217. Les mots du droit français, une réalité différente. – Les actes administratifs (I), les contrats de droit public (II) et le reste (III)… Le plan de ce chapitre est conforme aux habitudes de présentation du droit allemand. La terminologie n’effraie pas
Probablement pas assez, et c’est pourquoi une mise en garde préliminaire s’impose.
Si, en matière d’actes, l’emprunt du droit administratif allemand à la terminologie du droit français de la fin du XIXº et du début du XXº siècle est attesté par la mention régulière du rôle d’Otto Mayer, il est non moins certain que les mots ne recouvrent pas ici la même réalité. M. Fromont et, plus récemment, M. Marcou ont bien marqué cette différence : « Un acte administratif est un acte d’autorité par lequel l’administration établit ou modifie des droits subjectifs, ou, par extension, constitue une disposition générale concrète par son objet ou le cercle des personnes concernées ; l’acte administratif s’oppose à la norme juridique, qui est générale et abstraite (…). La notion allemande du contrat de droit public (öffentlich-rechtlicher Vertrag) est très différente de la conception française ; tel qu’il est défini par la loi du 25 mai 1976 sur la procédure administrative, le contrat de droit public est une solution alternative à l’acte administratif (…) » (G. Marcou, L’administration publique en Allemagne et en France, p. 362).
L’acte administratif s’oppose à la norme, le contrat de droit public est une alternative à l’acte administratif : constatations essentielles, qui permettent de comprendre que le champ d’utilisation de l’une et de l’autre de ces formes d’action de l’administration est beaucoup plus étroit qu’en droit français et aussi que l’étude de l’acte administratif relève d’un tout autre chapitre que celle des normes d’origine administrative à portée générale et impersonnelle : le règlement étatique (Rechtsverordnung) et le règlement corporatif (Satzung).
Section I – L’acte administratif (Verwaltungsakt)
218. La définition légale du § 35 VwVfG. – Empruntée au XIXº siècle par la doctrine allemande et notamment par Otto Mayer à la terminologie du droit public français, utilisée au § 25 I du règlement nº 165 (1948) du gouvernement militaire, la notion d’acte administratif a reçu sa définition légale par le § 35 1 de la loi de 1976 sur la procédure administrative non contentieuse :
L’origine historique de la notion ainsi que le souci de concision imposent de rendre Verwaltungsakt par acte administratif. Si l’on voulait être plus précis, il faudrait, comme on le verra plus tard, parler d’acte unilatéral non réglementaire. Il s’agit de la plus énergique des formes d’action de l’administration. En dehors du cas d’inexistence, son régime contentieux (cf. §§ 42, 68 et s. VwGO) lui permet de déployer immédiatement ses effets ; s’il n’est pas contesté dans les formes et délais du recours administratif préalable (§ 70 VwGO) et de l’action en annulation (§ 74 VwGO), l’acte administratif bénéficie de l’autorité de chose décidée (Bestandskraft) et peut être directement exécuté par l’autorité qui l’a édicté.
I | Les cinq caractéristiques de l’acte administratif
219. Une mesure de puissance publique (hoheitliche Maßnahme). – La loi ne lie pas la qualité d’acte administratif à une forme particulière. Prescription (Verfügung) et décision (Entscheidung) sont mentionnées à titre d’exemple, le terme générique « mesure » (Maßnahme) désignant tout ordre obligatoire, visant à produire un effet juridique, édicté par écrit, par oral ou sous autre forme, par signe ou par un procédé automatisé (cf. § 37 II et IV VwVfG). L’essentiel est que cette mesure manifeste bien l’exercice de la puissance publique (hoheitlich) agissant dans un cadre de droit public (auf dem Gebiet des öffentlichen Rechts). Cette dernière précision peut paraître redondante puisque la loi sur la procédure administrative ne concerne que l’activité administrative des autorités mentionnées à son § 1 I ; elle écarte tous les cas où l’administration fait usage d’actes juridiques du droit privé.
220. Une autorité administrative (Behörde, voir nº 155). – La notion d’autorité administrative renvoit à tout organe assurant des tâches d’administration publique (§ 1 IV VwVfG). Il s’agit d’une définition matérielle, et non formelle, qui ne restreint pas le groupe des auteurs potentiels aux seules autorités de l’appareil administratif, mais englobe également d’autres organes publics, par exemple le président du Bundestag dans l’exercice de ses pouvoirs de police dans l’enceinte de l’Assemblée (Art. 40 LF) ou les personnes privées concessionnaires de missions de droit public.
221. Un acte de réglementation (zur Regelung). – L’acte administratif vise à produire un effet juridique, en modifiant directement ou en concrétisant un rapport de droit : fondation, modification, abrogation ou constatation avec force obligatoire de droits ou d’obligations dans le chef de personnes, ou réglementation du statut de choses. Cet effet juridique doit être directement visé et ne pas être un simple effet réflexe de la mesure. Les cas typiques d’actes de réglementation sont :
-les actes imposant ou interdisant un comportement ;
-la décision d’octroi d’un droit (ex. : permis de construire) ou d’une prestation (ex. : octroi d’une subvention) ; le refus d’octroi d’un droit ou d’une prestation ;
-la modification d’une situation juridique, par exemple le retrait ou la révocation d’un acte administratif ;
-la réglementation du statut juridique d’une chose (acte administratif de caractère réel) ;
-la constatation ou la déclaration d’une situation, dès lors qu’elle va au-delà d’un simple renseignement ou constatation de fait, mais tend à fixer dans un cas douteux une conséquence juridique envisagée par la loi.
N’ont pas en revanche le caractère d’acte administratif :
-les activités de nature purement matérielle (Realakte) : recommandations, informations, renseignements, déclarations comportant appréciation subjective et non destinées à produire directement des effets de droit, rapports d’enquête (BVerwGE 14, 323 ; 59, 319) ; les activités purement matérielles présupposant une subsomption de l’administration ou l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire dans un cas concret sont toutefois des actes de réglementation ;
-les actes de caractère préparatoire et partiel, qui n’ont pas encore de caractère définitif, ou pas d’existence autonome ; les actes administratifs à titre provisoire (vorläufiger VA), par ex. l’octroi d’une subvention sous réserve de l’examen ultérieur définitif d’un dossier ne pouvant être définitivement réglé en l’état, ne sont pas considérés par la majorité de la doctrine comme des actes partiels, mais bien comme des actes administratifs. Le § 44a VwGO n’ouvre des voies de recours contre des opérations de caractère procédural que sous la condition de simultanéité avec les voies de recours ouvertes contre la décision sur le fond ;
-le simple rappel d’un acte administratif antérieur sans nouvel examen de la situation.
222. Production directe d’effets de droit à l’extérieur de l’administration (auf unmittelbare Rechtswirkung nach außen gerichtet). – L’acte administratif doit, par son contenu objectif, produire des droits ou obligations, à l’égard d’administrés/citoyens ou de personnes extérieures à l’autorité administrative qui l’édicte. Tel n’est pas normalement le cas des instructions de service (innerdienstliche Weisungen) concernant l’organisation et le fonctionnement du service.
En revanche, il y a effet externe si une mesure d’ordre interne touche une personne relevant du service, non en tant qu’administrateur, mais dans sa situation personnelle : nomination, mutation, révocation d’un fonctionnaire, admission d’un élève dans une école publique ou dans la classe supérieure, proclamation d’un résultat d’examen ; l’importance donnée à ces derniers exemples révèle en creux la disparition de l’ancienne notion de rapport spécial de puissance publique (besonderes Gewaltverhältnis) dans les écoles, établissements pénitentiaires, dans la fonction publique ou à l’armée, depuis une décision de 1972 sur les droits des détenus (BVerfGE 33, 1, II).
Il n’y a pas d’effet extérieur lorsqu’une autorité administrative donne une instruction à une autre autorité de la même institution d’administration, ni lorsqu’une autorité d’administration d’Etat donne une instruction à une autorité communale dans le cadre des affaires déléguées.
Lorsque la procédure d’édiction d’un acte administratif fait intervenir une autre autorité administrative, par exemple pour avis ou pour approbation (mehrstufiger VA, acte administratif à plusieurs degrés), le concours de cette autorité ne constitue un acte administratif indépendant que si ce concours est imposé par une norme, si l’avis donné s’impose à l’auteur de l’acte et s’il repose sur un examen autonome de points de vue spécifiques (par exemple : avis du ministère de l’intérieur avant nomination en qualité de fonctionnaire d’un étranger non-communautaire, § 4 II BRRG, § 7 II BBG).
223. Un acte portant sur un cas d’espèce (Einzelfall). – Cette dernière caractéristique de l’acte administratif fixe la frontière entre l’acte administratif, non réglementaire, et l’acte de fixation d’une règle de droit de caractère général dans ses destinataires et abstrait dans son objet. La tentation est grande de définir symétriquement l’acte administratif par le caractère individuel de son destinataire et concret de son objet. Or, il suffit pour satisfaire à la caractéristique « cas d’espèce » du § 35 1 VwVfG que l’acte administratif satisfasse à la condition d’identifiabilité du ou des destinataire(s) ou que son objet soit suffisamment concret pour que l’on ne puisse le considérer comme une règle générale et abstraite.
-Le cas typique est bien sûr celui de la réglementation d’une situation à la fois concrète (objet) et individuelle (destinataire).
– La qualification reste la même dans le cas que M. Maurer considère comme une « arabesque théorique », que constitue une règlementation abstraite adressée à un destinataire individuel (Ex. : arrêté à l’adresse de A., lui enjoignant de saler son trottoir à chaque fois qu’il y aura du verglas).
-le caractère général de l’acte (destinataire) ne fait pas obstacle à la qualification comme acte administratif, dès lors que l’objet de la réglementation est concret. Le § 35 2 VwVfG prévoit d’ailleurs le cas de la prescription collective (Allgemeinverfügung), c’est-à-dire d’un acte administratif qui:
1/ s’adresse à un cercle de personnes déterminé ou déterminable d’après des critères généraux ; tel est sans conteste le cas de l’ordre de dispersion d’un rassemblement (qui a pour destinataires les participants à ce rassemblement), mais aussi celui de l’interdiction d’une manifestation prévue à une date fixée en un lieu déterminé (les personnes qui envisagent d’y participer forment un groupe suffisamment défini) ou encore celui d’une interdiction de vente de salades de chicorée en raison d’une épidémie de typhus (ici encore le cercle est suffisamment défini par la circonstance de l’épidémie);
2/ ou qui concerne la nature de droit public d’un bien (par ex. : l’affectation d’une voie au public [Widmung], ou la création d’une zone protégée dans l’intérêt de la défense [Schutzbereichsanordnung]);
3/ ou qui concerne l’utilisation d’un bien par la collectivité (ainsi, l’acte qui fixe les droits des usagers d’établissements et installations diverses : piscines, bibliothèques, musées, etc…).
