Section II
Principes généraux du droit administratif
§ 9 Les droits individuels publics
(132) L’organisation de la puissance publique, qui caractérise le régime du droit, a pour but de soumettre les rapports entre l’Etat et le sujet aux formes du droit.
Elle fait naître, entre ces deux personnes, des déterminations juridiques, dont la plus marquante — nous ne disons pas la plus importante — se présente sous la forme du droit individuel (subjectif) public1. Le droit individuel (subjectif) est un intérêt de l’individu garanti juridiquement, c’est-à-dire garanti par les institutions de la puissance publique. Mais tout intérêt garanti ne forme pas un droit individuel (subjectif). Cette garantie peut n’être que le reflet de l’ordre général qui nous entoure. Le cercle se resserre par degrés autour de la personne. Le dernier résultat est un cercle défini d’intérêts soumis à son pouvoir juridique propre.
C’est seulement ce dernier degré qui, dans le droit civil, s’appelle un droit individuel (subjectif). Une fois donné, il se fait remarquer par ses effets caractéristiques2 (133). Pour définir clairement la notion du droit individuel (subjectif) public qui apparaît dans l’administration, et pour lui donner une signification pratique, il faut suivre ce modèle. La question est de savoir comment cette notion se comporte avec le fait de la puissance publique qui joue ici le premier rôle.
- — Le langage ordinaire est prodigue du mot « droit ». On donne ce nom à tout avantage qui résulte, pour tel ou tel individu, de l’existence de l’ordre juridique et de son exécution, sans se préoccuper de savoir si l’on reste dans la notion exacte du droit et sans en tirer des conséquences. Il faut faire des distinctions.
1) Nous commencerons par éliminer tous les cas dans lesquels le mot « droit » signifie le côté favorable, au point de vue juridique, d’une situation générale résultant de l’ordre établi. Ce ne sont pas de vrais droits individuels (subjectifs) ; les droits subjectifs se caractérisent par la détermination qu’ils donnent au pouvoir juridique, quant au sujet auquel il appartient et quant à son objet. Ici cette détermination manque.
Ces prétendus droits s’attachent aux relations les plus générales. Que l’Etat ait vis-à-vis de ses sujets la souveraineté, la force de la volonté juridiquement supérieure, on appelle cela un droit important de l’Etat, le droit de dominer et d’être obéi3. En partant de cette idée que cette puissance peut être distinguée selon les directions dans lesquelles elle se manifeste, on arrive à énumérer ce qu’on appelle aujourd’hui les différents droits de supériorité4. On (134) établit comme correspondant, du côté des sujets, l’obligation générale d’obéir, ce qui, en réalité, n’est qu’une paraphrase de la qualité de sujet5. Cette obligation est alors divisée en obligations spéciales : l’obligation à la fidélité, au paiement des impôts, au service militaire, etc. Tout ce système de devoirs, qu’on nous expose avec tant de prétention, n’est qu’un registre de sensations agréables et désagréables, que l’Etat peut nous causer. Sa valeur juridique est nulle6.
Le pouvoir exécutif étant limité, quant à l’exercice du droit de domination, par la réserve de la loi (§ 6, I, no 2 ci-dessus), l’avantage qui en résulte pour les sujets se présente tout de suite sous le nom de droits leur appartenant : droits de l’homme, droits de liberté, droits fondamentaux7.
(135) Cette restriction peut de nouveau cesser à la suite d’une autorisation que la loi donne au pouvoir exécutif pour certaines choses (§ 6, p. 97, ci-dessus) : alors on parle d’un droit de l’Etat d’agir ainsi8.
D’un autre côté, une règle de droit peut ordonner que certaines permissions, certains services doivent être accordés à tout individu qui remplira certaines conditions : il en résulterait immédiatement un droit à ces choses, droit compétant à tout le monde ou, comme l’on dit d’une manière encore plus significative, au public9.
Dans tout cela il faut voir des facultés, des possibilités générales ; ce ne sont pas des droits. Pour qu’on puisse parler d’un droit, il faut d’abord qu’un effet juridique déterminé se soit déjà produit entre un sujet déterminé et l’Etat.
2) Cette condition de la détermination juridique est réalisée dans le rapport juridique de droit public (öffentlichrechtliches Rechtsverhältniss).
Le rapport juridique, tel que la notion s’en est formée dans la doctrine du droit civil, signifie que le droit a réglé, entre certaines personnes, un devoir et un pouvoir d’un certain contenu.
Le rapport juridique appartient au droit public, quand ce contenu concerne l’exercice de la puissance (136) publique. Cela veut dire que, nécessairement, l’une des personnes comprises dans ce rapport est l’Etat ou un corps d’administration propre (Selbstverwaltungskörper), une personne enfin dans laquelle réside la puissance publique10.
Le rapport juridique de droit public est créé par la force de la règle de droit d’après la réalisation des faits auxquels elle attache son effet (Cf. § 7, III, ci-dessus), ou par la force de l’acte administratif qui saisit directement le cas individuel (Cf. § 8, III, ci-dessous.)
Le rapport juridique n’est pas autre chose que la constatation de l’effet produit par l’acte qui l’a créé. Cet effet est de donner à la puissance publique une certaine direction vis-à-vis de l’individu. Sa conduite ultérieure, dans cette affaire, pour être légale, doit suivre cette direction, et cette direction trouve son expression dans le rapport juridique déterminé11.
(137) La forme et le contenu de ces rapports sont très variables ; nous aurons largement l’occasion de les étudier. Mais il y a des formes spéciales dont il convient de dire un mot dans cette exposition générale, à cause de leur importance systématique. Ce sont des rapports complexes, se distinguant des rapports ordinaires simples par la pluralité des individus qu’ils comprennent et par leur aptitude à des variations intérieures.
