Section I
Le pouvoir de police
§19. Les limites du pouvoir de police
(17) Le pouvoir de police consiste dans la réalisation, par l’autorité, du devoir supposé général qu’ont les sujets de ne point troubler le bon ordre de la chose publique. Son action est déterminée de différentes manières, dans les formes propres au régime du droit. Mais c’est le fondement de ce pouvoir dans le droit de la nature, qui donne la mesure et la direction de ce qu’il est censé vouloir et de ce qu’il lui est licite d’accomplir sans prévision spéciale ; c’est lui qui fournit le cadre dans lequel se produisent ses institutions juridiques. Ainsi, la nature de ce devoir général trace les limites juridiques du pouvoir de police, en ce qui concerne les conditions et le contenu de son action.
I. — Qu’est-ce que l’individu, dans l’Etat, est obligé, d’avance, de ne point troubler ? Qu’est-ce que la police doit protéger contre ses troubles ? On l’exprime de différentes manières. Nous l’avons désigné par les mots « le bon ordre de la chose publique » (gute Ordnung des Gemeinwesens).
Il ne faut pas penser ici aux collectivités constituées du droit public, à l’Etat et à la commune ; le bon ordre n’est pas nécessairement un ordre juridique.
La chose publique, dont il s’agit ici, est ce fragment de société humaine, auquel l’Etat est superposé. C’est la grande communauté de vie qui enveloppe le peuple, pour lequel il existe, et qui existe pour lui, dont les forces sont les siennes ; c’est en cela qu’elle intéresse le peuple. Cette société constitue une chose commune (18) par les rapports réciproques qu’elle crée entre les individus qu’elle comprend : ce qui, bon ou mauvais, arrive à l’individu est le résultat d’innombrables rapports avec l’état général de la chose publique, rapports qui ne sont pas perceptibles dans leurs détails ; à l’inverse, la conduite de l’individu a, au-delà de son effet direct, un contre-coup plus ou moins important sur l’état général1.
C’est seulement de ce dernier point qu’il s’agit ici : il n’est question que des manifestations sociales de la vie de l’individu. Elles peuvent être utiles ou nuisibles. Est utile tout ce qui est propre à augmenter les forces économiques, intellectuelles et morales de la société ; l’ancienne police de la prospérité avait invoqué et fait valoir un devoir de chaque individu d’y contribuer.
La notion moderne de la police ne s’occupe que des manifestations de la vie individuelle propres à produire des effets sociaux nuisibles, c’est-à-dire de compromettre les forces salutaires contenues dans la société.
Nous entendons donc, par le maintien du bon ordre de la chose publique, un état général de la société, dans lequel les forces sociales sont compromises le moins possible par des effets nuisibles. En distinguant les divers côtés de cet état selon les différentes espèces d’effets nuisibles qui le menacent, on a les notions de la tranquillité, de la sûreté, de la salubrité, de la moralité publiques et de l’ordre public dans le sens spécial.
Est réputé trouble du bon ordre, toute manifestation (19) de la vie de l’individu, susceptible de compromettre, par son effet social, les forces contenues dans la société.
L’individu étant obligé de s’en abstenir, le trouble sera combattu par le pouvoir de police comme fait contraire à la police (Polizeiwidrigkeit).
Mais il ne suffit pas que la vie individuelle cause un trouble quelconque pour qu’il y ait fait contraire à la police ; ce qu’il faut considérer, c’est le devoir général envers la police.
1) L’existence individuelle présente une valeur pour la société ; les préjudices que l’individu se cause à lui-même sont un dommage pour la société. Toutefois, en principe, l’individu s’appartient d’abord à lui-même ; ce qui n’excède pas la sphère de l’individu n’est pas considéré comme un dommage social que l’on doive éviter. C’est ainsi que se forme la notion de la vie privée, sphère de l’existence individuelle inaccessible à la police parce qu’elle ne regarde pas la société.
Quant à savoir jusqu’où s’étend cette liberté de la vie privée, cela résulte en grande partie des usages et des habitudes, sans qu’on puisse cependant parler d’un droit coutumier.
Pour une grande partie, la sphère de la vie privée coïncide avec celle du domicile privé. La plupart des événements qui se passent dans la maison fermée sont insusceptibles d’avoir un effet au dehors et d’influer sur la situation de la chose publique. De là la différence frappante qui existe dans la manière de procéder pour les mêmes choses, selon les localités. Les choses les plus dangereuses, comme des armoires mal fixées, des plafonds menaçant ruine, des vases tachés de vert-de-gris sont tolérés dans le domicile privé ; au contraire, le pot de fleurs placé à la fenêtre, le vase dans le magasin sont soumis à la police.
(20) L’intérieur de la maison lui-même avec tout ce qui s’y trouve tombe sous la surveillance de la police, dès qu’il est accessible à des personnes étrangères qui y passent et y circulent.
