Section III
Principes généraux du droit administratif
§ 16 Attribution des tribunaux civils
(273) Les tribunaux ordinaires, constitués pour les matières civiles et pénales, exercent de différentes manières, par les jugements qu’ils rendent, une influence sur l’administration. De plus, ils peuvent être appelés directement à exercer une juridiction en matière administrative ; ils deviennent alors des institutions servant à la protection du droit, semblables à celles que nous venons d’examiner.
Les principes qui régissent ces attributions par rapport à l’administration doivent maintenant être étudiés.
I. — Les affaires à trancher par le tribunal civil doivent s’adapter aux formes fixées de sa procédure. Les intéressés se rencontrent devant le tribunal civil comme parties à droit égal, subordonnées à sa puissance d’autorité. Cela est également vrai de l’Etat lui-même, quand il doit figurer comme partie. Etait-il entré, vis-à-vis du sujet, dans un rapport de droit civil sur lequel il s’agit maintenant de statuer, dans ce cas, il s’est placé déjà, en dehors du procès, sur le terrain de l’égalité (Comp. § 11, II, ci-dessus), et sa position comme partie n’est qu’une conséquence : à la réaction du droit civil correspond maintenant la réaction du droit de procédure. Mais cette dernière réaction peut aussi se produire directement et par elle seule. Le tribunal peut être déclaré compétent pour connaître des rapports de droit public entre (274) l’Etat et le sujet. Dans ce cas, l’Etat, dans le procès tout au moins, devient l’égal de l’adversaire ; il est soumis comme lui à la puissance d’autorité du tribunal. C’est cette égalité dans le procès que l’on vise, quand le tribunal désigne, sous le nom de fisc, l’Etat qui comparaît devant lui (Comp. § 11, III, no 2 ci-dessus). Mais comme le fisc n’est traité ainsi que dans le procès et pour le procès, comme il reprend aussitôt, en dehors du procès, la situation naturelle de l’Etat en tant que personnification de la puissance publique, la procédure peut être entourée de rapports d’un autre caractère dont elle n’est qu’un épisode.
1) L’administration qui, devant le tribunal, se présente comme partie peut, en dehors du procès, avoir agi comme puissance publique sur le rapport soumis à l’appréciation du tribunal, et lui avoir donné une détermination juridique.
Mais il faut ici distinguer :
Dans beaucoup d’affaires qui doivent être portées devant les tribunaux civils, les autorités administratives sont compétentes pour prendre des mesures provisoires, pour créer, comme l’on dit, un provisoire administratif (Verwaltungsprovisorium). Il y a toujours alors un intérêt public qui exige un résultat immédiat. La contestation en elle-même peut concerner des rapports de droit civil ou de droit public et exister entre des personnes privées seulement ou entre des personnes privées et l’Etat. Cette mesure provisoire ne change en rien la situation du tribunal civil ; elle est indifférente pour sa décision ; elle disparaît, dès que le tribunal s’est prononcé1.
(275) L’autre catégorie d’affaires est plus significative. Il s’agit d’affaires de droit public que l’autorité administrative doit terminer par son acte administratif ; mais contre l’ordre de l’autorité administrative on peut recourir, dans un certain délai, devant le tribunal civil ; celui-ci statue alors comme un tribunal administratif en justice subséquente : s’il infirme, sa décision remplace l’acte administratif ; s’il rejette le recours, cet acte subsiste valable et exécutoire pour régler le rapport avec sa propre force. Mais à la différence de ce qui se produirait en justice administrative, l’Etat a figuré lui-même comme partie devant le tribunal : le jugement, par conséquent, passe en force de chose jugée, pour lui comme pour son adversaire2.
2) La particularité de la partie fisc se fait sentir d’un autre côté encore, quand il s’agit d’exécuter le jugement rendu contre elle. Il y a des moyens d’exécution de la procédure civile, qui, par leur nature, sont inapplicables ; en particulier, ceux qui tendent à réaliser directement une obligation de faire ou de ne pas faire (C. proc. § 888, 890). Il sera surtout question du paiement forcé d’une somme d’argent. Cette exécution est remplacée par la voie administrative3. Cela aboutit tout simplement à transporter l’affaire sur le (276) terrain du droit public. Le débiteur, au lieu d’être contraint par une saisie, exécute d’autorité le jugement, comme il ferait d’un acte administratif et comme s’il ne s’agissait que de remplir les obligations caractéristiques du pouvoir exécutif en présence d’un acte pareil. Refuser cette exécution serait une violation du droit public4.
II. –– Des affaires administratives, c’est-à-dire des rapports de droit public résultant de l’administration, ne sont pas seulement attribuées à la juridiction des tribunaux civils par des lois spéciales et expresses ; il faut y comprendre aussi, dans une forte proportion, les affaires destinées à former la compétence ordinaire des tribunaux civils, les contestations de droit civil (Bürgerliche Rechtsstreitigkeiten). Cela dépend de la manière particulière dont celles-ci ont été définies.
Le droit de l’Empire (Gerichts-Verwaltungs-Gesetz § 13) suppose la notion comme donnée d’avance, le caractère distinctif devant se trouver dans l’objet et la nature de la prétention en question5. Ce caractère s’est fixé dans ce sens à l’époque où, sous le régime de la police, s’est opérée la séparation de la justice et de l’administration (Comp. 4, III, ci-dessus) : la sphère de l’administration, appelée par euphémisme la sphère du droit public, est rendue inaccessible aux tribunaux ; ce qui lui reste — les contestations de droit civil — signifie, comme le nom l’indique, la prétention résultant de rapports de droit civil6.
