Section II
Le pouvoir financier (Die Finanzgewalt)
§ 29. Modifications et extinction de la dette
(232) Le but final de l’imposition est l’acquittement de la dette. Créée pour un cas individuel par la règle de droit, la dette s’éteint par le versement de la somme fixée.
A côté de cette extinction régulière, des modifications peuvent se produire, résultant d’institutions spéciales au droit des impôts.
I. — Pour mener à bonne fin le rapport juridique créé par l’imposition légale, les deux parties ont à faire des actes en vue de conserver leurs droits : l’administration des finances, pour faire valoir le droit à l’impôt ; le sujet, pour se défendre contre des prétentions mal fondées. Faute par eux de l’avoir fait à temps, ils éprouvent certains préjudices concernant le rapport originaire ; ils encourent des déchéances.
Du côté de l’Etat, l’omission de faire valoir sa créance amène la perte de cette créance. Cela s’opère de deux manières : par l’exclusion d’une cotisation supplémentaire et par la prescription.
1) Toute créance d’impôt a un terme et doit régulièrement être réalisée à ce terme. L’origine de la dette d’impôt influe sur la détermination du terme ; cette dette nous est connue par l’apparition des faits auxquels elle s’attache, et, dans le cas d’impôt permanent, par le retour de l’époque de son imposition périodique. La réalisation de la dette d’impôt après l’époque (233) où régulièrement elle devait être attendue s’appelle une perception supplémentaire (Nachholung).
Ces réalisations tardives, étant incertaines et inattendues, peuvent présenter pour le débiteur une aggravation. Aussi la loi positive accordera peut-être certains délais.
Comme pour toutes les créances, le principe est que le simple retard à la faire valoir ne compromet pas l’existence de la créance elle-même1. Et il serait indifférent que le retard ait eu lieu dans la constatation et dans la fixation de la dette ou seulement dans l’encaissement effectif.
Mais quand on parle de perception supplémentaire, on a spécialement en vue la fixation tardive, parce qu’ici l’admissibilité à cause de motifs spéciaux peut devenir douteuse. Ces causes spéciales n’existent que pour l’impôt direct ; en effet, chez celui-ci, la constatation se fait par l’acte administratif formel de la cotisation, qui fixe d’autorité le montant d’impôt dû par l’individu. Cet acte, — comme le jugement de condamnation en matière criminelle, avec lequel il a une certaine affinité juridique (§ 27, III, no 1 ci-dessus), — est soumis à la maxime : ne bis in idem. Il ne peut être changé qu’autant que la loi le permet. Mais la loi ne le fait que de deux manières : au profit du débiteur ; sur sa réclamation, un nouvel examen a lieu par l’autorité invoquée ; contre lui, dans le cas où, par sa faute, par une violation des devoirs qui lui (234) incombent dans la procédure préparatoire, ou par suite d’autres faits contraires à la loi, la cotisation est devenue incomplète, dans le cas de fraude (Comp. § 31 ci-dessous).
En dehors de ces cas, l’acte est intangible; l’impôt direct est lié par la cotisation ; il ne peut être perçu qu’en vertu et en conformité de la cotisation ; une perception supplémentaire qui serait en contradiction avec cette cotisation est donc exclue, même si en face de la dette d’impôt légale la cotisation était insuffisante.
Mais l’exclusion de la perception supplémentaire repose uniquement sur la force de l’acte administratif émis. Il ne s’agit ici que d’omission partielle ; quand il n’y a pas eu de cotisation du tout, la perception supplémentaire, moyennant un acte administratif nouveau, est possible jusqu’à la prescription.
De là résulte la règle, si souvent répétée, qu’une perception supplémentaire pour omission dans la constatation de la dette d’impôt n’est admissible, pour les impôts directs, qu’aux cas d’omission et de fraude.
Ou mieux encore : la cotisation effective de l’impôt direct libère le débiteur de l’excédent de sa dette d’impôt, le cas de la fraude excepté2.
(235) Toutes autres perceptions supplémentaires pour impôts directs ou indirects sont possibles.
2) La prescription n’est pas une institution générale du droit public ; l’exercice du pouvoir de police, par exemple, ne souffre pas d’entrave raison du temps qui s’est écoulé. Pour les créances d’impôt, au contraire, elle est reconnue partout et réglée par des lois générales sur la prescription des impôts et taxes ou par les lois des différentes espèces d’impôts. Le délai de la prescription est généralement court : trois à quatre ans en général.
Mais on distingue deux sortes d’effets destructifs du temps quant aux droits de l’administration de l’impôt.
La première est la prescription de l’impôt proprement dite, la prescription de l’arriéré. C’est d’elle qu’on veut parler quand on dit simplement « prescription de l’impôt ».