Cela se produit encore plus fortement pour tous les côtés de la vie domestique, qui, par eux-mêmes, sont susceptibles d’avoir un effet sur le dehors : la police des incendies, de la salubrité publique, des mœurs, etc. s’en occupe fréquemment.
La vie privée a donc bien son centre dans le domicile privé ; mais ses limites sont plus restreintes à certains égards, et plus larges à d’autres, selon la susceptibilité de la chose publique. La mesure de police qui, pour les choses que nous venons d’énumérer, va de soi, a, dans les cas ordinaires, besoin d’être justifiée par des circonstances particulières qui font que l’inconvénient qui existe dans la maison touche non pas seulement la vie privée, mais encore le public, c’est-à-dire la société2.
(21) 2) D’ailleurs, tous les faits par lesquels l’individu agit en dehors de sa vie privée, produit des effets nuisibles ou fait courir des dangers pour une sphère extérieure, ne sont pas à considérer comme des troubles du bon ordre de la chose publique. Ici encore, le bon ordre même de la chose publique veut que l’on reconnaisse une certaine sphère de liberté. Et cette liberté sociale se manifeste dans deux directions : liberté de se conduire, liberté de disposer.
Dans la vie en commun des hommes, chaque existence individuelle comporte nécessairement, pour la chose commune, certains inconvénients qu’il est impossible de faire disparaître, à moins de détruire cette existence même. Tout homme est pour son prochain la cause d’innombrables incommodités et dommages qui ne pourraient être évités ou réparés qu’avec des frais exorbitants ou même qui ne pourraient pas l’être du tout. La chose publique éprouverait plus de dommages, s’il fallait supprimer ces conséquences de la vie, que si elle accepte ces troubles nécessaires.
(22) Il ne faut donc pas considérer comme un devoir social de l’individu de s’abstenir de ces troubles ; par conséquent aussi, il ne rentre pas dans les pouvoirs naturels de la police d’intervenir ici. La même idée qui, dans la sphère du droit civil, vient limiter, d’avance et en vertu d’un droit de la nature, la propriété au profit de certains inconvénients inévitables du voisinage laisse, jusqu’à un certain degré, le public sans protection et enlève au pouvoir de police une sphère qui représente le minimum de liberté de conduite sociale3.
D’un autre côté, on peut aussi tenir compte de la liberté de la personne lésée. Léser un individu par un fait punissable est toujours, en même temps, un trouble au bon ordre de la chose publique. Mais en tant (23) que la volonté de la personne lésée peut exclure soit la pénalité (consentement), soit la poursuite (« Antragsdelicte » dont la poursuite ne peut avoir lieu que sur demande), le pouvoir de police ne peut, à l’encontre de cette volonté, prendre des mesures de défense qu’autant qu’il y est poussé par des considérations particulières et indépendantes.
Cela se produit encore plus clairement dans des rapports purement civils. Si le droit civil appartient au bon ordre de la chose publique, le dommage civil, sans doute, est un trouble de ce bon ordre. Mais le bon ordre consiste ici justement en ceci que la victime soit seule appelée à provoquer le redressement du trouble, et que l’auteur du dommage ne puisse pas être contraint par une autre voie. L’autorité de police s’immiscerait peut-être dans la compétence des tribunaux civils, si elle voulait s’occuper du rétablissement de l’ordre du droit civil. Mais ce qui est certain, c’est qu’elle porterait ainsi atteinte à la liberté des intéressés qui ont le droit et le devoir de régler entre eux ces affaires, sans que la société ait à intervenir autrement que pour leur venir en aide dans la forme de la justice civile. Quand le pouvoir de police procède « à la protection de droits privés », ce n’est qu’en apparence ; en réalité, c’est toujours un intérêt du bon ordre qu’il a en vue spécialement4.
(24) 3) Il faudrait considérer comme préjudice social, sous forme d’un lucrum cessans, le dommage causé à toute entreprise susceptible de produire un effet utile, de créer des valeurs économiques ou intellectuelles. Mais, en règle, à raison d’autres principes, cela est sans conséquence pour la police. Toutes les fois, en effet, qu’il s’agit d’une entreprise individuelle menacée, l’activité de la police pour la défendre s’efface devant le droit de disposition qui appartient au propriétaire : le droit civil et le droit pénal déterminent, en première ligne, les formes de la protection.
La police, comme nous venons de le voir, ne se charge de la protection de ces intérêts qu’à titre exceptionnel et subsidiaire. Toutefois, il est certaines entreprises qui ont une situation privilégiée : ce sont celles qui sont destinées et qui ont été reconnues aptes à servir directement l’intérêt public. Il est incontestablement du bon ordre de la chose publique que ces entreprises vivent et fonctionnent ; c’est une charge absolue de la police de les protéger contre des troubles.
