al. 2 Règlement intérieur QPC) (Cf. O. Dord, « La QPC et le Parlement : une bienveillance réciproque », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°38).
vi) Une abrogation de dispositions législatives toujours envisagé en dernier ressort et toujours en prenant en compte la parole du législateur (1)
644 • La sanction des atteintes de la loi aux droits et libertés que la Constitution garantit prend la forme, inédite, dans le contentieux constitutionnel, d’une abrogation des dispositions législatives fautives. Cette sanction peut apparaitre comme un affront ou relevant du « gouvernement des juges » mais, dans son contrôle et dans l’exécution des décisions, le Conseil laisse, la plupart du temps, « la parole au Parlement » (O. Dord, « La QPC et le Parlement : une bienveillance réciproque », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°38) ou est amené, toujours la plupart du temps, à sauver la disposition litigieuse de l’abrogation. Le plus souvent, la disposition portant atteinte est abrogée avec effet immédiat ce qui n’amène pas d’intervention du législateur, la décision se suffisant à elle-même. Le Conseil prend néanmoins garde de se voir accuser de participation directe à la fonction législative. On peut néanmoins citer la décision relative à la composition des commissions départementales d’aide sociale (CDAS) où le Conseil a fait le choix non de censurer l’article L. 134-6 CASF mais de déclarer contraires à la Constitution ses 2ème et 3ème alinéas qui prévoient la présence au sein de la CDAS, respectivement, des trois conseillers généraux et des trois fonctionnaires (CC, n°2010-110 QPC, 25 mars 2011, M. Jean-Pierre B. [Composition de la commission départementale d’aide sociale], JO, 26 mars 2011, p. 5406, Rec. CC, p. 160). Le choix de cette censure partielle correspond à la volonté de permettre que la décision soit applicable immédiatement et bénéficie notamment à la partie qui a soulevé la QPC mais la solution ainsi dégagée ne se prive pas de redonner la main au législateur en ajoutant à la déclaration de constitutionnalité « sans préjudice de modifications ultérieures de cet article » (cons. n°9) ce qui préserve la liberté du législateur tout en l’invitant à intervenir.
vii) Une abrogation de dispositions législatives toujours envisagé en dernier ressort et toujours en prenant en compte la parole du législateur (2)
645 • Dans le cas où l’abrogation immédiate n’est pas possible, le Conseil peut décider de différer dans le temps la date d’abrogation en fixant lui-même la date à laquelle elle intervient. Le délai ainsi délimité permet au législateur d’intervenir pour remédier à l’inconstitutionnalité sanctionnée et fait en sorte que ce dernier participe directement au système juridictionnel ainsi mis en œuvre dans le cadre de la QPC. Plusieurs considérations peuvent justifier le report : l’abrogation immédiate pourrait avoir des conséquences manifestement excessives, les conséquences à tirer de la disparition de la norme inconstitutionnelle pourraient conduire le Conseil à se substituer au Parlement ou encore l’abrogation immédiate pourrait ne pas satisfaire aux exigences constitutionnelles qui ont été méconnues. Lorsqu’il agit de la sorte, le Conseil règle aussi la question de la période transitoire. Il peut maintenir en application la disposition déclarée inconstitutionnelle (par ex., CC, n°2014-387 QPC, 4 avril 2014, M. Jacques J. [Visites domiciliaires, perquisitions et saisies dans les lieux de travail], JO, 5 avril 2014, p. 6480). Il peut, aussi, pour préserver l’effet utile de la déclaration, effectuer deux types de demande. Il peut demander au juge ordinaire, qui est saisi d’instances concernant l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles, de surseoir à statuer jusqu’à ce que la loi intervienne tout en précisant que le législateur devra rendre cette loi applicable aux instances en cours à la date de la publication de la décision (Par ex., CC, n°2010-83 QPC, 13 janvier 2011, M. Claude G. [Rente viagère d’invalidité], JO, 14 janvier 2011, p. 811, Rec. CC, p. 57 et CC, n°2013-343 QPC, 27 septembre 2013, Époux L. [Détermination du taux d’intérêt majorant les sommes indûment perçues à l’occasion d’un changement d’exploitant agricole], JO, 1er octobre 2013, p. 16305, Rec. CC, p. 942). Il peut, enfin, combiner une abrogation reportée dans le temps et une réserve d’interprétation transitoire neutralisant les effets inconstitutionnels de la disposition en cause jusqu’à son remplacement par une loi nouvelle (Cf. CC, n°2014-400 QPC, 06 juin 2014, Société Orange SA [Frais engagés pour la constitution des garanties de recouvrement des impôts contestés], JO, 8 juin 2014, p. 9674 et CC, n°2014-404 QPC, 20 juin 2014, Epoux M. [Régime fiscal applicable aux sommes ou valeurs reçues par l’actionnaire ou l’associé personne physique dont les titres sont rachetés par la société émettrice], JO, 22 juin 2014, p. 10315).
viii) Une abrogation de dispositions législatives toujours envisagé en dernier ressort et toujours en prenant en compte la parole du législateur (3)
646 • Il y a des cas aussi où le Conseil est amené à sauver la disposition législative litigieuse de l’abrogation. Comme on a déjà pu le voir (Cf. Supra), le juge peut d’abord se fonder sur la jurisprudence du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation pour déclarer conforme à la Constitution la norme qu’il interprète (Cf. Par ex., CC, n°2011-210 QPC, 13 janvier 2012,M. Ahmed S. [Révocation des fonctions de maire], JO, 14 janvier 2012, p. 753, Rec. CC, p. 78 où la décision se fonde sur « la jurisprudence constante du Conseil d’Etat » (cons. n°5) pour écarter les griefs tirés de la violation de l’article 8 DDHC par un article du CGCT relatif à la révocation et à la suspension des maires et de leurs adjoints). Pour éviter la censure de dispositions législatives, le Conseil peut aussi utiliser la technique des réserves d’interprétation, technique issu du contrôle par voie d’action alors transposée en matière de QPC. Dans ce cadre, il ne se prive pas d’aider à l’exécution de la décision pour encadrer les effets potentiellement néfastes de la réserve (Cf. Par ex., CC, n°2010-8 QPC, Epoux L. [Faute inexcusable de l’employeur], JO, 19 juin 2010, p. 11149, Rec. CC, p. 117 où le Conseil pose une réserve permettant d’élargir les possibilités pour une victime d’un accident de travail d’indemnisation par l’employeur (considérant n°18) avec le commentaire autorisé de la décision qui détaille expressément 5 conséquences directement attachées à cette réserve : www.conseil-constitutionnel.fr). Ces réserves font parfois l’objet de critiques mais ces dernières procèdent plus d’un dialogue entre le Conseil et le législateur que d’une logique de conflit.
