REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l’arrêt n° 12PA02732 du 17 septembre 2013, enregistré le 24 septembre 2013 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par lequel le président de la cour administrative d’appel de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi présenté à cette cour par le garde des sceaux, ministre de la justice ;
Vu le pourvoi, enregistré le 25 juin 2012 au greffe de la cour administrative d’appel de Paris présenté par le garde des sceaux, ministre de la justice demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement n° 1105088/5-1 du 3 mai 2012 par lequel le tribunal administratif de Paris, d’une part, a annulé sa décision du 10 janvier 2011 par laquelle il a refusé d’accorder à M. A…le bénéfice de la protection fonctionnelle, d’autre part, a mis à la charge de l’Etat une somme de 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter la demande de M.A…;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son article 64 ;
Vu l’ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Samuel Gillis, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;
1 Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 10 janvier 2011, le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé d’accorder à M. A…, magistrat de l’ordre judiciaire, vice-président au tribunal de grande instance de Reims, le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue par l’article 11 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, alors que celui-ci faisait l’objet de poursuites pénales pour des faits de faux en écriture publique ; que, par un jugement du 3 mai 2012, contre lequel le garde des sceaux, ministre de la justice se pourvoit en cassation, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision ;
2 Considérant que s’il résulte des dispositions de l’article 11 de l’ordonnance du 22 décembre 1958 que les magistrats de l’ordre judiciaire sont protégés contre les menaces et attaques de quelque nature que ce soit, dont ils peuvent être l’objet dans l’exercice ou à l’occasion de leurs fonctions, ces dispositions n’étendent pas le bénéfice de la protection fonctionnelle au cas où le magistrat fait l’objet de poursuites pénales ; que, toutefois, en vertu d’un principe général du droit qui s’applique à tous les agents publics, lorsqu’un agent public est mis en cause par un tiers à raison de ses fonctions, il incombe à la collectivité publique dont il dépend de lui accorder sa protection dans le cas où il fait l’objet de poursuites pénales, sauf s’il a commis une faute personnelle ; que les principes généraux qui régissent le droit de la fonction publique sont applicables aux magistrats, sauf dispositions particulières de leur statut ; qu’ainsi le principe mentionné ci-dessus est, dans le silence, sur ce point, de leur statut et en l’absence de tout principe y faisant obstacle, applicable aux magistrats de l’ordre judiciaire ;
3 Considérant qu’une faute d’un agent de l’Etat qui, eu égard à sa nature, aux conditions dans lesquelles elle a été commise, aux objectifs poursuivis par son auteur et aux fonctions exercées par celui-ci est d’une particulière gravité doit être regardée comme une faute personnelle justifiant que la protection fonctionnelle soit refusée à l’agent, alors même que, commise à l’occasion de l’exercice des fonctions, elle n’est pas dépourvue de tout lien avec le service et qu’un tiers qui estime qu’elle lui a causé un préjudice peut poursuivre aussi bien la responsabilité de l’Etat devant la juridiction administrative que celle de son auteur devant la juridiction judiciaire et obtenir ainsi, dans la limite du préjudice subi, réparation ;
4 Considérant que le tribunal administratif de Paris a relevé qu’à l’issue de l’audience correctionnelle collégiale du tribunal de grande instance de Reims du 9 février 2010 au cours de laquelle étaient examinées plusieurs citations directes pour des faits de diffamation publique, M. A… a fait modifier par le greffier la note d’audience pour y faire figurer des citations directes qui n’avaient pas été enregistrées ni régulièrement appelées à l’audience et qu’il a rédigé quatre jugements fixant des consignations alors qu’il n’en avait prononcé que deux sur le siège ; qu’en jugeant que de tels agissements ne constituaient pas, de la part d’un magistrat, une faute d’une gravité telle qu’elle devait être regardée comme une faute personnelle justifiant le refus du garde des sceaux, ministre de la justice d’accorder à l’intéressé la protection fonctionnelle, le tribunal administratif a donné aux faits qu’il a relevés une qualification juridique inexacte ; qu’ainsi, le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à demander l’annulation du jugement attaqué ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Paris du 3 mai 2012 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la garde des sceaux, ministre de la justice et à M. B… A….