Elle suppose une créance d’impôt échue; elle suppose donc, dans l’impôt indirect, l’existence des faits auxquels la dette d’impôt s’attache, et, dans l’impôt direct, l’acte administratif, qui rend la perception possible. Pour les deux, l’échéance peut être remise par des délais de paiement accordés par la loi ou d’une façon spéciale.
La prescription court soit de l’échéance, soit, pour simplifier la comptabilité, de la clôture de l’exercice pendant lequel l’échéance a eu lieu3.
(236) La prescription est interrompue par tout acte de l’administration dirigé contre le débiteur dans le but de percevoir l’impôt, quand cet acte saisit effectivement le débiteur et montre que l’administration cesse ainsi d’être inactive vis-à-vis de lui. La forme la plus importante est la sommation de payer, l’introduction de la contrainte administrative (Comp. § 32 ci-dessous). Le même effet est attaché à la signification de la demande ou à la production à la faillite. Il suffit aussi de l’acte par lequel un délai de paiement est accordé : dans ce cas encore, l’administration sort de son inactivité.
La loi peut admettre aussi les autres causes d’interruption du droit civil, en particulier la reconnaissance de la dette faite par le débiteur ou simplement la demande d’un délai qui implique la reconnaissance. Ces causes ne s’appliquent pas ici de plein droit4. En principe il n’y a pas lieu d’appliquer simplement les règles du droit civil ; notre institution du droit public a son existence propre.
Si l’on veut faire une comparaison, l’extinction de la créance d’impôt par l’écoulement d’un certain temps ressemble plutôt à la prescription de la condamnation criminelle qu’à la prescription civile. Il s’agit d’un exercice de la puissance publique qui doit devenir impossible par l’écoulement du temps. Ce résultat ne peut être empêché que par tout acte de l’autorité chargée de l’exécution « tendant à l’exécution de la peine » (Stf. G. B. § 72), disons ici « à la perception de l’impôt ». Les prescriptions du droit public ont toutes plutôt le caractère de délais de forclusion.
(237) A côté de cela, il y a la seconde espèce de prescription, dans laquelle la fixation de l’impôt par acte d’autorité devient impossible après un certain délai fixé par la loi.
Il s’agit donc d’un cas de perception supplémentaire analogue à celui que nous avons vu au no 1 ci-dessus.
Pour que cette prescription ait lieu, il faut que la perception supplémentaire ne soit pas déjà exclue dès le commencement. Ainsi, dans les impôts directs, ne pourrait-elle avoir son effet que dans les cas d’omission et de fraude.
Mais dans ces cas, elle comble une lacune ; car ici la créance de l’impôt ne serait pas soumise à la prescription de l’arriéré ; elle ne devient exigible que par la fixation, qui apparaît ici dans la forme d’un acte administratif déterminant l’exécution de la dette d’impôt. Sans la fixation, il n’y a donc pas d’arriéré dans le sens que nous avons exposé, et, par conséquent, pas de prescription de l’arriéré. D’où cette conséquence, qu’en l’absence de cette seconde sorte de prescription, dans le cas d’omission ou de fraude, la perception supplémentaire de l’impôt direct ne serait soumise à aucune limite de temps5.
(238) Il en est tout autrement, à cet égard, des impôts indirects. La fixation de la dette d’impôt est ici un simple calcul qui peut avoir eu lieu sans se manifester an dehors, à la différence de l’acte administratif qui n’a d’effet que par sa notification ; on ne peut donc pas faire dépendre le cours de la prescription du fait que cette fixation a eu lieu ou non, fait qui n’est pas nécessairement connu des intéressés.
Mais, avant tout, une seconde espèce de prescription est ici sans aucune utilité ; la première suffit et embrasse tous les cas possibles : l’impôt indirect devient exigible immédiatement après la naissance de la dette légale, abstraction faite d’un ajournement spécial, du moment où il a pu être fixé et perçu ; il est ainsi, tout de suite, en état d’arriéré ; la prescription de l’arriéré commence donc à courir.
Dès lors, si la loi fait ici une différence suivant que la fixation a eu lieu ou non, si elle calcule certains délais de prescription d’une manière différente, il ne s’agit en réalité que de particularités assez arbitraires dans la sphère commune de la prescription d’arriéré6.