2. Un Conseil constitutionnel qui devient une Cour constitutionnelle
647 • Le Conseil constitutionnel ne peut plus, aujourd’hui, prétendre à correspondre aux qualificatifs dont il avait pu faire l’objet lors de sa création : « chien de garde de l’exécutif » (Michel Debré), « canon braqué contre le Parlement » (Charles Eisenmann), l’institution qui « rend des services et non pas des arrêts » (selon le qualificatif employé sous la restauration à propos de la Chambre des pairs, chambre haute en charge alors d’une justice exceptionnelle et à l’inverse de l’expression alors employé par le baron Antoine de Séguier, 1er président de la Cour d’appel de Paris de 1811 à 1848, en 1824 en réponse au garde des sceaux qui lui demandait d’être indulgent dans un procès contre la presse) ou encore, comme il s’était lui-même qualifié, organe régulateur de l’activité des pouvoirs publics » (CC, n°62-20 DC, 6 novembre 1962, Loi relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, préc., cons. n°2). Le dialogue quotidien qu’il a engagé, depuis l’instauration de la procédure, avec les citoyens, les juges ordinaires ou encore les juges européens fait qu’il se transforme en une « juridiction constitutionnelle pleine et entière ».
a) Un juge constitutionnel nouveau
i) La constitutionnalisation du droit et la naissance de l’ordre constitutionnel
648 • Le succès de la QPC a renforcé l’évolution qui a vu, depuis 40 ans, le Conseil devenir le défenseur des droits et libertés constitutionnellement garantis. L’action conjuguée du législateur et du Conseil lui-même a permis, progressivement, à partir des années 1970, de soumettre la sphère politique aux droits et libertés garantis par la Constitution mais cette action conjointe a aussi « permis, concomitamment, l’enclenchement d’un autre processus durable et profond : le droit lui-même a été saisi par la Constitution » (O. Jouanjan, « Modèles et représentations de la justice constitutionnelle en France : un bilan critique », Jus Politicum 2009, n° 2). C’est le processus de la « constitutionnalisation des branches du droit » cher au professeur Favoreu (L. Favoreu, « La constitutionnalisation du droit », Mélanges Drago, Paris, Economica, 1996, p. 42 ou, plus récemment, études réunies par N. Molfessis, « Sur les rapports entre le Conseil constitutionnel et les diverses branches du droit », Cahiers du CC 2004, n° 16, p. 98). C’est la naissance de l’ « ordre constitutionnel » (Cf. L. Favoreu, Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 5ème éd., 2002, p. 304 et suiv. qui y consacre un chapitre) qui peut alors se définir comme étant « un « ordre politique », mais « saisi par le droit » ; […] un « ordre juridique », mais saisi par la Constitution » (O. Jouanjan, « Modèles et représentations de la justice constitutionnelle en France : un bilan critique » précité), le nouveau droit constitutionnel se définissant comme étant un « droit de la Constitution » en même temps qu’une « constitution du droit » (L. Favoreu, « Le droit constitutionnel, droit de la Constitution et constitution du droit », RFDA 1990, n° 1, p. 72).
ii) La juridictionnalisation progressive de l’institution à partir des années 1970/1980
649 • L’une des premières questions touchant au Conseil constitutionnel, pendant les années 1970, était relative au fait de savoir s’il était ou non une juridiction. Il n’y avait rien, dans le texte constitutionnel, qui évoquait la notion de « juges » ou celle de « fonction juridictionnelle ». C’est la doctrine qui, devant le silence des textes, allait attribuer une nature juridictionnelle au Conseil (Cf. Par ex., F. Luchaire, « Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction ? », RDP 1979, p. 27 ; « Le Conseil constitutionnel et la protection des droits et libertés », Mélanges Waline, Paris, LGDJ, vol. 2, 1974, p. 563). Le terme « jurisprudence » pour désigner les décisions du Conseil ne se diffuse véritablement qu’à partir du milieu des années 1970 lorsqu’il est créé dans la Revue de droit public, une chronique régulière de « jurisprudence constitutionnelle » sous la direction de Louis Favoreu et Loïc Philip. Le droit constitutionnel devient ainsi progressivement un droit « jurisprudentiel » et les constitutionnalistes transposent la posture d’ « arrêtiste », caractéristique du travail de la doctrine en droit administratif, à l’étude des décisions du Conseil (Cf. A. Viala, « Le droit constitutionnel à l’heure du tournant arrêtiste. Questions de méthode », RDP 2016, p. 1137). Ils se fondent, pour cela, sur 3 éléments principaux : le fait que le Conseil tranche, par une décision définitive, une contestation, au sens large, portant, en réalité, sur une question de droit, le fait qu’il existe, devant lui, un litige qui nécessite l’intervention d’une tierce personne et, enfin, le fait que les décisions du Conseil vont être revêtues de l’autorité de chose jugée (Cf. D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, 11ème éd., 2016). C’est le Conseil, lui-même, sur ce dernier point, qui allait se faire « juridiction » en précisant, face à l’imprécision de l’article 62 C°, que l’autorité attachée à ces décisions était une autorité de chose jugée (l’expression ne sera présente expressément dans la jurisprudence du Conseil qu’en 1988 : CC, n°88-244 DC, 20 juillet 1988, Loi portant amnistie, JO, 21 juillet 1988, p. 9448 ; Rec. CC, p. 119). Puis la juridictionnalisation s’est progressivement installée dans le contrôle a priori par l’instauration pas à pas du contradictoire, la publication, à partir de 1983, des lettres de saisines au journal officiel puis des observations en défense du gouvernement.