Il y a d’abord le rapport de sujétion particulière, déjà cité (§ 8, III no 5 ci-dessus). La sujétion signifie le rapport de deux personnes inégales au point de vue du droit, rapport pour lequel la volonté de la personne supérieure détermine le contenu. Dans ce sens, le rapport entre l’Etat et le sujet est un important rapport de sujétion12. Mais on entend surtout par ce mot un rapport de sujétion créé spécialement pour le sujet ou plutôt pour une certaine pluralité de sujets13. C’est un rapport juridique de droit public, par lequel l’individu est lié vis-à-vis de l’Etat, en vertu d’une obligation générale, de régler sa conduite d’après un certain intérêt public. En vertu de cette obligation, des ordres détaillés lui sont donnés. Il y (138) a cette particularité déjà mentionnée que ces ordres, qui ont toutes les qualités d’un acte administratif, peuvent être émis sous la forme d’une règle générale. Et quand il s’agit d’un ordre spécial, cet ordre n’émane pas nécessairement d’une autorité ; ce sont de simples employés du service public intéressé qui ont ce droit de commandement. Dans ces deux points, le rapport de sujétion, par sa nature exceptionnelle, présente donc des particularités.
En second lieu, nous devons signaler le rapport collectif de droit public. Il s’agit de prestations imposées dans un intérêt public à une pluralité d’individus en commun, de sorte que, par l’ensemble de leurs contributions, le résultat voulu se trouve atteint. Les charges collectives pour chemins, écoles, assistance publique fournissent les exemples principaux. C’est un rapport juridique entre l’Etat d’une part, et les individus contribuables d’autre part. Mais, entre ces derniers, les prestations réciproques sont fixées ; chacun a, vis-à-vis de ses coobligés, le droit d’être déchargé en proportion ; il peut faire valoir, à son profit, l’obligation dont ils sont tenus vis-à-vis de la puissance publique. Puisque celle-ci est toujours en jeu, ce rapport intérieur appartient également au droit public. Nous parlons ici d’un rapport juridique de droit public dérivé ou secondaire. Mais comme il reste, néanmoins, un rapport entre des personnes qui sont égales au point de vue du droit, il présente aussi des particularités à plusieurs égards14. — Les rapports juridiques, certes, sont d’une grande valeur pour la liberté et la propriété des sujets ; grâce à eux, les sujets sont fixés sur ce qui doit leur arriver (139) et ne pas leur arriver de la part de la puissance publique. Mais cela ne veut pas dire que cette sûreté revête toujours la forme d’un droit subjectif reconnu aux individus. Il est vrai qu’ici encore on profite largement de l’occasion d’employer le mot droit individuel (subjectif). Qu’une permission de police, par exemple, soit donnée ; voilà un rapport juridique qui est né : le permissionnaire ne doit pas être empêché par la puissance publique de faire ce que, sans la permission, le règlement de police lui défendrait. Mais qu’a-t-il maintenant ? Quel est l’objet du droit qu’on veut lui reconnaître ? Il a seulement ce qu’il aurait, si aucun règlement de police n’avait été fait en cette matière : c’est la liberté naturelle. Si l’on veut appeler la liberté naturelle un droit, nous n’avons plus rien à dire. — On parle encore d’un droit de l’individu, quand, par la notification de l’extrait du rôle cadastral, on a fixé sa cote d’impôts. C’est un rapport juridique qui s’est formé entre lui et l’Etat. Mais quel est son droit ? C’est le droit de ne pas payer plus que la somme portée au rôle, dit-on15. Singulier droit et qui ne supporte pas un examen sérieux !
Il ne faut pas appeler droit individuel (subjectif) tout ce qui résulte du fait d’un rapport juridique donné, c’est évident. Les droits véritables doivent être compris dans cette notion ; mais ils y forment un cercle plus restreint.
3) Le droit est un pouvoir appartenant à l’individu, pouvoir sur une chose, sur un objet déterminé. Pour que cela soit un droit individuel (subjectif) public, il faut que la puissance publique, — élément caractéristique et indispensable pour tout ce qui aspire à ce nom, –– soit en jeu. C’est ce que signifie cette formule, un
(140) peu vague et obscure, il est vrai, mais souvent employée par nos auteurs : les droits publics sont ceux qui ont une connexité avec la chose publique16. Mais quelle est cette connexité ? Doit-on considérer l’origine de ces droits ? Sont-ce des droits créés par la puissance publique ? Cela s’appliquerait également aux droits civils ; car la loi civile, c’est aussi la puissance publique. Ce n’est donc pas à l’origine du droit qu’il faut s’attacher ; c’est dans le contenu du pouvoir que nous appelons droit public, que la puissance publique doit apparaître. La puissance publique appartient à l’Etat ; mais l’exercice de cette puissance peut devenir l’objet de pouvoirs attribués aux individus dont l’Etat représente l’ensemble. Le droit public individuel (subjectif) est un pouvoir juridique sur l’exercice de la puissance publique17.
- — Le problème de la formation de ces droits publics se pose d’une manière très différente pour l’une et pour l’autre des deux parties qui figurent dans le rapport juridique : l’Etat d’un côté, le sujet de l’autre. Quant à l’Etat, il semble bien qu’il faille lui reconnaître ces droits. Il a la puissance publique, et celle-ci, dans ces rapports juridiques, reçoit une détermination qui présente beaucoup de ressemblance avec les droits individuels (subjectifs) du droit civil, tantôt avec un droit réel, tantôt avec un droit de créance. Nous rencontrons pour l’Etat un domaine public, des (141) servitudes d’utilité publique, etc. ; et d’un autre côté, l’Etat est créancier des contributions imposées, il a droit aux services de ses fonctionnaires, il a le droit d’appliquer une peine au coupable. Naturellement, on n’hésite pas à se servir ici du mot droit qu’on aime tant à placer. Mais il y a cependant une différence essentielle avec les véritables droits individuels (subjectifs) dont le droit civil nous fournit le modèle : en droit civil, les droits individuels signifient un avantage obtenu par l’individu : l’individu a gagné quelque chose qu’il n’avait pas encore. Ces prétendus droits de l’Etat, au contraire, ne sont que des manifestations de sa puissance préexistante ; ou pour parler le langage des auteurs qui appellent cette puissance un droit de l’Etat, ils ne signifient que l’exercice de ce droit. Ainsi, il y a ici toute autre chose qu’un véritable droit. L’Etat n’a pas de droits, parce qu’il a mieux18.