(277) Sur ce point, il n’y a pas de controverse. La difficulté commence seulement avec la question suivante : quand y a-t-il rapports de droit civil ? Quand y a-t-il rapports du droit public ? Ici, en effet, il ne s’agit pas d’appliquer des textes de loi, mais de comprendre la nature juridique du rapport. Or, cette nature même varie et subit des transformations à peine perceptibles. Nous nous trouvons, en ce moment, en plein travail pour tirer les conséquences des changements intervenus dans la nature du droit public (Comp. § 5, introd., § 11, II). Nous croyons, il est vrai, pouvoir dire exactement ce qui, à l’époque actuelle, doit être entendu dans le sens du droit civil et ce qui doit l’être dans le sens du droit public. La conviction de ce qui seul répond à la vérité gagne toujours plus de partisans. Mais, à côté de cela, il est un fait incontestable, à savoir que la compétence des tribunaux est aujourd’hui encore maintenue sur la base de la délimitation du droit civil et de la contestation de droit civil, qui répondent à la manière de voir propre au régime de la police telle que nous l’avons exposée au § 4, III, no 2 ci-dessus7.
Faut-il vouloir provoquer ici une révolution dans le sens d’une réalisation de la doctrine nouvelle ? Ou bien faut-il plutôt corriger cette doctrine en conséquence ?8 Ni l’un ni l’autre. Il faut nous en tenir à (278) ceci, que la sphère du droit civil est autrement délimitée, pour l’appréciation du droit matériel, que pour la contestation de droit civil qui en dépend. Pour cette dernière, en effet, elle est fixée par des règles de droit positif qui se sont interposées.
Quand une loi expresse a été rendue qui dit : les contestations résultant de rapports de droit civil seront portées devant les tribunaux, elle renvoie sans aucun doute à la doctrine relative à la délimitation de ces rapports. Mais elle ne donne pas un blanc-seing que l’on peut remplir discrétionnairement ; elle adopte comme partie de ses propres dispositions la doctrine existante à l’époque. Il en est de même d’une loi qui constitue simplement des tribunaux civils : ceux-ci sont constitués tacitement pour des contestations de droit civil : sont considérées comme contestations de droit civil les contestations résultant de rapports de droit civil, et comme rapports de droit civil ceux que reconnaît la manière de voir propre à cette époque. D’ailleurs, tous les règlements qui ont créé jadis l’organisation judiciaire de nos territoires empruntent leurs délimitations officielles des affaires de droit public et des affaires de droit civil plus ou moins directement à la manière de voir du régime de la police, à l’époque duquel ils appartiennent. Les réorganisations survenues depuis lors sont censées avoir adopté purement et simplement les délimitations de compétence qui en étaient résultées, à moins qu’elles n’aient statué autrement, ce qui, comme l’on sait, n’a pas eu lieu. En présence de ces faits, la doctrine peut bien déclarer qu’aujourd’hui il faut considérer comme étant de droit public — et l’apprécier en conséquence — ce qui jadis a été considéré comme appartenant au droit civil. Mais elle n’a pas le pouvoir de dire que cela n’appartient plus aujourd’hui aux tribunaux civils. Nous avons, en effet, la loi qui a voulu traiter ces (279) affaires, en ce qui concerne la compétence des tribunaux civils, comme contestations de droit civil ; et cette volonté subsiste.
Cette situation juridique, la loi d’organisation judiciaire (Ger. Verw. Gesetz, § 13) l’a prise sous la protection du droit de l’Empire9. La contestation de droit civil est donc une notion qui n’est pas tout à fait simple. Elle signifie une affaire qui, d’après la manière de voir de la première moitié du XIXe siècle, est à considérer comme étant de droit civil, et, par conséquent, appartient à la compétence générale du tribunal civil dans le sens de nos lois fondamentales sur l’organisation judiciaire10.
(280) III. — Quand le tribunal est appelé à décider une affaire de droit civil, entendue dans le sens que nous venons de fixer, cette décision peut dépendre de l’appréciation d’un rapport de droit public, c’est-à-dire d’un rapport sur lequel ce ne serait pas le tribunal, mais (281) l’administration, qui aurait à statuer directement. La même chose se présente pour les tribunaux criminels, le plus souvent sous cette forme que la condamnation ou l’acquittement dépendent de la validité d’un acte administratif. Dans quelle mesure cette question de droit public préjudicielle influe-t-elle sur la compétence ? C’est sur ce point qu’éclate la différence principale de la manière allemande et de la manière française touchant le partage des attributions. On a souvent essayé d’imiter le système français, sans se rendre compte qu’il a eu son point de départ dans des antécédents historiques qui nous sont étrangers. C’est sous l’influence des anciennes luttes entre l’administration royale et les Parlements que la défense rigoureuse fut établie, en vue d’exclure toute influence, même indirecte, des tribunaux. Elle est formulée comme une intangibilité de l’acte administratif à l’égard des tribunaux. Ceux-ci ne doivent pas faire ce qui revient à l’administration, cela va sans dire ; c’est déjà compris dans la règle générale qui les restreint à des affaires de droit civil. Mais, même en statuant sur des affaires de droit civil, les tribunaux ne doivent pas faire reposer leur décision sur l’appréciation d’un acte administratif quant à sa validité ou à sa portée, ni sur une interprétation de son sens devenu douteux. Dès qu’il y a lieu de procéder à une appréciation de ce genre, le tribunal doit surseoir et attendre que, par la voie administrative ou par la voie du contentieux (282) administratif la question préjudicielle soit vidée ; au cas contraire, le tribunal dépasse sa compétence11.