L’objet de cette protection, c’est l’activité propre de l’Etat et des personnes morales qui le remplacent, ou de l’entrepreneur concessionnaire, ainsi que la possession qui y sert. Quand cette activité a des rapports réguliers et étendus avec le public — comme c’est le cas pour les services ou établissements publics — il se forme une branche spéciale de la police, la police des services publics (Anstaltspolizei) : il y a, pour les rues, les canaux, les fleuves, les chemins de fer, les cimetières, les audiences des tribunaux, une police propre destinée à assurer leur bon fonctionnement.
(25) Toutes les entreprises de l’Etat ne sont pas protégées par la police : les entreprises fiscales sont, sous ce rapport aussi, considérées comme des entreprises privées5.
D’un autre côté, il se peut que les entreprises et les propriétés des individus soient reconnues comme d’utilité publique ; de telle sorte que, pour le bon ordre de la chose publique, elles jouissent d’une protection absolue de la part de la police, même contre le propriétaire ; c’est surtout le cas pour les sources thermales et pour les forêts6.
Toutefois, le devoir général du sujet envers la police interdit seulement d’apporter un trouble direct et matériel à ces choses ; car c’est simplement dans leur état physique extérieur qu’elles se présentent comme intimement liées au bon ordre de la chose publique. Ce qui ne les touche que dans leurs relations extérieures ne devient pas un fait contraire à la police7 ; il ne faut pas considérer, non plus, comme en dehors de la sphère de la libre conduite des individus, ce qui serait seulement susceptible de porter atteinte aux conditions générales de leur effet social. Seules, des institutions juridiques spéciales peuvent apporter des restrictions semblables8.
(26) II. — Le pouvoir de police tend à réaliser le devoir général qui incombe au sujet de ne point troubler le bon ordre de la chose publique. Cette réalisation consiste dans la défense contre le trouble contraire à ce devoir. Mais le contenu général de cette défense est déterminé, quant à sa direction, à sa mesure et à sa qualité, par sa connexité même avec ce devoir.
1) La puissance d’autorité, par sa nature même, a besoin d’une personne sur laquelle elle agit. En ce qui concerne le pouvoir de police, cette personne ne peut être que le sujet duquel émane le trouble apporté au bon ordre de la chose publique. Il est évident, en effet, que le devoir d’éviter le trouble ne peut se réaliser que contre celui qui le viole ou est en train de le violer.
La question de savoir quelle est cette personne ne peut pas, il est vrai, se résoudre d’après les formes de la causalité, telles qu’elles sont pratiquées par le jugement pénal ou moral. La police n’a pas affaire à l’homme en soi, mais a l’individualité sociale qui est placée vis-à-vis de l’ensemble social. Le trouble émane de celui dont la sphère d’existence le produit. On ne (27) lui impute pas seulement sa conduite personnelle. On lui reproche aussi l’état dangereux de ses biens, les dommages qui menacent le bon ordre à raison de sa vie domestique, de son industrie… ; enfin, pour toutes les choses dont il est le centre social, il porte la responsabilité sociale ; il peut être frappé de mesures d’autorité pour qu’il évite le trouble, pour qu’il le fasse cesser et pour qu’il le répare9.
Quelque étendue que soit cette responsabilité, elle a cependant, à cause de son fondement même, des limites : la police ne peut pas rendre l’individu responsable des troubles qui émanent d’une sphère d’existence étrangère.
S’il ne s’agissait que d’écarter, par la puissance d’autorité, les troubles à la chose publique, le moyen le plus simple pour atteindre ce but serait souvent de commander au voisin de celui dont émane le trouble une mesure qui y remédierait simplement et sans beaucoup d’embarras. Ou bien l’on défendrait à l’un une conduite admissible en elle-même, bien que non nécessaire, parce qu’elle donne à l’autre un motif puissant de causer des troubles. Les autorités « pratiques » y sont toujours disposées, cela se comprend ; cela semble si humain et si raisonnable.
Mais c’était justement l’ancienne police, avec son idée généreuse du devoir qu’a chacun « de contribuer au perfectionnement du prochain ».
Notre police, la police du régime du droit, n’a maintenu une obligation semblable que dans une étendue toute restreinte ; les mesures de police ne peuvent (28) atteindre que celui qui est responsable du trouble, celui dont il émane.
Aujourd’hui encore, il n’est pas interdit de réquisitionner l’individu par des atteintes portées à sa liberté et à sa propriété ou même par des prestations et par des services spéciaux qu’on lui impose, en vue de combattre le trouble réel ou menaçant causé par un autre individu. Mais cela n’est pas compris dans les autorisations générales de la police ; il faut, pour cela, un fondement légal spécial ; il en résulte des institutions juridiques propres qui n’appartiennent pas à la police, des servitudes, charges et impositions qui, d’après leur nature juridique, ressortissent à un autre chapitre10.
(29) 2) Le pouvoir de police ne saisit ses ressortissants qu’en tant que le trouble émane d’eux. Le fondement du pouvoir de police dans le droit de la nature exige que la défense soit en proportion du trouble ; ainsi est fixée la mesure de l’effort de la police. Il n’est pas à présumer que la loi, par les autorisations générales en vertu desquelles procède l’autorité de police, ait voulu permettre une défense excédant cette mesure naturelle. C’est ainsi que cette mesure naturelle acquiert l’importance d’une limite juridique sérieuse.