Comme il ne convient pas d’être trop rigoureux pour ces questions de terminologie, nous admettrons ces droits de l’Etat, avec la réserve qu’il s’agit d’une simple façon de parler et qu’il ne faut pas vouloir en tirer des conséquences. Des conséquences, en réalité, il n’y en a pas. La constatation que tel ou tel rapport juridique renferme un droit de l’Etat n’est d’aucune utilité pratique. Tout ce qui concerne ce rapport reste dans le même état, comme si cette constatation n’avait pas été faite. C’est une qualification vaine et purement décorative.
Il n’y a qu’un seul point où cette ressemblance extérieure de la manifestation de la puissance publique un droit individuel (subjectif) produise des effets.
(142) C’est un phénomène assez curieux et sur lequel on n’a pas encore porté toute l’attention qu’il mérite. Il est placé à la limite des deux sphères du droit public et du droit civil. Le rapport de droit public peut se transformer en rapport de droit civil. L’Etat, nous le savons, peut descendre sur le terrain de l’égalité avec le sujet, et alors il est soumis au droit civil. Il peut le faire dans un rapport juridique déjà existant. Ce rapport est alors transformé pour devenir le rapport juridique du droit civil correspondant. Le soi-disant droit de l’Etat devient alors un véritable droit selon les règles du droit civil. Le domaine public déclassé devient la propriété privée de l’Etat. Pour les contributions dues par le failli, l’Etat se présentera comme créancier, d’après les règles du droit civil. Ce même effet de transformation se produira dans le cas où une réclamation pécuniaire, fondée sur le droit public, doit être poursuivie en pays étranger. Si elle est admise, ce qui sera encore douteux, elle ne le sera que comme créance de droit civil, soumise aux formes de poursuite qui en résultent19.
Si nous envisageons la question du côté du sujet compris dans le rapport juridique, nous sommes loin de cette plénitude de puissance, qui, du côté de l’Etat, — nous venons de le voir, — exclut la formation de véritables droits individuels (subjectifs). Si, chez le sujet, il doit y avoir un pouvoir sur l’exercice de la puissance publique, cela ne peut être qu’un pouvoir isolé et délimité, présentant, par cela même, la forme d’un droit individuel (subjectif).
Il n’est pas dans la nature du sujet d’avoir de semblables (143) pouvoirs ; ils ne peuvent lui appartenir que dérivés de l’Etat, lequel est la source de toute la puissance publique, lequel en dispose selon sa volonté et peut concéder également sur son exercice des influences légitimes réglées par le droit.
Le droit constitutionnel est plein de pouvoirs de cette espèce, pouvoirs appartenant à des individus qu’il désigne, et ayant pour contenu l’exercice de la puissance publique pour une certaine part ou dans une certaine direction. Ce n’est qu’au moyen de ces délégations que l’Etat peut arriver à s’organiser et à devenir capable d’agir. Cette organisation se continue dans le droit administratif. La loi et l’acte administratif appellent les individus à une collaboration très variée ; ils leur attribuent dans ce but les pouvoirs nécessaires sur l’exercice de la puissance publique et créent ainsi, à leur profit, des droits individuels (subjectifs) publics20.
C’est encore la justice qui en fournit les modèles. Nous en rencontrons de différentes espèces. Il y a d’abord cette différence que quelques-uns de ces droits — ressemblant à cet égard aux droits que la Constitution délègue au Chef de l’Etat ou aux membres des assemblées législatives — doivent être exercés dans l’intérêt et, comme l’on dit, en représentation de l’Etat. On parle alors de droits de représentation21. Cette direction ne les empêche pas d’être des droits pour les individus auxquels ils sont confiés.
(144) C’est en ce sens que le juge inamovible est investi d’un certain pouvoir sur l’exercice de la puissance publique ; il l’exerce au nom de l’Etat et dans l’intérêt de celui-ci ; mais il a le droit individuel (subjectif) public de représenter l’Etat dans ce sens et d’exercer pour lui ce pouvoir. D’autres droits dispensent leur détenteur de suivre une semblable direction et le laissent libre de se servir, dans son propre intérêt, de l’influence sur la puissance publique qu’ils lui attribuent. Ce sont des droits propres, comme on les appelle22.
Les droits des parties en fournissent des exemples, le droit d’obtenir une décision du juge, le droit d’être entendu, etc.
Au point de vue juridique, il ne faut pas attacher trop d’importance à cette distinction.
Pour les droits de la première espèce, la direction, qui les caractérise, n’a très souvent qu’une valeur morale, et, en définitive, les droits propres forment également un élément de notre système d’organisation de la puissance publique ; il rentre justement dans le caractère de notre Etat actuel de concilier les deux grands principes de la souveraineté et de la liberté, d’accorder aux intérêts individuels une influence — restreinte, il est vrai, et bien délimitée — sur l’exercice de la puissance publique. Le fanatisme, qui leur oppose une souveraineté pure et intangible, est une réminiscence du régime de la police.
Mais les exemples que nous venons de tirer de la justice contiennent une autre distinction plus intéressante, distinction qui s’attache à la manière dont la puissance publique devient l’objet du pouvoir accordé à l’individu : elle peut trouver son expression soit dans (145) La forme de la possession, soit dans la forme de l’obligation23.