En Allemagne, une pareille hostilité entre la justice et l’administration n’a jamais existé ; dans l’une et dans l’autre, c’est la même classe de fonctionnaires ayant passé par la même instruction professionnelle. Le rapport entre tribunal et autorité administrative est déterminé par les mêmes règles que le rapport entre tribunal et tribunal : aucune autorité ne doit vouloir régler ce qui est réservé à une autre autorité ; chacune doit laisser produire effet à ce que l’autre autorité a réglé dans la sphère de sa compétence. Ces deux maximes s’appliquent également à la question préjudicielle12.
Ni pour le tribunal, ni pour l’administration, il n’y a une limite apportée à son activité à raison de ce seul fait que la question préjudicielle appartient à une sphère de droit autre que celle qui est confiée spécialement à chacun. Leur compétence dans l’affaire même étant donnée, ils sont appelés tous les deux à expliquer le droit qui s’y rapporte, quel que soit ce droit. Peut-être émettent-ils ainsi une opinion sur une question dont la décision appartient à une autorité de l’autre branche ; mais cela n’est pas encore par lui seul un empiètement sur la compétence étrangère13. Que la question préjudicielle appartienne à la sphère d’une autre autorité, cela n’a d’importance juridique que dans le cas d’une connexité plus intense. Cela se produira dans les conditions suivantes :
1) L’exactitude matérielle de ce que le jugement ou (283) l’acte administratif ordonne, peut dépendre de la manière dont l’autre autorité règle le point qui appartient à sa compétence et qui ne figure ici que comme question préjudicielle. Il faut alors prendre pour base ce que cette dernière autorité a ordonné. Si l’on n’en tient pas compte, la décision, par cela seul, n’excède pas la compétence ; mais la question de savoir si la décision est conforme ou non aux circonstances dépendra de ce que l’autre autorité aura déclaré sur ce point. L’acte risque donc, selon les cas, d’avoir un tout autre effet que celui qu’il devait avoir et de faire tort aux intéressés14.
2) La connexité entre les compétences réciproques peut aussi être telle qu’une solution contradictoire de la question préjudicielle présente, en même temps, un empiètement sur la compétence de l’autre autorité et enlève à l’acte de cette dernière l’effet qui lui revient. En règle, cela est évité, parce que l’un et l’autre jugement du tribunal, comme actes administratifs, ont leur sphère à eux, dans laquelle ils subsistent dans leur validité chacun indépendamment de l’autre. L’empiètement ne devient possible que dans le cas où les compétences de l’un étendent leurs effets directs dans la sphère de l’autre15.
Nous en trouvons des exemples dans les provisoires de police en matière civile (note 1 ci-dessus) : les solutions adoptées par le tribunal sur les questions (284) préjudicielles de droit civil qui se présentent à l’autorité de police, sont obligatoires pour cette dernière ; une disposition qu’elle aurait prise en contradiction avec ces solutions excéderait sa compétence, car elle enlève au jugement son effet dans sa propre sphère.
D’un autre côté, le tribunal civil a également l’occasion d’empiéter sur les effets directs d’un acte administratif, et cela d’une manière beaucoup plus variée. Une compétence sur un rapport de droit public peut lui avoir été attribuée. Quand, contrairement à son devoir, le tribunal civil néglige de tenir compte de ce que l’administration a déjà réglé dans ce rapport et prend une décision contraire, son jugement n’est pas seulement mal fondé comme dans le cas no 1, il excède en même temps sa compétence16.
3) Il peut enfin arriver que la question préjudicielle, en réalité, soit non pas une question préjudicielle, mais la question principale. Ce cas se présente surtout quand, par une mesure administrative, il a été porté atteinte à un rapport de droit civil, à la propriété par exemple ou à la possession, et qu’on forme une demande devant le tribunal pour la protection du droit et une demande en restitution. Mais ce n’est qu’en apparence que la validité de la mesure forme une question préjudicielle dont la solution négative laisserait libre cours à la protection de la propriété et de la possession (285) qu’on réclame. En réalité, la propriété et la possession ne sont pas en question ; la demande tend directement à priver d’effet la mesure administrative, laquelle est de droit public. Mais cela n’est pas une contestation de droit civil ; le tribunal est incompétent. Ici, comme partout, ce qui importe, ce n’est pas de savoir comment la demande se désigne elle-même, c’est de savoir ce qu’elle est en réalité17.
IV. — Pour protéger les limites de la compétence judiciaire, existe l’institution du conflit d’attributions. Cette institution vise exclusivement les tribunaux, à l’effet de protéger l’administration contre leurs empiétements. Pour l’apprécier à sa juste valeur, il faut se représenter le rapport fondamental qui forme son point de départ.
Chaque autorité est obligée de laisser produire effet à l’acte de l’autre autorité, lorsque celle-ci l’a accompli dans les limites de sa compétence. Tout acte d’autorité qui ne sort pas tout à fait du cercle des pouvoirs de l’autorité dont il émane, affirme par lui-même, d’une manière obligatoire à l’égard des sujets, sa validité (Comp. § 8, note 7), et à l’égard des autres autorités sa compétence. Ces règles cessent cependant d’être applicables quand, dans la même affaire, la compétence est revendiquée de deux côtés, quand, par suite, on prétend qu’il y a empiétement de la part (286) de l’autre autorité. Il y a alors puissance publique contre puissance publique ; chaque autorité refuse à l’acte de l’autre autorité son effet, pour l’étendue tout au moins de sa propre sphère de pouvoir. Tel est le résultat naturel.
