1. – D’une simple analyse étymologique, il est aisé de déduire que, par essence même, le juge du référé précontractuel ne peut statuer qu’avant la conclusion du contrat. Il est donc « saisi avant la signature du contrat ». De cette particularité, il découle logiquement qu’il ne peut être régulièrement saisi après la signature du contrat, mais également qu’il ne peut plus, même régulièrement saisi, exercer ses pouvoirs après cette signature. Mais le juge tient également compte de la finalité du référé précontractuel, dont l’unique objet est qu’il soit mis fin à des manquements à la mise en concurrence avant que l’acheteur public ne soit en mesure de signer le contrat (V. pour un raisonnement similaire en matière de référé-suspension, « eu égard à son objet » (Conseil d’Etat, 27 juillet 2001, Société Sollac-Lorraine, requête numéro 234146 ; Conseil d’Etat, 23 juillet 2003, Société Atlantique terrains, requête numéro 254837) et/ou « eu égard à la mission impartie au juge » (Conseil d’Etat, 18 août 2006, M. Bénassy, requête numéro 259334). V. également « eu égard à l’objet » du référé-liberté : Conseil d’Etat, 9 décembre 2003, Mme Aiguillon, requête numéro 262186 ; et du référé-provision : Conseil d’Etat, 20 juillet 2005, M. Bidaud, requête numéro 281309). Aussi, l’objet de ce recours disparaît également lorsque ce dernier renonce au processus de passation contesté, en décidant de ne pas attribuer le contrat ou de recommencer la procédure. Enfin, parce qu’il est précisément juge des processus légaux devant aboutir à la passation de certains contrats administratifs, le juge du référé précontractuel n’est ni le juge des contrats pour lesquels aucun processus de passation n’est exigé, ni celui des procédures de mise en concurrence qui ne tendent pas à l’attribution d’un contrat de la commande publique, ni même celui des contrats administratifs dévolus à la suite d’une procédure de mise en concurrence volontaire. L’objet du référé précontractuel est donc triplement limité : il ne peut s’exercer que pour autant que, d’une part, le contrat n’a pas été conclu, d’autre part, qu’un contrat soit encore susceptible d’être conclu, enfin, que le contrat ressortisse à la compétence d’attribution de son juge. Il en résulte que l’office du juge du référé précontractuel se trouve lui-même limité par son essence (I), par son utilité (II) et par son champ d’application (III).
I. L’intervention du juge avant la conclusion du contrat procède de l’essence du référé précontractuel
2. – Par essence, les pouvoirs conférés au juge en vertu de la procédure spéciale instituée par l’article L. 551-1 du code de justice administrative (CJA) ne peuvent plus être exercés après la conclusion du contrat, laquelle se matérialise par la signature de l’acte d’engagement (Conseil d’Etat, 3 novembre 1995, Chambre de commerce et d’industrie de Tarbes et des Hautes-Pyrénées, requête numéro 157304). Ainsi, une requête présentée au juge du référé précontractuel est dépourvue d’objet et, par suite, irrecevable lorsqu’elle est présentée après la signature de ce contrat (Conseil d’Etat, 10 novembre 2004, Atelier d’architecture, requête numéro 264628). Symétriquement, lorsque la procédure a été achevée et le contrat conclu après l’enregistrement du référé précontractuel, celui-ci devient sans objet et le juge doit prononcer un non-lieu à statuer (Conseil d’Etat, 3 novembre 1995, Société Stentofon Communication, requête numéro 152650). Et il s’agit là d’un moyen d’ordre public, « en ce qu’il touche à l’office du juge » du référé (en ce sens Conseil d’Etat, 10 juillet 2006, Région Guadeloupe, requête numéro 290017). Mais si, de par l’essence même de son juge, la signature du contrat rend sans objet l’exercice d’un référé précontractuel, il est d’autres causes où, sans pour autant que le stade contractuel n’ait été franchi, l’exercice d’un tel recours, eu égard à sa finalité, perd toute utilité et, en tant que tel, son objet.