Le juge est en possession d’une portion de la puissance publique ; c’est là le caractère de son droit. Il y a, dans l’administration, des fonctionnaires dont la situation est analogue. Mais nous trouvons ici toute une variété d’applications du même principe. L’exemple le plus frappant est la grande institution des corps d’administration propre (Selbstverwaltungskörper) : ce sont des personnes morales auxquelles une portion de l’administration publique appartient en droit propre, pour exercer toute la puissance publique qui s’y rattache, en leur nom et dans leur intérêt. Leur organisation nous présente d’autres droits de la même nature : le droit des électeurs d’instituer les organes de cette administration, le droit des représentants élus, etc.24.
Nous citerons encore les concessionnaires de travaux publics. Ces travaux et entreprises sont des portions de l’administration publique. Ils deviennent ici l’objet d’un pouvoir de l’entrepreneur qui a été autorisé à cette fin.
Le domaine public des routes, des fleuves, des (146) canaux, des cimetières, n’étant autre chose qu’une manifestation de l’administration publique, admet également des concessions, en vertu desquelles des particuliers obtiennent le droit d’en occuper une portion dans leur intérêt et dans un but déterminé c’est un droit individuel (subjectif) public ayant la forme d’un droit de possession.
Nous retrouverons tout cela.
D’autres droits individuels publics ont la forme d’une obligation. Le droit d’obtenir une décision du juge en fournit le modèle25. Dans le droit administratif, nous trouvons également des demandeurs avec leur droit d’obtenir une décision du tribunal administratif. Mais le même droit existe dans le recours administratif formel (förmliche Beschwerde), dans le droit à une permission de police pour construire, pour exercer une industrie. Mais il n’est pas nécessaire que l’objet de ce droit soit un acte d’autorité. La puissance publique peut être astreinte par la loi à donner quelque chose, à payer une somme, le salaire de l’employé, l’indemnité due à l’exproprié. L’individu, vis-à-vis duquel cette obligation existe, est investi d’un pouvoir juridique pour la ramener à exécution. Il a un droit individuel (subjectif) public dans la forme d’un droit de créance.
III. — Nous avons constaté qu’il y a des rapports juridiques signifiant un pouvoir du sujet sur l’exercice de la puissance publique.
Ce pouvoir, nous l’appelons un droit individuel (147) (subjectif) public. S’il s’agissait seulement du mot « droit », cela ne vaudrait certes pas la peine de discuter. Mais il nous semble qu’à cette expression s’attachent des conséquences sérieuses, conséquences qui correspondent à la notion générale du droit individuel (subjectif).
Qu’est-ce que la valeur juridique d’un droit ?
Elle se manifeste par deux choses : par la protection qui lui est due par la puissance publique d’une part, et par sa disponibilité d’autre part. Nous retrouvons ici ces deux choses, produisant leurs effets ordinaires, pour autant, du moins, qu’ils ne sont pas contrariés par d’autres principes.
1) Le droit individuel (subjectif) lie la puissance publique, c’est-à-dire la partie de la puissance publique qui est susceptible d’être liée. Le pouvoir exécutif, nous l’avons dit, est né avec ce caractère spécial qui l’oblige à maintenir et à protéger le droit individuel (subjectif) partout où il apparaît. Il doit lui prêter main forte contre le trouble et l’inobservation qu’il peut rencontrer de la part d’autrui, et s’y soumettre lui-même. Dans la sphère du droit administratif, où l’Etat lui-même est en action pour produire, changer et supprimer des rapports juridiques, la protection due au droit individuel (subjectif) se manifeste surtout par l’obligation du pouvoir exécutif de laisser ce droit intact.
Ce pouvoir du sujet sur l’exercice de la puissance publique, une fois établi, est irrévocable. Cela se comprend du pouvoir conféré par la loi ; mais cela s’applique également aux pouvoirs créés par la législation secondaire des règlements et même par des actes administratifs : en principe, l’autorité, qui a fait un acte, est libre de le retirer et de changer et d’abolir ainsi le rapport juridique qu’il a créé ; mais dès que, dans ce rapport, apparaît, pour l’individu qui y est (148) compris, un pouvoir qu’il doit avoir sur la puissance publique, l’autorité est tenue. L’inviolabilité du droit individuel (subjectif) n’est pas absolue ; ce droit doit aussi céder à des intérêts supérieurs légalement reconnus ; mais, en dehors d’un titre spécial, il subsiste ; la révocation pure et simple n’est pas possible.
C’est donc une chose assez importante que de créer de semblables rapports juridiques et d’abandonner à l’influence d’un sujet une portion de la puissance publique. Que la loi puisse le faire, cela est hors de doute. Le pouvoir exécutif y est suffisamment légitimé, quand il agit en vertu d’une loi qui l’autorise. En dehors de ces cas, il ne peut engager son action et abandonner des portions de l’administration publique que dans une certaine limite. Constituer des droits à des prestations pécuniaires, concéder des droits de jouissance sur le domaine public, concéder des travaux publics, des entreprises entières appartenant à l’administration des services publics, voilà les exemples qui se présentent le plus souvent. Dans d’autres cas, lorsqu’elle accorde aux individus une influence sur l’exercice de la puissance publique ou qu’elle leur assure qu’elle agira envers eux d’une certaine manière, l’autorité est censée le faire avec la réserve tacite qu’elle pourra révoquer ce qu’elle a dit, quand cela lui semblera être commandé par un intérêt majeur ; il est peut-être d’usage d’insérer, dans l’acte même, une réserve expresse de ce genre. Dans ces cas, nous disons qu’il n’y a pas de droit individuel (subjectif). La réserve de la révocabilité a empêché ce droit de naître.
Mais le principe reste : aussitôt qu’un pouvoir de l’individu sur la puissance publique a été créé sans réserve, il y a droit individuel (subjectif) public et, par conséquent, rapport juridique irrévocable.