En faveur des tribunaux civils, on n’hésite pas à reconnaître qu’ils sont autorisés, de la manière indiquée, à ne pas laisser produire effet à l’acte d’une autorité administrative qui prétendrait décider une affaire leur appartenant18.
On devrait admettre un pouvoir correspondant au profit des autorités administratives. Mais, en réalité, ce pouvoir n’existe pas. Les tribunaux jouissent d’une prépondérance historique. Autrefois, seuls les actes de la justice étaient censés appartenir à l’ordre juridique ; seuls ils obtenaient le respect général qui est dû au droit. L’administration n’était que la force ; elle défendait son indépendance vis-à-vis de la justice par des coups de force. Depuis lors, l’administration, elle aussi, a été organisée dans les formes du droit ; son acte administratif détermine ce qui doit être de droit tout aussi bien que le jugement civil. Mais la prépondérance historique du jugement civil subsiste. Les autorités administratives continuent à être tenues de respecter le jugement civil, même quand elles prétendent qu’il empiète sur leur compétence. Mais l’ancienne défense par la force a été remplacée à leur profit par un moyen de droit dont l’administration doit se servir en temps et lieu, afin de repousser l’empiétement. C’est le conflit d’attributions. Le droit français, de même qu’il nous a devancés dans le développement de l’Etat sous le régime du droit, a également le premier organisé ce moyen de droit. Les législations allemandes l’ont imité les unes après les autres.
(287) Le droit actuel a reçu des bases communes en vertu des règles inscrites dans la loi sur l’organisation judiciaire (Ger. Verw. Ges., § 17). Le point de départ est dans ces mots : « Les tribunaux décident sur les questions d’attribution de juridiction ». Tout acte d’autorité, nous le savons, contient aussi une décision sur la compétence de l’autorité dont il émane. Décider, cela s’entend ici dans un sens spécial ; cela veut dire : décider d’une manière obligatoire même pour l’autorité administrative qui prétendrait de son côté être compétente. La prépondérance historique des actes judiciaires est ainsi confirmée de nouveau19.
D’un autre côté, les législations particulières ont été laissées libres de prescrire la procédure du conflit d’attributions, telle qu’elle existait jusqu’alors. Les lois d’exécution en ont profité presque partout ; elles ont ménagé ainsi à l’administration le moyen de maintenir, dans une certaine mesure, vis-à-vis de cette prépondérance, sa dignité juridique20.
Dans cette situation, c’est faire preuve d’une vue (288) très bornée que de prétendre que l’administration, par cette institution, a été placée dans une situation privilégiée par rapport à la justice.
Pour le détail, il faut observer ce qui suit :
1) Le conflit d’attributions forme contrepoids au privilège qui appartient au tribunal de décider sur sa compétence d’une manière obligatoire, même pour l’administration qui invoque sa compétence propre. Il remplace le droit qu’avait l’administration de défendre elle-même sa compétence, droit qui lui a été enlevé par ce privilège. Par suite, l’affirmation de la compétence de l’administration en cette affaire est la condition indispensable pour que le conflit puisse être élevé. Il ne suffit pas que la demande introduite devant le tribunal soit de nature à troubler, d’une autre manière, l’activité de l’administration ou à porter préjudice aux intérêts qui lui sont confiés21.
Mais il importe peu que cette compétence de l’administration appartienne à une simple autorité ou à un tribunal administratif ; vis-à-vis de ce dernier aussi, existe la prépondérance du tribunal civil ; par conséquent, le moyen protecteur du conflit convient également22.
(289) 2) La défense personnelle de la compétence s’exécuterait directement par toute autorité qui serait dans le cas de maintenir sa compétence lorsque l’affaire passerait entre ses mains.
La défense par la voie du conflit d’attributions se fait uniformément au profit de l’administration entière par une autorité administrative supérieure qui est chargée par la loi de pourvoir à cet intérêt ; elle est dirigée contre la justice entière et non pas contre le tribunal saisi de l’affaire23. Cela doit se produire dans un délai limité. Le conflit d’attributions n’est pas possible vis-à-vis d’un jugement civil passé en force de chose jugée. Cela ne résulte pas de la nature de la chose jugée ; cette époque n’a été choisie par la loi que parce qu’elle est la plus pratique24. Ce choix ayant été fait, il est devenu nécessaire, d’autre part, d’avancer, autant que possible, le moment où le conflit commence à être recevable ; sans quoi, on serait trop vite déchu de la faculté de le former : il suffit que le tribunal ait été saisi de l’affaire ou qu’il se soit prononcé sur sa compétence propre : la fixation de ce point n’est aussi qu’une question d’utilité25.
Le conflit d’attributions une fois élevé a pour effet d’interrompre la procédure judiciaire jusqu’à ce qu’il ait été décidé par l’autorité constituée à cet effet, à savoir la Cour de conflits d’attributions. La décision est prise après avoir entendu les intéressés dans leurs observations écrites, mémoires de l’autorité administrative poursuivante et de son supérieur central, avis (290) du tribunal saisi et de son instance supérieure, conclusions des parties au procès interrompu ; il y aura encore, à la fin, des débats oraux publics dans lesquels un représentant de l’administration spécialement commis à cet effet, les parties originaires, ainsi que le procureur près la Cour des conflits, s’il y en a un, auront la parole.