II. Le contrôle du processus de passation d’un contrat doit être utile
3. – L’objet du référé précontractuel étant, selon les textes qui l’organisent, de mettre fin aux manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence affectant un processus de passation d’un contrat, son juge ne peut exercer son office que pour autant qu’il soit saisi d’une procédure encore susceptible d’atteindre ce but (A). Aussi, l’existence de plusieurs procédures tendant à l’attribution d’un contrat de même objet n’est pas sans incidence sur l’utilité du recours (B).
A. La nécessité d’une procédure d’attribution en cours
4. – De même qu’il peut toujours mettre fin à un contrat administratif, en vertu des règles générales applicables aux contrats administratifs(Conseil d’Etat, 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval, Rec. p. 246. Jurisprudence constante : V. par ex. Conseil d’Etat, 4 mai 2011, CCI de Nîmes, Uzès, Bagnols, Le Vigan, requête numéro 334280), l’acheteur public conserve toujours la faculté, même sans texte, de renoncer à poursuivre le processus d’attribution d’un contrat tant que celui-ci n’a pas été signé (Conseil d’Etat, 20 octobre 2006, commune d’Andeville, requête numéro 289234). Cette faculté lui est ouverte alors même qu’il aurait déjà informé un candidat de ce que le contrat lui serait attribué, cette décision ne créant aucun droit à la signature (Conseil d’Etat, 10 octobre 1984, Compagnie générale de constructions téléphonique, requête numéro 16234). Cette renonciation, quels qu’en soient les motifs, fait alors perdre toute son utilité au référé précontractuel et, par voie de conséquence, son objet. Outre l’hypothèse « positive » de la signature même du contrat, qui en matérialise la conclusion et qui est le point final normal de la procédure précontractuelle et donc par essence de l’office du juge (c’est l’hypothèse essentialiste, cf. Supra I), il existe donc une hypothèse « négative » qui, résultant non de la conclusion du contrat mais de ce que celle-ci ne peut pas ou plus intervenir, est considérée par le juge du référé précontractuel comme mettant fin à son office en ce qu’elle rend inutile toute intervention de sa part (c’est l’hypothèse utilitariste ou finaliste, cf. II). Dans cette perspective, l’inutilité du juge comme limite à son office se décline en deux cas de figure.
5. – En premier lieu, l’achèvement du processus, ou plutôt son « avortement », peut résulter de la volonté même de l’acheteur public. Dans ce cas, lorsque le processus est déclaré sans suite avant même la saisine du juge du référé précontractuel, le référé précontractuel est dépourvu d’objet (Conseil d’Etat, 20 février 2013, Société Laboratoire Biomnis, requête numéro 363656). Symétriquement, lorsque la renonciation à poursuivre le processus de passation intervient en cours d’instance, le recours devient sans objet et il n’y a plus lieu d’y statuer (Conseil d’Etat, 26 mai 1999, Société Anonyme Steelcase Strafor, requête numéro 172803). Cette solution, « eu égard à la finalité assignée au référé préalable à la signature d’un contrat » (Conseil d’Etat, 13 décembre 2002, Hochedez, requête numéro 244661) que constitue le référé précontractuel, est logique. Il en va ainsi lorsque l’acheteur public informe les candidats que, pour un motif d’intérêt général, il déclare la procédure sans suite (Conseil d’Etat, 18 février 2004, société Ineo Systrans, requête numéro 260216). Il en va de même lorsque, pour le même motif, la procédure est déclarée sans suite pour l’ensemble des lots du marché en vue de relancer une nouvelle procédure, alors qu’en première instance seule la procédure d’attribution de deux lots avait été annulée, « les pouvoirs conférés au juge administratif, en vertu de la procédure spéciale instituée par l’article L. 551-1 du code de justice administrative, ne (pouvant) être exercées ni après la conclusion du contrat ni lorsque la personne responsable du marché décide, pour un motif d’intérêt général, de ne pas donner suite à la procédure de consultation » (Conseil d’Etat, 30 novembre 2005, Société Transports Cerdans et autres, requête numéro 280930).
