Section I
Le pouvoir de police
§20. L’ordre de police
(35) L’ordre est la déclaration de volonté, émise en vertu d’un rapport de subordination, en vue de déterminer, d’une manière obligatoire, la conduite du subordonné.
L’ordre est de droit public, quand le rapport de subordination qui lui sert de base est celui de la puissance publique vis-à-vis du sujet.
Des ordres peuvent avoir pour base un rapport de sujétion spéciale existant entre l’Etat et celui auquel l’ordre s’adresse. Ces ordres rentrent dans la notion de l’instruction, qui vise la réalisation de devoirs spéciaux de cette espèce (Comp. t. I, § 8, II, no 3 ci-dessus) : les ordres du supérieur, les règlements de service intérieur en fournissent des exemples.
Il est d’autres ordres qui sont émis sans avoir pour fondement un rapport personnel et spécial, simplement en vertu de la plénitude de la puissance publique. Ce sont des ordres d’autorité pure1.
L’ordre de police est un ordre d’autorité de cette dernière espèce. Il se distingue des autres ordres de ce genre, en ce qu’il est émis en vue d’assurer la réalisation du devoir général des sujets de ne pas troubler le bon ordre de la chose publique. Il tire donc de ce (36) devoir son contenu. Mais son effet repose sur la seule force obligatoire de la volonté de la puissance publique.
L’ordre de police a une double signification :
Il sert d’intermédiaire entre le fondement naturel du pouvoir de police et les exigences du régime du droit ; il donne à ce devoir naturel son expression dans la forme d’une déclaration de volonté soumise aux règles du régime du droit. Ce fondement ne fournit d’abord que des principes généraux dont il s’agit de déduire, par des raisonnements logiques, les devoirs concrets ; l’ordre de police donne justement à ces devoirs la détermination formelle ; il déclare par voie d’autorité en quoi ils consistent, comment ils doivent être remplis et par qui.
Mais l’ordre de police ne se borne pas à rendre ce devoir clair et incontestable ; il transforme ce devoir : à la place du devoir naturel de l’individu envers la chose publique, il met, à la charge de celui à qui il s’adresse et vis-à-vis de la puissance publique, de l’Etat, l’obligation d’obéir ; il crée, par là, pour le cas de désobéissance, la possibilité juridique d’exercer la contrainte organisée à cette fin et d’appliquer les autres sanctions juridiques.
Par ce deuxième effet — l’obligation d’obéir — l’ordre de police dépasse le devoir naturel du sujet ; il y a une atteinte portée par le pouvoir public à la liberté, et la réserve constitutionnelle de la loi trouve son application. Par conséquent, la maxime suprême est celle-ci : aucun ordre de police ne peut être émis valablement sans fondement légal, c’est-à-dire autrement que par la loi ou en vertu d’une autorisation de la loi2.
(37) Sous l’empire de ce principe, les détails de notre institution juridique se développent comme suit :
I. — L’ordre de police se présente dans deux hypothèses principales : comme règle générale et comme détermination du cas individuel, comme règle de droit et comme acte administratif.
Dans l’un et l’autre cas, l’ordre peut être émis dans la forme de la loi ; mais il n’arrivera pas facilement que la loi s’empare directement de l’acte individuel. De même que nous comprenons par loi administrative une loi qui contient des règles de droit pour l’administration (Comp. t. I, § 10, no 1 ci-dessus), nous comprenons par loi de police une loi qui établit une règle de droit en matière de police. Cela pourrait être autre chose qu’un ordre ; mais quand nous parlons simplement de loi de police, nous avons en vue une loi contenant, dans la forme d’une règle de droit, un ordre de police.
Dans l’un et l’autre cas — règle de droit et ordre individuel, — l’ordre de police se présente aussi comme (38) une déclaration de volonté du pouvoir exécutif ; ici, la règle ne joue pas un rôle aussi exclusif.
L’ordonnance portant déclaration de volonté d’un organe du pouvoir exécutif pour l’exercice de la faculté à lui déléguée d’établir, au nom de l’Etat, des règles obligatoires, a, dans la sphère de la police, son champ d’activité le plus important. Ces règles sont principalement des ordres. Quand nous parlons simplement d’ordonnance de police, nous entendons encore un ordre de police dans la forme d’une règle de droit.
L’acte administratif contenant un ordre de police pour le cas individuel appartient — à raison de ce que nous venons de dire sur l’abstention de la loi — au pouvoir exécutif seul. Ce pourrait être une décision ou une disposition ; en fait, la disposition est prépondérante. Dès lors, quand on parle de disposition de police (Polizeiverfügung), on entend un acte administratif en matière de police. Ce peut être un ordre de police individuel, ou bien un acte qui refuse ou accorde une permission de police ; il sera parlé de ce dernier cas dans le paragraphe suivant.
Au point de vue des principes du régime du droit, il n’est pas indifférent de savoir en présence de laquelle de ces formes de l’ordre de police on se trouve. Le principe est que, autant que possible, tout doit être déterminé par une règle de droit — loi de police ou ordonnance de police (Comp. t. I, § 5, III, no 2). Le droit constitutionnel permet, sans doute, qu’une loi autorise des dispositions de police avec la plus grande latitude, en vue de déterminer librement, dans le cas individuel, le contenu du devoir de l’individu envers la police, et pour enjoindre d’y obéir. Mais une semblable renonciation de la règle de droit au profit de l’arbitraire de l’acte individuel n’est pas conforme au régime du droit3. Cela a une importance pratique ; en effet, dans les domaines plus avancés, la législation s’y conforme pour les autorisations qu’elle (39) donne ; et, dans tous les cas, la sphère réservée à la règle de droit doit être protégée vigoureusement contre l’invasion de l’ordre individuel.