Malgré cette assistance nombreuse, il n’y a pas, devant la Cour des conflits d’attributions, de parties. Les différents fonctionnaires qui lui présentent, oralement ou par écrit, leurs avis et conclusions, ne sont pas des parties ; ils ne sont pas les personnes à l’égard desquelles la décision produira son effet. Il y a des personnes qui sont appelées à jouer un rôle de partie dans l’intérêt de la procédure, analogue à celui du ministère public dans la procédure criminelle ; d’autres personnes n’ont pas même ce rôle à jouer.
Les parties au procès interrompu sont admises à ce titre dans la procédure du conflit ; mais elles ne sont pas pour cela des parties pour cette procédure. Elles n’y ont même pas un rôle de partie propre ; elles ne sont que des spectateurs intéressés au véritable litige, en quelque sorte à la manière des propriétaires intéressés, quand il y a contestation sur la ligne séparative de deux communes26.
Les véritables litigants, ceux pour lesquels la décision doit produire son effet, sont en réalité l’administration d’une part, la justice de l’autre ; il est décidé sur les limites de leurs pouvoirs. Mais administration (291) et justice ne sont pas des personnes. Il n’y a donc pas de personne pour laquelle la décision passera en force de chose jugée ; par conséquent, il n’y a pas de force de chose jugée, laquelle, par sa nature, suppose des parties.
Par conséquent, la décision de la Cour des conflits bien qu’elle ait la forme extérieure d’un jugement, ne peut pas en avoir la valeur ordinaire. Si on lui laisse le nom de jugement, il ne faut pas se croire dispensé par là d’en expliquer la véritable nature.
4) La nature de la décision est très différente selon qu’elle donne ou non suite au conflit élevé. Dans le premier cas, il est déclaré que la voie judiciaire n’est pas admise. Ce n’est pas un jugement d’incompétence. La décision ne décide rien sur l’affaire, pas même partiellement ; elle ne statue pas même, d’une manière directe, sur le sort du procès intenté, comme le fait l’arrêt de cassation ou de revision. Elle ne fait que prescrire ce qui doit être statué. De même que la loi règle la compétence in abstracto, elle la règle in concreto. La loi n’ayant pas été assez claire pour guider le juge, la décision sur conflit en fait une interprétation authentique pour le cas individuel.
De là les conséquences suivantes : il faut d’abord que le tribunal recouvre sa liberté pour statuer selon cette légalité. En conséquence, le jugement par lequel il aurait déjà affirmé sa compétence disparaît ; ce jugement est déclaré nul ; l’affaire est intacte. Le demandeur n’est pas débouté de sa demande. D’ordinaire, il la retirera. S’il persiste ou s’il la renouvelle, il a le droit d’obtenir un jugement sur la compétence. Ce jugement, conformément au droit créé par la Cour des conflits, déclarera la demande non recevable pour cause d’incompétence27.
(292) Si, au contraire, la Cour des conflits estime que le tribunal est compétent, ou, pour parler plus correctement : qu’il n’y a pas empiétement sur la compétence de l’administration, parce que ce tribunal ou une autre autorité de l’ordre judiciaire est compétente, ou parce que, malgré l’incompétence des tribunaux, l’administration n’en souffre pas, on déclare simplement que le conflit élevé est mal fondé. Cette décision n’a aucun effet positif. Ce n’est qu’un refus d’intervenir. L’interruption provisoire de la procédure cesse. La procédure suit son cours comme si l’interruption ne s’était pas produite. Le tribunal, s’il ne l’a pas encore fait, statue sur le déclinatoire de compétence. Il le fait librement ; il pourrait même, malgré l’opinion de la Cour des conflits, se déclarer incompétent28.
Le conflit négatif d’attributions n’a pas le même intérêt pour notre matière. Disons seulement qu’il aboutit également à un résultat tout à fait négatif, quand la Cour constate qu’aucune des autorités qu’on lui propose n’est compétente ; dans le cas contraire, sa décision fixe la compétence à la place de la loi, avec la même nature juridique que la décision qui, sur le conflit positif, déclare que la voie de droit n’est pas admise.
- Nous trouvons de ces provisoires entre personnes privées dans : Gewerbe Ordnung § 75, § 120 c. ; Strand. Ordn. du 17 mai 1874, § 36 ss. Les législations particulières établissent ces « compétences de police » surtout dans les règlements pour les domestiques, pour les déguerpissements forcés et affaires semblables. Entre personnes privées et le fisc ou la commune : Prusse, Ord., 26 déc. 1808, § 42 ; Bavière, Gew. Ord, art. 158 ; Alsace Lorraine, L. d’exéc. de la C. P. Ordn., § 17. Pour les détails : Foerstemann, Pol. R., p. 276 ss. ; Hauser dans Ztschft f. Reichs. u. Landes. R. IV, p. 244 ss ; v. Sarwey, Oeff. P. u. V. R. Pfl. p. 628. [↩]
- Exemples : R. Beamtengesetz. 21 mars 1879, § 150 (droits pécuniaires des fonctionnaires de l’Empire) ; § 134 ss. (décision sur un déficit de caisse). Cette procédure est appliquée dans une large proportion, quand il s’agit de statuer sur une indemnité de droit public : lois d’Emp. 21 déc. 1871 § 40, 13 juin 1873 § 30, 13 février 1875 § 13 ss. [↩]
- E. G. z. C. P. Ordn. § 15, chiff. 4. Méme, en dehors des prescriptions expresses de la législation particulière, la chose peut être considérée comme allant de soi ; l’admission de la réaction du droit de la procédure doit cesser ici. Comp. Sächs. Ztschft f. Pr., p. 239 (Sichenhaar) et III, p. 49 (Berger). [↩]
- Mot. z. Württemb. Ausf. Ges. du 18 août 1878 (Schmidlin, Justizges., II, p. 219). [↩]
- Mot. z. Entw. des Ger. Verw. Gesetzs dans Hahn, Mat., I, p. 48 ; Häppner, dans Arch. f. civ. Pr. LXIX. p. 434 ss., p. 444, note 14 ; v. Sarwey, Œff. R. u. V. R. PfI., p. 278. [↩]
- Sydow, Zulässigk. d. R. Wegs u. Komp. Konfl., Introd., XI ss. ; Schulze, Preuss. St. R. II, p. 134 ss. ; Leuthold, Sächs. V. R. p. 140, note 2 ; Brater dans Bl. f. adm. Pr. V. p. 100 ; Wach. C. Pr. R. I p. 86 ; Laband, St. R., ed. all., II, p. 347, (éd. franç., IV, p. 170).