Le trouble qui émane de l’individu se présente souvent, dans l’ensemble des autres manifestations de son existence, comme une partie d’un ensemble d’activités plus étendues. Dans ce cas, le pouvoir de police ne doit pas, sans nécessité, supprimer, en même temps que le trouble, ce qui est licite et admis encore par la liberté sociale, et arracher ainsi le blé avec les mauvaises herbes.
Dans la mesure où cela est possible, le pouvoir de police doit faire une distinction. Cela s’appliquera surtout au cas où des faits contraires à la police ont lieu dans la sphère et à l’occasion d’une entreprise licite en elle-même, par exemple, des actions indépendantes qui ne touchent pas au caractère de l’entreprise elle-même. L’autorité de police qui, pour combattre (30) le trouble, supprimerait, dans ces circonstances, l’entreprise entière, commettrait un excès de pouvoir11.
Cette adaptation du pouvoir de police à la mesure du trouble ne s’effectue pas seulement dans la forme d’une distinction extérieure des faits à apprécier. Un seul et même fait peut, en lui-même, présenter le trouble à des degrés différents.
Ce fait peut être directement contraire à la police. C’est le cas le plus simple ; il a pour contre-partie le contenu également simple de la défense : le trouble est empêché, supprimé, réparé. Si l’on agissait toujours d’après ce modèle, le maintien de la police serait peut-être plus facile, mais aussi il serait dur et injuste, quelquefois même illégal.
Il peut arriver, en effet, qu’un état de choses ou une activité reste, en soi, dans l’ordre social, et ne devienne un trouble que par la mise en œuvre. A ce caractère illicite relatif ne peut correspondre une défense absolue. L’autorité de police ne peut interdire que conditionnellement « si les mesures nécessaires ne sont pas observées » ; ou bien elle se contente de commander directement ces mesures, sans mettre en question l’existence de l’entreprise même.
Il en sera de même quand, au lieu de détruire et de supprimer, on peut remédier au fait contraire à la police par des changements moins sensibles apportés à l’état de choses actuel. Si l’on hésite sur le point de savoir si vraiment on peut ainsi parer au danger complètement et en temps opportun, c’est naturellement (31) à l’autorité d’apprécier en toute conscience, selon les circonstances, s’il convient de préférer à cette répression restreinte, la suppression totale, définitive ou provisoire. Mais il y aura toujours des cas on l’on peut dire que le rétablissement de l’état normal de police est suffisamment assuré par le moyen le plus doux ; si alors l’autorité recourt aux mesures les plus rigoureuses, elle commet un excès de pouvoirs12.
Enfin, il existe des cas où un trouble ne se présente, dans une entreprise, que comme une possibilité. Peut-être n’y aura-t-il jamais là, en réalité, un danger pour la chose publique. Seulement, l’entreprise, par sa nature, est susceptible de faire naître ou de favoriser ce danger ; elle est suspecte. Au trouble plus éloigné correspond la force de police qui se tient à distance. Ses mesures vis-à-vis de l’entrepreneur s’adoucissent ; ce sont des mesures de surveillance spéciale. Au lieu de la contrainte directe, l’entrepreneur aura à subir des investigations et des reconnaissances, auxquelles ne serait pas soumise une personne non suspecte ; au lieu de l’obligation de prendre des mesures en vue de combattre le préjudice qui émane de lui, on peut l’obliger à faire des déclarations, des communications ou des constatations destinées à faciliter cette surveillance contre les dangers possibles.
Ici encore, il reste une large zone intermédiaire, dans laquelle on peut douter si le danger est imminent (32) ou s’il ne doit être considéré que comme une éventualité éloignée ; par suite, si des mesures de surveillance suffisent ou s’il convient de prononcer la suppression pure et simple. Il y a aussi un point où commence la limite légale du pouvoir de police où la mesure plus douce est seule admissible, où la plus rigoureuse est légalement exclue13.
3) Les mesures de défense de la police s’adaptant de la manière indiquée, au degré du trouble contre lequel elles sont dirigées, revêtent ainsi une certaine variété dans leur manifestation extérieure. Non seulement la forme originaire, l’empêchement, se développe à la manière du régime du droit dans ses ramifications plus raffinées, mais il apparaît aussi, à côté de cette forme originaire, des exigences et des obligations d’une forme tout opposée ; l’individu doit faire des prestations positives, réparer le trouble qu’il a produit, prendre des mesures en prévision des troubles futurs, faire des déclarations, des communications.