2) Il est de la nature du droit individuel que celui, auquel il appartient puisse en disposer.
(149) Cela ne veut pas seulement dire qu’il est libre d’en jouir, de s’en servir ou de ne pas le faire. Ce n’est pas une qualité caractéristique du droit ; car il en est de même de la simple liberté qui n’a pas la forme du droit individuel (subjectif). La disposition, dont nous parlons, ne concerne pas l’exercice du droit, mais la substance même du droit. On en dispose par des actes juridiques qui, en général, sont de deux sortes : la renonciation et le transfert.
Le droit individuel (subjectif) public admet l’une et l’autre modalité, sauf les restrictions qui y sont apportées par des causes spéciales.
Qu’on puisse renoncer à des droits individuels (subjectifs) publics, cela ne saurait être contesté26. Il suffit de citer les différentes créances pécuniaires résultant de rapports juridiques de droit public : le traitement du fonctionnaire, l’indemnité d’expropriation, les remboursements dûs aux contribuables surtaxés, etc. Tout cela peut donner lieu à des renonciations. Mais ce ne sont pas des cas exceptionnels. Les concessions sur le domaine public, — une prise d’eau par exemple concédée sur une rivière navigable, — en tant qu’elles ne sont pas révocables ad libitum constituent, pour le concessionnaire, un droit individuel (subjectif) ; il peut faire disparaître ce droit par sa renonciation. Les droits individuels (subjectifs) correspondant à des fonctions publiques et ayant pour objet l’exercice d’une certaine portion de la puissance publique ne sont pas absolument exempts de renonciation. On ne peut pas y renoncer en gardant la fonction, cela va sans dire, et la fonction est, en première ligne, un devoir qui lie le fonctionnaire. Mais celui-ci (150) a le droit d’exiger sa démission, démission que le gouvernement ne pourrait pas lui imposer spontanément.
Cette demande contient en même temps la renonciation à son droit. Il y a là une certaine analogie avec la situation d’un concessionnaire de travaux publics ou d’une entreprise d’intérêt public, d’un chemin de fer, par exemple ; le concessionnaire a le droit de diriger et d’exploiter un service public à la place de l’administration ; c’est un droit individuel (subjectif) public. Il ne peut pas simplement renoncer à ce droit, parce qu’il est obligé de s’en servir. Mais il peut proposer au gouvernement de le décharger de cette obligation, et cette proposition contient, en même temps, une renonciation éventuelle à son droit.
Que la commune, la province, la corporation et toutes les autres personnes morales du droit public ne puissent renoncer à la portion d’administration propre qui leur est attribuée, cela ne vient pas de la qualité de ce droit individuel (subjectif) public ; cela provient de la qualité de ces personnes elles-mêmes qui sont créées uniquement pour gérer cette administration et dont les représentants, par conséquent, n’ont pas compétence pour y renoncer.
On peut transférer les droits publics, comme on peut y renoncer27. Pour les droits publics propres, tout au moins, c’est la règle. Les droits de représentation, il est vrai, s’y opposent par leur nature : les droits du fonctionnaire inamovible, les droits du député n’admettent pas de substitution. Mais les droits (151) au salaire, les droits à l’indemnité d’expropriation et généralement toutes les créances pécuniaires, quoique dépendant du droit public, peuvent être cédées, données en gage, frappées de saisie-arrêt, en tant que la loi positive n’établit pas d’exception. Il en est de même des concessions de prise d’eau, de sépulture et de toutes les autres concessions sur le domaine public ; elles peuvent être vendues, léguées, données à bail. Les concessionnaires d’un chemin de fer et autres entrepreneurs de services publics ont même plus de facilité pour céder leur droit que pour y renoncer. Les communes et autres personnes morales du droit public peuvent, de leur côté, faire des concessions sur leur rues et cimetières, se substituer des entrepreneurs pour leurs travaux publics, ponts, rues, écoles. Il intervient même des conventions entre elles ou avec l’Etat sur la propriété des chemins publics, sur des cimetières communs, sur des écoles et sur d’autres services publics.
Il y a une espèce de droit individuel (subjectif) public que nous n’avons pas mentionnée jusqu’ici et qui semble présenter des difficultés particulières. (Il y a toujours des difficultés, quand nous rencontrons des formes, pour lesquelles le droit civil ne nous donne pas de modèle). Voici le problème : il faut une permission de police pour exercer tel ou tel métier ; celui qui remplit les conditions fixées par la loi a le droit de l’obtenir. Peut-on renoncer à ce droit, peut-on le transférer ?
Voici encore le permis de chasse, qui doit être accordé chaque fois qu’il n’y a pas de cause spéciale de la refuser ; est-ce un droit individuel (subjectif) public ? Peut-on en disposer ? Evidemment non. Mais il faut bien se rendre compte de ce qu’est ce droit Ce qu’on appelle ainsi n’est pas encore le droit lui-même, ne représente pas encore le pouvoir sur l’exercice de la (152) puissance publique. C’est la faculté d’assumer ce droit en réclamant la permission. C’est seulement au moment où cette réclamation est faite que le droit apparaît. Le contenu de ce droit est que la qualité du réclamant doit être reconnue comme suffisante pour provoquer l’acte voulu28. Naturellement, un semblable droit ne peut pas être cédé. On peut y renoncer, mais c’est seulement retirer la demande ; les qualités supposées restant les mêmes, on pourra toujours se représenter pour produire le même effet : à savoir le droit d’obtenir la décision favorable. Quand la permission d’obtenir ne dépend pas de la qualité de la personne, mais d’une chose, d’un établissement industriel par exemple, on peut céder la chose, l’établissement, et mettre ainsi une autre personne dans la possibilité de (153) faire naitre pour elle ce droit à une décision favorable en formulant une demande. Mais ce n’est pas céder le droit individuel (subjectif) public lui-même.
