REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu, enregistrée à son secrétariat le 25 août 1994, la lettre par laquelle le ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant la Compagnie Nationale du Rhône et Electricité de France (EDF) ;
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 mai 1994 lequel a rejeté le déclinatoire de compétence du préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, et s’est déclaré compétent ;
Vu l’arrêté du 16 juin 1994 par lequel ledit préfet a élevé le conflit ;
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 juin 1994 ordonnant le sursis à statuer jusqu’à la décision du tribunal des conflits ;
Vu les observations du 12 juillet 1994 déposées le 15 juillet 1994 dans l’intérêt de la Compagnie Nationale du Rhône entre les mains du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris, concluant à déclarer, sans qu’il soit besoin de statuer sur la régularité de la procédure de conflit, que les juridictions de l’ordre judiciaire sont compétentes pour connaître du litige, et, subsidiairement, à déclarer nulle la procédure de conflit ;
Vu les observations du 25 juillet 1994 dudit procureur de la République ;
Vu, enregistré le 12 octobre 1994, le mémoire présenté par le ministre de l’industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur, tendant à faire rejeter les fins de non-recevoir soulevées par la Compagnie Nationale du Rhône, déclarer nul et non avenu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 31 mai 1994, et attribuer le litige aux juridictions de l’ordre administratif ;
Vu, enregistré le 28 octobre 1994, les observations présentées par la SCP Coutard, Mayer pour Electricité de France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Vu la loi du 24 mai 1872 ;
Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ;
Vu l’ordonnance des 12-21 mars 1831 modifiée ;
Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Chartier, membre du tribunal,
– les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat d’Electricité de France,
– les conclusions de M. Ph. Martin, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure de conflit :
Considérant qu’aux termes de l’article 13 de l’ordonnance du 1er juin 1828, le procureur de la République prévient les parties qu’elles peuvent lui remettre, dans le délai de quinzaine, leurs observations sur la question de compétence, avec tous les documents à l’appui ; qu’il ressort de ce texte que la demande d’Electricité de France tendant à faire déclarer irrecevables les observations transmises dans ce délai au procureur de la République par un avocat au Barreau de Paris au nom de la Compagnie Nationale du Rhône, est dépourvue de fondement ;
Considérant, ensuite, que le déclinatoire de compétence du 15 mars 1994 présenté par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris dans l’instance pendante devant le tribunal de commerce de Paris entre Electricité de France et la Compagnie Nationale du Rhône, dont la recevabilité a été contestée, contient un rappel des dispositions des lois des 16-24 août 1790 et 16 fructidor an III, interdisant aux tribunaux de connaître des actes d’administration ; qu’il a été ainsi satisfait aux prescriptions de l’article 6 de l’ordonnance du 1er juin 1828 ;
Considérant, enfin, que la circonstance que l’arrêté de conflit, qui a été adressé au procureur de la République le 16 juin 1994 dans le délai de quinzaine prévu à l’article 11 de l’ordonnance du 1er juin 1828, ne soit parvenu au greffe du tribunal de commerce qu’après ce délai, n’est pas de nature à l’entacher d’irrégularité ;
Sur la compétence :
Considérant que la loi du 27 mai 1921 a confié à la Compagnie Nationale du Rhône « l’aménagement du Rhône entre la frontière suisse et la mer » ; que la loi du 8 avril 1946 sur la nationalisation du gaz et de l’électricité prévoit qu’une loi particulière déterminera les conditions de liquidation de la Compagnie Nationale du Rhône ; que, cette loi n’étant pas intervenue, Electricité de France, établissement public, et la Compagnie Nationale du Rhône ont été appelés à se rapprocher pour concilier leurs missions respectives ; que le litige opposant ces deux entreprises porte sur un additif aux protocoles intervenus entre elles à cette fin, pour régler les conditions de mise à disposition d’Electricité de France de l’énergie produite par les centrales du Rhône ; que l’additif attaqué étant ainsi relatif à la coordination de leurs missions respectives de service public, c’est, dès lors, à bon droit que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, a élevé le conflit ;
Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 16 juin 1994 par le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, est confirmé.
Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure engagée par la Compagnie Nationale du Rhône contre Electricité de France devant le tribunal de commerce de Paris et le jugement de cette juridiction en date du 31 mai 1994.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre d’Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en assurer l’exécution.