[↩]
- Dès qu’il s’agit d’une question de « droit pécuniaire », la voie de droit est censée être admise, à moins qu’elle ne soit spécialement exclue. Gneist, Verwaltung, Justiz, Rechtsweg, p. 182, sans en avoir l’intention, rend un témoignage énergique à cette manière de voir, en déclarant, comme une conséquence de ce qu’il appelle « la négation absolue du régime du droit en France », qu’il y a, en France, « la justice attributive des autorités administratives dans des contestations de droit pécuniaire ». Il s’agit là d’affaires de droit public qui, en dernier ressort, passent pleinement au contentieux administratif. Gneist considère cela comme une spoliation des tribunaux civils. [↩]
- C’est ce qu’ont essayé de faire, par des procédés un peu gauches, Wach, C. Pr. R., p. 97 pour l’indemnité d’expropriation, et v. Sarwey, Œff. R. u. V. R. Pfl. pour le salaire des fonctionnaires. Comp. aussi Lœning, V. R., p. 785 et la note 3 in f.
[↩]
- Cette protection veut dire que des contestations de droit civil appartiennent à la compétence des tribunaux civils et ne peuvent leur être enlevées qu’en statuant en même temps sur la compétence d’une autorité administrative ou d’un tribunal administratif. E. G. z. C. Pr. Ord., § 4 ajoute encore la restriction que, même dans ces conditions, ce dépouillement ne peut pas être fait au profit du fisc. Le député v. Puttkamer, sur la motion duquel le § 4 a été adopté, a donné l’explication suivante de ce que ce paragraphe défend: « Les procès civils du fisc et de la commune ne doivent pas, dans les cas où des procès de même nature entre personnes privées appartiennent aux tribunaux ordinaires, être enlevés à ces derniers parce que le fisc ou la commune est intéressé ». (Hahn, Mat. z. C. Pr. ord., p. 1281). La dernière phrase : « parce que etc. » veut dire : car, alors il est à présumer qu’on les a enlevés pour ce seul motif que le fisc ou la commune est intéressé. [↩]
- La notion de la contestation de droit civil, d’après ce que nous venons d’exposer, ne serait pas définie par le droit commun de l’Empire, mais seulement confirmée par le droit commun de chaque pays, telle qu’elle s’était formée jusque-là dans sa législation particulière. Lors des débats sur la C. Pr. Ord. et le Ger. Ver. Gesetz, il a été observé, à plusieurs reprises, que c’est le droit particulier qui détermine la notion. Le droit particulier, nous l’avons dit, l’a fait partout dans le sens de l’époque du régime de la police. Mais il pouvait cependant encore y avoir des différences, l’un ou l’autre de nos Etats s’étant peut-être déjà, plus que les autres, éloigné de cette manière de voir et ayant été déjà plus disposé à reconnaître, dans les affaires de droit pécuniaire, un droit public. On en aurait pu faire des constatations. Mais, sans faire attention à la contradiction qu’il y a dans les conséquences du renvoi au droit particulier, on adopte aussitôt l’idée que la notion de la contestation de droit civil, dans le sens de la loi d’Empire, doit être une, à savoir celle de la majorité, ou pour mieux dire celle du droit prussien. Cela éclate déjà d’une manière assez remarquable, à raison du fait que la prescription du § 4, E. G. z. C. Pr. Ordn. visait spécialement l’Alsace-Lorraine. Le droit français qui était encore en vigueur dans ce pays s’était, au temps de la Révolution, émancipé de la délimitation du droit civil qui caractérise le régime de la police et n’en avait pas gardé des traces dans la délimitation de la compétence des tribunaux civils. De nombreuses prétentions de droit pécuniaire, considérées comme étant de droit public, allaient donc devant les tribunaux administratifs ou autorités administratives, au lieu d’aller devant les tribunaux civils, comme d’ailleurs en Allemagne ; elles n’étaient pas, dans le sens du droit particulier, des contestations de droit civil. Si donc la notion de la contestation de droit civil dépendait, comme on l’affirmait toujours, du droit particulier, ni le G. V. G. § 13, ni l’E. G. z. C. Pr. O., § 14, ne pouvaient opérer le moindre changement en Alsace-Lorraine. Néanmoins, on croyait pouvoir faire valoir ici cette notion comme ayant un sens propre et de droit commun. C’est ainsi que déjà le député v. Puttkamer a motivé le § 4 par le raisonnement qu’en Alsace-Lorraine, dont la justice administrative était détruite, il importerait « d’être très discret pour enlever des contestations aux tribunaux et pour ne pas se mettre en contradiction avec ce qui, en Allemagne, serait pour ainsi dire de droit commun » (Hahn, Mat : z. C. Pr. O., p. 1179). La législation d’exécution en Alsace-Lorraine s’est accommodée à cette manière de voir, modifiant le droit du pays en ce sens que des prétentions de droit pécuniaire, même appartenant au droit public, ont été attribuées aux tribunaux civils. Par conséquent, une notion de la