Si la demande, au moment de la cession, a été déjà faite, il peut se produire une succession dans ce droit public, de même que le demandeur en revendication d’un immeuble peut se faire remplacer dans la procédure — rapport de droit public avec le tribunal — par son acheteur. Le principe est que cette catégorie de droits individuels (subjectifs) publics, dépendant uniquement de l’existence de certaines qualités chez le prétendant, ne peuvent être transférés qu’avec ces qualités, et peuvent, en dépit de toute renonciation, toujours se reproduire, tant que ces qualités subsistent.
Ces règles trouvent leur application dans les hypothèses suivantes : droit de prendre part à des élections publiques comme électeur, droit de faire expédier ses lettres par la poste, droit d’obtenir une décision de l’autorité supérieure sur le recours formé contre un acte administratif.
- Gerber, Ueber öff. Rechte ; Ulbrich, Ueber öff. Rechte und Verw. gerichtsbarkeit ; Dantscher von Kollesberg, Die politischen Rechte der Unterthanen ; Jellinek, System der subj.— öff. Rechte (Comp. les critiques dans Grünhut, Zeitschrift, 21, p. 107 ss., et dans Arch. f. öff. R., IX, p. 280 ss.). — Sous le régime de la police, il ne pouvait pas être question de droits publics des sujets : Eichkorn, Betracht. über d.Verf. d. Deutsch. Bundes, p. 98. Mais il y a aujourd’hui encore des auteurs qui persistent dans cette manière de voir ; nous citerons Schuppe, Begriff der subj. Rechte, p. 88, et Bornhak, Preuss, Staatsrecht, I, p. 269 (de semblables droits, d’après lui, sont « logiquement impossibles »). [↩]
- Sur la manière dont les intérêts protégés se développent par degré jusqu’au « pouvoir juridique individualisé », voir Merkel, Encyclopädie, §§ 150, 151, 153. [↩]
- Schmitthenner, Staatsrecht, p. 280 ; G. Meyer, Staatsrecht, p. 687 ; Bornhak, Preuss. Staatsrecht, I, p. 238 ; v. Kirchenheim, Einf., p. 22 ; Lœning, Verw. Recht, p. 9. [↩]
- Gareis, Allgem. Staatsrecht, p. 26-28, p. 117-121 ; Jellinek, Gesetz und Verordn., p. 200 (l’Etat a « virtuellement » tous les droits de supériorité ; il les acquiert « actuellement », quand « il dirige son activité sur des côtés déterminés de la chose publique »). Comp, § 5, note 1 ci-dessus. [↩]
- Zöpfl, Staatsrecht, § 281 ; Held, Verfass. Recht, II, p. 592 ; Pözl, Bayr. Verfass. Recht, p. 94 ; v. Roenne, Preuss. Staatsrecht, p. 212 et s.; Schulze, Staatsrecht, I, p. 360 ss. ; G. Meyer, Staatsrecht, p. 687 ; Gareis, Allg. Staatsrecht, p. 144 ; Laband, Staatsrecht, éd. all, I, p. 132 (éd. fr. I, p. 223).— Le devoir général d’obéissance, il est vrai, suppose qu’il y a un commandement et un commandement légal : on a soin d’insister sur ce point : ce n’est qu’une « obéissance constitutionnelle » qui est due. Mais alors, on pourrait aussi bien établir, pour la sphère du droit civil, un « devoir général de payer » qui également ne produirait son effet que dans le cas où l’on serait légalement devenu débiteur. [↩]
- Comp. les énumérations dans v. Roenne, Preuss. Staatsrecht, p. 212 ss. ; Schulze, Staatsrecht, I, p. 360 ss. et surtout dans Funke, die Verwaltung im Verhältniss zur Justiz, p. 55 et ss. — Chr. von Wolf, Grunds. des Nat. und Völker. Rechts, § 1085, parlait encore de ce beau devoir juridiquement obligatoire pour le prince et les sujets « de s’aimer réciproquement ». [↩]
- C’est le langage de nos chartes constitutionnelles, langage critiqué avec raison par Ulbrich, Oeff. Rechte, p. 22 ; Jellinek, Subj. öff. Rechte, p. 97 et surtout Laband, Staatsrecht, 1re éd. all., I, p. 149, (éd . fr. I, p. 239) : « Ce ne sont pas des droits, car ils n’ont pas d’objet », — Que, de la violation des intérêts ainsi protégés, de véritables droits puissent naître droit à indemnité, droit de faire cesser le trouble, d’infliger une punition, c’est là une chose distincte ; et cela ne prouve nullement que ces intérêts eux-mêmes soient à considérer comme des droits : Merkel, Encyclop., § 150 et 157 ; Gerber, Oeff. Rechte, p. 79 ; Jellinek, Subj öff. R., p. 100, appelle l’intérêt protégé un status negativus, et le droit qui résulte de sa violation un status positivus. Il n’y a pas lieu d’entrer ici dans les détails de cette doctrine des status qui est particulière à cet auteur. [↩]
- Bayr. Verw. Ger. Hoff, 4 juillet 1884 (Reger, V, p. 228) : « Aux termes de la loi d’Empire de 1868, l’Etat jouit du droit de faire la réquisition de tous les locaux propres à loger des hommes ou des chevaux ». Ce « droit », l’Etat en jouissait déjà avant la Constitution ; aujourd’hui, à cause de la réserve constitutionnelle, une loi est devenue nécessaire pour rendre au pouvoir exécutif sa liberté ; c’est tout. [↩]
- On parle, dans ce sens, d’un droit appartenant à tout le monde de faire expédier ses lettres par la poste, droit basé sur la loi postale, § 3 ; ou d’un droit d’obtenir une patente de colportage (selon la Gewerbe Ordnung, § 57 b.), qui appartiendrait à tout individu qui n’en est pas exclu pour des causes spéciales. [↩]