C’est donc une manière insuffisante de s’exprimer que d’expliquer le pouvoir de police exclusivement comme un système de défenses ; on y trouve une foule de commandements. Ce qui est vrai, c’est que, même dans ces commandements de police, conformément à l’idée fondamentale de la police, il y a toujours quelque chose, un but, une fin, qui les rapproche de la (33) défense essentiellement négative. Quelque chose que, par ces commandements, l’on impose à l’individu, elle ne doit jamais être destinée qu’à combattre le trouble qui émane ou pourrait émaner de lui. En définitive, le résultat de chacune des applications de la puissance de police ne sera jamais autre que celui-ci : que cet homme ne trouble pas14.
Voilà la pierre de touche qui permettra toujours de reconnaître l’étendue de la sphère du pouvoir de police vis-à-vis de toutes les autres espèces d’exigences d’autorité adressées aux individus. Dès que l’on demande aux individus quelque chose qui dépasse cet effet même, à cause d’un trouble qu’ils auraient produit, — que cela soit par commandement ou par défense (la forme est indifférente) — il ne s’agit plus de l’accomplissement du devoir général des sujets qui forme la base de la police ; nous ne sommes plus sur le terrain du droit de la police15. (34)
- La notion de société a déjà maintes fois été mise à profit pour le droit administratif : Gneist, Rechtsstaat, p. 21 ; le même, Die nationalen Rechtsideen von den Ständen ; V. Stein, Begriff der Gesellschaft u. die sociale Geschichte der franz. Rev., I, introd. ; le même Handb. d. V. Lehre, p. 738 ss. ; Roesler, V. R. I. p. 2 ss. Ce qui a été dit de mieux sur la police et la société civile et sur leurs rapports réciproques est encore Hegel, Rechtsphilosophie, § 182 ss., § 231 ss. [↩]
- O. V. G., 19 septembre 1883 (Samml. XII, p. 393). L’autorité de police exige l’éclairage de l’escalier d’une maison privée : le tribunal considère, que, dans cet escalier, il y a une grande circulation de personnes ; « sans l’éclairage, il y aurait du danger pour beaucoup de personnes qui n’ont pas choisi ces logements, mais qui, ces logements étant habités, sont forcées de circuler dans la maison » ; la mesure est donc justifiée par A. L. R. II, Ia, § 10. S’il s’agissait de ceux qui ont choisi le logement, la police n’aurait donc pas à intervenir ; pour ceux-là, l’état de l’escalier forme une partie de leur vie privée. — O.V.G. 18 novembre 1878 (M. B. d. J., 1875, p. 7) : il a été enjoint au propriétaire d’éloigner son rucher ; il oppose qu’il n’y a pas de rue dans le voisinage, qu’il y a seulement un chemin de défrichement ; mais « il suffit que le rucher du demandeur, outre les habitants de sa maison, incommode et mette en danger d’autres individus qui sont dans l’exercice de leurs intérêts légitimes ». Ces « autres » représentent le public ; les habitants de la maison appartiennent à la vie privée et ne sont pas protégés par la police. — Tandis que, dans ces décisions, par l’indication des motifs spéciaux des mesures de police, la limite est suffisamment marquée, le cas est moins clair dans les décisions, R.G. 19 avril 1881 et 10 novembre 1881 (Samml. Stf. S., IV, p. 110, 111). Il s’agit de la validité du fameux règlement de police berlinois portant interdiction des clefs de tuyaux de poêle. Le tribunal en reconnaît la validité, croyant avoir suffisamment motivé cette décision par la maxime incontestable : « que l’inviolabilité de la propriété n’interdit pas de prendre des mesures dans l’intérêt de l’ordre public ». Par ordre public, on comprend régulièrement un côté spécial du bon ordre de la chose publique, à savoir l’état paisible des formes extérieures de la vie publique ; Foerstemann, Pol. R.. p. 6 : « la marche harmonieuse des institutions du droit public » ; comp. O. V. G., 14 juin, 1882 (Samml. IX. p. 374). Le tribunal de l’Empire a pris ici l’expression dans un sens général, comme synonyme de bon ordre de la chose publique ; dans l’intérêt de l’ordre publie signifie donc : dans l’intérêt de la police. Mais ici commence la difficulté, que le tribunal n’a pas vue. « Est-ce qu’il ne va de soi que la police puisse me prescrire un certain arrangement de ma chambre ? » Le contraire semble bien devoir être considéré comme la règle, même en présence des expressions les plus générales des autorisations légales. Quand on fait une exception et que l’on règle, pour prévenir les accidents, l’arrangement d’un logement privé, il faut motiver cette mesure en démontrant qu’il se produit des effets qui, excédant les limites de la vie privée, justifient la mesure de police. Il est vrai qu’il s’agit ici d’un accessoire permanent dans l’arrangement de la chambre, accessoire qui présente des dangers pour la population instable de la maison de grande ville, population qui accepte cet arrangement et s’en sert, tel qu’il existe et tel qui a été trouvé, sans choisir, on pourrait donc dire que le « public » y est intéressé. Toutefois, la décision ne laisse pas d’être douteuse ; il n’aurait pas été inutile de s’expliquer un peu plus clairement. [↩]