Si l’on tente de transposer ici la terminologie du droit administratif français, le Verwaltungsakt du droit allemand recouvre donc approximativement le groupe des décisions individuelles et celui des décisions d’espèce, c’est-à-dire l’ensemble des actes unilatéraux non réglementaires. A travers la notion de prescription collective, le nombre des actes administratifs ni réglementaires ni franchement individuels peut désormais s’accroître : la doctrine relève ainsi que les signaux de circulation sous forme de panneaux ont acquis la qualité d’acte administratif (BVerwGE 27, 181 ; 59, 221), en attendant que les avis publics d’alerte au smog se voient reconnaître la même qualité.
La raison principale de cette évolution paraît devoir être recherchée dans la protection juridictionnelle : le recours en contrôle des normes infra-législatives prévu par le § 47 VwGO est loin de remplir la fonction du recours pour excès de pouvoir contre les actes réglementaires en droit français : élargir le groupe des actes administratifs permet alors d’ouvrir les possibilités de recours des administrés/citoyens.
II | Typologie des actes administratifs
224. Les principales catégories. – Nous avons déjà rencontré au chapitre précédent la distinction entre les actes sur compétence liée et ceux pour lesquels l’administration dispose d’un pouvoir discrétionnaire dans le choix de la conséquence juridique à tirer de faits établis et juridiquement qualifiés. Les actes administratifs peuvent également être classés selon leur contenu, selon leur effet à l’égard de l’administré/citoyen, selon leur procédure d’édiction, selon la durée et l’étendue de leur effet.
a) Sous l’angle de leur contenu, on distingue
-les ordres (Gebote) et les interdictions (Verbote) qui prescrivent un comportement déterminé, classiquement ramené à la trilogie des prescriptions (Verfügungen) de faire, souffrir ou s’abstenir (tun, dulden, unterlassen : par ex. § 36 II nº 4 VwVfG) ;
-les actes constitutifs (rechtsgestaltender VA) qui établissent, modifient ou suppriment une situation juridique : approbations et autorisations (Ex. : nomination de fonctionnaire, octroi de nationalité) ;
-les actes à caractère déclaratoire (feststellender VA) constatent l’existence ou l’absence d’une situation juridique ou d’une qualité juridique d’une personne ou d’une chose (Ex. : constatation de la qualité d’électeur ou de réfugié, notification du montant d’un impôt ou d’une pension) ;
b) Sous l’angle de leur effet à l’égard de l’administré/citoyen, la distinction principale oppose l’acte conférant un avantage (begünstigender VA) à celui qui impose une charge (belastender VA). L’acte conférant un droit ou un avantage juridiquement non négligeable ne peut être retiré que dans certaines limites (§ 48 I 2 VwVfG). L’acte imposant une charge est soumis à des conditions particulières de légalité et de procédure (audition : § 28 I VwVfG). Certains actes ont à l’égard de leur destinataire le double effet (Doppelwirkung) de procurer un avantage moyennant une charge. Malgré l’incertitude terminologique du § 80a VwGO, on doit distinguer ces actes à double effet pour le même destinataire de ceux ayant pour effet d’apporter un avantage ou surtout d’imposer une charge à un tiers, et donc de lui permettre de former un recours (Drittwirkung; cas du voisin du bénéficiaire d’un permis de construire, dont les droits sont susceptibles d’être atteints).
c) Sous l’angle de la procédure d’édiction, l’acte administratif reste toujours fondamentalement un acte unilatéral de la puissance publique ; on distinguera toutefois selon que la production des effets de l’acte impose ou non le concours du destinataire (mitwirkungsbedürftiger VA), par exemple sous forme d’une requête du destinataire ou d’une autre autorité administrative ; le défaut de requête peut être constitutif tantôt d’un vice de procédure « guérissable » selon le § 45 I VwVfG, tantôt d’un vice de fond frappant l’acte d’inexistence (§ 44 VwVfG).
d) Sous l’angle de la durée, on distinguera selon que les effets de l’acte sont durables (Dauerwirkung) ou instantanés ; dans le cas d’un acte à effet durable (Ex. : permis de conduire, nomination de fonctionnaires, etc…), la modification des circonstances de fait ou de droit peut justifier la révocation pour l’avenir d’un acte initialement régulier (§ 49 II VwVfG).
e) Sous l’angle de l’étendue des effets, on distinguera de l’acte définitif, les situations correspondant à une décision incomplète ou provisoire. Tel est le cas de l’acte administratif à titre provisoire (vorläufiger VA), de l’autorisation partielle (Teilgenehmigung) ou de la décision préalable (Vorbescheid) par laquelle l’administration constate que certaines conditions d’émission de l’acte définitif sont déjà remplies et qui lie déjà l’administration.
III | Les effets de l’acte administratif
A – La production des effets (Rechtswirksamkeit)
L’acte administratif commence à produire ses effets à partir de sa notification (première condition), à condition qu’il ne soit pas frappé d’emblée d’inexistence (deuxième condition) du fait d’un vice particulièrement grave. Relevons d’ores et déjà la conséquence de cette définition des effets, qu’un acte administratif simplement irrégulier n’est pas ipso facto dépourvu d’effet.
225. Première condition : la notification (Bekanntgabe). – Un acte administratif produit ses effets à l’égard de la personne à laquelle il est destiné ou qui est concernée par lui au moment où il lui est notifié, et avec le contenu avec lequel il est notifié (§ 43 I VwVfG).
Sans définir celle-ci, le § 41 VwVfG règle certains aspects de la notification. Il en découle plus ou moins explicitement que la notification doit clairement émaner de l’autorité auteur de l’acte, qu’elle doit être bien adressée à son destinataire et éventuellement à chacune des personnes concernées (en cas de pluralité de personnes, il peut en découler une pluralité de dates de prise d’effet), et que la forme de la notification adéquate relève du choix de l’administration, sauf disposition particulière (ainsi le § 73 III VwGO impose la signification des décisions sur contredit). L’acte administratif est réputé notifié le troisième jour suivant la remise à la poste, la charge de la preuve incombant en cas de doute à l’administration.
Certains actes et prescriptions collectives peuvent faire l’objet d’une notification publique : publication du dispositif dans les formes localement usitées avec indication du lieu où l’acte et ses motifs peuvent être consultés (öffentliche Bekanntgabe : § 41 III et IV VwVfG). Certaines dispositions législatives imposent la notification par signification (Zustellung) ; la procédure est alors réglée par les lois sur les significations en matière administrative (pour l’administration fédérale : Verwaltungszustellungsgesetz, VwZG).
226. Deuxième condition : L’absence d’inexistence (Nichtigkeit). – Le § 44 I VwVfG déclare l’acte administratif « nichtig« , lorsqu’il est affecté d’un vice particulièrement grave, apparaissant de manière patente lors d’une appréciation sensée de tous les éléments à prendre en considération. Ainsi, par exemple, de la convocation d’une jeune fille au conseil de révision, alors que l’article 12a LF ne prévoit qu’un service obligatoire masculin. Un tel acte est bien manifestement inexistant (naguère : théorie de l’évidence).
Les alinéas II et III fournissent heureusement une aide à la décision sur le caractère inexistant de l’acte, en sorte que l’on évitera le plus souvent le recours à la clause générale de l’alinéa I. En pratique, on contrôlera d’abord que le diagnostic d’inexistence n’est pas exclu (al. III) :
Un acte administratif n’est pas nul est non avenu du seul fait que:
1/ les dispositions sur la compétence ratione loci n’ont pas été observées, sauf si l’on est en présence d’un cas visé par l’alinéa 2 nº 3 ;
2/une personne exclue en vertu du § 20 I 1 nº 2 à 6 (risque de partialité) a apporté son concours à la procédure ;
3/ une commission qui aurait dû apporter son concours n’a pas pris la délibération requise ou ne pouvait valablement délibérer ;
4/ le concours d’une autre autorité administrative, requis par une règle de droit, a fait défaut.
On vérifiera ensuite que l’on ne se trouve pas en face de l’un des six cas d’inexistence prévu par l’alinéa II :
1/ acte administratif écrit, mais ne permettant pas d’identifier l’autorité dont il émane ;
2/ acte ne satisfaisant pas à une obligation légale de remise en mains propres sous forme d’un document probant (Urkunde) ;
3/ acte édicté sans autorisation particulière par une autorité non territorialement compétente pour un immeuble ;
4/ acte dont personne ne peut matériellement assurer l’exécution ;
5/ acte exigeant l’accomplissement d’une action contraire au droit et constitutive d’une infraction pénale ou contraventionnelle ;
6/ acte constituant une atteinte aux bonnes moeurs.
L’acte inexistant ne peut déployer d’effet ; l’autorité administrative peut constater l’inexistence d’office à tout moment. L’inexistence peut être invoquée par toute personne. Si le requérant a un intérêt légitime à obtenir promptement la constatation de l’inexistence, il dispose de l’action déclaratoire (Feststellungsklage, § 43 VwGO) ; la ligne de partage entre l’acte inexistant (non producteur d’effet) et l’acte simplement irrégulier (producteur d’effet) n’étant pas toujours prévisible, on conseillera toutefois au requérant de privilégier à tout événement l’action en annulation (Anfechtungsklage § 42 VwGO) qui permet d’obtenir la cessation des effets de l’acte si celui-ci n’est effectivement qu’irrégulier, et que le juge convertira en un jugement déclaratoire s’il est convaincu d’être en face d’un acte véritablement inexistant.
