REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°, sous le n° 364584, la requête, enregistrée le 17 décembre 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentée pour la Section française de l’observatoire international des prisons, dont le siège est 7 bis, rue Riquet à Paris (75019), qui demande au juge des référés du Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 1208103 du 13 décembre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, en tant qu’elle n’a pas fait droit à certaines de ses demandes d’injonction ;
2°) d’ordonner la communication par l’administration pénitentiaire du rapport et de l’avis émis par la sous-commission départementale pour la sécurité le 29 avril 2011 ;
3°) d’enjoindre au centre pénitentiaire de Marseille de :
– faire procéder à une inspection, par une entreprise spécialisée, ou à défaut par la sous-commission départementale pour la sécurité, des équipements électriques de l’ensemble des cellules en vue de faire sécuriser immédiatement les installations qui présenteraient un danger imminent au regard du risque de déclenchement des incendies ou de blessures par électrisation ;
– procéder à une inspection de l’ensemble des cellules en vue de retirer tout objet dangereux susceptible d’entraîner des blessures accidentelles ou volontaires ;
– procéder à la désaffectation des cellules au sein desquelles les deux types d’interventions précitées ne seraient pas réalisables ;
– faire procéder à une inspection, par une entreprise spécialisée, ou tout organisme administratif départemental compétent, de l’ensemble des locaux en vue de déterminer et de mettre en oeuvre les mesures pouvant être prises en vue d’éradiquer les animaux nuisibles dont la présence et le développement dans ces locaux sont susceptibles d’exposer les détenus et le personnel pénitentiaire à des risques sanitaires ;
– garantir un accès régulier à l’eau potable à l’ensemble des personnes détenues ;
elle soutient que :
– il y a urgence à ce que des mesures soient prises afin d’éviter la survenance d’un accident grave ;
– la situation caractérise plusieurs atteintes graves et manifestement illégales à des libertés fondamentales ;
– le juge des référés de première instance a entaché son ordonnance d’une erreur de droit et d’une dénaturation des faits en méconnaissant le droit à la vie des personnes détenues, consacré par les stipulations de l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– il a entaché son ordonnance d’une erreur de droit et d’une dénaturation des pièces du dossier en méconnaissant le droit des personnes détenues à ne pas être exposé à des traitements inhumains et dégradants garanti par l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– il a méconnu l’étendue de l’obligation positive de protection des personnes détenues résultant des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– il a entaché son ordonnance d’irrégularité dès lors qu’il n’a ni visé, ni répondu à la demande qui tendait à ce que soit prise une mesure d’instruction complémentaire en vue d’obtenir la communication de l’avis émis le 29 avril 2011 par la sous-commission départementale pour la sécurité ;
Vu 2°, sous le n° 364620, la requête, enregistrée le 18 décembre 2012, présentée pour le Syndicat des avocats de France, dont le siège est 34, rue Saint-Lazare à Paris (75009), qui demande au juge des référés du Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 1208103 du 13 décembre 2012 dans la mesure où le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté ses demandes tendant à faire procéder à une sécurisation immédiate des installations électriques, à une inspection de l’ensemble des cellules en vue d’y retirer tout objet dangereux susceptible d’entraîner des blessures accidentelles ou volontaires, à la mise en oeuvre de mesures d’éradication des espèces nuisibles et à la garantie d’un accès régulier à l’eau potable ;
2°) de faire droit intégralement à ses demandes de première instance, dans un délai de sept jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
il soutient que les mesures prescrites par l’ordonnance attaquée ne permettent pas de mettre fin aux atteintes portées aux libertés fondamentales des personnes détenues, notamment à leur droit à la vie et à la sécurité, dès lors qu’elles sont matériellement insuffisantes ;
Vu 3°, sous le n° 364621, la requête, enregistrée le 18 décembre 2012, présentée pour le Conseil national des barreaux, dont le siège est 22, rue de Londres à Paris (75009), qui demande au juge des référés du Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 1208103 du 13 décembre 2012 dans la mesure où le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté ses demandes tendant à faire procéder à une sécurisation immédiate des installations électriques, à une inspection de l’ensemble des cellules en vue d’y retirer tout objet dangereux susceptible d’entraîner des blessures accidentelles ou volontaires, à la mise en oeuvre de mesures d’éradication des espèces nuisibles et à la garantie d’un accès régulier à l’eau potable ;
2°) de faire droit intégralement à ses demandes de première instance ;
il soutient les mêmes moyens que ceux analysés sous le n° 364620 ;
Vu 4°, sous le n° 364647, la requête, enregistrée le 19 décembre 2012, présentée pour l’Ordre des avocats au barreau de Marseille, qui demande au juge des référés :