- O. V. G., 10 décembre 1879 : « il n’y a pas lieu de protéger le public contre de simples dérangements et incommodités ». Il s’agissait du bruit occasionné par une place de tir. La maxime citée, avec cette
généralité, est fausse. Le public, en effet, est aussi protégé contre le bruit incommodant, mais uniquement lorsque ce bruit ne se produit pas dans les limites reconnues de la liberté sociale, « dans l’exercice d’intérêts légitimes ». En ce sens O. V. G., 25 juin 1888 ; des musiques ne peuvent pas simplement être défendues pour cause d’incommodité du public ; la police ne pourrait procéder que sous le point de vue du § 360, chiff. 10. Stf. G. B., par suite, seulement dans le cas où le bruit musical incommodant serait fait « injurieusement » (ungebührlicherweise). O. V. G., 18 septembre 1884 déclare que la police n’est pas admise à procéder contre la cheminée d’un boulanger qui incommode le voisinage par des flocons de suie : seuls les dangers pour la vie et la santé peuvent, d’après A. L. R., II, 17, § 10, être combattus. Tel n’est pas le véritable motif : si le tribunal n’avait pas considéré le boulanger comme autorisé, par la liberté sociale, à incommoder ainsi ses voisins, il lui aurait été facile de considérer les flocons de suie comme faisant courir un danger quelconque à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité. Le ministère de l’intérieur du royaume de Saxe a, par ordonnance du 30 mai 1880, désapprouvé la mesure prise contre la cheminée d’un forgeron, attendu que le voisin seul s’était plaint. Par contre, il a laissé sévir la police contre la cheminée d’un boulanger, parce que « l’état de choses à diverses reprises, avait occasionné des plaintes de la part d’un public considérable » (Sächs. Ztschft f. Pr. I, p. 279). Le nombre considérable des plaignants prouvait, sans doute, une production de fumée excessive, on n’était plus dans la liberté sociale ; mais remarquons qu’il s’agit, en même temps, de l’opposition entre le « public » et le voisin, opposition qui touche encore la sphère de la vie privée. [↩] - L’ancien droit, il est vrai, n’était que trop disposé à admettre un intérêt public concurrent. Foerstemann, Pol. R, p. 6-18, en cite une série d’exemples. Aujourd’hui encore, cela se rencontre surtout dans le droit de la domesticité (Gesindewesen), où des conventions de droit civil sont protégées par la police dans un prétendu intérêt public. Sur les principes de droit moderne, O. V. G., 26 mars 1881, désapprouvant l’ordre de police enjoignant au patron de rendre au domestique congédié les hardes, qu’il avait retenties, déclare : « la police ne protège que contre des dangers, non contre des préjudices (?) ; le règlement de rapports de droit privé lui est étranger par principe ». O.V.G., 18 septembre 1878 : la police « ne protège contre les dommages résultant des faits volontaires des autres que dans le cas d’une pénalité ». Ord. du Min. (Saxe) du 30 mai 1880 (Sächs. Ztschft f. Pr. I, p. 279, annule un décret de police qui avait imposé au propriétaire un changement dans son immeuble au profit du voisin, par le motif que « l’autorité de police n’a qu’à protéger le droit public et non pas le droit du voisin ». [↩]
- Nous y reviendrons en exposant la doctrine des choses publiques et de la jouissance des services publics. Comp. aussi § 24, I, ci-dessous. [↩]
- Foerstemann, Pol. R., p. 7 : « Il faudrait y voir une délégation du droit de l’Etat à une protection sérieuse de ses forêts par la police, délégation faite au profit des communes et des particuliers ». Mais comme cette protection de la forêt est dirigée aussi contre le propriétaire lui-même, la seule explication est celle du point de vue général : la forêt, quel qu’en soit le propriétaire, est considérée comme une valeur de l’ordre social, comme un bien d’utilité publique, à la manière des services publics. [↩]
- O. V. G., 2 septembre 1885 : la police locale, sur la réquisition de l’autorité militaire et dans l’intérêt de cette dernière, obtient, par la voie de contrainte, la restitution au propriétaire d’une légitimation militaire, que le patron retenait. C’est non pas une « mesure de police », mais une « affaire de supériorité territoriale ». Comme mesure de police, cela n’aurait pas pu être maintenu. [↩]
