REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 janvier et 27 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME, dont le siège est 33, avenue Pierre de Coubertin à Paris cedex 13 (75640), représentée par ses représentants légaux ; la fédération demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 24 novembre 2008 de la cour administrative d’appel de Marseille en tant qu’il a rejeté sa requête tendant à l’annulation de l’article 1er du jugement du 12 avril 2007 par lequel le tribunal administratif de Marseille avait annulé la décision du 31 mars 2006 de son instance disciplinaire d’appel de lutte contre le dopage, en tant qu’elle inflige à M. Larbi A une suspension de deux années de compétition à compter du 31 mars 2006 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code du sport ;
Vu l’arrêté du 20 avril 2004 relatif aux substances et aux procédés mentionnés à l’article L. 3631-1 du code de la santé publique ;
Vu le règlement fédéral de lutte contre le dopage de la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Aymeric Pontvianne, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Peignot, Garreau, avocat de la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME,
– les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public,
– la parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Peignot, Garreau, avocat de la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 3631-1 du code de la santé publique, en vigueur à la date des faits et désormais codifié à l’article L. 232-9 du code du sport : Il est interdit, au cours des compétitions et manifestations sportives organisées ou autorisées par des fédérations sportives ou en vue d’y participer : / D’utiliser des substances et procédés de nature à modifier artificiellement les capacités ou à masquer l’emploi de substances ou procédés ayant cette propriété. / De recourir à ceux de ces substances ou procédés dont l’utilisation est soumise à des conditions restrictives lorsque ces conditions ne sont pas remplies. Les substances et procédés mentionnés au présent article sont déterminés par un arrêté des ministres chargés de la santé et des sports ; que l’arrêté du 24 avril 2004 pris en application de ces dispositions interdit notamment, dans son annexe, l’utilisation de la furosémide ; qu’aux termes de l’article L. 3634-1 du code de la santé publique, désormais repris à l’article L. 232-21 du code du sport : Les fédérations sportives agréées dans les conditions fixées à l’article 16 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, engagent des procédures disciplinaires afin de sanctionner les licenciés, ou les membres licenciés des groupements sportifs qui leur sont affiliés, ayant contrevenu aux dispositions des articles L. 3631-1, L. 3631-3 et L. 3632-3. / A cet effet, elles adoptent dans leur règlement des dispositions définies par décret en Conseil d’Etat et relatives aux contrôles organisés en application du présent titre, ainsi qu’aux procédures disciplinaires prévues en conséquence et aux sanctions applicables, dans le respect des droits de la défense (…) ; qu’en vertu des dispositions de l’article 25 du règlement fédéral de lutte contre le dopage de la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME, en cas de faits constatés de dopage, le contrevenant encourt des pénalités sportives telles que l’annulation de toutes les performances accomplies le jour où a été commise l’infraction et des sanctions disciplinaires choisies parmi les mesures ci-après : l’avertissement, la suspension de compétition, le retrait de licence, la radiation ; qu’enfin, aux termes de l’article 27 du même règlement : Lorsque l’organe disciplinaire a estimé, au vu du résultat de l’analyse initiale, confirmé le cas échéant par celui de la seconde analyse, que l’intéressé a méconnu les dispositions de l’article L.3631-1 du code de la santé publique, les sanctions prévues aux b et c du 2° de l’article 25 sont au maximum de trois ans ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. Larbi A, licencié auprès de la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME, a fait l’objet, à l’issue d’une épreuve de cross-country à laquelle il a participé à Limoges le 20 novembre 2005, d’un contrôle antidopage qui a révélé la présence dans ses urines de furosémide, produit masquant interdit en vertu de l’arrêté du 20 avril 2004 mentionné ci-dessus ; que l’organe disciplinaire de première instance de lutte contre le dopage de la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME lui a infligé, le 22 février 2006, une sanction disciplinaire de deux ans de suspension de compétition ainsi qu’une pénalité sportive consistant en la disqualification de l’épreuve disputée le 20 novembre 2005 et de toutes les épreuves disputées ultérieurement ; que ces mesures ont été confirmées par l’organe disciplinaire d’appel de lutte contre le dopage de la fédération, le 31 mars 2006 ; que, par jugement du 12 avril 2007, le tribunal administratif de Marseille a annulé la sanction de deux ans de suspension infligée à M. A et rejeté le surplus de ses conclusions ; que, par arrêt du 24 novembre 2008, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel principal dont elle était saisie contre ce jugement par la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME ainsi que l’appel incident formé contre le même jugement par M. A ; que la fédération se pourvoit contre cet arrêt en tant que, par son article 1er, il a rejeté son appel ;
Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’en se bornant à rechercher si la sanction litigieuse était manifestement disproportionnée par rapport aux faits poursuivis, alors qu’il lui appartenait de vérifier si le quantum de cette sanction, au regard notamment de l’échelle des sanctions résultant de l’article 25 du règlement de lutte contre le dopage de la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME, était ou non proportionné à ces faits, la cour administrative d’appel de Marseille a commis une erreur de droit ; que, par suite, la fédération requérante est fondée à demander l’annulation de l’article 1er de l’arrêt attaqué ;
Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de régler l’affaire au fond en application de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. A a utilisé un médicament qui lui avait été prescrit par son médecin huit jours avant la compétition et contenant une substance masquante interdite par la réglementation de lutte contre le dopage ; qu’il n’a ni déposé de demande d’autorisation préalable de ce médicament, ni signalé son usage lors du contrôle antidopage, alors qu’il en avait l’obligation ; qu’il n’a pas non plus répondu à la demande d’explications qui lui avait été adressée le 2 janvier 2006 par la fédération à la suite des résultats positifs du contrôle dont il avait fait l’objet, et qu’il ne s’est pas présenté lors de l’audience de l’organe disciplinaire de première instance ; que, dans ces circonstances, eu égard à la gravité des faits reprochés à M. A, tant en ce qui concerne le dopage qu’en ce qui concerne son comportement lors du contrôle antidopage et après celui-ci, l’organe disciplinaire d’appel n’a, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal administratif de Marseille, pas pris une sanction disproportionnée aux fautes dont s’est rendu coupable M. A en lui infligeant la sanction de deux années de suspension de compétition, qui est la deuxième sur l’échelle des sanctions prévue par l’article 25 du règlement fédéral, lequel en comporte quatre ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient au Conseil d’Etat, saisi par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. A à l’encontre de la décision attaquée ;
Sur la légalité externe :
Considérant que, si M. A soutient qu’il n’a pas été régulièrement convoqué à l’instance disciplinaire, il n’assortit ce moyen d’aucune précision permettant d’en apprécier le bien fondé ;
Considérant que l’article 6 du règlement fédéral de lutte contre le dopage de la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME prévoit que les organes disciplinaires de première instance et d’appel de lutte contre le dopage sont composés de cinq membres ; que l’article 7 du même règlement prévoit que le quorum de ces formations est fixé à trois membres ; qu’aucune règle, ni aucun principe général ne faisait obstacle à ce que la formation disciplinaire siégeât en nombre pair ; qu’en particulier, l’article 7 du règlement fédéral prévoit que, dans cette hypothèse, le président de la formation a voix prépondérante ; qu’ainsi, la circonstance, invoquée par M. A, que seuls quatre des cinq membres de la formation disciplinaire ont siégé lors de la réunion, le 31 mars 2006, au cours de laquelle lui a été infligée la sanction litigieuse, n’est pas de nature à entacher d’irrégularité cette sanction ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. A a été informé, par lettres des 6 février et 9 mars 2006, de la possibilité qu’il avait de consulter le rapport de l’instruction ainsi que l’intégralité de son dossier, comme l’impose l’article 11 du règlement fédéral, mais qu’il n’a formulé aucune demande en ce sens ; que la seule circonstance que la décision attaquée ne mentionne pas que cette possibilité lui a été offerte, n’énonce pas les moyens de défense qu’il a présentés lors de l’audience disciplinaire d’appel et ne vise pas les pièces qu’il a versées au dossier ne constitue pas une violation du principe du caractère contradictoire de la procédure, tel qu’il est rappelé notamment à l’article 23 du règlement fédéral et à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu’en dehors du cas où est apportée la preuve d’une prescription médicale à des fins justifiées, l’existence d’une violation des dispositions législatives et réglementaires relatives au dopage est établie par la présence, dans les prélèvements opérés sur les sportifs, de l’une des substances mentionnées dans la liste annexée à l’arrêté du 20 avril 2004, sans qu’il y ait lieu de rechercher si l’usage de cette substance a revêtu ou non un caractère intentionnel ; que, par suite, en estimant qu’il n’y avait pas lieu de rechercher si l’usage de la substance retrouvée dans les urines de M. A, qui figurait sur la liste annexée à l’arrêté du 20 avril 2004, avait ou non un tel caractère, l’organe disciplinaire d’appel n’a commis aucune erreur de droit ; qu’il n’en a pas non plus commis en se fondant, parmi d’autres éléments, sur ce que M. A n’avait pas signalé, lors du contrôle antidopage dont il avait fait l’objet, qu’il lui avait été prescrit un médicament contenant une substance interdite ;
Considérant, enfin, que la circonstance que M. A a été sanctionné pour les mêmes faits par le ministre de la défense en sa qualité de militaire ne constitue pas une violation du principe non bis in idem ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 31 mars 2006 de son instance disciplinaire d’appel de lutte contre le dopage en tant qu’elle inflige deux années de suspension de compétitions à M. A ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A les sommes que celui-ci demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. A la somme de 2 000 euros à verser au même titre à la fédération ;
D E C I D E :
Article 1er : L’article 1er de l’arrêt du 24 novembre 2008 de la cour administrative d’appel de Marseille et l’article 1er du jugement du 12 avril 2007 du tribunal administratif de Marseille sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande de M. A tendant à l’annulation de la décision du 31 mars 2006 de l’instance disciplinaire d’appel de lutte contre le dopage de la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME, en tant qu’elle lui inflige une suspension de deux années de compétition à compter du 31 mars 2006, sont rejetées.
Article 3 : M. A versera une somme de 2 000 euros à la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la FÉDÉRATION FRANÇAISE D’ATHLÉTISME et à M. Larbi A.
Copie en sera adressée, pour information, à la ministre de la santé et des sports.