6. – En second lieu, le même raisonnement utilitariste trouve à s’appliquer dans le cas où le processus ne peut être achevé pour une raison normalement indépendante de l’acheteur public. Ainsi, la déclaration d’infructuosité d’un appel d’offres, laquelle résulte en principe du constat de ce que l’ensemble des offres qui sont soumises à l’acheteur public sont irrégulières, inacceptables, ou inappropriées, rend également le référé précontractuel sans objet (Conseil d’Etat, 30 octobre 2002, Hochedez, requête numéro 241919) et conduit à l’irrecevabilité de la requête ou au non-lieu à statuer en considération de la date à laquelle cette circonstance intervient. En l’état de la jurisprudence, une exception doit toutefois être remarquée, laquelle doit permettre au juge de vérifier la légalité de la déclaration d’infructuosité dans la mesure où elle serait susceptible de léser un candidat ayant présenté une offre « régulière ». Lorsqu’il est saisi de la procédure de passation d’un marché négocié qui fait suite à un appel d’offres infructueux en raison du caractère inacceptable des offres qui ont été examinées, le juge du référé précontractuel peut alors examiner le bien-fondé de la déclaration d’infructuosité, en tant que cette décision est susceptible de léser l’opérateur économique dont la candidature avait été écartée comme incomplète dans le cadre de la procédure infructueuse et qui, de ce fait, n’a pu participer à la procédure négociée consécutive compte tenu des dispositions du 1° du I de l’article 35 du code des marchés publics (Conseil d’Etat, 3 octobre 2012, Département des Hauts-de-Seine, requête numéro 359921). Mais en dehors de cette hypothèse, l’achèvement d’un processus de passation d’un contrat administratif par une déclaration d’infructuosité doit s’imposer au juge du référé précontractuel(Comp. avec le refus du juge de contrôler et la régularité de la signature du contrat : Conseil d’Etat, 8 février 1999, Société Campenon Bernard SGE, requête numéro 188100, et le bien-fondé des motifs d’intérêt général permettant, en application de l’article 59-IV du code des marchés publics, de mettre fin à la procéudre à tout moment : Tribunal administatif de Strasbourg, 14 juin 2011, Semha, requête numéro 1102470). .
7. – En tout état de cause, avant de constater l’absence ou la perte d’objet du recours qui lui est soumis, il appartient au juge du référé précontractuel de s’assurer que la procédure a été effectivement déclarée sans suite. En la matière, la seule intention de l’acheteur public ne saurait en effet suffire.
B. La coexistence de plusieurs processus de passation du même contrat
8. – L’incidence sur l’objet du référé précontractuel de l’existence de plusieurs processus de passation tendant à la conclusion du même contrat ne paraît concerner que le juge de cassation, lorsqu’il est saisi d’un recours contre une ordonnance rendue en premier et dernier ressort par le juge du référé précontractuel. En effet, en principe, ce dernier se borne à vérifier si la procédure qui lui est soumise n’a pas été achevée, soit par la signature du contrat, soit par abandon. Mais il est possible d’envisager le cas selon lequel, alors que le juge du référé précontractuel de premier ressort est saisi d’une nouvelle procédure consécutive à celle qu’il a annulée, la signature du contrat intervienne sur le fondement de la première procédure que le juge de cassation aurait fait revivre en annulant son ordonnance et en rejetant le recours. Dans un tel cas, l’acheteur public pourrait valablement, selon nous, conclure au non-lieu à statuer, soit en invoquant cette signature, soit en renonçant purement et simplement à la seconde procédure qui ne présenterait pour lui plus aucun intérêt.