contestation de droit civil dépendant d’un droit commun et qui n’est autre que celle de l’ancien régime de la police, a immédiatement commencé à exercer son influence pratique. — Depuis lors, le tribunal de l’Empire — ce qui est bien naturel — a donné une forte impulsion dans la même direction. Il dit que, dans ces affaires, la voie de droit est admissible « en soi » : R. Ger., 15 mars 1882 ; (Samml. V, p. 207), 1er juillet 1881 ; (Samml. V, p. 38). En soi, cela veut dire que, selon la nature des choses, les tribunaux sont compétents pour toutes les affaires réputées affaires civiles d’après l’ancienne doctrine du fisc et la manière de voir du régime de la police, sauf aux législations particulières à y apporter des exceptions. Cette maxime tient compte des lacunes que cette législation peut laisser. Elle a surtout permis d’établir, vis-à-vis de l’Empire même, une notion de contestation de droit civil qui rend l’Empire justiciable des tribunaux civils. Le tribunal d’Empire s’en sert en ce sens surtout dans l’arrêt du 1er juillet 1881 que nous venons de citer. Quand le droit de l’Empire, dit-il, n’a rien ordonné sur la compétence civile par rapport à l’Empire, on ne peut pas chercher le complément nécessaire dans le droit d’un Etat particulier quelconque ; mais la décision dépend exclusivement « des règles existantes selon les principes généraux du droit public quant à la délimitation des sphéres de la justice et de l’administration et quant à la question de savoir s’il s’agit d’une prétention à poursuivre devant les tribunaux ou d’une mesure administrative » (Samml. V, p. 41). Enfin, R. G., 2 février 1884 (Samml. XI, p. 65) établit directement une maxime valable pour toute l’Allemagne, maxime dont, même avant la fondation du nouvel Empire, « la conviction s’est éveillée d’une manière générale », et qui est ainsi formulée : « Les tribunaux ordinaires sont appelés à décider des contestations de droit pécuniaire, même si, pour cette décision, des règles de droit public doivent être appliquées ». [↩]
- Otto Mayer, Theorie des Franz. V. R., p. 92 ss., Comp. § 5, I. [↩]
- V. Sarwey, öeff. R. u. Verw. R. Pfl., p. 674 ss. ; Lippmann dans Annalen 1885, p. 457. Il peut y avoir des attributions spéciales pour contrôler un acte étranger ; c’est une question à part. [↩]
- Wach, C. Pr. R., I, p. 84 ; Hauser, dans Ztschft f. R. u. L. R., IV, p. 261, ss. ; R. G. 21 janvier 1886 (Samml. XV, p. 239) ; C. C. H., 14 mars 1885. [↩]
- C’est ce que Hauser, loc. cit., p. 264 semble vouloir dire. Brater. dans Bl. f. adm. Pr., donne pour exemple le cas où l’on assigne quelqu’un en restitution d’impôts qu’on prétend avoir payés pour lui. C’est spécialement ici que le pouvoir du tribunal d’ordonner, en vertu du § 148 C. Pr. O., un sursis aux débats, deviendra pratique. — Quand la décision de l’autorité administrative est rendue, le tribunal n’est nullement lié par elle en ce sens qu’il dépasserait sa compétence s’il ne s’y conformait pas ; il lui faut seulement y avoir égard pour bien juger ; Gaupp, C. Pr. O., I, p. 303. [↩]
- Brater, dans Bl. f. adm. Pr. V, p. 146 : « Quand, selon la matière de l’affaire, ce jugement produirait des effets pratiques sur le terrain du droit public ». [↩]
- Quand le tribunal, selon R. Beamten Ges., § 149, statue sur des prétentions de salaire, il doit observer les actes administratifs intervenus pour destitution, mise à la retraite, etc. ; s’il ne s’y tient pas, il empiète sur leur effet quant au droit au salaire ; il excède sa compétence : R. G., 24 mars 1882 (Samml. VI. p. 106). On ne peut pas comparer à cela la connexité juridique qui existe entre l’acte d’expropriation et la demande en indemnité (Hauser dans Ztschft, f. R. u. L. R., IV, p. 253 et Gaupp, C. Pr. O., I, pp. 30 ss, : Quand le tribunal, statuant sur l’indemnité, ne reconnaît pas l’expropriation comme valable, il juge peut-être mal, en rejetant par exemple, pour ce motif, la demande ; mais il ne dépasse pas sa compétence, l’effet de l’acte administratif restant intact. La question préjudicielle, dans ce cas, est de l’espèce dont nous parlions au n° 1. [↩]
- Exemples : C. C. H., 26 nov. 1853 (demande en nullité d’un bail à ferme conclu au nom de la commune dans l’exercice de la tutelle administrative) ; Hesse, V. G. H., 5 juin 1886 (Reger, VIII, p. 131 : revendication de la propriété d’imprimés saisis par la police). Nous aurons aussi à mentionner ici le principe reconnu dans le droit Prussien, à savoir que l’action possessoire n’est pas admissible contre des actes de police : C. C. H., 11 février 1875 (J. M. Bl. 1875, p. 99) ; C. Tr., 3 oct. 1877 (Str., 98, p. 34). Si le Bayr. Ob. G. H., 28 nov. 1877 (Samml, VIII, p, 132) semble être d’une opinion différente, cela tient à une controverse dont nous parlerons au titre des servitudes de droit public. — R. G., 15 mars 1882 (Samml. VI, p. 204) fait revivre les principes de la juridiction de l’ancien Reichs-Kammergericht et de 1’Ober. Appelations Gericht Kassel. [↩]