Dans l’impôt direct, au contraire, cette seconde sorte de prescription a pleinement son caractère propre : ce n’est pas la créance qui est prescrite; mais l’acte qui (239) est nécessaire pour la réaliser devient impossible ; l’existence de la créance n’est touchée qu’indirectement. L’interruption de cette prescription ne se fait pas par une mesure quelconque tendant à faire valoir la créance, mais uniquement par l’accomplissement de l’acte en retard7. La législation, comme les auteurs, aime donc à la placer en opposition avec la prescription de l’arriéré ; cette dernière seule est, pour cette matière, la prescription ; l’autre est plutôt considérée comme un délai de forclusion pour l’acte de puissance publique. Mais la prescription de l’arriéré, en l’examinant de près, n’est pas autre chose. Seulement, les habitudes du droit civil admettent plus facilement l’idée de la prescription ici — où il s’agit de l’encaissement d’une somme d’argent devenu impossible — que dans l’effet si peu familier de l’impassibilité d’un acte d’autorité. Mais, si l’on veut faire des comparaisons, nous avons devant nous le modèle du droit pénal, dont il était déjà question tout à l’heure. De même que la prescription de l’arriéré correspond à la prescription de l’exécution de la condamnation prononcée, de même l’impossibilité de l’acte de cotisation par suite de l’écoulement du temps correspond à la prescription des poursuites pénales qui exclue le jugement de condamnation. Le nom de prescription, dans tous ces cas, est exact et ne l’est pas.
II. — Du côté du sujet, l’omission de faire en temps utile certains actes amène la perte du droit de faire annuler une imposition illégale.
Ici il ne s’agit toujours que d’une forclusion, ayant son analogie dans la prescription de la seconde sorte (240) dont nous venons de parler. Elle agit de deux manières :
1) Par la perte du droit de recours contre un acte administratif. Cette institution trouve son application dans les impôts directs.
La cotisation peut, dès le commencement, être contraire à la dette d’impôt légale. L’acte a été émis contre une personne qui n’était pas débitrice, ou contre le débiteur mais pour une somme trop élevée. L’acte est néanmoins obligatoire aussi longtemps qu’il n’est pas modifié par la voie prévue dans la loi. Il se peut qu’une autorité supérieure soit appelée à intervenir d’office en faveur de l’intéressé. La voie régulière, c’est le recours formé par l’intéressé, la réclamation.
Sur cette réclamation, il sera alors statué comme en matière de recours formel ou comme en matière de justice administrative, d’après la manière dont la loi a organisé la voie de droit. Mais pour élever la réclamation, il y a de courts délais qui comptent de la notification de la cotisation. Ce sont des délais de forclusion8. Ce délai passé, la dette d’impôt reste telle que l’acte l’a déterminée.
La contradiction de la cotisation avec ses bases légales peut aussi survenir après coup, par les changements qui s’opèrent dans les circonstances extérieures. Cela peut surtout arriver dans les cotisations qui fixent, pour une certaine durée, l’impôt dû périodiquement ou certaines parties de la dette d’impôt, dans les impôts de cadastre (Comp. § 27, III, no 1 ci-dessus). Le changement de l’objet ou de la personne opère également un changement dans l’obligation légale de payer l’impôt. Cet effet est d’ordinaire remis aux (241) clôtures de mois, clôtures d’années. Mais même alors, il ne fait pas tomber de plein droit l’acte administratif ; il ne fournit qu’un motif de le modifier ; et aussi longtemps qu’il n’est pas modifié, il produit son effet. Cette modification peut se faire d’office. Généralement, elle résulte d’une réclamation de l’intéressé, qui demande une modification immédiate ou à partir d’une époque ultérieure.
La réclamation se présente sous la forme d’une dénonciation du changement intervenu, déclaration de cessation de commerce, demande de transcription, demande de défalcation, etc. S’il n’est pas donné suite à la réclamation, elle aboutit à un recours formel dont les effets rétroagissent au moment de la réclamation. L’omission de la réclamation laisse subsister pour cette période la cotisation, qui pourtant n’est plus justifiée. La dette d’impôt ne repose plus alors sur la loi qui règle l’imposition, mais uniquement sur la force formelle de l’acte administratif.
2) La perte de la demande en restitution par suite de l’expiration du délai. Une charge contraire à la loi peut avoir été établie par l’encaissement d’un impôt qui n’est pas dû : soit que cet impôt ait été payé de bon gré, soit qu’il ait été perçu par contrainte. Alors, la défense de l’intéressé prend la forme d’une action en répétition. Par cette action, l’intéressé demande que la dette d’impôt soit déclarée non existante, et que la restitution de l’indû soit ordonnée. Les formes et les compétences dépendent de l’organisation des voies de droit. Mais des délais peuvent être impartis pour élever cette prétention ; l’inobservation de ces délais rend la prétention inexistante.
Pour l’impôt direct, la prétention est soumise dès le commencement à une restriction résultant de l’effet juridique propre de la cotisation. Quand la perception a eu lieu conformément à la cotisation, elle est couverte (242) par cette dernière. La répétition ne pourra se faire qu’en attaquant en même temps la cotisation elle-même et en observant les formes et délais qui s’y rapportent.