1) Le fait qu’une autorité a reçu l’autorisation spéciale d’ordonner, pour le cas individuel, ce qui doit être fait au point de vue de la police, n’implique pas la délégation du pouvoir de faire des ordonnances ; car cela représente une force spéciale de la loi, comme nous l’avons dit (Comp. t. I, § 7, no 1 ci-dessus). Mais, réciproquement, lorsque l’autorité a été autorisée à faire des règlements de police, elle n’a pas, par cela même, le pouvoir de régler originairement ces mêmes choses dans la forme d’un ordre individuel. On ne peut pas ici conclure du plus au moins. L’ordonnance, en effet, n’est pas seulement un plus ; dans le sens du régime du droit et de la loi qui autorise, c’est aussi le meilleur4.
(40) 2) C’est pourquoi on ne saurait faire passer subrepticement l’ordre individuel en l’émettant sous la forme d’une ordonnance ; sans compter que ces formes — surtout la notification par la publication — n’y conviennent nullement, on n’aurait toujours que l’apparence extérieure d’une ordonnance ; or, en réalité, il n’y a pas ordonnance ; par son contenu même, cet acte montre qu’il ne s’agit pas d’exercer le pouvoir de faire des ordonnances ; la déclaration de volonté ne prétend pas à une force obligatoire générale ; elle n’a donc pas ce qui faisait exiger une ordonnance de police et non un ordre individuel. Vouloir quand même parler ici de règle de droit et de prescription de droit, c’est employer un mot vide de sens ; la loi ne s’y laissera pas tromper5.
3) L’autorité ne peut pas non plus émettre une (41) ordonnance dans laquelle elle se réserverait de faire savoir ce qui sera ordonné dans le cas individuel par des dispositions de police. Ce serait commander à l’avance d’obéir à ces dernières dispositions. Il y aurait là une véritable ordonnance, suivie d’une véritable disposition de police ; étant donné le but poursuivi par la loi, quand elle a voulu autoriser une ordonnance et non pas un ordre individuel, cela serait tourner directement la loi6.
Dans tous ces cas, la disposition de police n’est pas couverte par le pouvoir qui a été délégué de faire des ordonnances ; par conséquent, si elle n’a pas un autre fondement justificatif, elle n’est pas valable.
II. — L’ordre de police naît par détermination de la volonté et par déclaration de la volonté.
1) Pour la formation de la volonté à exprimer dans l’ordre de police, nous trouvons toutes les limites et obligations qui, dans le système du régime du droit, entourent et règlent la volonté de l’Etat. Le fondement que donne le droit de la nature — à savoir l’idée d’un devoir général du sujet — n’a d’effet, en ce qui concerne la validité juridique de l’ordre, que par le moyen de ces formes.
Ainsi, l’ordre de police émis dans la forme de la loi est juridiquement absolu et indépendant. Que son point de départ soit le devoir général du sujet, cela (42) n’a d’autre importance que de faire reconnaître qu’il s’agit vraiment d’un ordre de police et non pas d’une autre espèce d’ordre.
Tous les autres cas d’ordre de police trouvent leurs limites dans l’étendue de l’autorisation donnée. Ils ne sont admissibles que dans ces limites. Pour l’interprétation du contenu de l’autorisation, le fondement naturel du pouvoir de police fournit les moyens essentiels permettant d’arriver à bonne fin.
Pour l’ordonnance de police, il faut ajouter une autre limite : même dans la sphère de son autorisation, elle ne doit contredire aucune règle juridique d’un rang supérieur ; elle ne doit contredire ni la loi, à cause de la préférence de la loi, ni l’ordonnance émanant d’un organe du pouvoir exécutif occupant une place plus élevée dans la hiérarchie des autorités7.
Pour l’ordre de police individuel, — la disposition de police, — il faut distinguer :
En tant qu’acte administratif, la disposition de police est soumise à toutes les règles juridiques qui peuvent exister pour son objet, non seulement les règles posées par la loi, non seulement les ordonnances d’un degré supérieur, mais aussi les ordonnances mêmes émanées de l’autorité qui dispose et celles d’un degré inférieur8.
(43) Elle est aussi liée par les actes administratifs qui auraient été déjà émis pour son objet, à moins qu’elle tende elle-même à modifier ou à annuler ces actes en vertu de la compétence qui lui est donnée (Comp. t. I, § 8, II, no 2 ci-dessus). Dans tous ces rapports, le droit de la nature servira à l’interprétation de ce qu’a pu vouloir faire l’acte qui lie la disposition, mais il ne guide pas directement la disposition de police ; il suffit à celle-ci de se tenir à l’acte qu’elle applique, adapte, exécute.
Mais la disposition de police peut aussi être appelée à déterminer, selon sa propre appréciation, ce que le sujet doit faire, et à lui donner l’ordre qui en est la conséquence. Cela peut avoir lieu pour compléter une règle juridique déterminant le cas d’une manière incomplète. Mais cela apparaît encore plus distinctement, lorsque la loi — faisant ce qu’elle ne devrait pas faire dans le régime du droit — abandonne à l’autorité l’émission discrétionnaire d’ordres de police pour une certaine sphère.
