Le principe d’unité de l’Etat ! L’heure étant à l’autonomie, à l’expérimentation, à la décentralisation, à la déconcentration, le principe fondateur de la République, et donc de l’Etat français, est parfois perdu de vue.
Deux décisions du 12 décembre 2012, Syndicat national des établissements et résidences privés pour les personnes âgées (SYNERPA) requête numéro 350479, et Syndicat des médecins inspecteurs de santé publique (SMISP) requête numéro 354635, rappellent l’existence du pouvoir hiérarchique des ministres compétents sur les établissements publics de l’Etat et fixent les limites de ce pouvoir.
Les décisions rapportées peuvent avec profit être mises en relation avec la décision Conseil d’Etat, 26 décembre 2012, » Libérez les Mademoiselles ! « , requête numéro 358226 qui évoque quant à elle le pouvoir d’instruction du Premier ministre à l’égard des ministres (v. Philippe Cossalter, Sur l’usage du terme “mademoiselle” dans les formulaires administratifs, RGD on line, 2012, numéro 4270).
1) Les circulaires attaquées
La première affaire, SYNERPA concernait un recours pour excès de pouvoir exercé contre certaines dispositions de la circulaire interministérielle n°DGCS/5C/DSS/1A/2011 /160 du 29 avril 2011 relative aux orientations de l’exercice 2011 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées. Les dispositions en cause visaient à définir le cadre général des campagnes budgétaires 2011 des établissements et services sociaux et médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgée. En un mot, les ministres du budget et des cohésions gelaient les crédits pouvant être attribués par les Directeur généraux des Agences régionales de santé à ces établissements au titre de l’année 2011.
La seconde affaire SMISP concernait la circulaire DRH/DRH2B n°2011-242 du 22 juin 2011, relative à la gestion des astreintes effectuées par les personnels des agences régionales de santé.
2) Les solutions rappelées
Dans les deux affaires le Conseil d’Etat rappelle que les ARS sont, en vertu de l’article L. 1432-1 du code de la santé publique, des Etablissements publics « distincts » de l’Etat. Il découle de leur statut d’établissements publics que les ARS, et en particulier les directeurs généraux de ces établissements, sont soumis au pouvoir hiérarchique des ministres compétences (a). Ce pouvoir hiérarchique ne s’assimile pas à un pouvoir d’organisation des services, compétence qui relève des directeurs généraux (b).
a) Les ministres disposent d’un pouvoir hiérarchique sur les directeurs généraux des ARS dans l’exercice des compétences qui leur sont confiées
Dans la première affaire, 12 décembre 2012, Syndicat national des établissements et résidences privés pour les personnes âgées (SYNERPA) requête numéro 350479, il était reproché aux ministres compétents d’avoir exercé un pouvoir hiérarchique sur les directeurs généraux des ARS, alors que ces agences sont des établissements publics, et donc des personnes morales distinctes de l’Etat.
Au moyen relatif à l’incompétence des ministres pour définir les orientation budgétaires des directeurs généraux des ARS, le Conseil d’Etat répond :
3. Considérant que si les agences régionales de santé sont, aux termes de l’article L. 1432-1 du code de la santé publique, des établissements publics distincts de l’Etat, les compétences qui leur sont confiées par l’article L. 1431-2 du code de la santé publique sont, en vertu de l’article L. 1432-2 du même code, exercées par leurs directeurs généraux au nom de l’Etat, sauf lorsqu’elles ont été attribuées à une autre autorité au sein de ces agences ; que, par suite, en l’absence de dispositions contraires, les directeurs généraux des agences régionales de santé sont, en tant qu’autorités agissant au nom de l’Etat, soumis au pouvoir hiérarchique des ministres compétents ; qu’à ce titre, les ministres peuvent, dans le cadre de leurs attributions respectives, leur adresser des instructions pour toutes les compétences qu’ils exercent au nom de l’Etat ;
Ce développement prend tout son sens lorsqu’il est rapproché du sixième considérant de la seconde décision, relative au pouvoir d’organisation des ministres sur les ARS.
b) Le pouvoir hiérarchique des ministres ne leur confère pas un pour d’organisation des ARS
Dans le cadre de la circulaire DRH/DRH2B n°2011-242 du 22 juin 2011, relative à la gestion des astreintes effectuées par les personnels des agences régionales de santé, les ministres du travail et des solidarités définissaient la notion d’astreinte (première partie) et les modalités d’organisation des astreintes au sein des Agences régionales de santé (Seconde partie). Si la première partie de la circulaire est légale, la seconde partie est illégale car il ne relevait pas de la compétence des ministres de s’immiscer dans l’organisation des ARS :
6. Considérant que si les compétences qui sont confiées aux agences régionales de santé par l’article L. 1431-2 du code de la santé publique sont, en vertu de l’article L. 1432-2 du même code, exercées par leurs directeurs généraux au nom de l’Etat, sauf lorsqu’elles ont été attribuées à une autre autorité au sein de ces agences, et si, par suite, en l’absence de dispositions contraires, ces directeurs généraux sont, en tant qu’autorités agissant au nom de l’Etat, soumis au pouvoir hiérarchique des ministres compétents, les agences régionales de santé sont, aux termes de l’article L. 1432-1 du code de la santé publique, des établissements publics distincts de l’Etat ; qu’il ne résulte ni de ces dispositions ni d’aucune autre que les ministres détiennent un pouvoir d’organisation des services de ces agences ; qu’un tel pouvoir relève, au sein de chaque agence, du seul directeur général, en tant que chef de service, sans qu’il puisse, à ce titre, recevoir d’instructions de la part des ministres ; que, dès lors, les ministres signataires de la circulaire attaquée n’étaient pas compétents pour fixer les règles d’organisation des astreintes au sein des agences régionales de santé ; que les dispositions correspondantes de la circulaire attaquée doivent, par suite, être annulées ;
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