9. – Au-delà de cette hypothèse, lorsqu’à la suite de l’annulation d’une procédure par une ordonnance du juge du référé précontractuel, l’acheteur public lance, après l’introduction de son pourvoi en cassation contre cette ordonnance, une nouvelle procédure de même objet, mais qui est déclarée sans suite avant que le juge de cassation ne statue, ce pourvoi ne perd pas pour autant son objet, dès lors qu’il s’agit de procédures distinctes quand bien même elles portent sur l’attribution du même contrat (Conseil d’Etat, 11 août 2009, Département des Alpes-Maritimes, requête numéro 320088). Cette solution, qui semble contredire l’existence d’un office « utilitariste », peut s’expliquer par le fait que le juge du référé précontractuel ne peut être saisi que d’un processus encore susceptible de conduire à l’attribution d’un contrat, et que dans le cas qui vient d’être évoqué, il subsiste toujours un tel processus puisque devant le juge de cassation, l’annulation de la procédure initiale est contestée et pourrait donc, le cas échéant, « ressusciter » après censure de l’ordonnance rendue en premier ressort. Dans un tel cas, il subsiste bien une possibilité que le contrat soit légalement attribué au terme d’un processus encore susceptible d’atteindre ce but, et cette seule éventualité permet de conserver l’objet du pourvoi, quand bien même l’acheteur public aurait formulé son intention de renoncer à conclure un contrat. En effet, pour reprendre les mots du rapporteur public B. Da Costa dans l’affaire Département des Alpes-Maritimes précitée, « le non-lieu est un instrument juridique dont les conditions d’utilisation doivent être définies avec une certaine rigueur, ce qui nous semble exclure qu’une trop grande place soit laissée à l’analyse subjective des intentions du pouvoir adjudicateur ».
10. – En revanche, le litige est privé d’objet dans le même cas de figure, lorsque la seconde procédure de même objet a été menée à son terme, c’est-à-dire que le contrat a été conclu (Conseil d’Etat, 14 novembre 1997, Département des Alpes-de-Haute-Provence, requête numéro 179083), sauf si cette conclusion est exclusivement intervenue à titre provisoire, c’est-à-dire dans l’attente du résultat du contentieux relatif à la première procédure, « la signature d’une telle convention ne (pouvant) être regardée comme la signature du contrat » dont la passation avait été annulée en première instance (Conseil d’Etat, 21 juin 2000, Syndicat intercommunal de la Côte d’Amour et de la presqu’île guérandaise, requête numéro 209319). Il est donc possible de dire que lorsque plusieurs processus de passation du même contrat coexistent, l’aboutissement d’un seul de ces processus par la signature du contrat envisagé « est regardé » utilement comme l’achèvement du processus de passation du contrat. Par contre, la renonciation à poursuivre ce ou ces processus, qui demeurent distincts l’un de l’autre, n’emporte aucun effet en soi.
11. – Le même raisonnement permet de régler des situations encore plus complexes. Ainsi, si à la suite de l’annulation d’une procédure par le juge du référé précontractuel de première instance, l’acheteur public lance au cours de l’instance de cassation deux nouvelles procédures en vue de la passation d’un marché portant sur les mêmes prestations, et qu’à la date à laquelle statue le juge de cassation, l’une des procédures a été déclarée sans suite mais que l’autre n’a pas encore abouti à la signature du marché, le pourvoi relatif à la première procédure n’a pas perdu son objet, dès lors que le contrat peut toujours être signé au titre de la procédure ressuscitée (Conseil d’Etat, 4 février 2009, Commune de Toulon, requête numéro 311344). En revanche, le juge de cassation prononce un non-lieu quand l’acheteur public se pourvoit contre une ordonnance ayant annulé un appel d’offres infructueux suivi d’une procédure adaptée également infructueuse, alors même que cette autorité a lancé ultérieurement un nouvel appel d’offres portant sur les mêmes prestations qui n’a pas encore abouti (Conseil d’Etat, 15 décembre 2008, OPAC des Alpes-Maritimes – Côte d’Azur Habitat, requête numéro 308464). Dans cette affaire, le Conseil d’Etat était saisi de l’ordonnance ayant annulé les deux premières procédures. Il a considéré que le pourvoi était sans objet, dès lors que compte tenu de la « double infructuosité » avérée des procédures faisant l’objet du pourvoi, le pouvoir adjudicateur ne pouvait en tout état de cause les reprendre, sans que la circonstance qu’une troisième procédure portant sur les mêmes prestations, toujours en cours mais distincte et non contestée, ait une quelconque influence. Dans ce cas, le contrat ne pouvait en effet être conclu qu’au titre de la troisième procédure non (encore) contestée.