- Cette question a été vivement discutée à l’occasion des poursuites provoquées autrefois par l’administration des postes de l’Empire contre les entreprises postales privées. On voulait forcer ces dernières, par la voie de police, à ne plus s’appeler « postes ». O. V. G., 14 novembre 1887, reconnaît que le fonctionnement des postes de l’Empire éprouve des inconvénients considérables par suite de cette désignation. Mais les postes de l’Empire, quoiqu’elles constituent non entreprise industrielle du fisc, mais un service de communication, n’appartiennent cependant pas « aux services de communication dépendant de la police, qui, comme les voies publiques, les ponts, bacs, fleuves, ports, etc., sont soumises aux mesures et à la surveillance des autorités de police et, par conséquent, jouissent de la protection de la police contre toute atteinte dommageable sans restriction. Par conséquent, il n’y a pas lieu ici à des mesures de police au point de vue de l’ordre public ». Si la police joue ce grand rôle pour les voies publiques, etc., c’est parce que celles-ci présentent des objets exposés à des atteintes directes et matérielles : dans la question des postes privées, il s’agissait d’inconvénients indirects causés par la concurrence. Un trouble de cette nature n’a pu être écarté que par une loi positive (Loi du 30 décembre 1899), qui a le caractère non d’une mesure de police, mais d’un monopole. [↩]
- En ce sens, Seydel, Bayr. Staatsrecht, V. p. 6, exige avec raison un trouble par des hommes. G. Meyer. V. R. I, p. 72, note 6, trouve, que cela restreint trop la notion de police. Il pense aux troubles causés par des choses contre lesquelles la police devrait agir, par exemple un bâtiment menaçant ruine. Mais s’il considère la démolition de ce bâtiment comme une restriction apportée à la liberté personnelle du propriétaire, le danger que présente ce bâtiment doit être considéré, au même titre, comme un trouble émanant du propriétaire. [↩]
- O. V. G., 8 avril 1885 : la police enjoint à un propriétaire de faire disparaître un obstacle qui empêche, dans son immeuble, l’accès d’un étang pouvant servir en cas d’incendie. Le tribunal désapprouve : « la police est tenue d’observer certaines limites vis-à-vis des droits privés. C’est, en effet, une condition de son action, que le danger possible émane du tiers qu’elle frappe par ses mesures, ou de sa propriété, ou que ses mesures reposent sur une prescription positive de la loi ». Dans ce dernier cas, comme nous l’avons dit, la chose entrera dans une autre forme de droit que celle de la police. O. V. G., 11 octobre 1884 (Samml. XI, p. 382) : dans un logement privé, une secte tient des réunions d’édification. La police exige que les portes et fenêtres soient closes, afin que les passants ne soient pas froissés et que les réunions ne soient pas troublées par eux. Le tribunal dit très justement : « si des tiers, à l’occasion d’une réunion licite, troublent l’ordre public, la mesure de police ne sera pas dirigée contre la réunion ; elle doit tendre à éloigner ceux qui apportent le trouble ». La décision C. C. H., 14 avril 1860 (J. M. Bl. 1861, p. 136), qui semble être en contradiction, s’explique par une restriction imposée à la propriété par le droit public qui, en effet, peut changer la direction des devoirs de la police. Nous y reviendrons. Mais ce sont encore les idées de l’ancienne police qui triomphèrent dans le cas dont il est traité C. C. H., 12 novembre 1881 (J. M. Bl. I, 1882, p. 5) : le Landrat enjoint à un propriétaire de faire écouler ses eaux ménagères non par sur la voie publique, mais dans une rigole. Le propriétaire de cette rigole assigne le premier propriétaire, pour le faire condamner à ne pas agir ainsi. La demande est non recevable, parce qu’elle est dirigée contre une disposition de police ; l’injonction en question concerne, en effet, l’ordre public, dans l’espèce, la propreté de la voie publique ; « le demandeur, auquel il a été imposé de recevoir les liquides dans la rigole qu’il a devant sa maison », ne peut que demander une indemnité. La vérité est que le Landrat pouvait défendre de verser les eaux ménagères sur la rue ; mais imposer au voisin la charge de recevoir ces eaux nuisibles, cela excède les limites du pouvoir de police. Remarquons encore la forme singulière : il faut qu’il ait été imposé quelque chose à l’un par un ordre adressé à l’autre ! D’un autre côté, celui dont émane effectivement le trouble dont s’agit, n’est pas libéré de son devoir envers la police en prouvant que d’autres, par une conduite coupable vis-à-vis de lui, l’ont mis dans la situation de causer maintenant le trouble. Württ. Min. d. I. 28 avril 1876 (Reger, III, p. 340) : à Stuttgart, on a remblayé une rue ; à la suite de ce travail un immeuble contigu devient marécageux ; la police enjoint au propriétaire de le remblayer également. Celui-ci oppose que la construction de la rue en est la cause, et que les voisins déversent leurs eaux sur son terrain. Décidé que la police ne peut s’en prendre qu’au propriétaire dont l’immeuble présente l’inconvénient ; que celui-ci alors fasse valoir contre les coupables, par la voie du droit civil, ses prétentions en dommages-intérêts. [↩]
- O. V. G. 10 avril 1886 : un détaillant débite, dans son commerce, illicitement, de l’eau-de-vie ; la police menace de fermer la boutique. Une semblable mesure ne peut être dirigée que contre « l’état contraire aux règles ». Ici le commerce en lui-même est en règle : ce qui est contraire aux règles, c’est uniquement le fait de débiter occasionnellement de l’eau-de-vie ; c’est cela seulement qu’il s’agira d’empêcher. [↩]