iii) Une juridictionnalisation renforcée par la création du contrôle a posteriori
650 • Avec la création du contrôle a posteriori, la juridictionnalisation est immanquablement renforcée. Le litige constitutionnel s’insère dorénavant dans un litige ordinaire, auquel il apporte une solution. L’autorité de la chose jugée renforce ainsi la position du Conseil comme interprète de la Constitution et l’installe comme une véritable juridiction. Le Conseil n’a pas tous les signes extérieurs de la juridiction (il ne statue pas, par ex., au nom du peuple français) mais « la chose juridictionnelle est là » (Cf. D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel précité qui souligne notamment que, depuis le 10 mai 2016, la formule « jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du … » figure en bas des décisions QPC). Pour autant, si le Conseil constitutionnel est désormais une juridiction, il n’est pas une juridiction comme les autres mais une juridiction constitutionnelle. Dans un 1er temps, ces juridictions particulières étaient exclues du champ d’application de l’article 6-1 ConvEDH, avant que n’intervienne une jurisprudence contraire (CourEDH, 23 juin 1993, Ruiz-Mateos contre Espagne, req. n°12952/87, § 59 ; CourEDH, 16 septembre 1996, Süssmann contre Allemagne, req. n°20024/92, § 39) soumettant notamment les procédures constitutionnelles qui déterminent l’issue d’un litige portant sur des droits et obligations de caractère civil ou une accusation pénale, ce qui est le cas de la QPC (Cf., en ce sens, S. de la Rosa, « L’article 6 § 1 de la Convention européenne, le Conseil constitutionnel et la question préjudicielle de constitutionnalité », RFDC 2009, p. 817 ; D. Szymczak, « Droits européens et question prioritaire de constitutionnalité : « les nouvelles liaisons dangereuses » », Politeia 2010, n° 17, p. 239 ; en sens inverse : M. Guillaume, « Question prioritaire de constitutionnalité et Convention européenne des droits de l’homme », Nouveaux Cahiers du CC 2011, n° 32, p. 67).
iv) Un juge constitutionnel qui doit se conformer aux principes du procès équitable
651 • Au lendemain de la QPC, le Conseil constitutionnel doit se conformer aux standards du procès équitable, tels qu’adaptés aux spécificités de la justice constitutionnelle. Le constituant comme le législateur organique n’ont rien prévu à cet effet et, là encore, la juridictionnalisation sera l’œuvre du Conseil lui-même par l’adoption de son règlement intérieur du 4 février 2010 (www.conseil-constitutionnel.fr et JO, 18 février 2010, p. 2986 ; Cf. M. Guillaume, « Le règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité », LPA 2010, n°38, GP 2010, 23 février, n° 54, p. 10 et F. Jacquelot, « La procédure de la question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel », AJDA 2010, p. 950). Ce nouveau règlement permet au Conseil de largement répondre aux standards du procès équitable : délai raisonnable, contradictoire, publicité de l’audience et oralité des débats, indépendance et impartialité du juge (principes énoncés à l’article 23-10 de l’ordonnance n°58-1067 de 1958 inséré par la loi organique de 2009 et ils sont repris et détaillés par le règlement intérieur du Conseil). Ils font, enfin, du Conseil une juridiction à part entière sous l’égide de la source commune du droit processuel que constitue le droit à un procès équitable de l’article 6-1 ConvEDH. Reste un souci majeur dans le cadre du respect de ses principes processuels, celui qui touche à la question du respect du principe d’indépendance et d’impartialité des juges.
v) Un souci majeur : le respect du principe d’impartialité (1)
652 • Le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel n’a pas évolué en même temps que la mise en place du caractère juridictionnelle de la procédure et il apparaît de plus en plus en décalage par rapport au mode de nomination existant devant les autres juridictions constitutionnelles européennes (Cf. M. Fromont, « La justice constitutionnelle en France ou l’exception française », Mélanges Conac, Paris, Economica, 2001, p. 167) mais aussi par rapport au processus de l’affirmation du Conseil comme « Cour constitutionnelle ». Le Conseil pouvait auparavant s’abriter derrière une spécificité propre à un office dont le caractère juridictionnel pouvait ne pas être parfait, tant en ce qui concernait la procédure elle-même que la composition de l’organe mais, aujourd’hui, il est obligé de se donner tous les attributs d’un juge, ce qui renouvelle la question de la légitimité de sa composition. En France, les membres du Conseil font l’objet d’une décision de nomination discrétionnaire qui est inattaquable (CE, Ass., 9 avril 1999, Mme Ba, req. n°195616, Rec. CE, p. 124, RFDA 1999, p. 566, concl. Salat-Baroux). L’indépendance des membres du Conseil, vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif, ne pose pas de réel problème. Leur désignation par ces mêmes pouvoirs n’a jamais été jugée comme contraire au principe d’indépendance. Leur impartialité en revanche, qui s’appréhende par rapport à l’implication des membres dans un litige, est, elle, en question (Cf. F. Tulkens et S. Van Drooghenbroeck, « La double vie du juge est-elle compatible avec son impartialité ? », Mélanges Martens, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 485).
vi) Un souci majeur : le respect du principe d’impartialité (2)
653 • C’est la notion d’impartialité objective, celle qui renvoie aux interventions antérieures du juge dans l’affaire et qui impose la séparation des fonctions, qui pourrait ici être invoquée vis-à-vis des membres du Conseil (En ce sens, P. Wachsmann, « Sur la composition du Conseil constitutionnel », Jus Politicum 2010, n° 5, p. 30 et R. Nollez-Goldbach, « Question prioritaire de constitutionnalité : de l’affirmation du Conseil en Cour constitutionnelle », JCP 2011, G, 27 juin, n°26, hors-série). Elle consiste à se demander si « indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier » (CourEDH, 11 septembre 2009, Dubus contre France, req. n°5242/04, §53). En la matière, « même les apparences peuvent revêtir de l’importance » (CourEDH, 26 octobre 1984, De Cubber contre Belgique, req. n° 9186/80, § 26 ; Cf. S. Gandreau, « La théorie de l’apparence en droit administratif », RDP 2005, p. 320, théorie selon laquelle la justice doit non seulement être rendue mais montrer qu’elle a été rendue, selon l’adage anglais Justice must not only be done, it must be seen to be done) et le juge doit ainsi offrir « des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime » (CourEDH, 20 mai 1998, Gautrin et autres contre France, req. n°21257/93, §58). Si « toute participation directe à l’adoption de textes législatifs ou réglementaires peut suffire à jeter le doute sur l’impartialité judiciaire d’une personne amenée ultérieurement à trancher un différend » (CourEDH, 8 février 2000, Mc Gonnell contre Royaume-Uni, req. n°28488/95, § 55), le « simple fait, pour un juge, d’avoir déjà pris des décisions avant le procès ne peut passer pour justifier en soi des appréhensions relativement à son impartialité. Ce qui compte est l’étendue des mesures adaptées par le juge avant le procès. (…) L’appréciation préliminaire des données disponibles ne saurait non plus passer comme préjugeant l’appréciation finale » (CourEDH, 6 juin 2000, Morel contre France, req. n°34130/96, § 45).