12. – Le référé précontractuel n’a donc d’objet qu’en tant qu’il conteste un processus sur le fondement duquel l’acheteur public est en mesure de signer un contrat administratif. Mais l’objet de ce recours n’est pas davantage de permettre à son juge de connaître de tous les processus de cette nature, ni même de tous les contrats administratifs qui seraient dévolus à la suite d’un tel processus.
III. Un juge « spécialisé » dont la compétence est limitativement définie
13. – Le juge du référé précontractuel ne peut connaître que du processus de passation d’un contrat : il n’est pas le juge de toutes les procédures de mise en concurrence. Par ailleurs, si le champ d’application du référé précontractuel recouvre la plupart des contrats, soit « les contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation, ou la délégation d’un service public », certains contrats et, par voie de conséquence, leur processus de passation ne ressortissent pas à sa compétence d’attribution ainsi limitativement définie.
14. – Tous les contrats administratifs, mais uniquement eux, répondant à la définition des articles L. 551-1 et 5 du CJA peuvent faire l’objet d’un tel recours. De ces dispositions, il s’évince clairement que les marchés publics et les conventions de délégation de service public, qui sont légalement soumis à des procédures de mise en concurrence, entrent dans le champ d’application du référé précontractuel. Mais d’autres contrats peuvent être inclus dans ce champ d’application compte tenu de la définition retenue par les textes. Ainsi, en tant qu’il a pour objet de faire participer un opérateur économique à la « gestion d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public » ou de lui confier des « prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée », la passation d’un contrats de partenariat public-privé, soumise au chapitre IV du titre I du livre IV de la première partie du code général des collectivités territoriales, peut également faire l’objet d’un tel recours (Conseil d’Etat, 24 juin 2011, Société Autostrade per l’Italia, requête numéro 347720). De la même façon, un contrat confiant des prestations de recouvrement de créances à des huissiers, dont la rémunération n’est pas assurée directement par l’Etat mais par le versement de frais de recouvrement mis à la charge du débiteur ou du condamné, est regardé comme un marché de services ayant une contrepartie économique sous forme de prix. Dès lors, sa procédure de passation entre aussi dans le champ d’application du référé précontractuel (Conseil d’Etat, 26 septembre 2012, GIE Groupement des poursuites extérieures, requête numéro 359389).
15. – En revanche, ni la procédure unilatérale ayant pour objet la désignation d’un exploitant autorisé à exploiter un service de transport de voyageurs en Ile-de-France, qui relève du seul syndicat des transports d’Ile-de-France, ni la procédure de mise en concurrence mise en œuvre par une commune pour proposer un exploitant à ce syndicat, non détachable de cette procédure unilatérale, ne ressortissent à la compétence du juge du référé précontractuel (Conseil d’Etat, 13 juillet 2007, commune de Rosny-sous-Bois, requête numéro 299207). Par analogie, la procédure de sélection mise en œuvre au titre de l’article R. 216-16 du code de l’aviation civile, qui a pour objet de délivrer à des opérateurs économiques l’autorisation de fournir des services d’assistance en escale aux transporteurs aériens dans les aéroports, ne devrait pas non plus entrer dans le champ d’application du référé précontractuel, eu égard au caractère unilatéral de cette autorisation. Mais cette exclusion du champ du référé précontractuel pourrait surtout résulter de ce qu’il s’agit d’une « procédure de sélection de candidats à l’utilisation du domaine public aéroportuaire » (Conseil d’Etat, 1 décembre 1999, Syndicat des compagnies aériennes autonomes, requête numéro 194748).