- Bierling, Grundbegriffe, II, p. 221 ; Pfizer, Grenze zwischen Verwalt. und Civil-Justiz, p. 79 ; Leuthold, Saechs. Verw. Recht, p. 79 ; Dantscher, Pol. Rechte, p. 28 ss., ne veut comprendre, sous le nom de « droits politiques », que les rapports avec l’Etat lui-même ; mais il faudrait alors inventer un nom spécial pour les rapports tout à fait identiques qui existent avec des corps d’administration propres. Nous n’y voyons aucune utilité. [↩]
- Le rapport juridique peut être modifié ou supprimé par la loi ou par l’acte administratif ; alors naturellement, tout ce qui se fait à partir de ce moment n’est plus soumis à l’effet juridique de l’ancien rapport. On en trouve une application assez intéressante dans le cas suivant : après une première décision et avant qu’il soit statué sur le recours par l’autorité supérieure, la loi qui détermine le rapport a été changée. Pour la Cour d’appel, dans une affaire civile, ce changement serait sans effet. Pour l’administration, il faut distinguer : si l’autorité supérieure, — un tribunal administratif par exemple, — n’a qu’à contrôler l’acte accompli, elle est liée par l’ancien rapport ; si, au contraire, elle doit agir à la place du subordonné et refaire l’acte, elle prendra pour base le rapport juridique, tel qu’il est formé par la nouvelle loi. Nous rencontrons la même distinction en matière criminelle : Binding, Strafrecht, I, p, 138 ss. La question a été discutée à l’occasion de demandes de permissions de police, dans le cas où, après la première décision, une loi est intervenue, qui change les conditions moyennant lesquelles la permission doit être accordée : Ob. Verw. Ger. 21 avril 1879, 14 mai 1879, 10 oct. 1879, 5 juin 1880, 13 juin 1883 ; contra : Verw. Ger. Hof 1er juin 1880. Comp. la correspondance échangée entre Luthardt et Wimdscheid dans Bl. f. adm. Pr., 1881, p. 137 ss., et G. Meyer, Verw. Recht, I, p. 8. Il ne serait pas exact d’appeler cela un effet rétroactif de la loi administrative. [↩]
- Schmitthenner, Staatsrecht, p. 279 ; Gerber, Grundzüge, § 16 ; Rosin dans Annalen, 1883, p. 299. [↩]
- Ehrenberg, Commandat. und Huldigung, p. 47, note 36a ; Arch. f. öff. Recht, III, p. 52 ss. ; Laband, Staatsrecht 1ère éd. all., I, p. 387 ; 2e éd. all., I, p. 407 ; (éd. fr. II, p. 106 ss.). Ce dernier se sert de cette notion du rapport de sujétion particulière surtout pour éclaircir la nature des obligations du fonctionnaire public. Mais ce n’est pas le seul exemple de son application. Outre le pouvoir disciplinaire (Dienstgewalt), nous trouvons encore le pouvoir de surveillance (Überwachungsgewalt), dépendant du droit financier, le pouvoir de direction dans les établissements publics (Anstaltsgewalt), le pouvoir des corporations publiques sur leurs membres (Vereinsgewalt). Nous reviendrons sur cette notion intéressante, quand nous exposerons les différentes institutions dans lesquelles elle figure. [↩]
- Il y a là un rapport de droit public qui, par exception, donne lieu à un droit coutumier (§ 11, note 4 ci-dessous) et à de véritables conventions (§ 11, note 3 ci-dessous). Pour plus de détails, nous renvoyons aux développements relatifs aux charges collectives (§ 48, II, ci-dessous). [↩]
- Hauriou, Droit adm., no 542 : « le droit de ne pas être imposé à tort ni surtaxé ». [↩]
- Bahr, Rechtsstaat, p. 21 ; Gerber, Oeff. Rechte, p. 35; Seydel, Staatsrecht, II, p. 416 ; G. Meyer, Staatsrecht, 213 ; Ulbrich, Oestr. Staatsrecht, p. 82 ; Leuthold, dans Annalen, 1884, p. 364 ss. [↩]
- Dantscher, Pol. Rechte, p. 76 : « Le pouvoir reconnu par les règles du droit public, la puissance publique mise à la disposition de l’individu dans une certaine direction ». — On pourrait se croire autorisé à invoquer aussi Jellinek. Subj. Öff. Rechte, p. 43 ss., qui déclare, avec les expressions qui lui sont propres : « On est libre d’agir vis-à-vis du coordonné, on peut vis-à-vis de l’Etat ». « Le droit individuel (subjectif) public a toujours pour contenu qu’on peut quelque chose ». Ce « pouvoir » parait avoir pour objet la puissance publique. Mais Jellinek, dans Verw. Arch., V, p. 307 semble abandonner cette opinion. [↩]
- Ce que nous venons d’exposer ci-dessus ne doit pas être très difficile à comprendre. Cependant Lœning dans Verw. Arch., VII, p. 13 veut faire croire qu’avec ces idées tout ordre juridique pour la puissance publique de l’Etat serait impossible, qu’il n’y aurait que la force, qu’il serait contraire à la logique de parler alors de devoirs des sujets, etc. Mais c’est seulement là sa manière de voir. [↩]
- Gerber, Oeff. Rechte, p. 44, parle du cas où l’on veut poursuivre le recouvrement de contributions échues antérieurement dans un territoire cédé : « La créance alors ne serait plus du droit public, mais du droit privé ». — Pour les transformations du domaine public en propriété privée, et des servitudes de droit public en servitudes de droit privé, comp. § 36, III ci-dessous. [↩]
- Jellinek, dans Verw. Arch., V, p. 307, rejette cette idée du droit individuel (subjectif) public comme illogique : « L’Etat, dit-il, a pouvoir sur l’individu et l’individu sur l’Etat… cela nous rappelle Münchhausen qui se tire du marais par sa propre queue ». Mais il fait là une confusion : l’objet du droit individuel (subjectif) est la puissance publique émanant de l’Etat et l’exercice de cette puissance ; ce n’est pas l’Etat lui-même. L’existence de ces droits individuels (subjectifs) est un fait très réel et très important, tandis que la doctrine des « status », par lesquels Jellinek veut les remplacer, est une philosophie très savante et très intéressante, mais dont on peut se passer. [↩]