vii) Un souci majeur : le respect du principe d’impartialité (3)
654 • Pour garantir l’impartialité des membres du Conseil, des procédures de récusation et de déport volontaire, son corollaire, ont été introduites de manière discrète à l’article 4 du règlement intérieur. Si la récusation résulte d’une double exigence conventionnelle et constitutionnelle, elle est appréciée au regard de la spécificité tant de la justice constitutionnelle que du caractère incident du contrôle introduit par la révision de 2008 et donc la portée de cette procédure comme son effectivité demeurent par conséquent restreintes. Certains ont ainsi pu définir le mécanisme de récusation comme « une sorte de « bricolage » procédural destiné à donner au justiciable le sentiment d’une justice constitutionnelle impartiale » E. Cartier, « La récusation et le déport devant le Conseil constitutionnel : cote mal taillée ou réelle avancée ? », LPA 2011, 05 mai, n°89, p. 22). Le dispositif adopté en matière de récusation ne répond que partiellement aux soucis de la composition du Conseil puisqu’il est posé une réserve dont l’ambiguïté ne saurait échapper à la critique. La simple « participation » à « l’élaboration de la disposition législative » (et non de la loi dans son ensemble) ne suffit pas à constituer une cause de récusation et par là une preuve de la partialité du juge (art. 4 dernier alinéa du RI). Il n’y a eu, jusqu’à ce jour, une unique demande de récusation, concernant 6 des 11 membres du Conseil qui a été déposée en 2011 par Arnaud Montebourg, dans le cadre de deux QPC (CC, n° 2011-142 QPC et n°2011-143 QPC, 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres [Concours de l’Etat au financement par les départements du RMI, du RMA et du RSA], JO, 1erjuillet 2011, p. 11294, Rec. CC, p. 323), le Conseil n’a, au final, validé que deux récusations, celles de Jacques Barrot et de Michel Charasse (Cf. N. Perlo, « Les premières récusations au Conseil constitutionnel : réponses et nouveaux questionnements sur un instrument à double tranchant », AIJC 2012, n°27, p. 61 et suiv.). La procédure du déport est, elle, volontaire et exclusivement ancré dans le for intérieur du juge, tout membre ayant la faculté et même le devoir de se déporter s’il estime ne pas être en mesure de juger le cas avec toute l’impartialité nécessaire et ceci, sans que le Conseil ne puisse en apprécier la pertinence. Sur le plan statistique, « une affaire sur dix donne lieu au déport d’un membre » (M. Disant, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité. Cadre juridique, Pratiques jurisprudentielles, Paris, Editions Lamy, 2011, n°400). Le président du Conseil peut, lui-même décider de s’abstenir de siéger (CC, n°2010-29/37 QPC, 22 septembre 2010, Commune de Besançon et autre [Instruction CNI et passeports],JO, 23 septembre 2010, p. 17293, Rec. CC, p. 248 ; CC, n°2010/96 QPC, 4 février 2011, M. Jean-Louis de L. [Zone des 50 pas géométriques], JO, 5 février 2011, p. 2354, Rec. CC, p. 102 ; CC, n°2011-117 QPC, 8 avril 2011, M. Jean-Paul H. [Financement des campagnes électorales et inéligibilité], JO, 9 avril 2011, p. 6362, Rec. CC, p. 186).
b) Un ordre constitutionnel complémentaire aux ordre administratif et judiciaire
i) Un Conseil constitutionnel qui ne s’inscrit pas dans la ligne du modèle américain
655 • On distingue généralement deux modèles de justice constitutionnelle. Il y a d’abord le modèle d’inspiration américaine dont la Cour suprême des Etats-Unis est l’exemple le plus ancien (Cf. A. Deysine, La Cour Suprême des Etats-Unis. Droit, politique et démocratie, Paris, Dalloz, 2015). Le contrôle de constitutionnalité de la loi n’était pas, d’un prime abord, prévu lors de la mise en place initiale de cette Cour par la Constitution (Constitution du 17 septembre 1787). C’est la Cour, elle-même, en dégageant une approche pragmatique, qui va s’arroger le pouvoir d’effectuer un tel contrôle (Cour suprême des Etats-Unis, 24 février 1803 Marbury contre Madison (arrêt 5 U.S. 137) in E. Zoller (dir.), Les Grands arrêts de la Cour suprême des Etats-Unis, Paris, Dalloz, 2010, p. 1). Celui-ci va alors s’exercer par voie d’exception (la loi n’est pas directement attaquée), de manière a posteriori (la loi a déjà été promulguée et appliquée), de façon concrète, subjective (le contrôle est effectué à partir d’un litige précis) et déconcentré(tous les juges du pays sont compétents pour l’exercer). Ce contrôle de la loi exercé par tous les juges est régulé par la Cour suprêmequi est, de ce fait placé au sommet d’un ordre de juridiction unique. Il y a un pouvoir hiérarchique qui est mis en place entre la Cour suprême et les autres autorités juridictionnelles qui en relève par la voie de l’appel et de la cassation. La Cour dispose même de la possibilité d’annuler les décisions des juridictions fédérales tout comme celles des Cours suprêmes des Etats fédérés et peut ainsi imposer son point de vue aux autorités inférieures. C’est notamment l’apport de l’arrêt « Cohens contre Virginia » en 1821 (Cour suprême des Etats-Unis, 3 mars 1821, Cohens contre Virginia (19 U.S. (6 Wheat.)264), Cf. E. Zoller (dir.) « La suprématie de la Cour suprême des Etats-Unis sur les Cours suprêmes d’Etat », in Les grands arrêts de la Cour suprême des Etats-Unis préc., p. 56).