- Les principes sont très bien établis dans Bingne et Eisenlohr, Bad. Pol. Stf. G. B., p. 183 ; « la police, par exemple, ne doit pas purement et simplement détruire des marchandises vénéneuses ou des aliments nuisibles à la santé, lorsqu’il est possible de leur enlever, par une modification, la qualité dangereuse ». O. V. G. 3 juillet 1886 : on avait ordonné de démolir des pieux dangereux pour la sécurité ; comme on pouvait aussi y remédier par l’éclairage, etc., « les conditions matérielles » de cette disposition font défaut. Comp. les cas cités dans Parey et Wiedemann, Rechtsgrundsätze des Preuss. O. V. G., p. 89, p. 150, p. 163. [↩]
- O. V. G., 30 juin 1880 : la police défend à un propriétaire soupçonné de faire le métier de proxénète, de recevoir des personnes qui pourraient être disposées à se livrer à la prostitution. « Il n’est pas possible de défendre, d’une manière générale, des faits licites en eux-mêmes par le seul motif qu’ils pourraient faciliter des faits illicites ». Les mesures de surveillance nécessaires étaient ici à la disposition de l’autorité (Stf. Pr. O. § 104, al. 2) ; l’autorité qui, à raison de faits contraires à la police qui pourraient arriver, voudrait immédiatement faire davantage, viole le principe de la défense proportionnelle. – Une forme spécialement vigoureuse de la surveillance consiste dans l’inversion du rapport : défense avec réserve de permettre ; voy. § 21 ci-dessous. [↩]
- Dans ce sens, il est exact de dire, comme Rosin, Pol. Verord., p. 152 : « Une restriction à l’établissement de défenses… ne peut pas être déduite de la notion de police ». Il cite le cas, O. Tr. 8 avril 1869, où l’accusé veut démontrer qu’un règlement de police ordonnant d’entrer dans le corps des sapeurs-pompiers n’est pas valable, par le motif que « la fonction de la police est, en elle-même, de nature purement négative, prohibitive et défendante ». Cet individu avait raison quant à la nature générale de la police. Il avait tort d’insister sur la forme extérieure de la défense ; la « négative » peut également se présenter sous la forme d’un commandement. Il a encore tort, quand il croit que la charge de prendre part au service des pompiers ne peut plus être imposée du tout, étant donné que, d’après la notion correcte de la police, elle ne peut plus être considérée aujourd’hui comme un devoir envers la police. Nous en parlerons sous le titre des charges publiques, § 47 ci-dessous. [↩]
- O. V. G., 16 novembre 1877 : la police veut contraindre les riverains de la voie publique à y établir une clôture qu’elle juge nécessaire dans l’intérêt de la sûreté des communications. Le tribunal désapprouve. La police ne peut que « s’en prendre à celui qui a la charge d’entretenir la route », ou « à celui qui a causé le trouble, quand il s’agit de combattre un trouble de l’ordre et de la sûreté publique et d’en réparer les suites immédiates » ; elle ne peut pas « exiger d’un tiers les arrangements nouveaux qui sont devenus nécessaires par suite des nouveaux besoins des communications ». Nous avons là les trois personnes : celui qui trouble est soumis aux devoirs envers la police ; le tiers, c’est-à-dire celui dont le trouble n’émane pas, ne peut pas être requis ; enfin, celui qui est chargé de l’entretien de la route, peut être requis, mais seulement en vertu de sa charge, laquelle n’a pas le caractère de police dans le sens moderne. En vertu de règlements de police des présidents de district (Bezirks-Präsidenten) de l’Alsace-Lorraine, les chefs de ménage sont tenus de faire, à la police, dans les 24 heures, la déclaration de chaque nouveau venu qu’ils auront reçu chez eux. O. L. G. Colmar, 31 mars 1886 (Jurist. Ztschft f. E. L. XI, p. 256) reconnaît cette prescription comme fondée sur le pouvoir légal général du préfet de faire des règlements de police « pour le maintien de la sûreté publique ». Les juristes français auraient considéré un ordre de police semblable comme contestable (Comp. Trolley, Hiérarchie adm. I, no 380). Aussi, d’après ce que nous venons d’exposer ci-dessus (II. no 2, p. 29), cet ordre n’aurait pu être émis qu’en partant d’un état de suspicion général à l’égard de tous les ménages en question, comme cela existe pour les aubergistes, hôteliers et logeurs ; ceci évidemment irait un peu loin. Mais le O. L. G. adopte une autre argumentation : il s’agit ici, dit-il, d’un concours que l’administration doit pouvoir exiger des particuliers, « pour se procurer cette connaissance de la circulation des personnes, dont elle croit avoir besoin pour remplir les devoirs qui, dans les directions indiquées, lui incombent. » C’est tout à fait la vieille formule du régime de la police ; comp. t. I, § 4, note 6. Aujourd’hui, le pouvoir de police ne peut plus imposer des charges pareilles. [↩]
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