- Bernatzik dans Arch. für öff. Recht, V, p. 297 ss. : « Le droit à la position d’organe » ; Jellinek, Subj. öff. Rechte, p. 129 ss. : « Le droit à la qualité d’organe ». [↩]
- Rosin dans Annalen, 1883, p. 287 ss. [↩]
- Cette distinction est, quant à ses résultats, à peu près conforme à celle que Jellinek, Subj. öff. Rechte, p. 109 ss., p. 129 ss., a voulu introduire sous les noms de status positivus et status activus. [↩]
- Le droit de suffrage surtout a été l’objet d’études si approfondies qu’on lui a fait perdre toute sa consistance. D’après Laband, Staatsrecht, éd. all., I, p. 308 (éd. fr., I, p. 495) le droit de voter « n’est que le réflexe des règles constitutionnelles sur la procédure à suivre pour former le Landtag ou le Reichstag » ; ce n’est donc pas un jus quaesitum, mais un simple fait, un état de choses. Jellinek, Subj. öff. Rechte, p. 152, déclare : « Le droit de suffrage, — quelque paradoxal que cela paraisse — ne consiste pas du tout dans le droit de donner son suffrage » ; c’est le droit d’être reconnu comme électeur. Mais il reste cependant ce fait que l’électeur, par son ordre, produit un effet juridique ; c’est bien un pouvoir dont il dispose selon sa volonté. Il y a là quelque chose autre que l’ombre des institutions publiques, et qui ne se borne pas à être une reconnaissance platonique ; c’est un droit vivant. [↩]
- Très exactement, Trutter écrit, Prozessuale Rechtsgeschaefte, p. 69 : « Le code de procédure accorde à la volonté du demandeur un pouvoir sur la volonté du tribunal ». C’est un « droit contre le tribunal » (p. 75), et celui-ci remplit ce devoir « comme organe de l’Etat » (p. 78). Comp. Bülow, Lehre v. d. Prozesseinreden, p. 3 ; Jellinek, Subj. öff. R., p. 118, 119 (« obligation de l’Etat de protéger ») ; Dantscher, Pol. Rechte, p. 84. [↩]
- On a voulu écarter la possibilité d’une renonciation en établissant l’axiome que tout droit individuel (subjectif) public constitue lui-même un devoir : V. Sarwey, Oeff. Rechte und Verw. R. Pfl., p. 420 ss. ; Pfizer, Reform der V. R. Pfl., p. 15 ss. Ce n’est pas soutenable. [↩]
- D’après Lœning, Verw. Recht, p. 13, 17, et Jellinek, Subj, öff, Rechte, p. 324, il serait de principe qu’il n’y aurait pas de succession à des droits individuels (subjectifs) publics. Comme exception à cette règle ils mentionnent, tous les deux, le cas de la Gewerbeordnung § 46 : la veuve et les héritiers mineurs peuvent continuer à exercer l’industrie pour laquelle l’autorisation avait été donnée au défunt. Mais, dans ce cas, il ne s’agit pas même d’un droit individuel (subjectif) public : il y a là une permission de police qui a simplement rétabli l’état de liberté naturelle. [↩]
- Jellinek, Subj. öff. Rechte, p. 115 : « Si l’on embrasse les droits formellement reconnus et individualisés qui ont leur source dans le status positif, dans une formule commune, elle indique, pour l’individu, la faculté, protégée par le droit, de réclamer de l’Etat des prestations positives ». Nous ne pourrions pas mieux définir l’idée juridique qui se présente dans les cas dont nous parlons ci-dessus. Ce qui nous sépare de Jellinek, c’est, d’une part, sa tendance à généraliser cette idée qui a sa place particulière ; il veut que tout droit public se rattache ainsi à un certain « status » ; mais c’est faire violence à la réalité ; il n’y a pas de status derrière le droit à une indemnité d’expropriation, au salaire de l’employé, à l’exploitation d’un chemin de fer. D’autre part, il exagère l’importance de ses status, en voulant y placer le centre de l’intérêt et en ne laissant pour contenu au droit qui en résulte, que la reconnaissance du status. Pour nous, l’objet du droit est un effet juridique à produire, le status en est la condition ; il ne s’agit pas seulement de reconnaître qu’il existe, mais de reconnaître qu’il produit, dans le cas spécial, l’effet déterminé, ou plutôt que la volonté de l’individu produit cet effet en vertu du « status ». Radnitzki, Parteiw. p. 30 ss., distingue « la faculté ou le pouvoir de voter », qui n’est pas encore un droit, mais d’où grâce aux arrangements pris par l’autorité pour en rendre possible l’exercice, nait « un droit individuel (subjectif) d’être admis au vote ». Nous dirions plutôt que ce droit nait à partir du moment où l’individu se présente pour voter, qu’il a pour contenu la collaboration au résultat de l’élection et, par conséquent, l’admission à la formalité du vote.
Il y aura une conséquence à tirer de cette distinction entre la simple faculté et le droit qui en résulte, quand il s’agira de déterminer les personnes, qui sont « autorisées à exercer une industrie » (zum Betriebe berechtigte) dans le sens de la Gewerbeordnung, §1, al. 2. Comp. §21, note 2 ci-dessous. [↩]
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