ii) Un Conseil constitutionnel qui ne s’inscrit pas dans la ligne du modèle Kelsenien
656 • A la différence des origines prétoriennes du système américain, le modèle européen trouve sa source dans l’œuvre doctrinale d’un professeur de droit, Hans Kelsen (H. Kelsen, Reine Rechtslehre, Editions F. Deuticke, 1934, réédition et traduction H. Kelsen, Une théorie pure du droit Paris, LGDJ, 1999). C’est après la 1ère Guerre mondiale que celui-ci évoque l’idée d’un contrôle de constitutionnalité des lois qui aura pour principales caractéristiques d’être concentré, par voie d’action et rendue a priori (Cf. H. Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice constitutionnelle) », RDP 1928, p. 197 et « Le contrôle de constitutionnalité des lois. Une étude comparative des constitutions autrichienne et américaine », RFDC 1990, n°1, p. 17. Ce modèle, apparu en 1920 avec la création de la Cour constitutionnelle d’Autriche, se caractérise par une approche théorique et procédurale nécessitant la création d’une Cour constitutionnelle spécialement et exclusivement créée pour connaitre du contentieux constitutionnel(Voir C. Eisenmann, La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d’Autriche (1928), rééd., Paris, Economica, 1986). Cette Cour ne s’apparente alors pas à une Cour suprême parce qu’elle est, à la fois, distincte et indépendante, par rapport à l’appareil juridictionnel ordinaire et, qu’en conséquence, elle n’est pas en mesure de lui imposer ces décisions.
iii) Un système européen qui permet de rapprocher Cour constitutionnelle et Cour suprême
657 • De façon générale, c’est la définition du professeur Louis Favoreu, qui définit les Cours suprêmes par opposition aux Cours constitutionnelles, qui est utilisée par la doctrine et qui fait office de référence pour caractériser une Cour suprême. Elles sont ainsi présentées comme « des juridictions placées au sommet de l’édifice juridictionnel d’un Etat et dont relève par la voie de l’appel ou de la cassation l’ensemble des tribunaux et cours composant cet édifice » (L. Favoreu, « Cours suprêmes et Cours constitutionnelles » in L. Cadiet (dir.), Dictionnaire de la Justice, PUF, Paris, 2004, p. 277). Une Cour serait suprême quand tous les ordres juridiques et juridictionnels d’un pays seraient unifiés par son action et sous son autorité, quand elle aurait compétence pour dire le droit et décider du fait et quand elle fonderait ses décisions sur la norme suprême du système juridique, c’est-à-dire la Constitution (Cf. J. Bonnet, J.-Y. Gahdoun et D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, LGDJ, 11ème éd., 2016, n°90 qui prennent pour référence R. Drago, « La Cour de cassation, Cour suprême », in L’image doctrinale de la Cour de cassation, Paris, La documentation française, 1994, p. 19). Dans le modèle européen, les systèmes peuvent cumuler le contrôle a prioriavec le contrôle a posteriori et, dans cette logique, rapprocher la Cour constitutionnelle d’une Cour suprême. Dans certains pays (Italie, Allemagne, Espagne), le juge ordinaire a la possibilité de poser une question préjudicielle sur la constitutionnalité d’une loi dont il doit faire application. Les citoyens eux-mêmes peuvent se prévaloir devant la Cour constitutionnelle en cas de violation par l’administration ou un juge de leurs droits et libertés fondamentales. C’est le système qu’on a déjà pu évoquer précédemment de l’Amparo en Espagne ou de la Verfassungbeschwerde en Allemagne (Cf. Pour l’ensemble des trois pays mentionnés : M.-E. Casas Baamonde, « Le contrôle de constitutionnalité, l’expérience espagnole », Cahiers du CC 2009, hors-série, 3 novembre ; C. Grewe, « Le contrôle de constitutionnalité de la loi en Allemagne : quelques comparaisons avec le système français », Pouvoirs 2011, n°137, p.143 ; F. Gallo, « Le modèle italien de justice constitutionnelle », Nouveaux Cahiers du CC 2001, n°42, p. 264 ; A. Pizzorusso, « Cour constitutionnelle italienne », RIDC 1981, vol. n°33, p. 404).
iv) Un Conseil constitutionnel qui devient une Cour suprême avec la création de la QPC (1)
658 • C’est un tout autre système qui existait en France jusqu’à l’introduction de la QPC, qui ne connaissait pas de procédure de question préjudicielle pas plus que de recours individuel contre les jugements. Le rapport entre la juridiction constitutionnelle et les juges ordinaires tenant, exclusivement et simplement dans la reconnaissance et la portée que les juges ordinaires accordent à l’autorité des décisions du juge constitutionnel. On a pu voir que la portée de cette autorité était strictement limitée, pour les juges ordinaires, à l’application de la loi contrôlée par le Conseil. Ces derniers ne voulant pas, ainsi, se soumettre purement et simplement aux interprétations générales du Conseil et ne voulant pas aller plus loin que l’autorité de chose jugée et appliquer une autorité dite de chose interprétée. Il n’y avait pas de position dominante et aucun contrôle des juges ordinaires dans ce cadre pour le Conseil, les décisions de ce dernier ne s’imposant pas juridiquement mais seulement par leur force éventuelle de persuasion. La logique de la QPC est différente. A la différence du contrôle a priori qui s’inscrit dans la procédure d’élaboration de la loi et dans une logique politique, la QPC s’inscrit dans un cadre juridictionnel et dans le contentieux classique des juges ordinaires. Dominique Rousseau détermine trois éléments susceptibles, dans ce cadre, de faire du Conseil une véritable Cour suprême (D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel précité, n°91 et suivants). Le 1er élément réside dans le caractère prioritaire de la QPC qui a été réaffirmé par le Conseil vis-à-vis du droit de l’Union et, plus largement, du droit conventionnel en réponse aux inquiétudes qui avaient initialement été exprimées par la Cour de cassation. Le 2nd élément identifié par l’auteur réside dans le lien organique obligé qui, à travers la procédure de filtrage, est créé entre les juges ordinaires et le Conseil. Pour décider notamment du caractère « sérieux » ou « nouveau » de la question soumise à leur examen, les juges ordinaires doivent intégrer la jurisprudence constitutionnelle dans leur raisonnement. Dans cette « nouvelle chaine juridictionnelle inédite » (D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel précité, n°96) les juges ordinaires ne peuvent pas juger eux-mêmes la loi contestée devant eux et sont forcément dépendants de la décision du Conseil.