L’autorité ne peut pas alors faire ce qu’elle veut ; son devoir de fonctionnaire l’oblige à choisir ce qui répond le mieux à l’intérêt de l’Etat et de la chose publique ; avant tout, elle est liée par ce qui résulte, pour le contenu, l’étendue et la direction de son ordre, du droit de la nature formant la base du pouvoir de (44) police. L’ordre ne doit réaliser que ce qui, d’après cela, est déjà le devoir du sujet. Ainsi l’ordre de police, même dans sa disposition, présente encore une certaine affinité avec la décision (Comp. t. I, § 8, II no 3 ci-dessus). Toutefois, il faut se rendre compte de la différence. La décision est une notion appartenant tout à fait au formalisme du régime du droit : un rapport est, par règle juridique ou par acte administratif, déjà déterminé juridiquement ; il s’agit maintenant simplement de prononcer et de constater comment la détermination a eu lieu. La décision inexacte est donc toujours contraire au droit. Le devoir du sujet, d’après le droit de la nature, ne donne pas la détermination formelle du rapport ; les actes du pouvoir public ont pour objet de lui donner justement cette détermination. Dès lors, on reste nécessairement ici plus ou moins dans la sphère de la libre appréciation : il y a possibilité d’opinions divergentes ; tant qu’il reste dans ces possibilités, l’ordre de police conserve son fondement juridique. On ne peut pas le déclarer contraire au droit par le seul motif qu’on estime qu’on aurait dû exiger autre chose ou rien du tout ou pas autant. C’est l’opposé de ce qu’il faut dire pour une véritable décision. Il y a, cependant, un point où cette latitude cesse, et où l’on pourra dire : cela dépasse le devoir qui incombe au sujet. Alors, cela ne doit pas être. Mais une semblable disposition de police est contraire au droit et nulle, parce que, d’après l’interprétation de l’autorisation générale de la loi, telle qu’elle doit être faite selon le devoir du droit de la nature, elle n’est comprise ni prévue dans celle-ci9.
(45) L’ordre individuel discrétionnaire a donc les mêmes limites juridiques que l’ordonnance de police.
2) L’ordre de police n’est parfait que quand la détermination de volonté définitive est déclarée, par la notification, à celui à qui l’ordre s’adresse.
Cette notification se fera de différentes manières, selon que l’ordre de police à notifier est une règle de droit ou un acte administratif.
La règle de droit adresse son ordre à tous ceux que la chose concerne, au public ou, du moins, à ceux qui, n’étant pas désignés individuellement, présentent cependant les conditions visées. La forme de la notification est, par conséquent, celle de la déclaration de volonté vis-à-vis de tout le monde, la publication.
Pour cela, il n’est pas nécessaire — cela va sans dire — que la déclaration de volonté soit mise sous les yeux de chaque individu ; ni même qu’elle soit placée si près de chaque individu qu’il puisse ou doive la voir. La publication ne tend jamais qu’à faire de la connaissance de la déclaration une espèce de bien commun social ; quant à la manière dont chaque individu en reçoit sa part effective, cela est indifférent pour la force juridique de la déclaration.
La forme naturelle de la publication repose donc toujours sur certaines institutions sociales propres à porter la chose à la connaissance du public, la publicité. La forme se détermine par l’état social, par les mœurs ; quand on a procédé conformément à l’état social, la notification est valable et efficace, qu’elle soit ou non parvenue à chaque individu. Ainsi, nous rencontrons comme formes de publications suffisantes : la lecture dans les églises, la communication à des assemblées spécialement convoquées, l’affichage dans des lieux publics, la publication dans les rues au son du tambour, la communication par la presse, etc. Dans le droit actuel, on a partout substitué à ces manières (46) naturelles de publication, pour les lois d’abord et ensuite pour les ordonnances, des modes formels de publication. On désigne des feuilles officielles, des bulletins des lois, etc. La règle de droit qui a paru imprimée dans ces feuilles est considérée comme dûment publiée, que la feuille soit, par le nombre de ses lecteurs et par les habitudes du peuple, susceptible ou non de porter l’ordre à la connaissance du public. C’est à cause de la prescription qui déclare cette publication valable que les sujets sont forcés de s’intéresser à la feuille.
Cette prescription d’un mode formel de publication peut émaner de la loi elle-même ; elle peut aussi être déléguée aux autorités. Elle constitue, en elle-même, une règle de droit spéciale avec force obligatoire. L’autorisation de l’émettre n’est pas sous entendue dans le pouvoir de faire des ordonnances.
En effet, c’est bien un pouvoir qui est exercé ainsi sur les sujets, en vue de préparer l’exercice futur d’un pouvoir, mais ce n’est pas encore le pouvoir de police. Dès lors, quand la loi ne prescrit rien à cet égard, les règlements de police doivent être notifiés dans les formes naturelles de publication « de la manière usitée »10.
L’ordre de police individuel doit être notifié au sujet auquel il s’adresse. Cela se fait par une déclaration personnelle, l’intimation de l’ordre.
L’intérêt de cet individu exige la communication par écrit, afin qu’il ait le contenu de l’acte ; l’intérêt de l’autorité n’est autre que d’avoir une preuve suffisante de la communication faite. Il est, sans doute, conforme à l’esprit du régime du (47) droit, qu’il y ait communication par écrit ; il faut que le sujet puisse examiner ce à quoi il est tenu, afin de recourir, au besoin, aux moyens de droit ; le modèle de la justice qui fait des communications toujours par écrit, doit être suivi sur ce point comme partout. Ce n’est que dans les cas de nécessité, au cas du péril urgent, que l’ordre verbal est admissible11.
A défaut de prescriptions spéciales, la notification individuelle pourra être faite valablement dans les mêmes formes que les déclarations expresses dans les actes juridiques du droit civil ; la forme de la déclaration tacite ne convient pas à un acte d’autorité12. En particulier, la signification dans les formes de la C. Pr. O. sera suffisante, quand elle contient, en même temps, les éléments d’une communication qui serait aussi de droit naturel. Des règles particulières, telles que le dépôt au greffe du tribunal ou au bureau de poste (C. Pr. O. S. 182), ne sont pas applicables par elles-mêmes ; à plus forte raison, en est-il ainsi de la signification exceptionnelle par notification publique (C. Pr. O. S. 203, 204)13.
(48) Quand la loi a prescrit une forme, l’observation de cette forme est une condition de la validité.
III. — L’effet de l’ordre de police dûment notifié consiste dans une obligation d’obéir conformément au contenu de l’ordre, c’est-à-dire dans une obligation exécutoire de se conduire de la manière exigée par l’ordre.