16. – En effet, « aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe n’impose à une personne publique d’organiser une procédure de publicité préalable à la délivrance d’une autorisation ou à la passation d’un contrat d’occupation d’une dépendance du domaine public, dès lors que cette autorisation ou ce contrat n’a d’autre objet que l’occupation d’une telle dépendance » (Conseil d’Etat, 3 décembre 2010, Association Paris Jean Bouin, requête numéro 338272). Pouvant être librement conclus, le juge du référé précontractuel ne peut « être saisi de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence » auxquelles n’est pas soumise la passation de ces contrats. Certes, si un contrat d’occupation du domaine public a été précédé d’un processus librement consenti de mise en concurrence, les règles de ce processus, même facultatives, doivent être respectées et le juge du fond y veille (Conseil d’Etat, 8 juin 2011, Port autonome de Marseille, requête numéro 318010). Mais en l’état de la jurisprudence, les conventions dont le seul objet est l’occupation d’une dépendance du domaine public ne ressortissent pas à la compétence du juge du référé précontractuel en ce que leur passation n’est soumise à aucune obligation de publicité et de mise en concurrence impérative qu’il appartiendrait au juge du référé précontractuel de contrôler et qu’au demeurant, la nature même d’un tel contrat ne semble pas correspondre à la définition de l’article L. 551-1 du CJA. (Conseil d’Etat, 19 janvier 2011, Chambre de commerce et d’industrie de Pointe-à-Pitre, requête numéro 341669. V. également Tribunal administratif de Nice, 19 avril 2011, Monsieur R., requête numéro 1101464, à propos d’une concession de pâturage). Il s’agit là des principaux contrats administratifs qui échappent à sa vigilance.
17. – Par contre, dès lors que la convention d’occupation du domaine public confie à son bénéficiaire la gestion d’un service public, ou est conclue à titre onéreux pour répondre aux besoins de la personne publique, elle doit être qualifiée de délégation de service public ou de marché public et, par suite, son processus de passation entre dans le champ d’application du référé précontractuel (V. en matière de mobiliers urbain : Conseil d’Etat, 4 novembre 2005, Société Jean-Claude Decaux, requête numéro 247298 ; Conseil d’Etat, 15 mai 2013, Ville de Paris, requête numéro 364593). Il convient également de relever que lorsqu’une procédure « d’appel à projet » est lancée, sans que la nature du contrat envisagé ne soit encore définie, il est admis qu’il est nécessaire d’appliquer la procédure légale de passation la plus rigoureuse. Ainsi, dans le cas où un processus est susceptible d’aboutir « soit à la conclusion d’une convention portant simplement occupation du domaine public maritime », dont la passation n’est soumise à aucune procédure particulière et qui échappe donc au juge du référé précontractuel, « soit à la signature d’une concession d’outillage public déléguant une mission de service public au cocontractant dont la rémunération serait substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation », et donc qualifiée de convention de délégation de service public, il appartient à la personne publique de mettre en œuvre la procédure de passation prévue par les dispositions de l’article 38 de la loi du 29 janvier 1993, sous le contrôle du juge du référé précontractuel (Conseil d’Etat, 10 juin 2009, Port autonome de Marseille, requête numéro 317671).
18. – En définitive, il est permis de penser que le référé précontractuel n’a pas « livré tous ses secrets ». Ce qui est certain c’est qu’aucune interprétation jurisprudentielle de son objet ou de l’objet de la compétence de son juge ne peut faire abstraction de sa finalité particulière, qui est de mettre fin « aux manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation » de certains contrats administratifs. C’est donc au regard de cette finalité particulière que la jurisprudence définit les objets de cette procédure spécialisée.
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