B – La cessation des effets de l’acte sous l’angle de l’administration
227. Effets de l’acte et autorité de chose décidée (Bestandskraft). –
Un acte administratif qui n’est pas affecté d’inexistence est producteur d’effet dès sa notification, indépendamment de son caractère régulier ou irrégulier. Il « continue à produire ses effets aussi longtemps que et dans la mesure où il n’est pas retiré, révoqué, annulé d’une autre manière, ou qu’il n’est pas éteint par l’écoulement d’un certain délai ou pour une autre cause » (§ 43 II VwVfG). La production des effets se stabilise en autorité de chose décidée (Bestandskraft) dès lors que les délais pour mettre en oeuvre des voies de recours contre l’acte administratif (contredit et action en annulation) ont été épuisés. L’acte lie aussi bien l’administration que son destinataire. La stabilisation des effets trouve toutefois ses limites dans les considérations de régularité : le principe de légalité implique que l’on puisse toujours faire cesser les effets d’un acte affecté d’une irrégularité ; l’opportunité peut aussi commander de laisser à l’administration la possibilité de mettre fin pour l’avenir aux conséquences juridiques envisagées par l’acte ; c’est pourquoi la loi sur la procédure administrative règle particulièrement les deux autres causes de cessation des effets du chef de l’administration : retrait de l’acte administratif irrégulier et révocation de l’acte administratif régulier. Bien entendu, les termes de retrait et de révocation ne sont pas pris ici au sens du droit français. Dès 1969, M. Fromont faisait remarquer en avant- propos de sa traduction du manuel de Forsthoff que « le droit allemand ne distingue pas l’abrogation et le retrait rétroactif de l’acte administratif, mais il emploie des termes différents selon que l’acte en cause est régulier ou irrégulier ; quand il est régulier, il y a Widerruf, que nous avons traduit bien arbitrairement par révocation, tandis que dans l’hypothèse contraire, il y a Rücknahme que nous avons traduit de manière tout aussi arbitraire par retrait ; dans les deux cas, nous nous sommes inspirés de l’étymologie des mots allemands » (Forsthoff 1969, p. XI).
228. L’irrégularité initiale, condition du retrait de l’acte (Rücknahme). – Même devenu insusceptible d’être contesté, un acte administratif irrégulier peut faire l’objet d’un retrait total ou partiel avec effet pour l’avenir ou pour le passé (§ 48 I 1 VwVfG).
L’irrégularité de l’acte administratif s’apprécie au moment de son édiction. L’acte initialement régulier ne devient pas irrégulier en cas de changement ultérieur des circonstances de fait ou de droit, sauf si ce changement est déclaré rétroagir à la date de l’édiction.
En face d’un acte irrégulier ab initio, l’administration peut choisir de le retirer ou non, partiellement ou totalement, pour le passé ou seulement pour l’avenir. Ce choix s’effectue selon les règles de la discrétionnarité. Les diverses dispositions de la suite du § 48 VwVfG organisent des contraintes diverses, selon que l’acte a imposé une charge ou conféré un avantage.
229. Le retrait d’un acte ayant imposé une charge. – L’acte ayant imposé une charge est seul à pouvoir être librement retiré (§ 48 I 1 VwVfG), le retrait permettant tout ensemble de supprimer la charge irrégulière et de rétablir une situation régulière. L’administré/citoyen ne dispose pas d’un droit à obtenir le retrait, mais seulement d’un droit subjectif à une décision discrétionnaire correcte relativement au pouvoir de retrait. Il est donc loisible à l’administration de rejeter une demande de retrait, en se fondant sur l’existence de l’acte ainsi que sur le fait qu’il n’y a pas lieu d’apprécier autrement le cas ; cette solution peut se prévaloir de considérations de stabilité juridique et de bonne administration, ainsi que surtout du fait que l’administré qui supporte la charge dispose ou a disposé des voies de recours ordinaires. Il ne pourrait en être autrement qu’en cas de circonstances particulières, si l’acte entraîne par exemple des conséquences insupportables pour l’administré ou la collectivité, si les circonstances de fait ou de droit ont profondément changé, si l’administration a déjà retiré un acte créateur de charge dans des cas similaires et que le refus paraît en l’espèce arbitraire.
230. Le retrait d’un acte ayant conféré un avantage. – S’agissant d’un acte ayant conféré un avantage au sens du § 48 I 2 VwVfG, la possibilité de retrait est grandement limitée par les dispositions des alinéas II à IV de l’article 48. L’acte administratif ayant accordé une prestation en nature fractionnable ou une prestation en espèces unique ou périodique, ou qui en constitue le préalable (§ 48 II 1 ; il s’agit par ex. de subventions ou de pensions), ne peut être retiré lorsque le bénéficiaire s’est fié au maintien de l’acte et que cette confiance, mise en balance avec l’intérêt général attaché au retrait de l’acte, mérite protection (Vertrauensschutz). La confiance s’apprécie en fait ; elle suppose bien entendu que le bénéficiaire a eu connaissance de l’acte. Cette confiance est en principe digne de protection si le bénéficiaire a déjà pris des dispositions concrètes pour mettre en oeuvre la prestation en cause. Le bénéficaire ne peut invoquer la confiance légitime, qui a obtenu l’édiction de l’acte par dol, menace ou corruption, ou en fournissant des indications erronées ou incomplètes sur un point capital, ou qui connaissait ou aurait dû connaître l’irrégularité de l’acte. Indépendamment de ces règles sur la confiance légitime, l’exercice correct de la discrétionnarité de la décision de retrait et des modalités de celui-ci, l’administration doit toujours mettre concrètement en balance l’intérêt de l’administré au maintien de l’avantage avec l’intérêt de la collectivité à une situation conforme à la loi. La jurisprudence récente confère un poids tout particulier à l’intérêt général qui s’attache à la mise en oeuvre du droit communautaire et à l’exécution par la République fédérale de ses obligations découlant des traités européens (BVerwGE 92, 81).
Dans les cas de retrait d’un acte administratif irrégulier ayant conféré un avantage autre que ceux visés par le § 48 II 1, par exemple la délivrance d’un permis de construire ou d’exercer une profession, l’idée de confiance légitime ne fait pas obstacle à la décision discrétionnaire de l’administration ; elle ne réapparaît au § 48 III VwVfG que sous la forme d’une compensation du préjudice patrimonial subi.
Le § 48 IV VwVfG enferme la possibilité de retrait d’un acte irrégulier ayant conféré un avantage dans un délai d’une année suivant la connaissance par l’administration des faits justifiant le retrait (sauf dol, menace ou corruption) : en pratique, le délai ne commence à courir qu’à partir du moment où l’administration non seulement a pris connaissance des faits de nature à justifier le retrait, mais également de l’ensemble des faits à considérer pour apprécier la confiance légitime et prendre sa décision discrétionnaire.
231. Procédure et conséquences du retrait. – Procéduralement, le retrait a pour effet de faire disparaître l’acte irrégulier. Le retrait constitue lui même un acte administratif, soumis comme tel aux règles générales de compétence et de procédure. S’agissant du retrait d’un acte irrégulier ayant conféré un avantage, il doit être procédé à l’audition de l’intéressé.
Lorsque le retrait est prononcé avec effet rétroactif, les prestations déjà allouées doivent être remboursées. Introduit par une loi du 2 mai 1996, le nouvel article 49a VwVfG fixe les modalités du remboursement et des intérêts. L’indemnisation en cas de retrait d’un acte administratif irrégulier, prévue au § 48 III VwVfG (et donc pour les cas non visés à l’alinéa II du même article) est accordée sur demande de la personne concernée ; cette demande doit intervenir dans le délai d’une année à compter du moment ou l’administration lui en a signalé l’existence. Le montant de l’indemnisation est fixé par l’autorité administrative dans le respect du plafond mentionné au § 48 III 3 VwVfG.
232. La révocation de l’acte administratif régulier (Widerruf). –
Le principe de légalité et celui de la protection de la confiance de l’administré conjuguent normalement leurs effets pour justifier le maintien dans la durée d’un acte administratif régulier lors de son édiction. La révocation d’un tel acte ne peut être envisagée que sous l’effet de considérations correspondant à un changement ultérieur des situations matérielles de fait ou de droit qui avaient présidé à son édiction. Ces considérations ne peuvent être les mêmes, selon que l’acte a conféré ou non un avantage. Les conditions de révocation sont réglées au § 49 de la loi sur la procédure administrative (VwVfG).
233. La révocation de l’acte n’ayant pas conféré d’avantage est impossible dans deux cas. – L’acte administratif régulier ne conférant pas d’avantage peut être révoqué totalement ou partiellement avec effet pour l’avenir, sauf lorsqu’un acte de même contenu devrait être édicté à nouveau ou lorsque la révocation est impossible pour d’autres motifs (§ 49 I VwVfG). Ceci signifie en pratique que ne peut être révoqué l’acte pris dans l’exercice d’une compétence liée, ni celui qui correspond à une pratique administrative non contestable.
234. La révocation de l’acte régulier ayant conféré un avantage ne peut intervenir que dans les conditions légales du § 49 II et III VwVfG. – Les cinq cas de possibilité de révocation pour l’avenir du § 49 II VwVfG sont les suivants :
1/ autorisation par une règle de droit ou existence d’une réserve de révocation dans l’acte (étant entendu que la mise en oeuvre de cette réserve doit être valablement justifiée) ;
2/ inexécution d’une charge imposée dans l’acte régulier ;
3/ modification d’une situation de fait qui aurait permis de ne pas édicter l’acte, lorsque l’absence de révocation mettrait directement l’intérêt général en péril ;
4/ modification de la situation normative sur laquelle l’acte est fondé, à la double condition que l’absence de révocation mette l’intérêt général en péril et que le bénéficaire de l’acte n’ait pas encore fait usage du droit accordé ni reçu aucune prestation sur la base de l’acte ;
5/ menace de préjudices graves pour le bien de la collectivité ; ce dernier motif possible est à interpréter strictement.
Le § 49 III VwVfG a rajouté en 1996 le cas de l’utilisation de subventions dans des conditions contraires au but assigné, qui était initialement prévu au § 44a de la loi sur le budget fédéral (Bundeshaushaltsordnung, BHO) ; dans ce cas, la révocation peut avoir effet rétroactif.
235. La discrétionnarité dans la révocation. – Dans les cas où la révocation n’est pas interdite, la révocation et sa portée (totale ou partielle) sont à la discrétionnarité de l’administration compétente.
S’agissant d’un acte n’ayant pas conféré d’avantage, la révocation ne peut intervenir que pour l’avenir (§ 49 I VwVfG). Elle peut être sollicitée par la personne concernée, surtout lorsque les charges disparues permettent de redonner effet à un droit fondamental.