1) Cet effet ne doit se produire qu’à la condition que l’ordre soit juridiquement valable. Mais la question de savoir si cette condition est remplie et si l’ordre doit produire son effet juridique, se résout tout autrement que dans les déclarations de volonté du droit civil.
Tout dépend de la question de savoir si celui qui émet l’ordre est ou non investi du pouvoir de donner des ordres de police de cette espèce, et si l’ordre, d’après sa forme et son contenu, peut être considéré comme l’exercice de ce pouvoir. En d’autres termes, selon la formule usitée, l’ordre doit encore être compris dans la compétence générale de celui qui le donne.
Si cette condition fait défaut, l’ordre de police n’a pas plus d’effet que l’acte juridique du droit civil par lequel on dispose de droits qu’on n’a pas ; il ne peut produire que des effets apparents et des responsabilités (49) qui ne sont pas voulues. Si, au contraire, cette condition est remplie, l’ordre de police — à la différence de l’acte juridique du droit civil — est présumé valable. Il est à considérer comme valable et produit son effet juridique aussi longtemps que cette présomption n’est pas détruite dans la forme légale. C’est ainsi, du moins, que la chose se présente extérieurement. En réalité, il ne s’agit pas d’une présomption proprement dite. Pour être exact, il faut dire : l’ordre est, en lui-même, juridiquement obligatoire il doit être maintenu et exécuté d’autorité, tant qu’il n’en est pas décidé autrement en vertu d’une compétence légale de contrôler sa validité14.
L’ordre de police ne fait qu’appliquer un principe de droit public qui s’applique dans une étendue beaucoup plus large (Comp. t. I, § 8, note 7 ci-dessus) : tout acte de la puissance publique, dès qu’il se propose de produire un effet juridique extérieur, renferme, en même temps, la constatation et l’attestation de sa validité. La déclaration de volonté du droit civil n’a pas ce pouvoir. La volonté de l’autorité dans le régime de la police n’en a pas besoin. Mais dès que la déclaration de la volonté de l’Etat est, pour sa validité, soumise à des conditions, elle n’apparaît qu’avec la constatation que ces conditions sont remplies ; la notification de la déclaration de volonté contient elle-même cette attestation. Plus simplement, (50) l’autorité n’exprimerait pas la volonté, si elle ne la considérait pas comme conforme au droit ; donc, par la notification, elle affirme sa validité ; cette affirmation n’est pas une opinion privée ; elle est elle-même un acte d’autorité et, comme telle, obligatoire et décisive15.
La compétence de contrôler peut comprendre l’acte entier ; elle amène alors, s’il y a lieu, son annulation (Comp. t. I, § 12, n. ci-dessus). Elle peut aussi ne concerner qu’un certain effet, sur lequel l’autorité de contrôle doit décider ; cet effet, dans le cas où l’acte est considéré comme nul, lui sera refusé. Comme exemple principal, nous avons le refus de l’effet pénal par le tribunal de simple police (Comp. t. I, § 16, III ci-dessus et § 22, III ci-dessous).
En attendant qu’un droit de contrôle de cette espèce ait exercé son influence, l’attestation de la validité subsiste pour l’ordre de police ; elle produit son effet juridique même pour l’ordre de police nul.
2) La force de l’obligation d’obéir produite par l’ordre de police se manifeste dans les conséquences juridiques qu’entraîne la désobéissance. Ces conséquences (51) sont : d’un côté, la contrainte de police, à l’effet de vaincre la désobéissance et de rétablir l’état de choses conforme à l’ordre ; d’un autre côté, les peines de police infligeant au récalcitrant un mal parce qu’il a négligé d’obéir.
L’obligation de suivre une certaine conduite, dont la violation n’entraîne pas ces conséquences juridiques, et qui ne produit donc pas une obligation d’obéir effective, n’est pas un ordre ; ce n’en est que l’apparence16.
Il y a deux sortes de faux ordres qu’il faut écarter.
Tout d’abord, nous trouvons la sommation adressée par l’autorité à un individu de faire quelque chose, mais qui ne doit entraîner aucune contrainte, aucun désavantage pour le cas d’inobservation, la simple invitation. On s’attend à ce que celui à qui l’invitation est adressée, de bonne grâce, par vertu civique, voudra bien rendre service à l’autorité17. De fait, dans beaucoup de cas, cela peut suffire ; la loi pouvait donc, pour des questions de minime importance, laisser à l’autorité le soin de s’entendre avec les individus, au lieu de l’autoriser à imposer des obligations exécutoires. Ou bien l’autorité commence, d’elle-même, par faire un essai dans cette voie amiable, avant de regarder si elle possède et si elle doit employer des moyens plus énergiques pour atteindre le but18.
(52) D’autre part, il peut arriver qu’une sommation officielle de faire ou de ne pas faire est lancée, alors qu’il existe déjà une obligation d’obéir que l’on est en train de violer.
Dans ce cas, il y a non pas un ordre, mais un avertissement. Celui-ci a pour effet d’appeler l’attention de l’individu sur la situation défavorable dans laquelle il se trouve et sur ses conséquences. Il s’attache de la même manière à tout état contraire à la police, qui entraîne des conséquences juridiques fâcheuses, peine de police ou contrainte directe. Selon les circonstances, cet avertissement acquiert une importance juridique, la loi n’admettant la réalisation des conséquences désavantageuses — savoir la contrainte ou la condamnation — qu’à la condition qu’il y ait eu un avertissement sans résultat. Cet avertissement n’a pas besoin d’un fondement légal ; il n’a, en lui, rien d’un acte juridique ; c’est un simple fait ; ce n’est pas un acte administratif ; il n’a pas besoin d’émaner d’une autorité ayant le pouvoir d’ordonner ; il n’y (53) a pas besoin d’autorité du tout : les agents subordonnés, agents d’exécution ou auxiliaires, sont surtout compétents pour donner ces avertissements. Il n’y a pas à appliquer les formes de la notification de l’ordre de police. Des signes quelconques lui servent d’expression, sans formes19.