v) Un Conseil constitutionnel qui devient une Cour suprême avec la création de la QPC (2)
659 • Le 3ème élément susceptible de définir le Conseil comme une Cour suprême est, paradoxalement, la soumission du Conseil aux interprétations législatives faites par les juges ordinaires. Dès que cette interprétation est constante, le Conseil prend celle-ci pour acquise et ne substitue pas sa propre interprétation (Cf. CC, n°2010-39 QPC, 6 octobre 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein d’un couple non marié], JO, 7 octobre 2010, p. 18154, Rec. CC, p. 264 où le Conseil a admis qu’en posant une QPC « tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à [une] disposition législative »). Mais cette interprétation n’est pas pour autant absolue et est soumise au contrôle du Conseil (Cf. J. Béal-Long, « Le contrôle de l’interprétation jurisprudentielle constante en QPC », RFDC 2016, n°105, p. 256). Toujours dans la décision du 6 octobre 2010, il a jugé que l’interprétation donnée par le juge ordinaire de l’article 365 du Code Civil comme interdisant l’adoption d’un enfant mineur par un couple non marié ne portait pas atteinte ni au droit de mener une vie familiale normale, ni au principe d’égalité et a été jugé conforme (cons. n°8 et n°9). Par contre, dans une décision du 14 octobre 2010, l’interprétation jurisprudentielle a été la source de l’inconstitutionnalité puisque le Conseil a considéré que l’interprétation retenue par le Conseil d’Etat prévalait sur celle du gouvernement et amenait à ce que la disposition législative soit contraire au principe d’égalité devant les charges publiques (CC, n°2010-52 QPC, 14 octobre 2010, Compagnie agricole de la Crau [Imposition due par une société agricole], JO, 15 octobre 2010, p. 18540, Rec. CC, p. 283). L’interprétation jurisprudentielle n’est pas toujours la source de l’inconstitutionnalité, mais elle constitue souvent le support nécessaire au contrôle en tant qu’elle détermine l’applicabilité de la norme constitutionnelle (CC, n°2011-201 QPC, 02 décembre 2011, Consorts D. [Plan d’alignement], JO, 3 décembre 2011, p. 20497, Rec. CC, p. 563 où le Conseil tient compte de l’interprétation jurisprudentielle du Conseil d’Etat concernant la procédure d’alignement (art. L. 112-2 Code voirie routière) pour écarter le bien-fondé du grief tenant à la privation du droit de propriété (art. 2 et 17 DDHC) ; CC, n°2012-266 QPC, 20 juillet 2012, M. Georges R. [Perte de l’indemnité prévue en cas de décision administrative d’abattage d’animaux malades], JO, 21 juillet 2012, p. 12001, Rec. CC, p. 390 où l’évocation de l’interprétation jurisprudentielle contribue à déterminer l’applicabilité de l’article 8 DDHC sans que cette dernière ne soit confrontée ni au principe constitutionnel de clarté et de précision des délits ni à celui sur la proportionnalité des peines).
vi) Un Conseil constitutionnel qui devient une Cour suprême avec la création de la QPC (3)
660 • Il faut relever aussi que le Conseil préfère désormais privilégier la formulation des « réserves d’interprétation » plutôt que de rendre des décisions interprétatives d’annulation ou des décisions d’annulation de la disposition législative (Voir sur cette tendance : C. Severino, « Un an de droit vivant devant le Conseil constitutionnel », Constitutions 2012, p. 43). Il substitue ainsi sa propre interprétation au droit vivant qu’il jugeait contraire à la Constitution (CC, n°2010-101 QPC, 11 février 2011, Mme Monique P. et autre [Professionnels libéraux soumis à une procédure collective], JO, 12 février 2011, p. 2758, Rec. CC, p. 116, cons. n°5 ; CC, n°2011-127 QPC, 6 mai 2011, Consorts C. [Faute inexcusable de l’employeur : régime spécial des accidents du travail des marins], JO, 7 mai 2011, p. 7851, Rec. CC, p. 222, cons. n°9 ; CC, n°2011-164 QPC, 16 septembre 2011, M. Antoine J. [Responsabilité du « producteur » d’un site en ligne], JO, 17 septembre 2011, p. 15601, Rec. CC, p. 448, cons. n°7). En évitant ainsi la censure, il ne se contente pas de préserver les juges ordinaires pour certains auteurs, il exerce aussi une certaine « emprise »puisque « en imposant une interprétation donnée du texte ou en écartant l’une des interprétations possibles […], le juge constitutionnel se substitue au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation dans leur fonction classique d’interprète authentique de la loi » (D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel précité, n°99). Ainsi, par exemple, dans une décision QPC du 11 février 2011 déjà mentionnée (CC, n°2011-101 QPC, Mme Monique P. et autre [Professionnels libéraux soumis à une procédure collective]), le juge constitutionnel a, par une réserve d’interprétation, étendu le champ d’application des dispositions contestées aux professions libérales, en allant à l’encontre d’une orientation jurisprudentielle bien établie de la Cour de cassation, mentionnée dans les visas de la décision (cons. n°5). Le Conseil joue aussi parfois le rôle d’arbitre en départageant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation sur un conflit d’interprétation sur une disposition législative. Dominique Rousseau parle, à cet égard, tour à tour, de « tribunal des conflits constitutionnels » lorsque le Conseil d’Etat saisit le Conseil d’une disposition législative objet d’une interprétation divergente de la Cour de cassation ou de « référé législatif » lorsque le Conseil d’Etat fait état d’un doute sur la constitutionnalité d’une interprétation constante de la Cour de cassation.