S’agissant d’un acte ayant conféré un avantage, la gravité de la mesure de révocation peut commander à l’administration, avant de tirer en due discrétionnarité la conséquence de la non satisfaction d’une charge prévue par le § 49 II nº 2, de rechercher d’autres moyens d’en obtenir l’acquittement. Dans les cas prévus dans la suite de cette disposition (nº 3-5), la lettre du texte impose de faire prévaloir l’intérêt général à la révocation, sauf au juge ordinaire à indemniser la personne concernée si sa confiance mérite protection (§ 49 VI VwVfG).
Tout comme pour le retrait, la possibilité de révocation est enfermée dans un délai d’une année (§ 49 II 2 VwVfG).
236. Procédure et conséquences de la révocation. – La décision de révocation s’analyse comme celle de retrait en un acte administratif. Lorsque la révocation est prononcée avec effet rétroactif, les dispositions du § 49a VwVfG sont également applicables. S’agissant de l’indemnisation prévue au § 49 VI VwVfG, (cf. supra), on soulignera la compétence du juge ordinaire, par détermination de la loi.
237. Effets du retrait et de la révocation sur les tiers. – La dualité du régime de l’acte administratif, selon qu’il confère un avantage ou impose une charge, soulève des difficultés pour les actes ayant des effets à l’égard de tiers (Drittwirkung, cf. nº 224).
Dans le cas d’un acte conférant un avantage à son bénéficiaire, mais générateur d’une charge pour un tiers, ce dernier peut en cas de violation de ses droit introduire un contredit et une action en annulation ; si ce recours du tiers est recevable et fondé, le tribunal administratif devra annuler l’acte (§ 113 I VwGO). A l’égard du bénéficiaire, les règles de retrait et révocation applicables sont celles des §§ 48 et 49 VwVfG relatives aux décisions conférant un avantage. Néanmoins, le § 50 VwVfG facilite le retrait ou la révocation de l’acte avant l’aboutissement de la procédure préalable ou de la procédure contentieuse, en écartant l’application de celles des dispositions des § 48 et 49 qui ont pour effet de protéger la confiance du bénéficiaire. Cette disposition s’inscrit dans une perspective finalement proche de la jurisprudence du Conseil d’Etat français (CE 3 nov. 1922, Dme Cachet), à savoir de favoriser la disparition d’un acte dont la survie est menacée. En dépit des controverses doctrinales, on peut estimer (cf. Maurer 1994, Chap. 11 nº 70) que l’application du § 50 VwVfG suppose :
– qu’un recours préalable ou contentieux a été effectué,
-qu’il soit effectivement recevable,
-que ce recours soit encore pendant,
-que la disparition de l’acte rende sans objet le recours préalable ou contentieux en cours,
-que le recours paraisse fondé, c’est-à-dire que l’acte paraisse effectivement porter atteinte à un droit du tiers.
La décision de l’administration peut naturellement faire l’objet d’un recours de la part du bénéficiaire.
Dans le cas d’un acte ayant imposé une charge à son bénéficiaire et conférant un avantage à un tiers, les règles de retrait (§ 48 I 1 VwVfG) et de révocation (§ 49 I VwVfG) d’un acte imposant une charge sont applicables.
C. La cessation des effets sous l’angle de l’administré/citoyen
238. La réouverture de la procédure. – A partir du moment où l’acte a commencé à produire ses effets et n’est plus susceptible de recours, il n’appartient normalement plus qu’à l’administration de prendre l’initiative de recontrôler la légalité de l’acte et de faire cesser les effets d’un acte illégal.
Le § 51 VwVfG ouvre également, sous des conditions très précises, la possibilité de requérir un nouvel examen, i.e. une réouverture de la procédure (Wiederaufgreifen des Verfahrens). Une telle requête est recevable si elle est formée dans un délai de 3 mois à compter du jour où la personne concernée a eu connaissance des motifs de réouverture de la procédure (al. III) ; il faut que l’acte dont la modification ou l’annulation est requise soit effectivement insusceptible d’un recours (al. I), que le requérant n’ait pas été en mesure de faire valoir antérieurement le motif de la réouverture (al. II) et que le motif de réouverture soit plausiblement exposé. Sur le fond, ces motifs peuvent prendre trois formes :
-ou bien les circonstances de fait ou de droit se sont modifiées ultérieurement au bénéfice de la personne concernée (il s’agit donc d’une requête à fin de révocation, cf. § 49 II nº 3 VwVfG) ;
-ou bien de nouveaux moyens de preuve, au sens du § 26 VwVfG sont apportés, qui auraient entraîné une décision plus favorable à la personne concernée ;
-ou bien, il existe des moyens de reprise de la procédure, du type de ceux prévus au § 580 du Code civil allemand (p. ex. : preuve d’un faux témoignage).
En dehors de ces cas prévus au § 51 VwVfG, rien n’empêche l’administration d’accéder discrétionnairement à une demande de réouverture de la procédure, dès lors que des motifs généraux le commandent ; il peut même y avoir obligation de réouverture en cas de précédent (BVerwGE 26, 153 [155 s.]), d’impossibilité de tolérer le maintien de l’acte (BVerwGE 28, 122 [127 s.]) ou lorsque le refus de réouverture violerait les bonnes moeurs ou la bonne foi (BVerwGE 44, 333 [336]).
Lorsque la procédure a été réouverte, l’administration doit ensuite se prononcer sur le fond. La décision procédurale de réouverture au titre du § 51 VwVfG ne préjuge pas en droit du résultat de l’examen au fond, qui devra être effectué selon les dispositions pertinentes de droit matériel. Procéduralement, la décision préliminaire (réouverture de la procédure) et la décision sur le fond constituent deux décisions distinctes, indépendantes, ayant chacune le caractère d’un acte administratif.
IV.La conformité de l’acte administratif au droit : régularité (Rechtmäßigkeit) et irrégularité (Rechtswidrigkeit)
A – Les conditions de régularité de l’acte administratif
L’acte administratif est régulier lorsqu’il satisfait aux exigences de l’ordre juridique (et pas seulement à celles de la légalité formelle : ce pourquoi il est préférable de traduire Rechtmäßigkeit par régularité et non par légalité) : l’administration est habilitée à recourir à l’instrument « acte administratif » et il a été satisfait aussi bien aux conditions de régularité formelles que matérielles.
239. Régularité du recours à l’instrument « acte administratif ». – En l’absence d’une autorisation explicite ou implicite à recourir à l’instrument « acte administratif », comme tel est souvent le cas en matière de police, deux critères peuvent être utilisés pour reconnaître que l’administration a le pouvoir d’agir par voie d’acte administratif : lorsque la mise en oeuvre de missions de puissance publique crée entre l’administration et le citoyen des rapports de subordination (BVerwGE 19, 243 [245, 246]), faisant de l’administration l’interprète de la volonté de la collectivité (BVerwGE 28, 1 [2 et s.]), ou lorsqu’un acte symétrique a la nature d’un acte administratif (Kehrseitentheorie ; par ex. : octroi d’une prestation et son ordre de reversement : BVerwGE 25, 72 [76]) ; le premier de ces critères a pour conséquence que l’acte administratif n’a pas sa place dans une situation de type contractuel.
240. Conditions de régularité formelle. – L’acte administratif doit satisfaire aux règles de compétence, de procédure et de forme.
La compétence est d’abord celle de l’institution en charge d’administration (Verwaltungsträger), c’est-à-dire la personne morale au nom de laquelle la décision est prise : Fédération, Land, collectivité de type communal ou autre personne morale d’administration indirecte. La compétence est ensuite celle de l’autorité administrative (Behörde) agissant au nom de cette institution, étant entendu qu’en cas d’organisation de cette autorité à plusieurs niveaux, la compétence appartient normalement au niveau inférieur, sauf texte spécial permettant au supérieur hiérachique d’évoquer une affaire ou de se substituer à un organe subordonné. Elle est enfin d’ordre territorial, les principes de compétence ratione loci étant définis au § 3 VwVfG.
Il n’y a pas lieu d’exposer ici l’ensemble des règles de procédure et de forme, qui font l’objet d’un chapitre spécifique (infra, chapitre 11) : absence de formalisme (§ 10 VwVfG), exclusion de l’intervention de certaines personnes (§ 20), suspicion légitime (§ 21), audition de l’administré/citoyen avant l’édiction d’un acte portant atteinte à ses droits (§ 28), obligation d’écrit dans un certain nombre de cas (par ex. : §§ 69 et 74, procédure administrative formalisée et procédure d’approbation de plan), règles permettant l’identification de l’autorité et de l’auteur responsables de la décision (§ 37 III), obligation de motivation (§ 39), etc… Au-delà des dispositions de la loi sur la procédure administrative non contentieuse, diverses obligations de procédure et de forme peuvent également être prévues par des textes particuliers.
241. Conditions de régularité matérielle. – La régularité matérielle de l’acte implique la compatibilité de son contenu avec les règles de rang supérieur.
Pour tous les actes, qu’ils confèrent un avantage ou imposent une charge, cette compatibilité recouvre au minimum l’absence d’incompatibilité avec une règle de rang supérieur (Vorrang des Gesetzes). Pour les actes imposant une charge et de manière plus générale pour tous les actes, y compris ceux conférant un avantage, rentrant dans le champ de la réserve de la loi (Vorbehalt des Gesetzes), la régularité signifie que l’acte ne peut intervenir qu’en application ou sur le fondement d’une loi qui en fixe l’objet, le contenu, la finalité et l’intensité ; cette loi elle-même doit satisfaire à l’ordre constitutionnel ; si la loi impose de fixer une conséquence juridique unique dans la situation de fait qu’elle prévoit, l’acte doit s’y conformer ; si elle ouvre un espace de discrétionnarité dans le choix de la conséquence juridique, l’acte doit satisfaire aux exigences de la due discrétionnarité (§ 40 VwVfG).
L’acte administratif doit en outre satisfaire aux droits fondamentaux (art. 1 III LF). Cette obligation limite l’auteur de l’acte dans l’exercice de la discrétionnarité.
Par ailleurs, l’acte doit respecter le principe de proportionnalité (Verhältnismäßigkeit), dans ses trois composantes traditionnelles : la décision doit être appropriée (geeignet), en ce sens qu’elle peut permettre d’atteindre l’objectif poursuivi ; elle doit être nécessaire (erforderlich), en ce sens qu’il ne doit pas y avoir de moyen moins agressif pour les droits de l’individu pour atteindre cet objectif ; elle doit être en adéquation (angemessen) avec cet objectif, ne pas être disproportionnée par rapport à lui, ce que la doctrine et la jurisprudence expriment parfois par le caractère de proportionnalité « au sens strict ».