3) L’ordre de police ne crée de rapport juridique qu’entre l’Etat et le sujet auquel s’adresse l’obligation d’obéir. Cela a son effet indirect sur les rapports entre ce dernier et les autres sujets, en ce que les autres en profitent ou que des obligations civiles existantes vis-à-vis d’eux ne peuvent pas être remplies. Mais cela reste, à cet égard, un pur fait, à moins que la loi n’y attache des effets juridiques pour ce rapport aussi (Comp. t. I, § 11, IV, no 4 ci-dessus), et ces effets se placent en dehors de l’ordre d’idées dont nous traitons ici.
IV. — L’ordre de police émis peut prendre fin, c’est-à-dire cesser de produire son effet, de différentes manières. Il faut faire des distinctions :
1) L’ordre peut être retiré ou annulé. Les ordres de (54) tout genre peuvent être retirés dans la forme dans laquelle ils ont été émis. L’annulation par la volonté d’Etat supérieure ne s’applique qu’aux ordonnances de police et aux dispositions de police ; elle ne s’applique pas aux lois de police. Elle peut se faire implicitement par une disposition émanant du degré supérieur et avec laquelle cet ordre est incompatible : la loi annule les ordonnances qui lui sont contraires ; l’ordonnance supérieure annule l’inférieure en tant que celle-ci lui est contraire ; de même, la disposition de police supérieure annule l’inférieure. Mais l’annulation peut aussi se faire directement. Il y a, pour cela, tant en ce qui concerne l’ordonnance qu’en ce qui concerne la disposition de police, des compétences organisées qui ne coïncident pas nécessairement avec les compétences pour l’émission des ordres de police propres et supérieurs, ordonnances ou dispositions ; des autorités surveillantes, des tribunaux administratifs sont constitués avec le pouvoir d’annuler, sans avoir eux-mêmes le pouvoir d’ordonner.
Il faut alors distinguer si l’annulation n’est faite que parce que l’autorité qui annule voulait autrement — dès lors, plutôt à la manière d’une annulation implicite, — ou si elle a lieu parce que l’ordonnance ou la disposition est considérée comme nulle. Dans l’un et l’autre cas, l’ordre n’existe plus pour l’avenir. Mais, dans le dernier cas, son effet juridique est également nié pour le passé Dans le premier cas aussi, en même temps que l’ordre, les effets et conséquences qu’il avait déjà produits, peuvent être redressés, selon la volonté de celui qui annule. Dans le second cas, ils sont redressés de plein droit ; de plus, il peut être question de dommages-intérêts et de responsabilités pour ce qui s’est passé20.
(55) 2) La disparition de l’objet est une manière de prendre fin, qui est propre à la disposition de police. La loi de police et l’ordonnance de police déterminent leur objet au moyen d’une notion générale qui ne disparaît pas ; ce sont seulement les cas d’application qui varient. La disposition de police, au contraire, a son cas spécial auquel elle s’attache ; ce cas terminé, elle prend fin.
Selon les circonstances, le cas se terminera immédiatement par l’obéissance, lorsqu’il ne s’agit que du commandement d’une action unique. En règle générale, les commandements comme les défenses, tendent à constituer et à maintenir un état durable ; ils conservent leur effet aussi longtemps que cet état peut encore être troublé. Mais toutes les dispositions rattachent leurs ordres à un certain côté des rapports de l’existence d’une certaine personne. L’objet est-il une chose appartenant comme une qualité personnelle à celui auquel l’ordre est donné, alors l’ordre individuel finit, au plus tard, avec la mort de la personne. Mais l’objet peut également être un rapport pouvant se détacher de cette existence, une possession, une entreprise, une industrie ; dans ce cas, l’ordre de police finit quand ce rapport est détaché de cette personne.
De quelque manière que la séparation se fasse — la possession peut être simplement détruite, l’industrie abandonnée — l’ordre qui s’y était attaché disparaît. Si, plus tard, la même personne reconstruit la maison, recommence l’industrie, l’ancien ordre n’atteindra pas la nouvelle entreprise. Il faut émettre, s’il y a lieu, un ordre nouveau ayant le même contenu.
(56) Le rapport séparable peut aussi être transmis à d’autres individus ; l’ordre s’éteint également et ne se transfère pas au successeur. L’acheteur de la maison, le successeur dans le commerce ne succèdent pas aux obligations d’obéir imposées à leur auteur à raison de cette possession ; ces obligations sont de nature purement personnelle. Même si les nouveaux chefs du commerce ou propriétaires de la maison sont des héritiers de ceux qui avaient reçu l’ordre, il n’en sera pas autrement21. A vrai dire, l’ordre de police contenu dans une règle de droit ne passe pas non plus de celui qui avait été originairement obligé à ses héritiers et ayants cause : il naît, chaque fois, à nouveau, chez celui qui présente les conditions voulues.