Il ne reste donc ici que le cas dans lequel la perception a eu lieu contrairement à la cotisation fixée ou même sans cotisation. Pour les répétitions résultant d’une telle faute, la loi n’a pas toujours fixé de délais ; elles sont alors illimitées au point de vue du temps9.
Pour l’impôt indirect au contraire, le contrôle de la légalité conserve le champ libre. La fixation de l’impôt, alors même qu’elle aurait eu lieu avant la perception et en dehors de celle-ci, ne forme pas un centre de la procédure, imprimant à tout ce qui suit sa propre force obligatoire. Le seul acte qui pourra être attaqué, c’est l’encaissement. C’est à partir de cet acte que courent les délais de forclusion que la loi a fixés10. Ils sont, comme partout dans cette matière, de courte durée ; ils courent même contre des personnes qui ailleurs sont favorisées ; ils ne sont interrompus que par l’introduction du moyen de droit11.
III. — Dans une certaine mesure, l’autorité peut disposer (243) de l’impôt dû. Cela se fait par ce qu’on appelle la convention sur la dette d’impôt et par la remise de cette dette.
1) La convention sur la dette d’impôt. Chose très ordinaire pour le droit ancien, des conventions pareilles sont, dans l’ordre des choses actuelles, exclues en principe : le pouvoir exécutif ne peut pas, par une entente avec le débiteur de l’impôt, être dégagé de l’exécution de la règle de droit qui fixe l’impôt, et accepter moins qu’elle n’ordonne12. D’un autre côté, le consentement de cette personne pourra peut-être l’autoriser à prendre plus ; mais cela ne deviendra jamais une dette d’impôt.
Il n’y a qu’un cas exceptionnel très restreint pour lequel aujourd’hui encore il est question d’une fixation conventionnelle de la dette d’impôt. Il est des circonstances dans lesquelles les conditions de fait, dont la dette dépend, sont spécialement difficiles à reconnaître et à constater. La loi donne alors l’autorisation de remplacer l’application exacte de la règle de droit par une simple estimation, une évaluation à peu près juste. Un forfait, un aversum est fixé par une résolution de l’autorité ; une certaine collaboration est concédée au débiteur pour défendre ses intérêts. On appelle cela accommodement, abonnement, contrat de fixation, composition, règlement conventionnel de la dette d’impôt. Ce n’est pas un contrat dans le vrai sens (244) du mot ; c’est un acte administratif qui, en vertu de la loi, et en usant du concours du débiteur, fixe le montant de la dette d’impôt par une appréciation libre jusqu’à un certain point.
Des fixations semblables s’appliquent dans une mesure restreinte aux impôts directs13. Leur sphère principale est représentée par les impôts indirects sur les boissons : vin, bière, alcool. Mais le procédé n’est pas partout le même ; cet élément, auquel s’attache la désignation de contrat, le concours du débiteur, apparaît avec une importance juridique différente.
La loi, se trouvant en face d’une industrie dont les produits devraient être soumis à l’impôt indirect, peut permettre la fixation de l’impôt sur la base d’une évaluation de la productivité, même sans le consentement de l’entrepreneur. C’est seulement une condition de forme, que l’intéressé soit entendu14.
Elle peut aussi faire dépendre de la demande de l’entrepreneur la mise en œuvre de la procédure de fixation ; cette demande une fois faite, l’autorité fixe le montant de l’impôt librement15.
Enfin, elle peut prescrire que la fixation elle-même ne pourra avoir lieu que si l’entrepreneur approuve son contenu16.
C’est seulement dans ce dernier cas qu’on pourrait penser à un contrat. Mais dans ce cas, comme dans les (245) autres, c’est l’acte administratif seul qui produit l’effet juridique ; le concours du débiteur n’est qu’un accessoire dont la valeur est tout au plus celle d’une condition remplie.
L’effet, c’est la détermination de l’impôt qui est dû d’après la loi. La somme fixée conserve cette nature malgré le « contrat ». La surveillance de l’établissement par les fonctionnaires, telle qu’elle est instituée par l’impôt, subsiste en grande partie. Les règles concernant la prescription, les délais de paiement, la remise, l’exécution par contrainte continuent à être applicables17.
Un changement s’est produit en ce sens que l’impôt s’est maintenant rapproché de l’impôt direct. Il est fixé par un acte administratif et dû immédiatement en vertu de cet acte.
Cette fixation, sur le modèle de certaines cotisations d’impôts directs, dans le cas d’un changement dans la personne de l’entrepreneur, passe d’elle-même sur la tête du nouveau propriétaire.