c) Des juges ordinaires qui sortent paradoxalement renforcés de la procédure QPC en devenant juges constitutionnels de droit commun
i) La procédure de filtrage et le « pré-contrôle de constitutionnalité »
661 • On aurait pu penser, d’un prime abord, que le dispositif QPC amène à placer les juges ordinaires suprêmes sous le contrôle du juge constitutionnel, il n’en est rien, au final, puisque ces derniers se trouvent, paradoxalement, renforcés en tant que juridictions suprêmes, les juges administratifs et judiciaires devenant, malgré la volonté de ne pas installer un contrôle diffus de constitutionnalité de la loi, des juridictions constitutionnelles de droit commun (G. Drago, « La Cour de cassation, juge constitutionnel », RDP 2011, p. 1438 ; S.-J. Lieber et D. Botteghi, « Le juge administratif, juge constitutionnel de droit commun ? », AJDA 2010, p. 1355). C’est la procédure de filtrage mise en place par l’article 61-1 C° qui amène à ces interactions au niveau des compétences respectives. Par cette procédure, les juges ordinaires conservent la maitrise des renvois des QPC et sont loin d’être soumis, disciplinés ou de faire allégeance au Conseil. Ne se contentant pas d’être de simples « boites aux lettres constitutionnelles » (G. Drago, « La Cour de cassation, juge constitutionnel » précité), le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ne restent pas neutre et renforcent plutôt, par ce biais, leur office dans le contrôle des lois par rapport à la Constitutionen trouvant des raisons supplémentaires d’autonomie. Si l’intention du législateur, au départ, était d’éviter l’engorgement du Conseil constitutionnel, les juges ordinaires, lorsqu’ils apprécient notamment le caractère sérieux de la QPC, se trouvent placés en situation d’exercer un « pré-contrôle de constitutionnalité » (Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel précité, n°101) et on a pu aussi parler, à cet égard, de « juge constitutionnel négatif » dans les premières années de mise en œuvre de la QPC. L’appréciation du caractère sérieux permet de déterminer s’il y a un doute raisonnable quant à l’inconstitutionnalité de la disposition législative et la détermination de ce doute est ainsi laissée à la libre appréciation voire à l’appréciation souveraine des juges ordinaires suprêmes, leurs décisions ne pouvant être remises en cause que par eux-mêmes dans le cadre d’une autre QPC (Voir, par ex., Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, « L’appréciation, par les Cours suprêmes, du caractère sérieux de la question de constitutionnalité » in La QPC : vers une culture constitutionnelle partagée, Paris, LGDJ, 2015, p. 29 et https://halshs.archives-ouvertes.fr, 9 février 2017).
ii) La « théorie de la Constitution claire » et la substitution d’appréciation des juges ordinaires
662 • Dans la procédure de filtrage, l’appréciation des conditions de recevabilité de la QPC s’est très vite transformée en un véritable contrôle de constitutionnalité dans la mesure où tous les moyens peuvent être utilisés par les juges suprêmes pour déterminer le caractère raisonnable de ce doute en l’absence d’une méthode bien définie et de limites claires quant à la manière de déterminer ce caractère sérieux. Dans leur contrôle, les juges suprêmes recourent d’abord aux précédents jurisprudentiels en puisant dans la jurisprudence du Conseil et, dans ce cadre, ils n’hésitent pas à raisonner par analogie et à transposer à des cas nouveaux sa jurisprudence dans la mesure où cette jurisprudence est claire, établie, bien connue. Agnès Roblot-Troizier parle d’ailleurs, à ce sujet, de « théorie de la Constitution claire » (A. Roblot-Troizier, « La QPC, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°40, p. 49). Mais les juridictions peuvent aussi aller plus loin en empruntant au Conseil son appréciation des conditions même de l’atteinte à un droit fondamental. Il en est ainsi lorsqu’elles contrôlent la justification (voir, par ex., Cass., com., 20 décembre 2012, n° de pourvoi : 12-40074 ou CE, 21 septembre 2012,Commune de Vitry-sur-Seine, req. n°360602) ou la proportionnalité (voir, par ex., Cass., crim., 22 janvier 2013, n° de pourvoi : 12-90065 ou CE, 22 octobre 2010, Père, req. n°341869) de l’atteinte à ce droit. Lorsqu’ils écartent la QPC dans ce cadre, que l’article de la loi n’amène pas une atteinte excessive aux droits et libertés constitutionnellement garantis ou qu’il soit assez justifié au regard de l’objectif d’intérêt général, les juridictions suprêmes suppléent leur appréciation à celle que pourrait faire le Conseil. Cette appréciation peut parfois être sujette à critique.
iii) L’exemple de la Cour de cassation, juge constitutionnel de droit commun
663 • On peut parler, à titre d’exemple, du refus répété de la Cour de cassation de transmettre la moindre QPC au Conseil sur la loi « Gayssot » du 13 juillet 1990 (loi n°90-615 du 13 juillet 1990 (JO, 14 juillet 1990, p. 8333) tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe) instaurant le délit de contestation de crimes contre l’humanité (Cass., crim., 7 mai 2010, n° de pourvoi : 09-80.774 ; Cass., crim., 5 décembre 2012, n° de pourvoi : 12-86.382 ; Cass., crim., 6 mai 2014, n° de pourvoi : 14-90.010) avant qu’elle ne décide finalement de franchir le pas (Cass., crim., 6 octobre 2015, n° de pourvoi : 15-84.335 QPC, Bull. crim. 2015, n° 219) et que le Conseil ne clos définitivement les débats sur la constitutionnalité de la loi en consacrant de manière solennelle qu’elle a pour objet de « réprimer un abus de l’exercice de la liberté d’expression » (CC, n°2015-512 QPC, 8 janvier 2016, M. Vincent R. [Délit de contestation de l’existence de certains crimes contre l’humanité], JO, 10 janvier 2016, texte n° 20, cons. n°7). Cette consécration arrive après un brevet de validité initial délivré par le CourEDH (CourEDH, 23 octobre 2000, Garaudy contre France, req. n°65831/01 ; Voir aussi CourEDH, 15 octobre 2015, Perinçek contre Suisse, req. n°275510, § 209 à 212 pour un résumé de la jurisprudence européenne sur la pénalisation des propos contestant l’Holocauste) et une précédente décision du Conseil allant dans le même sens (CC, n°2012-647 DC, 28 février 2012, Loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi, JO, 2 mars 2012, p. 3988, Rec. CC, p. 139). Elle doit aussi être rapproché d’une décision plus récente dans le contrôle a priori(CC, n°2016-745 DC, 26 janvier 2017, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, JO, 28 janvier 2017, texte n°2) où le Conseil a déclaré contraire à la Constitution l’article 173 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 (JO, 28 janvier 2017, texte n°1) relative à l’égalité et à la citoyenneté parce qu’il contenait des dispositions à l’origine de deux nouvelles incriminations du négationnisme venant s’ajouter à celle déjà existante dans le but d’instaurer une égalité réelle entre la mémoire des victimes de la Shoah et de celle des autres crimes commis dans l’histoire de l’humanité. Le Conseil a considéré qu’en « réprimant la négation, la minoration et la banalisation de certains crimes n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation judiciaire préalable », le législateur « a porté atteinte à l’exercice de la liberté d’expression qui n’est ni nécessaire ni proportionné » (Cf. F. Safi, « A la recherche d’un fondement à l’incrimination du négationnisme », D. 2017, p. 6860).