- Lœning, V. R., p. 241. La notion claire et nette de l’ordre est déformée, quand on comprend, sous ce nom, les choses les plus différentes (G. Meyer, V. R., I, p. 32). On veut voir cette notion « immanente » partout (Seligmann, Begriff d. Ges. p. 29 ; Bernatzik, Rechtskraft, p. 11). [↩]
- C’est l’opinion commune : Rosin, Pol. Verord., pp. 18. L’autorisation légale pourrait être remplacée par un droit coutumier : Rosin. loc. cit., p. 20. Mais, comme nous l’avons exposé, au t. I, § 10, no4 ci-dessus, il faudrait que ce droit coutumier se fût formé avant l’ère du droit public moderne. Encore ne l’admettrions nous que pour des matières déterminées. G. Meyer, St. R., § 178, note 1, invoque une règle de droit coutumier qui établirait « au profit de la police » un pouvoir général de procéder, par des commandements et par des défenses, dans tous les cas où cela paraît nécessaire par des motifs tirés de la prospérité et de la sûreté publique ». Ce n’est pas là une règle de droit coutumier ; à vrai dire, c’est le système de l’absolutisme de l’ancien régime. C’est ce qu’il avoue lui-même en parlant, J dans V. R., I. p. 78, non pas d’un droit coutumier, mais de la situation juridique générale de la police, qui lui donnerait ce pouvoir. Dans le même sens, Zorn, dans Annalen 1885, p. 105. Mais cette situation juridique générale a été à raison de l’établissement de nos Constitutions ainsi que de la réserve de la loi, soumise à des conditions nouvelles qu’on ne peut ignorer. Zorn, dans Annalen 1885, p. 309, note 1, donne des exemples tirés de notre administration coloniale ; ici, il faut se tirer d’affaire sans fondement légal ni règle de droit coutumier. Mais, dans ce cas, la question est résolue par le fait que l’Empereur exerce la puissance publique sans être gêné par une réserve constitutionnelle de la loi. Il n’y a de restriction que quand une loi de l’Empire est intervenue pour une certaine matière (Laband, S. R. édit. all. I, p. 798, édit, française, II, p. 700) : c’est, à peu près, la situation juridique que C. Meyer prétend être celle de la métropole. [↩]
- Rosin, Pol.Verord., p. 16, 18 : la disposition de police doit être, autant que possible, un « ordre concret », c’est-à-dire l’application au cas spécial de la règle abstraite formulée par une loi ; c’est ce qu’exige le régime du droit. Mais il nous semble que ce régime du droit est trop modeste si, comme le dit Rosin, il suffit qu’on puisse, en vertu de A. L. R. II, 17 § 10, disposer arbitrairement pour le cas concret. Il y a là une confusion : ce paragraphe suffit à la réserve constitutionnelle de la loi ; il ne donne pas satisfaction aux principes du régime du droit. Pour la réserve constitutionnelle de la loi, il aurait suffi d’une loi disant : les autorités pourront commander ce qu’elles voudront ; mais le régime du droit exige quelque chose de plus que l’observation des règles du droit constitutionnel. — La maxime que nous venons d’exposer a trouvé une bonne expression chez Risch dans Dollmann, Bayr. Ges. Gebung, III, p. 150 : il est impossible « que les autorités de police établissent, par leurs dispositions spéciales, des règles de conduite nouvelles » ; l’acte individuel ne peut que réaliser l’obligation déterminée par la règle de la loi. C’est la véritable tendance du régime du droit. [↩]
- En ce sens le droit bavarois, d’après Pol. Stf. G. B. de 1861 : dans tous les cas où les autorités peuvent émettre des ordres nouveaux pour combler des lacunes, la forme de l’ordonnance est de rigueur. Edel, Comment. du Pol. Stf. G. B. p. 152, relève très bien la différence de valeur qui existe entre la règle de droit et la disposition individuelle : « il serait, au contraire, excessivement regrettable, qu’un pareil article donnât à la police l’occasion d’entraîner, — par des dispositions spéciales qu’elle émettrait, dans les mêmes conditions, pour différentes personnes dans un sens différent — une inégalité du droit ». Comp. aussi ma Theorie d. Franz. V. R., p. 66. — Le droit prussien adopte encore le système d’après lequel, « en principe, l’autorité, quand elle a le droit de faire des ordonnances, est libre d’employer, au lieu de l’ordonnance, la disposition individuelle » : O. V. G. 14 mars 1886 (Samml. XIII, p. 395). Une prescription expresse de la loi peut naturellement exclure la disposition individuelle : Rosin, Pol. Verord. p. 155. Il faut cependant remarquer que, même en Prusse, il existe déjà, au moins chez les tribunaux administratifs inférieurs, une tendance à n’admettre, dans ces cas, que l’ordonnance : O. V. G., 9 juin 1877, 27 juin 1877, 9 juin 1884. C’est évidemment dans cette direction que se fera le développement ultérieur. [↩]
- Il semble que Rosin, Pol. Verord., p. 102, note 15, p. 155, propose d’éluder la loi de cette manière. Il suppose le cas où la loi a établi une prescription à laquelle elle ne permettrait d’apporter des exceptions que par des ordonnances de police : « Dans ce cas, si, par exception, il était nécessaire d’émettre un commandement ou une défense en opposition avec la prescription générale pour un cas individuel, la modification de la règle juridique légale ne pourrait s’effectuer, logiquement, que par une prescription juridique nouvelle, c’est-à-dire par la voie d’une ordonnance de police ». Il n’y a pas de « voie d’ordonnance de police » dans le sens dans lequel il y a une voie de la législation (Comp. t. I, § 10, note 9 ci-dessus) ; la modification pour le cas individuel est tout simplement inadmissible tant que la loi elle-même n’est pas modifiée. [↩]