Le soi-disant contrat de fixation peut être résilié, pour des causes déterminées, par l’une et par l’autre des parties contractantes. C’est de la part de l’autorité, par le retrait de l’acte administratif. De la part du débiteur, par un agissement qui a même nature qu’une déclaration faite pour obtenir la modification d’une cotisation d’impôt direct. Les causes qui l’autorisent à agir ainsi sont des changements dans les bases réelles de la fixation (changement d’entrepreneur, chômage d’une certaine durée). Ces causes n’agissent pas par elles-mêmes, mais seulement par l’intermédiaire de l’acte qui les reconnaît ; leur effet, comme celui des réclamations contre les impôts directs, se produit à des termes fixes, par exemple à la fin du mois18.
(246) L’impôt sur les boissons, dont il s’agit, ne devient pas pour cela un véritable impôt direct. Pour ce dernier, l’acte administratif qui intervient est essentiel ; ici il n’est qu’une circonstance particulière modifiant la marche Ordinaire de la procédure.
2) La remise de l’impôt. La remise de l’impôt est l’extinction de la dette d’impôt à raison de la renonciation faite par le créancier.
Elle diffère de l’exemption de l’impôt, qui représente une exception à l’imposition, exception contenue dans la règle de droit de l’impôt elle-même. Grâce à cette exception, la règle ne s’applique pas à un cas que, sans cela, elle embrasserait ; la dette d’impôt ne naît pas. La remise de l’impôt, au contraire, suppose une dette d’impôt née.
Elle diffère de la résiliation de la dette d’impôt conditionnelle. Cette dernière, en effet, ne s’effectue pas par une renonciation, mais par l’accomplissement même de la condition, l’imposition ne pouvant plus avoir d’effet dans ce cas19.
Enfin, elle diffère de la déclaration de non valeur concernant les dettes d’impôt irrécouvrables, et qui est seulement une mesure de comptabilité, laissant la dette d’impôt intacte.
La remise de l’impôt est l’annulation d’une dette d’impôt existante par une disposition de l’autorité. C’est donc une aliénation d’un bien de l’Etat et une aliénation volontaire sans équivalent. Mais ce n’est pas ce qui, en première ligne, donne à cet acte son caractère (247) juridique. Faire des sacrifices semblables, octroyer des avantages pécuniaires, tout cela est sous-entendu de maintes façons dans la mission générale des autorités administratives de gérer les affaires de l’Etat. L’essentiel est, comme dans le contrat sur l’impôt, que la renonciation à la dette d’impôt signifie une dérogation la force obligatoire de la règle de droit qui a ordonné l’impôt20.
La loi d’impôt, en obligeant les sujets, lie en même temps le pouvoir exécutif pour la réalisation de cette obligation. Le pouvoir exécutif ne peut s’en dispenser et renoncer l’impôt qu’autant que cela lui est réservé par une autorisation de la loi.
Un droit général du gouvernement de renoncer à toute créance d’impôt, un droit de grâce en matière d’impôt n’existe pas21. La loi ne permet la remise (248) que pour des causes déterminées et valables seulement pour l’espèce d’impôt pour laquelle elles ont été reconnues.
La cause de la remise vise toujours le cas où, chez le débiteur, des diminutions de valeur, des pertes, des rendements inférieurs se sont produits après coup, qui font paraître injuste de demander encore un impôt qui a été établi en considération de la possession de ces valeurs.
La loi peut directement prescrire la remise pour le cas où certaines conditions sont remplies. Elle peut aussi laisser une certaine latitude à la libre appréciation de l’autorité pour accorder, dans ces cas, la remise ou la refuser, en prenant en considération l’équité et l’intérêt des finances.
Cela fait pour le contribuable qui demande la remise une différence importante.
Dans le premier cas, il a un droit ; pour le faire valoir, une voie de droit sera ouverte, soit recours formel, soit justice administrative ; tout cela n’est pas indispensable pour l’existence du droit, comme nous l’avons vu (Comp. tome I, § 12 ci-dessus).
Dans d’autres cas, il s’agit d’une simple pétition, d’une invocation des considérations d’équité que l’autorité appréciera selon son devoir ; cela se terminera dans la procédure administrative ordinaire22.
(249) Une remise d’impôt faite sans fondement légal n’est pas valable, de quelqu’autorité qu’elle émane.
Il n’y a nullité que dans le cas où l’acte sort des limites de la compétence générale de celui qui l’a émis. Autrement, l’acte même nul garde son effet jusqu’à ce qu’il ait été annulé par une autorité compétente. Au débiteur d’impôt, cela va sans dire, il ne sera pas donné de moyen de droit pour amener cette annulation. Et si la remise non valable émane du prince en personne, à moins que des droits de contrôle spéciaux n’aient été organisés à cette fin, personne ne pourra annuler son acte, excepté lui-même qui pourra le retirer. Les autorités et la représentation nationale pourront exercer leur influence pour obtenir ce résultat ; la personne favorisée n’a aucun droit à être maintenue dans les avantages de cet acte ; elle n’est pas lésée dans ses droits, quand on le retire23.