Enfin, l’acte doit satisfaire aux conditions générales de régularité matérielle : être suffisament précis dans son contenu (§ 37 VwVfG) et viser à un résultat matériellement et juridiquement possible.
B – L’acte administratif irrégulier
242. Les conséquences de l’irrégularité selon la nature du vice ; guérison ; non-invocabilité contentieuse ; conversion de l’acte. – Seules les irrégularités (Rechtswidrigkeit) les plus graves entraînent la conséquence radicale de l’inexistence de l’acte (Nichtigkeit, § 44 I, II VwVfG ; voir supra nº 226. En règle générale, l’acte irrégulier ne peut, outre la possibilité de retrait (ci-dessus, nº 228), que faire l’objet d’une action en annulation (Anfechtungsklage, §§ 42, 113 I VwGO) après le recours administratif préalable de contredit (Widerspruch, §§ 68 et s. VwGO) ; ces possibilités de nature contentieuse ou pré-contentieuse sont exposées au chapitre 13. L’irrégularité partielle peut, par utilisation analogue du § 44 IV VwVfG, être considérée comme affectant l’acte tout entier lorsque celui-ci n’aurait pas été pris sans sa partie irrégulière.
La loi sur la procédure non contentieuse envisage également trois hypothèses qui ont en commun de neutraliser les effets d’une irrégularité:
– la « guérison » des vices de procédure ou de forme (Heilung),
– le cas des vices de procédure, forme ou compétence insusceptibles d’entraîner l’annulation (Unbeachtlichkeit),
– le cas de « conversion » de l’acte (Umdeutung).
Cinq vices de procédure ou de forme sont rattrapables ultérieurement, jusqu’à l’issue d’un recours contentieux (§ 45 II VwVfG, dans la version en vigueur depuis le 13 sept. 1996). Peuvent être ainsi guéris (§ 45 I VwVfG) :
– le défaut d’une requête formellement nécessaire pour l’édiction de l’acte,
– le défaut de motivation,
– le défaut d’audition d’une partie,
– le défaut d’avis d’une commission,
– le défaut du concours requis d’une autre autorité administrative.
Le § 87 I 2 º 2 VwGO, entré en vigueur au 1er Janvier 1997, a pour effet de prolonger encore le délai de guérison en permettant au président ou au rapporteur d’accorder à l’administration un délai supplémentaire de 3 mois pour guérir le vice jusqu’à l’intervention des débats. Le § 94 VwGO, entré en vigueur à la même date, permet même au tribunal de suspendre le procès au cours des débats pour permettre à l’administration de rattraper le vice de forme et de procédure. Quels que puissent être les avantages de ces dispositions pour la bonne administration de la justice, on peut craindre qu’elles n’induisent des effets pervers pour l’efficacité de la protection des droits des administrés.
Lorsque la guérison n’est pas, ou n’est plus, possible, le § 46 VwVfG permet d’éviter l’annulation de l’acte pour le seul motif d’une violation des règles de procédure, de forme ou de compétence ratione loci, lorsqu’il est manifeste que la violation n’a pas eu d’effet sur le contenu de la décision : soit que l’administration se trouve dans une situation de compétence liée, soit que dans les circonstances de l’affaire le vice soit resté sans incidence sur le choix discrétionnaire opéré par l’administration. Les vices subsistent ; ils ne sont toutefois pas invocables au contentieux (Unbeachtlichkeit, Unerheblichkeit). L’acte restant irrégulier, il est susceptible de retrait au titre du § 48 VwVfG.
La conversion (Umdeutung) d’un acte administratif vicié en un acte régulier est possible sous les conditions très restrictives du § 47 VwVfG. La conversion intervient rarement. L’exemple de la conversion de l’approbation fautive d’un plan d’urbanisme en un accord, régulier, donné à la mise d’une zone en viabilité (BVerwGE 62, 300 [306]) montre que la conversion effectuée par l’administration ou le juge permet d’aller au-delà des limites de l’interprétation. Comme la conversion du § 140 BGB dont elle s’est inspirée, la conversion de l’acte administratif suppose que l’acte initial soit irrégulier, mais qu’il contienne les éléments de l’acte final régulier (cf. sur le § 140 BGB, Witz 1992, nº 409 et s.).
V.Les dispositions annexes d’un acte administratif
Les dispositions annexes (Nebenbestimmungen) sont des dispositions de droit matériel qui viennent s’ajouter au contenu principal de l’acte pour en fixer certaines modalités ou permettre d’adapter son effet aux circonstances.
243. Les principaux types de modalité de l’acte administratif. – Un premier type de modalité consiste en la fixation d’un terme (Befristung) pour la production ou l’extinction des effets de l’acte. Un second type peut être la condition (Bedingung) qui soumet la production ou l’extinction des effets de l’acte à la survenance d’un événement futur dont la date n’est pas déterminable à l’avance. Terme et condition ont des effets comparables : suspensifs (aufschiebend), ils fixent le point de départ des effets de l’acte ; extinctifs (auflösend), la cessation.
La réserve de révocation (Widerrufsvorbehalt) n’est qu’une forme de condition résolutoire qui, outre l’attachement de l’effet extinctif à une décision de l’administration (à discrétionnarité limitée en l’occurrence), fait obstacle à la naissance chez l’administré d’une confiance méritant protection et, partant, à l’apparition d’un préjudice patrimonial indemnisable (cf. § 49 VI VwVfG).
La charge (Auflage) est une modalité qui consiste à imposer au bénéficiaire de l’acte une obligation de faire, de souffrir ou de s’abstenir (Tun, Dulden, Unterlassen). Le caractère annexe de la charge a pour conséquence qu’elle ne conditionne pas directement la production ou la cessation des effets de l’acte principal : le non respect d’une charge ne fait qu’ouvrir la possibilité de révocation de cet acte (cf § 49 II nº 2 VwVfG). Le caractère incertain de la terminologie employée par l’auteur de l’acte ne permet pas toujours de distinguer nettement la condition de la charge, et une requalification pourra être nécessaire ; dans ce cas, il y aura charge lorsque la lettre ou les circonstances de la décision ne font pas apparaître un lien direct avec la production des effets de l’acte. On notera que la prétendue « charge modificative » (modifizierende Auflage) n’est pas une modalité de l’acte, mais s’incorpore à celui-ci, avec la conséquence qu’un recours éventuel devra viser l’acte lui-même et non sa modification.
244. La validité des dispositions annexes. – La loi peut expressément imposer, permettre ou interdire le recours à des dispositions annexes pour certains types d’acte. Dans d’autres cas, c’est la nature même de l’acte qui commande la validité d’une disposition annexe : ainsi ne peut-on imaginer qu’un acte de naturalisation puisse être assorti d’une modalité (BVerwGE 27, 263 [266]). Pour le reste, la licéité d’une disposition annexe doit être examinée d’après le § 36 I VwVfG, qui est considérée comme ayant une fonction subsidiaire : l’acte pris sur compétence liée ne peut être accompagné d’une disposition annexe que dans la mesure où celle-ci est destinée à lier l’effet de l’acte à la satisfaction d’une condition légale absente à l’origine. En revanche, il découle du § 36 II VwVfG que l’acte pris dans l’exercice de la discrétionnarité peut être assorti de dispositions annexes, même de caractère restrictif.
Le dernier alinéa du § 36 dispose qu’une disposition annexe ne peut être en contradiction avec la finalité de l’acte. On ajoutera avec la jurisprudence qu’elle doit être en rapport avec l’acte principal (BVerwGE 36, 145 [147] ; 56, 254 [260], fourreur grec).
245. Les possibilités procédurales à l’encontre de dispositions annexes. – La possibilité d’exercer une action en annulation contre une disposition annexe ou une action tendant à l’émission d’un acte administratif dénué de disposition annexe dépend en fin de compte de la divisibilité de l’ensemble formé par l’acte et ses dispositions annexes. Sans entrer dans le détail des controverses jurisprudentielles et doctrinales (cf. Maurer 1994, chap. 12 nº 22 et s.), on notera que la tendance est d’aujourd’hui d’admettre la recevabilité d’une action autonome en annulation de la disposition annexe, à moins que celle-ci soit indissociable de l’acte principal (notamment : si celui-ci serait illégal sans cette disposition, ou si celui-ci a été pris dans l’exercice de la discrétionnarité).
Section II – Le contrat de droit public (öffentlich-rechtlicher Vertrag)
246. Une notion tardivement reconnue. – Longtemps considéré comme une impossibilité logique, notamment par Otto Mayer pour qui les rapports de droit public ne pouvaient être qu’unilatéraux, le contrat de droit public a désormais trouvé place comme une catégorie autonome de l’activité des autorités administratives. Encore rejetée par Fritz Fleiner (Fleiner p. 132 et s.), acceptée, mais rapidement présentée par Ernst Forsthoff (Forsthoff p. 415 et s.), la notion a d’abord été reconnue par la Cour fédérale administrative (BVerwGE 23, 213 [215 et s.]) qui s’appuie sur la tradition du tribunal administratif supérieur de la Prusse pour y reconnaître un instrument d’action de l’administration démocratique contemporaine. La loi sur la procédure administrative a pris acte de cette évolution en plaçant désormais le contrat de droit public sur le même rang que l’acte administratif (§ 9 VwVfG). Mais les dispositions de la loi (§§ 54-62 VwVfG) restent lacunaires, et son § 62 prévoit même une utilisation analogique des dispositions du code civil, dont il n’est pas certain qu’elle soit toujours compatible avec le caractère de droit public de l’instrument.
Il faut surtout se garder d’assimiler le contrat de droit public au contrat administratif français. Les exemples classiques révèlent la limitation du champ d’utilisation : dispense moyennant contrepartie financière de construction de places de parking dans une construction nouvelle (BVerwGE 23, 213) ; accord d’une commune pour octroyer un permis de construire moyennant prise en charge par le maître d’oeuvre des frais de mise en viabilité (BVerwGE 42, 331) ; contrat entre un vétérinaire et un arrondissement conférant au premier la tâche d’inspection sanitaire des viandes (BGHZ 22, 246 [252]) ; contrat entre un fonctionnaire et son supérieur hiérarchique concernant le remboursement de frais de formation à l’occasion d’une sortie des cadres (BVerwGE 30, 65) … Ce relevé rapide fait apparaître l’absence du contrat de droit public en matière de marchés publics, qui relèvent traditionnellement du droit privé, ainsi que la sous-représentation des cas qui relèveraient en France des délégations de service public ; de la même manière, on doit relever la réticence à l’égard de l’utilisation du contrat comme instrument de planification ou de protection de l’environnement. Le congrès de 1992 des professeurs de droit public de langue allemande a confirmé le recours préférentiel dans ces cas, soit aux techniques unilatérales, soit aux accords informels.