- Bl. f. adm. Pr., 1876, pp. 289 ss. : Des prescriptions de la police des incendies, d’après Pol. Stf. G. B. Bav., art. 2, chiff. 14, ne peuvent être faites que par ordonnance (règlement de police locale). Cela n’est pas commode pour l’autorité de police. En conséquence, à Munich, on a fait un règlement de police locale dans ce sens : « Les propriétaires des maisons auront à obéir, dans le délai fixé, à tous les ordres de police qui leur seront spécialement communiqués en vue de prévenir, dans ou sur leurs maisons, les dangers d’incendie ». La même rédaction pourrait s’appliquer à toute espèce de prescriptions de police locale ; on aboutirait alors justement à l’état de choses que le Pol. Stf. G. B. — ainsi que nous l’avons vu note 4 ci-dessus — a pris tant de soin à exclure. [↩]
- Sur cet ordre de rang : Bayr. Pol. Stf. G. B., art. 10 ; Bad. Pol. Stf. G. B., § 24 ; Württemb. Pol. Stf. G. B., art. 54 ; Pruss. Loi du 11 mars 1850, § 15. Si l’ordonnance est en contradiction avec une instruction de service émanée de l’autorité supérieure, cela n’affecte pas sa validité juridique vis-à-vis des sujets. D’après Lœning, V. R., p. 236, note 3, il y aurait exception dans le Württemberg. Mais c’est une erreur de la part de Schicker, Pol. Stf. R. u. Pol. Stf. Verf., I, p. 67, note 3 ; cela résulte encore plus clairement de ses explications dans Borchers Ztschft, XIX, pp. 279, 318. Schicker parle non pas d’instruction, mais d’une disposition de police individuelle de l’autorité supérieure ; cette disposition serait, d’après lui, obligatoire pour l’autorité subordonnée. Ainsi, il s’agit plutôt d’une exagération du principe de la préférence de l’acte extérieur que l’autorité supérieure aurait accompli. Ceci encore est faux ; comp. la note suivante. [↩]
- Comp. § 7, notes 10 et 11 ci-dessus. Rosin, Pol. Verord., pp. 101, 102. O. V. G., 29 octobre 1883 : L’autorité de police fait défense à une fabrique de laine artificielle d’emmagasiner dans ses greniers plus de 20 quintaux de déchets. Puis, elle émet une ordonnance de police qui défend d’emmagasiner seulement une quantité supérieure à 50 quintaux. Le tribunal déclare cette dernière prescription applicable également à la fabrique susmentionnée : « car le juge administratif ne peut pas maintenir un ordre de police qui viole le droit qu’il aura à appliquer, c’est-à-dire le droit existant à l’époque où il statue ». L’instance supérieure est liée par ces règles de droit aussi bien que l’instance inférieure : O. V. G., 30 novembre 1882 (Samml. IX, p. 340) : « il n’existe pas, pour l’autorité supérieure, en ce qui concerne les ordonnances relatives à la police des constructions, un droit de dispense général et sous-entendu ». [↩]
- Le droit prussien a donné, dans ses actions en nullité pour défaut des conditions matérielles, un moyen excellent de provoquer un contrôle de cette limite juridique ; comp. t. I, § 14, notes 27 et 28 ci-dessus. [↩]
- Rosin, Pol. Verord., pp. 254 ss. ; Seydel, Bayr, Staatsrecht, III, pp. 602 ss. ; Bay. Pol. Stf. G. B., art. 11 ; Württemb. Pol. Stf. G. B, art. 55 et Min. Verf. du 9 janvier 1872 ; Bad. Pol, Stf. G. B., art. 27, et Min. Verord, 16 septembre 1864. [↩]
- La forme préférée de la « communication en procès-verbal » (Eröffnung zu Protocoll) ne répond pas à ces exigences ; elle caractérise plutôt le bureaucratisme du régime de la police. [↩]
- Ne sont pas des formes spéciales de notification d’un ordre de police : le fameux tableau d’avis et ses analogues, le fossé, le poteau, qui interdisent la rue, l’image du sabot d’enrayage (Bayr. oberpolizeil. Vorschrift du 4 janvier 1872, § 4 et § 7). L’ordre ou l’interdiction, qui sont derrière ces signes, ont été notifiés de leur côté de la manière prescrite ; ces signes ne font que les rappeler et avertir ; ou bien ils constituent une condition pour rendre applicables ces mesures, en faisant connaître les localités qu’elles concernent. Il ne s’agit donc pas d’une notification « symbolique » de l’ordre, ni d’une notification à des personnes incertaines (Laband, Staatsrecht, édit. all., I, p. 695 ; édit. française, II, p. 543 ; v. Sarwey, Allg, V. R., p. 29) ; ce n’est pas une notification, surtout au sens de celle dont nous parlons. [↩]
- Laband, Staatsrecht, édit all., I, p. 696 ; édit. française, II, p. 544, parait trop facilement généraliser ces règles particulières du Code de procédure. On pourrait, tout au plus, songer à la publication de dispositions de police dans le cas où elles s’adressent identiquement à un groupe de personnes. Nous en trouverions un exemple dans les prescriptions qui, d’après Stf. G. B., § 361, chiff. 6, peuvent être faites aux filles soumises : ce ne sont pas des règles de droit, ce ne sont pas des ordonnances, ce sont des actes administratifs ; mais comme il n’y a pas ici de rapport de sujétion spécial, on ne peut pas procéder par des dispositions administratives générales : on a donc jugé que la notification individuelle est indispensable : O. V. G., 10 novembre 1877 ; O. Tr., 21 février 1877. La loi contre les socialistes du 21 octobre 1878, § 28, avait admis que l’ordre d’expulsion pouvait valablement être notifié aux expulsés par la publication (R. G., 19 octobre 1880 ; Samml. Stf. S., Il, p. 348) : mais c’était là une mesure bien exorbitante. [↩]
- Laband, Staatsrecht, éd. all., I, p 695, note 1 ; édit. franç., II, p. 542, note 1. En ce qui concerne les ordonnances, Laband veut distinguer entre les conditions formelles qui échappent à tout contrôle, et les conditions matérielles — y compris spécialement la question du fondement légal suffisant — qui devraient toujours être contrôlées (Staatsrecht, I, p. 609 ; édit. Fr., II, p. 408). Jellinek, Ges. u. Verord, p. 394, note 43, s’y oppose avec raison. Pour l’ordonnance aussi, il ne peut s’agir d’abord que de la question de savoir « si l’autorité, en général, a le pouvoir de faire de pareilles ordonnances ». Dans l’affirmative, tout dépend de la question de savoir s’il y a des compétences organisées pour procéder à un contrôle plus exact de la validité. A cet égard, il n’y a rien de « nécessaire ». [↩]