- Seuffert, Com. z. Bayr. G. O. I, p. 165. [↩]
- Lœning, V. R., pp. 789, 790 ; c’est à tort que la prépondérance est ramenée ici à la force de la chose jugée dont les jugements des tribunaux civils sont susceptibles ; elle existe également vis-à-vis des tribunaux administratifs. — Lors des débats au sein de la commission sur le § 17 G. V. G., on confondait la décision prépondérante qu’on voulait attribuer aux tribunaux avec la décision à valeur égale qui appartiendrait, par la nature des choses, tant aux tribunaux administratifs qu’aux autorités administratives (Hahn, Mat., pp. 684, 685). Cependant, il a aussi été dit, « que, vis-à-vis de l’administration, la décision du tribunal est naturellement obligatoire ». [↩]
- Le ministre prussien de la justice a bien senti qu’il ne s’agissait que de cela, en observant, au cours des débats devant le Reichstag, que le refus de ce moyen de porter remède équivaut à « une diminution des tribunaux administratifs ; les tribunaux administratifs deviennent des tribunaux de seconde classe » (Hahn, Mat. II, p. 1173). Mais c’était justement ce que voulait le député Bähr (Hahn, Mat. I, p. 690). — Très remarquable le passage de v. Sarwey, öff. R. u. V. R. Pfl., pp. 673 ss., où il est argumenté en faveur d’une égalité complète et, par conséquent, en faveur d’un droit de conflit pour les deux côtés. Le droit Württembergeois, il est vrai, avait, par exception, admis, pendant un certain temps, ce conflit double ; Schmidlin, Justizges., II, p. 472. [↩]
- V. Sarwey dans Württemb. Arch f. R., IV, pp. 336 ss. ; Bayr. C. C. H., 4 mars 1885 : le conflit d’attributions, élevé par le ministre bavarois des affaires étrangères contre des mesures d’exécution que le tribunal dirigeait contre le fisc autrichien, a été déclaré non recevable, parce que le ministre « ne prétendait à aucune autre compétence que celle de prévenir des troubles dans les relations amicales de voisinage avec l’Etat autrichien ». — Il n’est pas nécessaire que l’administration réclame pour elle un pouvoir de juridiction (Gerichtsbarkeit), comme le propose Seydel, Bayr. Staatsrecht, II, pp. 532 ss. Le mot « décision » dans l’art. 5 de la loi bavaroise de 1850 n’est pas entendu dans le sens strict de la terminologie juridique moderne. Le conflit d’attributions est également admis en faveur d’une disposition avec libre appréciation : Matthäus, Grenzen der civilgerichtlichen und adm. Zuständigkeit, pp. 45 ss. [↩]
- Prusse, A. L. V. Gesetz, § 113, al. 1 ; Ord., 1er août 1879, § 5, al. 2 ; Württemberg, loi 4 août 1879, art. 4. Le jugement civil est même préférable au jugement administratif passé en force de chose jugée : v. Sarwey, öff. R. u. V. R. Pff., p. 686. [↩]
- Nadbyl dans Wörterbuch, I, p. 814. Quand on dit qu’il s’agit d’une « décision entre tribunaux administratifs et autorités administratives et sur une contestation qui s’élève entre eux » (G. V. G., § 17, al. 2 ; Struckmann et Koch, Preuss. Ausf. Ges., p. 521), ce n’est qu’une métaphore ; ce ne sont pas des parties. [↩]
- Peu importe donc qu’il soit illogiquement choisi, comme le prétend v. Sarwey, öff. R. u. V. R. Pfl. [↩]
- O. V. G., 28 mars 1868 ; Seydel, Bayr. Staatsrecht, II, pp. 545 ss. [↩]
- Oppenhoff, Ressortverh., p. 472 ; Lœning, V. R., p. 792, note 3. Wach, C. Pr. R., I, p. 106, note, croit devoir reconnaître des parties, parce que, sans cela, il ne s’expliquerait pas comment la décision puisse avoir un effet sur les parties originaires et sur les autorités. Mais des décrets et des actes administratifs produisent également leurs effets. — D’après le droit français, il y a eu même, pendant longtemps, controverse sur le point des avoir si les parties originaires pouvaient être entendues : Block, Dict., vo Conflit. nos 136, 137. [↩]
- Wach, C. Pr. R., p. 105. Il est donc inexact d’assimiler la décision déclarant la voie de droit inadmissible à un jugement rejetant la demande pour cause d’incompétence : Nadbyl dans Wörterbuch, I, p. 816. [↩]
- R. G., 23 mars 1889 (Samml. XI, pp. 392 ss.) : la commune poursuivie par une actio negatoria prétend qu’il s’agit d’une voie publique et oppose l’incompétence ; conflit d’attributions ; voie de droit déclarée admise. On reprend l’instance et la commune défenderesse exige qu’il soit d’abord statué sur son moyen d’incompétence. Le R. G. lui donne raison : cette décision sur conflit n’a pas la portée d’un jugement rendu dans le procès même et entre les parties ; elle n’a donc pas pu écarter le moyen d’incompétence proposé. Le tribunal aura à statuer en toute indépendance, sans être formellement lié par l’opinion du C. C. H. Bornhak, Preuss. Staatsrecht, II, p. 497. [↩]
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