I | Définition du contrat de droit public
247. Le § 54 VwVfG. – Le contrat de droit public fonde, modifie ou supprime un rapport de droit dans le domaine du droit public.
Contrat, il se distingue des actes unilatéraux édictés avec la participation obligatoire de l’administré (par ex. : requête), par l’égalité fondamentale des deux parties au moment de l’organisation de leurs relations contractuelles. La référence au domaine du droit public fait écho au § 1 I VwVfG : ce contrat intervient dans le champ d’application de la loi sur la procédure administrative ; l’appellation ne s’applique donc qu’aux relations des autorités administratives, et non à des conventions faisant intervenir d’autres organes de l’Etat. Il s’agit d’un contrat de droit public lorsque son objet porte sur des rapports de droit prévus et régis par le droit public. Il ne suffit pas qu’il serve à l’accomplissement d’une mission publique : pour cela, l’administration allemande a toujours eu la possibilité de recourir au droit civil. Seul importe l’objet du contrat et non la nature des parties : deux personnes de droit public peuvent parfaitement conclure un contrat ne faisant naître entre elles que des rapports de droit privé ; deux personnes privées pourraient aussi être amenées à conclure un contrat portant sur une obligation de droit public (ce contrat ne relève toutefois pas du champ d’application défini par le § 1 I VwVfG).
Lorsque le contenu du contrat comporte une pluralité non dissociable de droits et d’obligations, les uns relevant du droit privé, les autres du droit public (contrats dits mixtes), le contrat sera habituellement considéré comme un contrat de droit public.
248. Les types de contrat de droit public. – Sans que les termes apparaissent expressément dans la loi, celle-ci suggère la persistance d’une distinction traditionnelle entre contrats de type coordination et les contrats de type subordination. Le contrat de type coordination (koordinationsrechtlicher Vertrag) est conclu entre sujets de droit public dont aucun ne pourrait faire prévaloir sa volonté sur l’autre (pouvoir d’instruction ou d’édiction d’un acte administratif ; par exemple : contrat entre deux communes). Le contrat de type subordination (subordinationsrechtlicher Vertrag) intervient dans une situation d’inégalité structurelle des partenaires, en sorte que l’un aurait pu recourir à la technique unilatérale de l’acte administratif (ce que suggère le § 54 2 VwVfG). C’est ce type de contrat qui fut longtemps considéré comme une impossibilité logique ; certaines dispositions de la loi sur la procédure administrative ne s’appliquent qu’à lui (§§ 55, 56, 59 II et 61 V VwVfG).
Certains contrats de type subordination sont dits contrats de transaction (§ 55 VwVfG, Vergleichsvertrag) ; la transaction implique qu’il y a eu des concessions réciproques, par exemple remboursement partiel d’une subvention non entièrement utilisée conformément à son objet. D’autres contrats de type subordination sont dits contrats d’échange (§ 56 VwVfG, Austauschvertrag) ; les quatre conditions posées par le texte à propos de la contre-prestation (destinée à l’exécution de tâches de la puissance publique, arrêtée d’un commun accord dans un but déterminé, être de montant raisonnable, avoir un lien logique avec la prestation contractuelle) y ont été introduites pour prévenir le risque de « trafic de prérogatives de puissance publique ». Parmi les autres catégories usitées, on peut mentionner celle qui distingue les contrats contenant de la part de l’administration un engagement (Verpflichtungsvertrag) de modifier ultérieurement une situation juridique, des contrats décisoires (Verfügungsvertrag) contenant déjà la modification prévue.
II | Régularité et inexistence du contrat de droit public
249. Régularité du recours à l’instrument « contrat de droit public ». – La régularité de principe du recours au contrat de droit public n’est plus contestée. En revanche, le § 54 1 VwVfG réserve le cas de règles de droit qui y font obstacle. Les règles excluant expressément l’instrument contractuel sont assez rares ; on en trouve quelques exemples en matière de traitements de la fonction publique (§ 2 II, III BBesG) ou de prestations sociales (53 II SGB X). La question est plus délicate de savoir si une disposition législative prévoyant une forme d’action unilatérale de l’administration (règlement étatique, règlement corporatif, acte administratif) doit être comprise comme excluant le recours au contrat. La réponse passe par l’interprétation des dipositions au cas par cas. Elle est négative si le sens et la finalité de la norme y font obstacle. C’est généralement le cas en droit fiscal (notification de l’impôt par acte administratif), dans le droit de la fonction publique (nomination par acte administratif) ainsi qu’en matière d’urbanisme (pas d’engagement envers un administré sur le contenu d’un plan d’occupation des sols, car cela revient à préjuger des résultats de la mise en balance des divers intérêts) ; dans d’autres domaines (cf. Maurer, chap. 14, nº 26 et s.), la réponse est moins nette.
250. Conditions de régularité formelle. – Les conditions de l’accord de volonté sont régies par le Code civil (cf. § 62 2 VwVfG). L’autorité administrative doit bien évidemment être compétente. La procédure est libre, sauf obligation d’obtenir par écrit l’approbation d’un tiers dont les droits sont atteints (§ 58 I VwVfG). Si le contrat prend la place d’un acte administratif soumis à la condition du concours d’une autre administration, le choix de la forme contractuelle ne libère pas de cette obligation (§ 58 II VwVfG).
Enfin, le § 57 VwVfG impose la forme de l’écrit, sauf si la loi impose une autre forme (par exemple, le § 313 BGB, qui impose un acte notarié pour la vente d’immeuble).
251. Conditions de régularité matérielle. – La réserve du respect des autres règles de droit, prévue au § 54 1 VwVfG, ne concerne pas que la régularité du recours à l’instrument contractuel, mais aussi le contenu du contrat : le contrat ne peut déroger ni à la constitution, ni aux lois, règlements étatiques ou corporatifs, ni à la coutume. Lorsque la compétence de l’administration est liée, le contenu du contrat ne peut y déroger, en sorte que le véritable domaine d’usage du contrat de droit public est celui du pouvoir discrétionnaire de l’administration. Pour les contrats de transaction et d’échange, les dispositions spécifiques des §§ 55 et 56 VwVfG s’imposent. Le domaine de prédilection du contrat de transaction est constitué par la transaction devant le tribunal prévue par le § 106 VwGO pour régler définitivement tout ou partie d’un litige. La régularité d’un contrat d’échange s’apprécie au regard des prestations ; si l’administré a un droit à une prestation, le contrat ne peut convenir de contre-prestation que celle qui pourrait faire l’objet d’une disposition annexe à un acte administratif (§ 56 II VwVfG). Si l’administré n’a pas de droit à une prestation particulière, le contrat d’échange ne peut prévoir de contre-prestations de sa part qui ne satisfont pas aux quatre conditions du § 56 I (voir supra, les types de contrats de droit public).
252. L’inexistence du contrat de droit public : § 59 VwVfG. – Le contrat de droit public produit ses effets à moins qu’il ne soit affecté de vices entrainant son inexistence (Nichtigkeit; même terminologie que pour l’acte administratif, § 44). Entre les exigences de la légalité et le respect des obligations contractuelles, le § 59 VwVfG établit un compromis, qui va sensiblement au-delà des dispositions du droit civil sur les cas d’inexistence du contrat. Il reste que tout vice n’entraîne pas la sanction d’absolue nullité, en sorte qu’il pourra advenir que les parties restent engagées par un contrat critiquable au regard des principes constitutionnels de légalité ou de garantie de la protection des droits (§ 19 IV LF) : la conformité avec les exigences constitutionnelles est rétablie en pratique, en ce sens que les dispositions du § 59 VwVfG sont interprétées de manière telle que tout vice grave conduise à la constatation de l’inexistence.
Le § 59 I VwVfG énonce la règle générale d’inexistence : celle-ci découle de l’application analogique du code civil. De fait, la nullité d’un contrat de droit public peut découler du défaut de forme écrite (§ 125 BGB, ensemble avec le § 57 VwVfG) ou de l’incapacité d’exercice du cocontractant (§§ 104, 105 BGB) ; l’inexistence découle également de la constatation d’une erreur sur le contenu d’une déclaration de volonté au moment de son émission (§ 119 BGB) ou d’une tromperie dolosive ou menace illicite (§ 123 BGB). Il en est de même du contrat contraire aux bonnes moeurs (§ 138 BGB) ou du contrat prévoyant une prestation d’emblée objectivement impossible (§ 306 BGB), ou encore, s’agissant d’un contrat de transaction, si les parties se sont trompées sur les faits qui sont à l’origine de la transaction et que le contrat ne serait pas intervenu sans cette erreur (§ 779 BGB). La règle d’application analogue du code civil trouve ses limites à propos de la prohibition légale du § 134 BGB (« Un acte juridique qui contrevient à une disposition légale est nul, à moins que le contraire ne résulte de la loi »). La seule lecture du § 59 II VwVfG montre que toute violation d’une disposition légale n’entraîne pas nécessairement l’inexistence du contrat de droit public ; seule une violation qualifiée permet de faire échec au principe du respect de l’engagement contractuel. En revanche, la prohibition légale joue pleinement en matière communautaire, avec la conséquence de l’inexistence d’un contrat portant attribution d’une subvention contraire au droit communautaire (BVerwGE 70, 41 [44]).
A cette règle générale d’inexistence, le § 59 II VwVfG ajoute quatre motifs supplémentaires spécifiques des contrats de type subordination : 1. un acte administratif de teneur analogue serait nul et non avenu ; 2. un acte administratif de teneur analogue serait irrégulier pour des raisons autres qu’un vice de procédure ou de forme au sens du § 46, et les cocontractants avaient connaissance de cette irrégularité ; 3. les conditions exigées pour la conclusion d’un contrat de transaction ne sont pas réunies, et un acte administratif de teneur analogue serait irrégulier pour des raisons autres qu’un vice de procédure ou de forme au sens du § 46 ; 4. l’autorité administrative se fait promettre une contre-prestation illicite.