iv) L’exemple du Conseil d’État, juge constitutionnel de droit commun
664 • Le Conseil d’Etat n’est pas en reste quand il s’agit de se comporter en juge constitutionnel. S’il ne peut pas, comme la Cour de cassation, déclarer conforme à la Constitution la disposition législative contestée, il peut participer au contrôle de constitutionnalité en écartant le grief d’inconstitutionnalité par une motivation qui établit sa constitutionnalité. On peut citer, par exemple, la décision « Association Alcaly » par laquelle il a refusé de renvoyer une QPC sur des dispositions législatives régissant la procédure de déclaration d’utilité publique mettant en cause la partialité structurelle du Conseil d’Etat au regard de sa double fonction consultative et contentieuse. Ces dispositions ont été présentées comme méconnaissant le droit à un procès équitable qui découle de l’article 16 de la DDHC. Mais, alors que la coexistence des fonctions administratives et contentieuses, au sein de l’organisation interne du Conseil d’Etat, est régulièrement mise en cause voire l’objet d’aménagements, le moyen est écarté par le biais d’une motivation reposant, d’une part, sur la portée des normes constitutionnelles invoquées (art. 37 C°, 38 C°, 39 C° et 61-1 C°), telles qu’interprétées par le juge constitutionnel, d’autre part, sur une explication pédagogique des procédures suivies devant le Conseil d’Etat (CE, 16 avril 2010, Association Alcaly et autres, req. n°320667, AJDA 2010, p. 812). On peut aussi citer la décision « Arezki D. » où le Conseil d’Etat a bloqué la constitutionnalisation des procédures administratives répressives en refusant de transmettre la question de la conformité à l’article 34 C° et au principe d’égalité d’une disposition qui, dans le cadre de la procédure disciplinaire universitaire, ne garantit pas systématiquement le recours en appel (CE, 10 octobre 2011, M. Arezki D., req. n°350969). Le Conseil d’Etat a argumenté comme s’il rendait une décision en matière de contentieux administratif, alors qu’il s’agit ici d’une QPC et a privilégié sa propre interprétation du double degré de juridiction sur celle du Conseil constitutionnel. Les arguments de la valeur « para-constitutionnelle » du double degré de juridiction et l’absence de protection conventionnelle de ce dernier n’ont pas été considérés comme suffisants par le Conseil d’Etat (Voir, en ce sens, C. Roynier, « Le Conseil d’Etat bloque la constitutionnalisation des procédures administratives répressives », AJDA 2012, p. 664).
v) Un nouvel ordre constitutionnel composé de trois degrés de juridiction
665 • En définitive, le juge constitutionnel, à travers la procédure QPC, conserve le monopole de la censure mais il perd son rôle de principal interprète de la Constitution. Les juges du filtre sont devenus, de fait, des juges constitutionnels « négatifs »(J. Barthélemy et L. Bore, « Juges constitutionnels négatifs et interprète négatif de la loi », Constitutions 2011, p. 69 ou de « droit commun » (Cf. doctrine précitée). Plus précisément, c’est un nouvel « ordre constitutionnel » qui a été créé par le pouvoir constituant, un « ordre constitutionnel » composé de trois degrés de juridiction : les juges administratifs et judiciaires du fond au 1er niveau, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation au 2nd niveau mais aussi le Conseil constitutionnel au 3ème niveau. Si le juge constitutionnel n’a plus le monopole dans le contrôle de constitutionnalité, il continue à agir dans ce cadre en tant que juge suprême, en tant que juge placé au sommet d’un ordre de juridiction. Il n’est simplement plus le seul à agir en ce sens (Cf. J. Barthélemy et L. Boré, « L’ordre constitutionnel », Constitutions 2010, p. 252). La question a pu se poser néanmoins de savoir si le juge constitutionnel était alors devenu un « juge de l’exception » en la matière en comparaison à la nouvelle compétence des juges ordinaires (M. Fatin-Rouge Stéfanini, « L’appréciation, par les Cours suprêmes, du caractère sérieux de la question de constitutionnalité » in E. Cartier, L. Gay et A. Viala (dir.), La QPC : vers une culture constitutionnelle partagée, Institut Universitaire Varenne Paris, LGDJ, 2015, p. 29 ou www.halshs.archives-ouvertes.fr).
vi) Un pouvoir trop important confié aux juges ordinaires ?
666 • Certains auteurs jugent le pouvoir confié aux juridictions suprêmes ordinaires pour déterminer le caractère sérieux de la demande et décider du renvoi « trop important dans le contexte français » (M. Fatin-Rouge Stéfanini, « L’appréciation, par les Cours suprêmes, du caractère sérieux de la question de constitutionnalité » précité). Elles sont ainsi accusées d’être à la fois juge et partieslorsqu’elles sont notamment amenées à examiner s’il y a lieu ou non de renvoyer au Conseil les QPC remettant en cause leur propre jurisprudence (D. Rousseau, « La Cour a ses raisons, la raison les siennes ! », RDP 2011, p. 1464 ; A. Roblot-Troizier, « Question prioritaire de constitutionnalité et interprétations jurisprudentielles ou impartialité d’un juge statuant sur la constitutionnalité de sa propre jurisprudence », RFDA 2011, n° 6, p. 1217). Reste une dernière critique, celle qui pourrait faire du filtrage ainsi excessif opéré par les juges ordinaires une procédure préjudiciable à l’objet même de la QPC à savoir celui de protéger concrètement le justiciable dans l’exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis (En ce sens, M. Fatin-Rouge Stéfanini, « L’appréciation, par les Cours suprêmes, du caractère sérieux de la question de constitutionnalité » précité). Pour certains, l’interprétation poussée de la constitutionnalité ou la possibilité de substitution au contrôle exercé par le juge constitutionnel peuvent faire en sorte de « confisquer » la procédure par les juridictions suprêmes au détriment des justiciables (Voir L. Gay, « Le double filtrage des QPC : une spécificité française en question ? Modalités et incidences de la sélection des questions de constitutionnalité en France, Allemagne Italie et Espagne », in L. Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité, Approche de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, p. 77-78) ce qui serait contraire à l’objectif initial de la procédure.
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