- Cette institution de l’attestation de la validité de l’acte d’autorité a été surtout exposée à l’occasion de la doctrine de la loi. Celui qui, d’après la Constitution, doit publier la loi, est, en même temps, appelé à attester l’existence des conditions de sa validité ; il le fait tacitement par la publication à laquelle il procède. C’est là l’importance juridique de la promulgation, expédition ou quelqu’autre nom que l’on veuille lui donner ; Laband, Staatsrecht, édit. allem., I, pp. 522 ss. (édit, fr., II, pp. 277 ss.) ; édit. all., I, pp. 549 ss. (édit. fr., II, pp. 321 ss.). Mais le même pouvoir et la même intention existent dans la notification de l’ordonnance ; c’est par une restriction arbitraire que Laband, loc. cit., éd. all., p. 609 (éd. fr., p. 408) veut qu’il ne s’agisse que « d’attester la régularité de la procédure formelle ». Celui qui émet l’ordonnance dit simplement : ceci est une ordonnance valable, sans distinguer. Les particularités qu’il relève dans la disposition (éd. all., loc. cit., I, p. 695, note 1 ; éd. fr., II, p. 542, note 1) dépendent de la même institution ; c’est là un point qui parait lui avoir complètement échappé. [↩]
- Seydel, Bayr. Staatsrecht, III, p. 613 : « Il n’y a d’ordre véritable que celui derrière lequel est la contrainte ». La contrainte, dans ce sens plus général, n’est pas nécessairement une peine de police. Il est donc inexact de considérer comme synonymes la loi de police et la loi pénale de police, l’ordonnance de police et l’ordonnance pénale de police, et de considérer spécialement le caractère comminatoire comme essentiel à la notion de l’ordonnance de police : G. Meyer, Staatsrecht, § 160 ; Rosin, Pol. Verord., p. 55 ; le même dans Wörterbuch, II, p. 279. Voy. Risch dans Dollmann, Bayr. Ges. Gebung, III, III, p. 147. [↩]
- Risch, dans Dollmann, Bayr. Ges. Gebung, III, III, p. 162. [↩]
- Comme exemples principaux, il faut citer les recherches faites par la police, les demandes de renseignements, ou même l’invitation à comparaître en personne dans les bureaux pour donner des renseignements. De ces rapports, R. G., 30 septembre 1880, a, dans un cas concernant l’Alsace-Lorraine, fait une application assez singulière. Un avocat avait, à l’occasion d’une cause qu’il avait plaidée, écrit dans le journal : qu’on n’aille plus dans les bureaux de la police, sur les réquisitions qu’elle adresse à l’effet de fournir des renseignements ; on n’y serait pas obligé. Le Tribunal de l’Empire y voit une excitation à la désobéissance, punissable selon Stf. G. B., § 110. Les autorités de police, dit-il, ont le pouvoir d’entendre, sur des affaires intéressant la police, des personnes susceptibles de donner des renseignements ; il faut donc qu’elles puissent les convoquer dans leurs bureaux ; celles-ci sont donc obligées de comparaître. C’est tout simplement l’argumentation du régime de la police, qui n’existe plus depuis longtemps en Alsace-Lorraine. Le Tribunal de l’Empire ne se dissimule pas que cette obligation n’est nullement exécutoire, que spécialement le « pouvoir d’amener » (zu sistiren) ne doit pas être admis ; une condamnation pour non-comparution est également impossible. Mais cela ne l’empêche pas de déclarer comme constant qu’il y a, au moins, « une obligation de droit public ». Nous craignons fort que, dans l’esprit du Tribunal de l’Empire, l’obligation de droit public des sujets soit une obligation plutôt morale et qui forme tout le contraire d’une véritable et solide obligation juridique. [↩]
- Pour des exemples, voyez note 12 ci-dessus. La notion de l’ordre, en tant qu’acte d’autorité produisant un rapport de droit public, n’a acquis tout son caractère que dans le système du régime du droit. Dans l’ancien régime, il n’y avait aucun intérêt à distinguer d’une manière plus exacte : l’ordre, c’est toute sommation faite par un homme au service du roi, et dont l’inobservation a pour conséquence des mesures de force. Les gendarmes, agents de police, sentinelles, gardes forestiers, employés de la douane et des contributions indirectes, tous ces individus émettent des « ordres » dans ce sens. Aujourd’hui, ce sont de simples menaces, admonitions, etc. ; c’est l’autorité seule qui peut donner des ordres. Mais l’ancienne manière de voir perce toujours encore de temps en temps. Nous voyons dans C. C. H., 12 février 1870 (J. M. Bl., p. 102) la sommation faite par l’agent de police de cesser une conduite contraire aux règlements, traité de « commandement » et de « disposition de police ». Il nous semble aussi que l’exemple d’un « ordre verbal », cité par Laband, Staatsrecht, éd all., I, p. 695 (éd. franç., II, p. 542), donné par un agent de police à un propriétaire de maison pour qu’il fasse nettoyer son trottoir, n’est pas un ordre. C’est un avertissement, une menace de dresser procès-verbal. Que l’ancien sous-officier parle sur le ton du commandement, cela n’a pas d’importance juridique. [↩]
- Rosin, Pol. Verord., pp. 300 ss., estime que, dans le cas où l’ordonnance n’est pas valable, on ne peut pas dire qu’elle soit « mise hors de vigueur » (ausser Kraft gesetzt) ; car ce qui juridiquement n’est pas entré en vigueur « ne peut pas être mis hors de vigueur ». Mais le fait est que l’ordonnance nulle entre cependant en vigueur. Ce n’est pas une pure « apparence », comme Rosin le dit ; c’est une réalité très sérieuse. [↩]
- O. V. G., 19 mai 1877 (Samml. II, p. 358) semble admettre une transmission de l’obligation d’obéir au successeur de l’entreprise que l’ordre visait, au cas de mauvaise foi au jour de l’acquisition. C’est une manière de voir qui sent fort le droit civil. Il y aura une exception au cas de permission de police ; comp. la note 24 du paragraphe suivant. [↩]
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