Le contrat entaché d’un vice du § 59 I ou II VwVfG est dépourvu d’effets. Les transferts patrimoniaux qui ont pu intervenir perdent leur fondement avec l’inexistence du contrat ; le partenaire qui a déjà effectué une prestation est tenue de la rembourser. Si l’inexistence n’affecte qu’une partie du contrat, celui-ci est nul et non avenu dans sa totalité si l’on peut supposer qu’il n’eût pas été conclu sans la partie nulle et non avenue (§ 59 III VwVfG : disposition analogue à celle du § 139 BGB).
III | La disparition des relations contractuelles de droit public
253. Les incidents dans la fourniture des prestations. – Les obligations convenues dans le contrat doivent être correctement exécutées. En l’absence de dispositions spécifiques de la loi sur la procédure administrative, les dispositions du code civil sont applicables par analogie (§ 62 2 VwVfG), notamment celles portant sur l’impossibilité d’exécution (§§ 280, 323 et s. BGB), sur le retard dans l’exécution (§§ 286, 326 BGB), ou les principes coutumiers relatifs à la « violation positive du contrat » et à la culpa in contrahendo. Ce recours au droit civil ne peut concerner que des règles ne correspondant pas à une situation d’autonomie des volontés non transposable en droit public.
Le § 60 I 1 VwVfG règle le cas du changement des circonstances de fait ou de droit (clausula rebus sic stantibus) : lorsque les circonstances qui ont été déterminantes pour l’établissement du contenu du contrat se sont modifiées depuis sa conclusion de manière si essentielle que le maintien des stipulations contractuelles originelles n’est pas tolérable pour l’une des parties, celle-ci peut demander une adaptation du contenu du contrat aux circonstances nouvelles. A défaut, la dénonciation est permise, lorsque l’adaptation est impossible ou intolérable pour une partie.
Le § 60 I 2 VwVfG permet également la dénonciation du contrat par l’administration, afin de prévenir ou mettre fin à de graves préjudices pour le bien de la collectivité. Les conditions de cette dénonciation sont les mêmes que pour la révocation dans l’intérêt général d’un acte administratif régulier ayant conféré un avantage (§ 49 II nº 5 VwVfG) ; elle est discrétionnaire et doit tenir compte de l’intérêt du cocontractant au maintien de la situation contractuelle.
Dans tous les cas, la dénonciation doit être faite par écrit à moins qu’une autre forme ne soit prévue par une règle de droit. Elle doit être motivée.
254. La mise en oeuvre des droits fondés sur un contrat. – Les deux cocontractants ne peuvent que s’adresser au juge administratif pour le règlement des litiges relatifs à l’exécution du contrat de droit public, le plus souvent au moyen de l’action générale tendant à l’obtention d’une prestation (allgemeine Leistungsklage). L’administration qui s’est engagée dans la voie contractuelle ne peut plus recourir à l’acte administratif pour faire valoir ses prétentions. Le contrat peut contenir des dispositions relatives à son exécution immédiate (§ 61 VwVfG). Une telle clause permet à l’administration d’utiliser le contrat comme titre exécutoire dans les mêmes conditions que s’il s’agissait de l’exécution d’un acte administratif ; elle permet au cocontractant de faire valoir sa prétention devant le juge administratif, comme s’il s’agissait de l’exécution d’une décision de justice (cf. §§ 170 [Exécution contre une personne de droit public] et 172 [astreinte contre des autorités administratives] VwGO).
Le juge administratif est également compétent pour la réparation des dommages causés par la violation des contrats. Le § 40 II 1 VwGO réserve à la juridiction ordinaire le contentieux patrimonial n’ayant pas son origine dans un contrat de droit public.
Section III – Les autres formes d’action de l’administration
I | Engagement (Zusage) et promesse (Zusicherung)
255. Définitions et nature. – L’engagement (Zusage) est défini par la Cour fédérale administrative comme « un engagement de la puissance publique, avec volonté de se lier, de faire ou de s’abstenir dans l’avenir » (BVerwG 26, 31 36]). La promesse (Zusicherung) est définie au § 38 VwVfG comme un engagement d’édicter ou de s’abstenir d’édicter un acte administratif déterminé. La volonté de se lier distingue l’engagement et la promesse de la simple information. L’engagement doit également être distingué de la décision préalable (Vorbescheid, cf. nº 224) et de l’autorisation partielle (Teilgenehmigung, cf. nº 224).
La nature juridique de l’engagement et de la promesse est aujourd’hui encore controversée. La jurisprudence les qualifie d’actes administratifs, fondant un droit à une mesure précise de l’administration. Une partie de la doctrine continue à n’y voir qu’une déclaration de volonté sans caractère décisoire. La controverse ne présente qu’un intérêt limité, puisque le § 38 II VwVfG prescrit pour la promesse le respect des règles essentielles des §§ 44, 45, 48 et 49 VwVfG. Par suite, une promesse irrégulière n’en lie pas moins l’administration et produit des effets. Si elle s’est engagée irrégulièrement à édicter un acte administratif, l’administration ne peut se dégager qu’en retirant sa promesse irrégulière dans les conditions du § 48 VwVfG.
256. Effet et régularité. – L’engagement et la promesse sont dénués d’effet dans les conditions générales d’inexistence du § 44 VwVfG. Elles sont soumises à la condition spéciale d’existence de devoir émaner de l’autorité compétente ; en outre, la forme écrite est nécessaire pour qu’une promesse produise effet (§ 38 I 1 VwVfG) ; on se rappellera que pour l’acte administratif, l’absence de compétence de l’auteur et l’absence d’écrit ne sont en principe constitutifs que d’une irrégularité et non de l’inexistence de l’acte.
Engagement et promesse ne sont normalement soumis à aucune exigence procédurale. Si l’édiction d’un acte administratif promis requiert au préalable l’audition de parties ou bien le concours d’une autre autorité ou d’une commission, la promesse ne peut être donnée qu’après l’audition des parties ou qu’après le concours de cette autorité ou de la commission (§ 38 I 2 VwVfG). Pour les autres engagements, il en va finalement de même, puisque l’engagement n’a de sens que dans la mesure où il ne risque pas d’être remis en cause pour défaut d’audition d’une autorité administrative qu’il faudra de toute manière consulter. Le non-respect du § 38 I 2 VwVfG n’empêche pas la promesse de produire effet et le vice devra donc être couvert de la même manière que pour un acte administratif, par exemple par « guérison » selon le § 45 VwVfG.
L’irrégularité matérielle de l’engagement et de la promesse peut découler d’une éventuelle interdiction formelle de recourir à cet instrument (Ex. : § 2 II BBesG). L’action à laquelle l’administration s’est engagée doit être régulière ; son irrégularité entraîne normalement celle de l’engagement, mais ne fait pas obstacle aux effets de celui-ci.
257. Conséquences de droit. L’engagement et la promesse créent dans le chef du bénéficiaire un droit au respect de l’engagement, jusqu’au retrait ou à la révocation de celui-ci dans les conditions prévues pour les actes administratifs. L’administré/citoyen peut donc exercer une action tendant à en assurer le respect.
L’engagement et la promesse ne valent qu’aussi longtemps que les circonstances de fait ou de droit restent inchangées. Le § 38 III VwVfG précise à propos de la promesse que l’administration ne cesse d’être tenue que si le changement est tel que l’autorité administrative n’aurait pas fait cette promesse ou n’aurait pas eu le droit de la faire si elle avait eu connaissance du changement intervenu ultérieurement.
II | Les actions matérielles (Realakte)
258. La notion. – L’expression d’action matérielle (Realakt) est réservée aux comportements qui ne sont pas directement destinés à produire un effet de droit. Ces actions peuvent soulever deux problèmes : d’une part celui de leur classement en droit privé ou en droit public, d’autre part celui de leur régularité. On considère que relève du droit public l’action matérielle qui est en relation étroite avec une tâche à caractère de droit public. La régularité de l’action matérielle sera examinée ci-après.
On englobe également sous l’appellation d’action matérielle les actions informelles de l’administration (informelles Verwaltungshandeln) : contacts, concertation, consultations et autres arrangements entre l’administration publique et les administrés/citoyens en amont ou en marge d’une procédure législative ou administrative formalisée. La licéité de ce type d’action est aujourd’hui admise, dans la mesure où elle ne viole pas l’ordre constitutionnel et législatif. Elle ne peut donc prendre la place d’une action prévue par les textes, faire échec aux obligations de consultation et de participation, ni être matériellement contraire à des dispositions ou finalités prévues par la loi.
259. La régularité de l’action matérielle. -Bien que ne produisant par définition aucun effet de droit et ne pouvant être effacée, l’action matérielle peut néanmoins être contraire au droit. Cette irrégularité peut provoquer certaines conséquences, par exemple obliger l’administration à supprimer les effets de l’action matérielle et à remettre les choses en l’état, sans préjudice d’une éventuelle indemnisation.
La seule condition de forme à laquelle est soumise l’action matérielle est de devoir émaner d’une autorité administrative compétente. Sur le fond, l’action matérielle ne doit pas contrevenir aux principes généraux : légalité, proportionnalité, absence d’arbitraire. Une information donnée par l’administration doit être exacte, claire, complète et non-ambiguë. Un jugement de valeur ne doit pas reposer sur des considérations indues, ni excéder le cadre qui s’impose (BVerfGE 40, 287 [293]).
La question de la régularité d’une action matérielle peut également se poser lorsque cette action porte indirectement atteinte aux droits fondamentaux. Il faut alors vérifier s’il y a véritablement atteinte grave et délibérée au domaine protégé par le droit fondamental. La simple existence d’une habilitation législative de l’autorité administrative ne suffit pas à légitimer toute action matérielle de cette autorité. En revanche, il a été admis que la mission générale d’information du gouvernement fournit une base constitutionelle suffisante à des mises en garde du gouvernement fédéral contre des sectes menaçant particulièrement la jeunesse (BVerwGE 82, 76), contre les risques de la nicotine ou contre la présence de certaines substances dans les aliments ou dans l’eau potable.
