Le caractère exceptionnel de l’affaire Lambert justifiait que la Revue générale du droit y consacre un dossier spécial.
En effet, si les multiples décisions rendues dans ce drame judiciaire familial apportent de nombreuses réponses juridiques, elles soulèvent également des questions inédites de nature extra-juridique.
Ce n’est pas la première fois que le Conseil d’Etat doit examiner une affaire dans laquelle la vie d’une personne est en cause, mais jusque là, il n’y procédait que par voie incidente et même le plus souvent de manière implicite.
Dans les affaires d’extradition, il examinait la légalité d’un décret tendant à la remise à un Etat tiers d’une personne qui pouvait être, le cas échéant, condamnée à la peine capitale. Depuis 1981, et l’abolition de la peine de mort, l’ordre public français fait obstacle à ce qu’une extradition soit mise en œuvre lorsqu’une peine capitale peut être prononcée ce qui implique l’illégalité d’un acte qui pourrait amener au prononcé d’une telle peine (CE Section, 27 février 1987, Fidan, n° 78665).
Dans la célèbre affaire Canal (CE Assemblée, 19 octobre 1962, Canal, Robin et Godot, n° 58502), cette même Assemblée du contentieux examinait la légalité d’une ordonnance présidentielle instituant une juridiction d’exception et non la peine qu’il convenait d’appliquer au condamné. L’annulation de l’acte fondateur de la Cour militaire de justice impliquait également celle des actes juridictionnels qui en résultaient et cela la vieille de l’exécution de la sentence.
Dans les affaires de droit d’asile, le juge administratif doit rechercher si une personne encoure un risque pour sa vie ou pour celle de ses proches dans un autre Etat et si, en conséquence, les autorités administratives compétentes ont légalement statué sur cette demande (Articles L.711‑1 et s. du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile).
Dans les affaires d’éloignement, le juge doit déterminer si l’Etat vers lequel une personne de nationalité étrangère est reconduite présente un risque pour la sécurité des personnes ; mais il censure en ce cas l’Etat de destination, non la décision de principe.
Mais jamais, depuis 1872, il n’avait eu à juger de la légalité d’une décision dont la teneur conditionnait directement la vie d’un être humain, les recours en grâce n’étant pas susceptibles d’être discutés au contentieux (CE Ass., 28 mars 1947, Gombert).
On notera d’ailleurs que les juridictions saisies, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne puis le Conseil d’Etat, ont toutes deux renvoyé le jugement de la plus rapide de leurs procédures, le référé-liberté (Article L.521‑2 du code de justice administrative), devant leurs formations de jugement les plus solennelles. Ceci démontre l’importance qu’elles ont accordé à cette affaire ; le droit à la vie étant non seulement une liberté fondamentale mais la plus fondamentale des libertés.
Afin d’accorder à ces décisions la place qu’elles méritent, la Revue a regroupé dans un même dossier 4 contributions.
Tout d’abord des observations sous le jugement rendu par le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne le 16 janvier 2014 portant sur le référé liberté intenté par plusieurs membres de la famille Lambert (article n° 17316).
Ensuite deux commentaires portant sur les deux arrêts rendues en Assemblée du contentieux par le Conseil d’Etat et portant sur l’appel de ce référé liberté :
- Un premier commentaire sur les aspects procéduraux (article n° 17317) ;
- Un second commentaire sur la question du traitement juridique de la fin de vie (article n° 17318).
Un commentaire de la mesure provisoire adoptée par la Cour européenne des droits de l’Homme le 24 juin 2014 qui « suspend », à titre conservatoire, les effets des décisions du Conseil d’Etat ce qui n’a pas manqué de surprendre la presse et une partie de la doctrine administrative (article n° 17327).
Enfin, la Revue présente un éclairage comparatif sur le droit allemand applicable à ces questions (article n°17408, page 65).
La Revue générale du droit met également à la disposition de ses lecteurs quelques liens Internet vers des documents rendus publics qui peuvent éclairer certains aspects de ce dossier:
- Académie nationale de Médecine, Observations d’ordre général en réponse à la saisine du Conseil d’Etat dans l’affaire Lambert, 22 avril 2014, 9 pages (format PDF).
- Conseil national de l’Ordre des médecins, Observations en application de la demande avant dire droit de l’Assemblée du contentieux du Conseil d’Etat du 14 février 2014, 22 avril 2014, 9 pages (format PDF)
- Rémi Keller, « Conclusions sur CE Ass., 14 février 2014, « Lambert I »», n° 375081, 375090 et 375091, 19 pages (format PDF)
- Rémi Keller, « Conclusions sur CE Ass., 24 juin 2014, « Lambert II »», n° 375081, 375090 et 375091 (format PDF)
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