1°) d’annuler l’ordonnance n° 1208103 du 13 décembre 2012 dans la mesure où le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, statuant sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté ses demandes tendant à faire procéder à une sécurisation immédiate des installations électriques, à une inspection de l’ensemble des cellules en vue d’y retirer tout objet dangereux susceptible d’entraîner des blessures accidentelles ou volontaires, à la mise en oeuvre de mesures d’éradication des espèces nuisibles et à la garantie d’un accès régulier à l’eau potable ;
2°) de faire droit intégralement à ses demandes de première instance ;
il soutient les mêmes moyens que ceux analysés sous le n° 364620 ;
Vu l’ordonnance attaquée ;
Vu l’intervention, enregistrée le 18 décembre 2012 sous le n° 364584, présentée pour le Syndicat de la magistrature, dont le siège est 12-14 rue Charles Fourier à Paris (75013) ; il demande que le Conseil d’Etat fasse droit à l’ensemble des demandes de la Section française de l’observatoire international des prisons ; il soutient qu’il est recevable à intervenir et reprend les demandes présentées par la Section française de l’observatoire international des prisons ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2012, présenté par la garde des sceaux, ministre de la justice, qui conclut, à titre principal, à la confirmation de l’ordonnance n° 1208103 du 13 décembre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille et, à titre subsidiaire, au rejet des requêtes de la Section française de l’observatoire international des prisons, du Syndicat des avocats de France, du Conseil national des barreaux, de l’Ordre des avocats au barreau de Marseille et de l’intervention du Syndicat de la magistrature ; elle soutient que :
– le juge des référés du tribunal administratif de Marseille n’a ni dénaturé les faits, ni commis d’erreur de droit en jugeant qu’il ne résultait pas des pièces du dossier que les conditions de détention au sein du centre pénitentiaire des Baumettes méconnaissaient les stipulations de l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– il n’a ni dénaturé les faits, ni commis d’erreur de droit en considérant que la présence de rongeurs et d’insectes nuisibles et l’absence d’accès à l’eau potable ne constituaient pas des traitements dégradants et inhumains au sens de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– il n’a pas méconnu l’étendue de l’obligation positive de protection des personnes détenues qui s’impose à l’administration pénitentiaire en vertu des stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– l’avis du 29 avril 2011 de la sous-commission départementale pour la sécurité a été transmis par le garde des sceaux avant la clôture de l’instruction de première instance ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 20 décembre 2012, présenté pour la Section française de l’observatoire international des prisons, qui reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ;
Vu les observations complémentaires, enregistrées le 20 décembre 2012, présentées pour le Syndicat de la magistrature ;
Vu la pièce du dossier dont il résulte que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a été mis en cause pour observations ;
Vu les autres pièces du dossier, et notamment les recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 12 novembre 2012 relatives au centre pénitentiaire des Baumettes, à Marseille ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 ;
Vu la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
Vu le code de procédure pénale ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article R. 522-9 ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part, la Section française de l’observatoire international des prisons, le Conseil national des barreaux, le Syndicat des avocats de France, le Syndicat de la magistrature, l’Ordre des avocats au barreau de Marseille, d’autre part, la garde des sceaux, ministre de la justice ainsi que, pour observations, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ;
Vu le procès-verbal de l’audience publique du 20 décembre 2012 à 15 heures au cours de laquelle ont été entendus :
– Me Spinosi, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Section française de l’observatoire international des prisons et du Syndicat de la magistrature ;
– Me B…et MeA…, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat du Conseil national des barreaux, du Syndicat des avocats de France et de l’Ordre des avocats au barreau de Marseille ;
– les représentants de la garde des sceaux, ministre de la justice ;
– la représentante du Contrôleur général des lieux de privation de liberté ;
Vu l’audience au cours de laquelle, le juge des référés ayant soulevé un moyen d’ordre public relatif à l’irrecevabilité des appels enregistrés sous les n° 364620, 364621 et 364647, le Syndicat des avocats de France, le Conseil national des barreaux et l’Ordre des avocats au barreau de Marseille ont demandé la requalification de leurs requêtes en interventions ;
et à l’issue de laquelle le juge des référés a prolongé l’instruction jusqu’au 21 décembre 2012 à 14 heures ;
Vu le mémoire en production de pièces, enregistré le 21 décembre 2012, présenté par la garde des sceaux, ministre de la justice ;