Que le ministre qui a contresigné l’acte puisse être rendu responsable du préjudice qui en résulte pour l’Etat, c’est une autre question.
- Bornhak, Preuss. St. R. III, p. 518, semble vouloir dire que la perception supplémentaire ne devient admissible que par une permission spéciale de la loi : « L’impôt n’est-il pas exigé à cette époque, la perception est encore admissible d’après la loi du 18 juin 1840 sous certaines conditions ». Naturellement, quand la loi dit : la perception supplémentaire est admissible sous telles et telles conditions, elle exclut cette perception pour les autres cas, même si elle ne l’énonce pas expressément, comme la loi de 1840 l’a fait pour le cas principal. Pour l’appréciation juridique de la loi et pour son interprétation, cette exclusion de la perception supplémentaire est le point principal et essentiel pour déterminer ce qu’elle comporte de nouveau. [↩]
- La règle se trouve formulée pour la première fois dans la loi prussienne du 18 juin 1840 sur les réclamations et délais de prescription concernant les contributions publiques, § 6 : la perception supplémentaire des impôts directs n’a lieu que dans le cas d’une omission complète ; de plus, d’après le § 10, dans le cas d’une « contravention contre les lois d’impôt ». Dans ce dernier cas, il est dit que « la perception supplémentaire ne se prescrit que simultanément avec la punition légale » ; mais par les autres prescriptions qu’elle veut rendre inapplicables ainsi, la loi entend aussi l’exclusion de la perception par une cotisation incomplète. Cette confusion se trouve encore ailleurs, par exemple chez v. Roenne, Preuss. St. R. IV, p. 863. La véritable idée est indiquée par Seydel, Bayr. St. R. IV, p. 201 : l’inadmissibilité de la perception supplémentaire repose sur la « force de la chose jugée de la fixation de l’impôt ». De chose jugée dans le sens strict de la procédure civile et de la justice administrative (Comp. § 13, II ci-dessus), il ne peut pas être question ici, cela va sans dire ; on veut simplement parler de l’acte administratif inaltérable. Il ne faut pas vouloir en conclure que la même fixité de la dette d’impôt, entraînant la perte de l’excédent, devrait toujours exister dans les impôts indirects, aussitôt que, pour une raison quelconque, il intervient un acte administratif déterminant l’impôt. Cela peut se faire dans la résolution de l’autorité douanière qui, statuant sur la peine, ordonne en même temps l’acquittement des droits fraudés (loi sur les douanes, § 135; Löbe, Zollstrafrecht, p. 63); l’ajournement accordé peut aussi renfermer une fixation pareille (Comp. § 27, III, 2). Il faut examiner si cet acte administratif a le même caractère inaltérable que la cotisation ; cela sera le cas de la résolution pénale, mais non de l’acte d’ajournement. [↩]
- Loi pruss. 18 juin 1840, § 8 (et § 7); loi bavar. 28 déc. 1871, § 32 ; loi badoise, 21 juillet 1839, art. 1. [↩]
- Dans BI. f. adm. Pr. XXV, p. 1888, par exemple, on veut tout simplement appliquer à notre matière les règles du droit civil. De même Hock, Handbuch d. Finanzverwaltung, I, p. 329, veut admettre une prescription suspendue dans le cas où les fonctionnaires chargés de la perception ignorent l’existence de la créance d’impôt, d’après la maxime : contra non patentent agere non currit praescriptio. Tout cela ne peut pas nous intéresser. [↩]
- Dans ces cas, on sera disposé, pour combler la lacune, à étendre la prescription légale de l’impôt au cas où la cotisation a été omise. Un exemple s’offre dans la loi bav. sur les droits de succession, où l’on a prévu une prescription d’arriéré, mais non pas une prescription de la cotisation à fixer. On a cependant voulu faire courir la prescription dans le cas où la cotisation, c’est-à-dire la fixation d’autorité de la dette d’impôt a été complètement omise ; l’on a invoqué dans ce but l’analogie du droit civil en ce qui concerne la prescription de créances exigibles après dénonciation. Mais il n’y a pas de comparaison possible entre la dénonciation et la cotisation. Donc Seydel, Bayr. St. R. IV, p. 200, décide avec raison : « si l’on a omis de fixer le droit (de succession) en temps utile, on peut le faire après coup à tout moment ». Il ajoute : « L’impôt a-t-il été fixé à une somme insuffisante, la perception supplémentaire sera admissible dans le délai de la prescription (de l’arriéré), mais seulement dans le cas où l’insuffisance de la fixation a eu pour cause le dol du débiteur ». La restriction au cas de dol résulte, comme nous l’avons expliqué, de la force de l’acte administratif qui éteint l’excédent. Mais pourquoi la perception supplémentaire rendue admissible par le dol doit-elle être soumise à la prescription d’arriéré? L’excédent n’est cependant pas devenu, par suite de l’acte incomplet, une créance d’impôt échue. [↩]