III |Plans et planification
260. Définitions et nature. – Longtemps évitée dans la terminologie officielle pour mieux démarquer l’activité administrative de la République fédérale de celle de la RDA, la planification n’en est pas moins largement présente dans la vie juridique allemande. Au début des années 80, M. Klaus König reconnaissait que s’il existait de bonnes raisons à l’absence d’un plan économique et social global, il existait incontestablement une administration planifiante (König, in : König et a. 1983, p. 21). La doctrine définit la planification comme la définition prospective d’objectifs et l’anticipation intellectuelle des comportements nécessaires à leur réalisation. Le plan ne constitue pas une catégorie juridique particulière. C’est le produit d’une planification, et les définitions ainsi que la nature juridique varient selon les législations qui prévoient chaque type de plan. Certains n’ont que des effets internes à l’administration, les autres produisent des effets de droit à l’extérieur de l’administration. Ces effets dépendent de la nature conférée à chaque type de plan :
-loi : budgets (Haushaltsplan) de la Fédération (Art. 110 II LF) et des Länder ;
-règlements d’Etat : par exemple, plans de développement d’un Land (Landesentwicklungsplan) ;
-règlement corporatif : par exemple plans d’occupation des sols Bebauungsplan) et budgets (Haushaltsplan) des communes ;
-acte administratif : par exemple, décision d’approbation des constructions de grandes routes fédérales ;
-délibération gouvernementale : par exemple, planification financière à moyen terme de la loi sur la promotion de la stabilité et de la croissance de l’économie ;
-disposition interne à l’administration : par exemple, plans de répartition des tâches des administrations et des juridictions ;
-plan de nature innomée : par exemple, schémas directeurs d’occupation des surfaces (Flächennutzungsplan).
La nature juridique du plan n’est pourtant pas indifférente. Ainsi, ceux qui ont la qualité d’acte administratif (a)peuvent faire l’objet d’une action en annulation (Anfechtungsklage), peuvent faire l’objet d’un retrait ou d’une révocation et produire des effets même en cas d’illégalité, tandis que ceux qui ont la nature d’un règlement corporatif ne peuvent que faire l’objet d’un recours en contrôle abstrait des normes (Normenkontrolle, §§ 47 et s. VwGO) et ne peuvent être affecté que du vice d’inexistence.
261. La régularité des plans. – Le recours à l’instrument « plan » ne soulève aucune difficulté lorsque le plan est prévu par la loi ou sur le fondement d’une loi ; dans le silence de la loi, il est clair qu’un plan ne peut porter atteinte à un droit d’un administré ou d’une collectivité territoriale que dans la mesure où il est prévu par un texte. L’autonomie de planification des collectivités communales (voir nº 174) fait obstacle à ce qu’un plan d’aménagement du territoire contraignant pour les communes puisse intervenir sans fondement législatif. Pour le reste, le législateur et l’administration sont libres de prévoir les plans qu’il leur plaît, de la nature juridique qu’ils jugent bonne.
Les conditions de forme varient selon les plans. Les §§ 72 et s. VwVfG imposent pour les décisions d’approbation de plan le respect des règles générales de consultation et de participation d’autres administrations et des administrés/citoyens. Les §§ 2 et s. du code de l’urbanisme fixent également les règles pour l’aménagement des plans communaux d’aménagement (Bauleitpläne : plans d’ocupation des sols et schémas d’utilisation des surfaces). Les études d’impact sur la protection de l’environnement (Umweltverträglichkeitsprüfung) doivent garantir l’absence d’effets nocifs de toute réalisation et installation susceptible d’influer sur l’environnement. Les procédures de la loi sur les études d’impact (UVPG, Gesetz über die Umweltverträglichkeitsprüfung) doivent être respectées par chaque autorité de planification.
Sur le fond, les plans doivent être conformes aux principes généraux de légalité et proportionnalité, ainsi qu’aux dispositions des lois particulières. Ainsi les plans communaux d’aménagement doivent être compatibles avec l’aménagement du territoire et la planification du Land ; autre exemple : les autoroutes fédérales ne peuvent se croiser à niveau avec d’autres voies de communication. La condition essentielle de régularité des plans au fond est qu’ils réalisent un équilibre entre l’ensemble des intérêts publics et privés, ce qui suppose qu’il en a été fait un relevé exhaustif et qu’une mise objective en balance a bien été effectuée. Toutefois, la liberté de planification a pour effet que le contrôle du juge se restreint à celui de l’absence de mise en balance, à l’absence de prise en considération d’un élément essentiel dans cette mise en balance, à l’erreur et au caractère déséquilibré du bilan.
262. Les effets des plans. – Les effets des plans sont aussi divers que leur nature.
Un plan peut ainsi déployer des effets directs à l’extérieur de l’administration ; il en est ainsi des décisions d’approbation de plan, dont les effets sont précisés au § 75 VwVfG (cf. infra, nº 282). Les plans n’ayant que des effets internes lient l’institution d’administration dont ils émanent. D’autres plans n’ont qu’une vocation d’orientation, en cherchant à diriger l’action des tiers, non au moyen d’ordres et interdictions, mais en ouvrant des possibilités de financement (exemple : planification-cadre des tâches communes de l’art. 91a LF ou de l’enseignement et de la recherche selon l’art. 91b. LF). D’autres plans, enfin, n’ont vocation à agir qu’au travers des informations qu’ils renferment ; ce degré minimum d’incitation est celui prévu pour la planification financière à moyen terme du § 9 de la loi sur la promotion de la stabilité et de la croissance de l’économie.
Vue sous l’angle de l’administré/citoyen, la démarche de planification soulève trois types de question :
-L’administré a-t-il un droit à l’adoption d’un plan ? Le caractère obligatoire d’un plan ne crée pas plus de droit public subjectif à l’adoption d’un plan, qu’il n’en existe à l’adoption d’une loi. Dans certains cas, la loi exclut même expressément l’existence d’un tel droit (§ 2 III BauGB, pour les plans d’aménagement communaux).
-L’administré a-t-il un droit au respect et à la mise en oeuvre d’un plan ? Les plans impératifs doivent être respectés ; sauf s’ils créent directement des droits publics subjectifs, ils n’ont pas nécessairement à être mis en oeuvre immédiatement dans tous leurs éléments. Ainsi, un plan d’occupation des sols ne donne pas de droit à la réalisation et à la plantation immédiates des espaces verts qu’il prévoit.
-L’administré est-t-il protégé contre le risque de modification d’un plan ? Ici encore, la réponse dépend de la nature du plan. Un plan ayant valeur législative ou adopté sur le fondement d’une loi ne peut pas avoir d’effet rétroactif réel, ce qui n’exclut pas une modification dans un sens défavorable pour l’avenir d’une situation juridique acquise dans le passé (fausse rétroactivité, ou rétrospectivité selon la terminologie de M. Fromont). Il ne peut y avoir de droits acquis au maintien d’un plan que dans la situation exceptionnelle où l’intérêt légitime de l’intéressé l’emporte sur l’intérêt général à la modification du plan (BVerfGE 30, 392). Si le plan a la nature d’un acte administratif, les dispositions relatives au retrait et à la révocation (§§ 48 et 49 VwVfG) lui sont applicables. Dans les autres cas, la cessation des effets et la modification d’un plan relèvent du pouvoir d’aménagement de l’autorité compétente. Les seules limites envisageables découlent des principes de parallélisme des formes, de proportionnalité et de mise en balance.
Pour aller plus loin
263. Dans les classiques du droit allemand en langue française. – Voir : Fleiner, Actes étatiques créateurs de droit et actes administratifs créateurs d’obligation, p. 116 ; Forsthoff, L’acte administratif, p. 309 ; Les contrats de droit public et les déclarations unilatérales de volonté, p. 414 ; Fromont/Rieg II, L’acte administratif unilatéral individuel, p. 147 ; Le contrat et la promesse, p. 158 ; Maurer 1994 : L’acte administratif, p. 184 ; L’acte administratif illégal, p. 237 ; Force de chose décidée, retrait et révocation des actes administratifs, p. 277 ; Les dispositions annexes des actes administratifs, conditions et charges, p. 330 ; Le contrat administratif, p. 359.
Dans une perspective comparative, on lira les développements consacrés à la sécurité juridique et à la protection de la confiance juridique en Allemagne (p. 933) dans J. Schwarze, Droit administratif européen, Bruxelles, E. Bruylant, 1994.
264. Sur les actes administratifs et les contrats de droit public. – Dans König et a. (1983) : B. Becker, Les décisions de l’administration publique, p. 279.
. BGHZ 56, 365 (RDP, 1972, p. 1476, chron. M. Fromont) [nature publique d’un contrat par lequel un particulier obtient une dérogation à une interdiction de construire moyennant une participation financière] ;
. BVerwGE 42, 331 (RDP, 1975, p. 158, chron. M. Fromont) ;
. BVerwGE 48, 271 (RDP, 1977, p. 367, chron. M. Fromont) [autorité des actes administratifs ne touchant pas à des droits fondamentaux] ;
. BVerwG, 17 mai 1975 (RDP, 1977, p. 368, chron. M. Fromont) [effet d’une promesse] ;
. BVerwGE 49, 125 et BverwGE 49, 359 (RDP, 1977, p. 369, chron. M. Fromont) [validité des contrats] ;
. BVerwGE 59, 221 (RDP, 1981, p. 981, M. Fromont) [panneaux de circulation, prescription collective].
265. Sur les plans et la planification. – R. Jochimsen, Vers un système de planification intègre pour la définition des buts et la coordination en Allemagne fédérale, RISA, 1972, nº 1 résumés IX à XII ; B. Jobert, La planification urbaine, l’exemple de Stuttgart, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, «Etat et société», 1978 ; M. Fromont et H. Siedentopf, Aménagement du territoire et planification régionale, AEAP, IV-1981, p. 569 ; Dans König et a. (1983) : J. J. Hesse, Aménagement de l’espace, p. 221 ; M. Timmermann, La programmation budgétaire et financière, p. 257 ; K. König, Conseil politique et appui administratif, la chancellerie de la RFA et la planification, RFAP, 1987, p. 261 ; G. Marcou, H. Kistenmacher et H.-G. Clev, L’aménagement du territoire en France et en Allemagne, Paris, La documentation française, 1994.
. BVerwG, 13 févr. 1970 (RDP, 1972, p. 157, chron. M. Fromont) [action des communes contre une décision de l’administration fédérale relative au tracé d’une route fédérale à grande circulation] ;
. BVerwGE 48, 56 ; 48, 70 (RDP, 1977, p. 366, M. Fromont) [rapports entre schéma directeur d’occupation des surfaces et plan communal d’aménagement].
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