Vu l’intervention, enregistrée le 21 décembre 2012, présentée, à titre subsidiaire, pour le Syndicat des avocats de France, qui tend aux mêmes fins que la requête enregistrée sous le n° 364584, par les mêmes moyens ;
Vu l’intervention, enregistrée le 21 décembre 2012, présentée à titre subsidiaire, pour le Conseil national des barreaux, qui tend aux mêmes fins que la requête enregistrée sous le n° 364584, par les mêmes moyens ;
Vu l’intervention, enregistrée le 21 décembre 2012, présentée, à titre subsidiaire, pour l’Ordre des avocats au barreau de Marseille, qui tend aux mêmes fins que la requête enregistrée sous le n° 364584, par les mêmes moyens ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 décembre 2012, présenté pour la Section française de l’observatoire international des prisons, qui reprend les conclusions et moyens de son précédent mémoire ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 décembre 2012, présenté pour le Syndicat des avocats de France, qui reprend les conclusions et moyens de son précédent mémoire ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 décembre 2012, présenté pour le Conseil national des barreaux, qui reprend les conclusions et moyens de son précédent mémoire ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 21 décembre 2012, présenté pour l’Ordre des avocats au barreau de Marseille, qui reprend les conclusions et moyens de son précédent mémoire ;
1. Considérant que les requêtes de la Section française de l’observatoire international des prisons, du Syndicat des avocats de France, du Conseil national des barreaux et de l’Ordre des avocats au barreau de Marseille sont dirigées contre la même ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule ordonnance ;
2. Considérant qu’à la suite de la publication au Journal officiel de la République française du 6 décembre 2012 des recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du 12 novembre 2012 relatives à la situation du centre pénitentiaire des Baumettes, qui a été inspecté du 8 au 19 octobre 2012, la Section française de l’observatoire international des prisons a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, lui demandant de prendre toutes mesures utiles pour faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des détenus du centre pénitentiaire de Marseille ; que, par une ordonnance du 13 décembre 2012, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit à ses demandes, en enjoignant à l’administration pénitentiaire de s’assurer que chaque cellule dispose d’un éclairage artificiel et d’une fenêtre en état de fonctionnement, de faire procéder à l’enlèvement des détritus dans les parties collectives et les cellules et de modifier la méthode de distribution des repas ; qu’en revanche, il a rejeté les conclusions tendant à ce qu’il soit procédé, d’une part, à une inspection de l’ensemble des cellules en vue d’une sécurisation immédiate des installations électriques, d’y retirer tout objet dangereux susceptible d’entraîner des blessures accidentelles ou volontaires et d’y garantir un accès effectif à l’eau courante et, d’autre part, à la détermination et à la mise en oeuvre de mesures d’éradication des espèces nuisibles présentes dans l’établissement ; que la Section française de l’observatoire international des prisons, le Syndicat des avocats de France, le Conseil national des barreaux et l’Ordre des avocats au barreau de Marseille relèvent appel, dans cette mesure, de cette ordonnance devant le juge des référés du Conseil d’Etat ;
Sur la recevabilité des appels formés par le Syndicat des avocats de France, le Conseil national des barreaux et l’Ordre des avocats au barreau de Marseille :
3. Considérant qu’eu égard à l’objet et aux caractéristiques du référé liberté, l’intérêt à saisir le juge des référés sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative est subordonné à des conditions particulières et différentes de celles qui s’appliquent pour le référé suspension ;
4. Considérant qu’eu égard à leur objet statutaire, le Syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux n’auraient pas eu intérêt à saisir le juge des référés du tribunal administratif de Marseille des conclusions de la Section française de l’observatoire international des prisons au soutien desquelles ils sont intervenus ; qu’ils ne sont donc pas recevables à faire appel de l’ordonnance attaquée ; qu’en revanche, l’Ordre des avocats au barreau de Marseille qui regroupe des avocats directement appelés à exercer leur office au sein du centre pénitentiaire des Baumettes aurait eu intérêt à saisir le juge des référés du premier degré des conclusions au soutien desquelles il est intervenu ; que son appel est, par suite, recevable ;
Sur l’intervention du Syndicat de la magistrature et celles présentées, à titre subsidiaire par le Syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux :
5. Considérant que le Syndicat de la magistrature, le Syndicat des avocats de France et le Conseil national des barreaux ont intérêt à l’annulation partielle de l’ordonnance attaquée ; que leurs interventions sont, par suite, recevables ;
Sur le cadre juridique du litige :