- Loi pruss., 1840 § 7 et 8 établit pour les deux sortes d’impôts directs et indirects, un délai de prescription de 4 ans, dans le cas où ils sont mis en perception (zur Hebung gestellt). L’impôt qui n’est pas mis en perception se prescrit par un an. Ce dernier délai ne s’applique qu’aux impôts indirects, la cotisation supplémentaire des impôts directs étant réglée d’une manière spéciale. Mais la mise en perception pour les impôts indirects ne présente d’importance que pour le service intérieur des autorités. La loi sur les douanes du 1er juillet 1869 n’a pas adopté cette distinction si peu motivée : « Toutes les créances et réclamations supplémentaires en matière de droits de douanes se prescrivent dans le délai d’un an, à compter de la naissance de la dette » (§15). [↩]
- Et par l’accomplissement effectif, ce qui comprend également la notification de l’acte à l’intéressé; circulaire du ministre des fin. pruss. chez Winiker, Gesetzl. Vorschriften über die Gewerbesteuer, p. 222. Cela fait déjà une grande différence avec la simple mise en perception (Comp. la note 6 ci ci-dessus). [↩]
- Sur le caractère juridique de ces délais, comp. O. V. G. 28 nov. 1888. [↩]
- L’ord. bad .13 janv., 1857 concernant l’exécution par contrainte des dettes dépendant du droit public, § 13 ss., a réglé avec un soin particulier les moyens de protection contre les perceptions incorrectes. Quand on a omis, de faire valoir ces moyens dans la procédure même, tous les droits subsistent en ce qui concerne la répétition. — La loi pruss. 18 juin 1840 s’occupe du cas d’un impôt direct non pas exactement cotisé, mais incorrectement perçu. La conséquence en est que la répétition doit pouvoir se faire ici sans limite. [↩]
- Sur l’admissibilité d’une demande en constatation préalable : Oppenhoff, Ressortverhältnisse, p. 553, note 18. [↩]
- Le délai est ordinairement considéré comme un véritable délai de prescription, surtout quand la répétition peut se faire par une demande devant les tribunaux civils, comme d’après la loi pruss. 4 mai 1861, § 11. Dans ce sens surtout R. G. 27 sept. 1886 (Samml. XVII, p. 206 ss.). Cela est conforme à l’opinion en faveur, d’après laquelle il s’agit d’une condictio indebiti ordinaire. O. Tr. 24 fév. 1866 (Str. LXX, p.92) ; min. de l’int. de Saxe, 4 juillet 1882 (Sächs. Ztschft f. P. IV, p. 70) ; Gouvernement de la haute Bavière, 22 oct. 1886 (Reger,. IX, p. 146). [↩]
- On pourrait encore penser à la possibilité d’un contrat par lequel les détenteurs du pouvoir qui détermine les règles de droit de l’impôt s’engageraient à faire une exception au profit de l’autre partie contractante. Pour la loi souveraine, le contrat n’aurait pas de force obligatoire ; mais pour les êtres juridiques inférieurs (les administrations municipales par exemple) qui disposent de ces droits d’imposer des charges, il y a là un moyen de restreindre ces droits. Mais des contrats pareils sont considérés aujourd’hui comme contraires aux bonnes mœurs et inadmissibles. Ainsi en a-t-il été jugé des contrats entre communes et sociétés de chemins de fer, tendant à restreindre au profit de ces dernières les impositions, communales futures : O. V. G., 28 mai 1885; R. G.14 mai 1884 (Samml. XII, p, 273). [↩]
- Un exemple dans la loi bav. concernant les droits sur les successions, 18 août 1879, art. 36 : le ministère des finances est autorisé à accepter, sur la demande du débiteur, un forfait du droit sur la succession. L’acceptation s’opère par une résolution à notifier au débiteur, résolution qui remplace la cotisation établie par le Rentamt. [↩]
- Ainsi loi d’imp. sur l’alcool, 24 juillet 1887, § 13; résol. du Bundesrath, 27 sept. 1887, no 8 (Centr. BI. 1887, p. 351), Keilwagen, die Besteuerung des Branntweins. [↩]
- Ainsi loi franç. 28 avril 1816 concernant l’impôt sur les débitants de boissons, en vigueur en Als.-Lorr. jusqu’en 1873. On parle ici d’un abonnement. [↩]
- Ainsi loi d’impôt sur la bière, 31 mars 1872, § 4 : règlement d’exécution, 5 juillet 1888 (Centr. BI., 1888, p. 709 ss.). [↩]