6. Considérant qu’aux termes de l’article 22 de la loi du 24 novembre 2009 pénitentiaire : » L’administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits » ; qu’eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d’entière dépendance vis à vis de l’administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu’à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que, lorsque la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l’article L. 521-2 précité, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence ;
Sur les conclusions tendant à ce que soit ordonnée une inspection de l’ensemble des cellules individuelles du centre pénitentiaire des Baumettes :
7. Considérant que les requérants demandent qu’il soit enjoint à l’administration pénitentiaire d’ordonner une inspection de l’ensemble des cellules individuelles du centre pénitentiaire des Baumettes, en vue, en premier lieu, d’assurer la sécurisation des équipements électriques, en deuxième lieu, d’y prélever tout objet dangereux pour les détenus ou le personnel pénitentiaire et, en troisième lieu, de garantir un accès effectif à l’eau courante ;
8. Considérant, d’une part, qu’il résulte de l’instruction qu’après l’avis émis le 29 avril 2011 par la sous-commission départementale (incendie), qui a été versé au dossier par le garde des sceaux, ministre de la justice, et qui demandait la fermeture des locaux de l’établissement, des travaux ont été entrepris à compter du deuxième trimestre 2011, afin de rénover l’ensemble du système électrique de l’établissement conformément aux prescriptions de la sous-commission ; que ces travaux, pour partie achevés et pour partie en cours de réalisation, ont permis d’engager une mise aux normes de l’établissement au regard de l’exigence de sécurité, notamment en matière de prévention contre le risque d’incendies ; qu’ils devront notamment permettre de rénover l’équipement électrique de l’ensemble des parties communes ;
9. Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction ainsi que des échanges à l’audience que, postérieurement aux recommandations du Contrôleur général du 12 novembre 2012, le chef d’établissement du centre pénitentiaire des Baumettes a fait procéder, par une équipe de surveillants, à l’inspection de l’ensemble des cellules individuelles que compte cet établissement ; que cette inspection, achevée le 20 décembre 2012, avait notamment pour objet de vérifier l’état des équipements électriques, de la plomberie ainsi que des huisseries de chacune de ces cellules ; qu’elle a en outre permis d’effectuer un prélèvement des bris de verres correspondant aux carreaux cassés de certaines cellules ; qu’à l’issue de ce contrôle systématique, il apparaît, au vu des éléments fournis par l’administration pénitentiaire, que 32 cellules présentent un problème lié à l’alimentation en eau courante, 131 comportent une chasse d’eau défectueuse et 121 présentent un problème au regard de l’équipement électrique, notamment en ce qui concerne l’éclairage intérieur ; qu’au vu de cet état des lieux, il a été décidé la fermeture immédiate de huit cellules eu égard à leur état incompatible avec l’hébergement des détenus ; qu’en ce qui concerne les autres cellules présentant des dysfonctionnements, le chef d’établissement a décidé la réalisation, dans les plus brefs délais, des travaux de réfection qu’appelle, sans attendre la mise en oeuvre du programme de rénovation des cellules engagé par ailleurs, leur nécessaire remise en état, en particulier s’agissant de la sécurité des équipements électriques, de l’enlèvement de tout objet dangereux et de l’accès effectif à l’eau courante ; qu’afin de permettre la réalisation de ces travaux au rythme annoncé par l’administration pénitentiaire de 5 cellules par jour en ce qui concerne l’approvisionnement en eau et de 10 par jour en ce qui concerne les équipements électriques, des bons de commandes d’un montant global d’environ 60 000 euros correspondant notamment à des matériels d’huisserie et d’électricité ont été émis ; que six intérimaires, compétents en matière d’électricité, de plomberie et de menuiserie, ont été recrutés à compter du 18 décembre 2012 afin de renforcer les effectifs de l’établissement ; que, dans ces conditions, tant les mesures effectivement entreprises afin de remédier à une situation qui était, ainsi que le relève le Contrôleur général dans ses recommandations publiques, de nature à porter une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales des détenus, ainsi d’ailleurs que, dans une certaine mesure, à celle des personnels pénitentiaires, que les engagements pris par l’administration pénitentiaire afin de rétablir, au plus vite, la sécurité de l’ensemble des détenus au regard des risques d’électrisation et d’électrocution ainsi que le fonctionnement normal de la distribution d’eau courante au sein de l’établissement rendent inutile la prescription, dans le bref délai prévu par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, par le juge des référés du Conseil d’Etat de mesures supplémentaires ;
Sur les conclusions tendant à ce que soient ordonnées la détermination et la mise en oeuvre des mesures permettant l’éradication des espèces nuisibles présentes dans les locaux de l’établissement :
10. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des éléments rapportés à l’audience par la représentante du Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui a été mis en cause pour observations dans les présentes instances, que les locaux du centre pénitentiaire des Baumettes sont infestés d’animaux nuisibles ; que les rats y prolifèrent et y circulent, en particulier la nuit ; que de nombreux insectes, tels des cafards, cloportes et moucherons, colonisent les espaces communs ainsi que certaines cellules, y compris les réfrigérateurs des détenus ; qu’en raison d’une carence du service d’entretien général, il apparaît que des cadavres de rats peuvent rester plusieurs jours consécutifs sur place avant d’être prélevés ; qu’une telle situation, que l’administration pénitentiaire ne conteste pas, affecte la dignité des détenus et est de nature à engendrer un risque sanitaire pour l’ensemble des personnes fréquentant l’établissement, constituant par là même une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ;
11. Considérant, il est vrai, que l’administration pénitentiaire, qui a pris la mesure de cette situation, a commencé d’y porter remède ; que, d’une part, 36 détenus ont été affectés à compter du mois de décembre 2012 au service général de l’établissement afin de renforcer les effectifs dévolus à l’entretien et à l’hygiène dans les locaux ; que, d’autre part, dans le cadre du contrat qui lie l’établissement à un prestataire de services chargé d’assurer la dératisation et la désinsectisation des locaux, l’administration pénitentiaire a augmenté la fréquence des interventions curatives, la dernière ayant eu lieu le 10 décembre 2012 et les prochaines devant normalement intervenir les 26 décembre 2012 et 11 janvier 2013 ; que, toutefois, il résulte de l’instruction que ces modalités d’action restent, en dépit des progrès qu’elles constituent, et ainsi que l’ont reconnu l’ensemble des parties à l’audience, insuffisantes pour remédier de manière efficace à cette situation d’atteinte caractérisée à une liberté fondamentale ; qu’il y a donc lieu, eu égard à l’urgence qui s’attache au prononcé de mesures de sauvegarde sur ce point, de prescrire à l’administration de prendre, dans un délai de dix jours à compter de la notification de la présente ordonnance, toutes les mesures utiles susceptibles de faire cesser au plus vite une telle situation, sans qu’il y ait lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte ; que ces mesures doivent, en premier lieu, permettre la réalisation, au vu de la situation actuelle, d’un diagnostic des prestations appropriées à la lutte contre les animaux nuisibles, dans la perspective de la définition d’un nouveau cahier des charges pour la conclusion d’un nouveau contrat, après l’expiration, en mars 2013, de celui actuellement en vigueur ; qu’en effet, ce contrat devra prévoir des modalités et une fréquence des interventions préventives comme curatives adéquates à la situation effectivement observée au sein de l’établissement des Baumettes ; que ces mesures doivent, en second lieu, permettre d’identifier une solution de court terme proportionnée à l’ampleur des difficultés constatées, sans attendre la définition du nouveau cahier des charges et sans préjudice des interventions devant être effectuées dans le cadre du contrat actuellement en vigueur ; qu’en effet, il appartient à l’administration pénitentiaire de faire procéder, dans les plus brefs délais, selon les modalités juridiques et techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des détenus et des autres personnes fréquentant l’établissement ainsi qu’avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à une opération d’envergure susceptible de permettre la dératisation et la désinsectisation de l’ensemble des locaux du centre pénitentiaire des Baumettes ;
12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la Section française de l’observatoire international des prisons et l’Ordre des avocats au barreau de Marseille sont seulement fondés à soutenir que c’est à tort que le premier juge a rejeté, par l’ordonnance attaquée, les conclusions tendant à la détermination et à la mise en oeuvre de mesures appropriées à l’éradication des animaux nuisibles présents dans les locaux du centre pénitentiaire des Baumettes ;
O R D O N N E :
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Article 1er : Les requêtes du Syndicat des avocats de France et du Conseil national des barreaux sont rejetées.
Article 2 : Les interventions du Syndicat des avocats de France, du Conseil national des barreaux et du Syndicat de la magistrature sont admises.
Article 3 : Conformément aux motifs de la présente ordonnance et dans un délai de dix jours à compter de sa notification, il est enjoint à l’administration pénitentiaire de procéder à la détermination des mesures nécessaires à l’éradication des animaux nuisibles présents dans les locaux du centre pénitentiaire des Baumettes.
Article 4 : Le surplus des conclusions des requêtes de la Section française de l’observatoire international des prisons et de l’Ordre des avocats au barreau de Marseille est rejeté.
Article 5 : L’ordonnance du 13 décembre 2012 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente ordonnance.
Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la Section française de l’observatoire international des prisons, à l’Ordre des avocats au barreau de Marseille, au Syndicat des avocats de France, au Conseil national des barreaux, au Syndicat de la magistrature et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie pour information en sera délivrée au Contrôleur général des lieux de privation de liberté.