- Centr. BI., 1888, p. 710, 715 (§ 10 du formulaire). [↩]
- Centr. BI., 1888, p. 711. [↩]
- L’exemple principa1 est fourni par l’admission temporaire (Comp. § 28, III). G. Meyer, V. R. II, p. 337, appelle « remise des droits crédités » non seulement le déchargement de l’importation par la condition de la réexportation accomplie, mais encore les cas mentionnés dans la loi sur les douanes §§ 112, al. 1, 113, 114, 115, al. 2, où il s’agit d’exemptions légales des droits de douanes. Ce sont trois choses toutes différentes. Que la loi parle partout, de remise, cela ne nous dispense pas de distinguer ce qui juridiquement présente tant de différences. [↩]
- Cela ne s’applique pas à la renonciation à des créances fucales du droit civil ; donc, leur remise tombe sous une appréciation différente ; Laband, dans Arch. f. öff. R. VII, p. 189. [↩]
- A l’occasion de l’affaire que nous avons mentionnée tome I, § 7 note 11 ci-dessus, la question fut discutée de savoir s’il existe une prérogative de la couronne du roi de Prusse qui l’autoriserait à contrecarrer par une remise de l’impôt l’exécution de toutes les lois d’impôt. On a cru pouvoir en faire la preuve en invoquant le fait que le roi, déjà avant l’établissement de la constitution, avait, non seulement en matière pénale mais aussi en matière d’impôt et de rétribution, le droit absolu de faire grâce : et puisqu’on ne peut produire aucun article de la constitution qui aurait aboli ce droit, on doit en conclure qu’il subsiste. En ce sens, Laband dans Arch. f. öff. R. VII, p. 190 ; Curtius dans Annalen 1893, p. 670 ss. Mais il n’est pas admissible de transplanter ainsi de la période de l’absolutisme à l’époque constitutionnelle, des droits déterminés du roi. Le roi de Prusse, avant la constitution, n’avait pas des droits déterminés, mais toute la puissance publique. Il l’a aujourd’hui encore, seulement il ne dispose plus librement de la loi ; doit respecter, comme détenteur du pouvoir exécutif, la sphère attribuée à la puissance de la loi. Ce serait aller à l’encontre de cette restriction que de reconnaître aujourd’hui des droits au roi, pour pouvoir opposer d’une manière extraordinaire, comme Laband l’exprime, « un veto contre le cours de la loi et du droit ». Nous en avons un exemple dans le droit reconnut par la loi de faire grâce en matière pénale. Avant la constitution, le roi n’avait pas ce droit et ne pouvait pas l’avoir, puisque la sphère de puissance qui le restreint, et qui donne son contenu au droit, n’existait pas encore. Dans le pouvoir exécutif, qui, d’après la constitution, lui appartient à lui seul, sont comprises toutes sortes de choses ; mais il y est également compris que le roi est lié par la loi d’une manière absolue ; et il ne peut être dégagé de ce lien que d’après les règles de la constitution elle-même. — Il n’existe, du reste, aucun besoin d’un droit général de faire grâce en matière d’impôt. L’exemple cité par Laband, Arch. f. öff. R. VII, p, 190, note 14, prouve le contraire : les héritiers de l’homme riche tué dans un accident de chemin de fer sur le réseau de l’Etat seront indemnisés d’après la loi sur la responsabilité du chemin de fer, comme ceux de l’homme pauvre ; d’ordinaire, ils toucheront même plus que ces derniers ; pourquoi leur faire cadeau encore, par-dessus le marché, d’un droit de succession de 10.000 M.? [↩]
- Sur la différence entre ces deux cas : Seydel, Bayr, St, R. IV, p. 201 ss., p. 207. Loi de l’impôt sur le tabac, §24, al. 3, les distingue par les expressions : une remise de l’impôt « doit » avoir lieu, et « peut » avoir lieu. Si Seydel, loc. cit., p. 207, désigne le second cas de « concession par voie de grâce », cela dit trop. La grâce suppose que celui qui l’accorde n’est pas juridiquement responsable de cet acte. [↩]
- Joël dans Annalen 1891, p. 418 déclare : « le sujet auquel l’impôt a été ainsi remis par la couronne sans fondement juridique peut être, après le refus de la représentation nationale de donner son approbation, astreint à acquitter l’impôt après coup ». Est-ce que l’autorité fiscale ordinaire devra pouvoir traiter comme non avenu un acte du roi? Le roi est, dans toutes les affaires administratives, dans la sphère de sa compétence générale : il faudrait un droit de contrôle spécial, auquel ces autorités ne sont pas appelées. Il en serait autrement s’il s’agissait d’une usurpation sur le domaine de la justice. [↩]
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