D’emblée, il convient de préciser que la présente contribution n‘a pas vocation à traiter des régimes fiscaux applicables aux installations agrivoltaïques, mais plutôt à questionner la place de la fiscalité dans le déploiement des projets agrivoltaïques, qui à bien des égards ne semble pas aussi acquis que l’on pourrait le penser. Pour bien comprendre les enjeux attachés au développement de l’agrivoltaïsme, il est indispensable de bien appréhender ce que recouvrent la notion d’installation agrivoltaïque et le régime juridique qui y est associé (I.) mais aussi de prendre conscience de la multiplicité des obstacles auxquels sont confrontés les porteurs de projets (II.).
I. Un nouveau régime juridique au soutien des projets agrivoltaïques
Il aura fallu attendre l’intervention de la loi d’accélération des énergies renouvelables du 10 mars 2023, dite loi « APER 1» pour que le législateur s’attache à définir l’agrivoltaïsme et à instituer un régime autonome des autres projets photovoltaïques implantés en zone agricole. (A). Toutefois, les lenteurs qui affectent la construction de ce régime pourraient nuire à l’objectif affiché de faire prévaloir l’agrivoltaïsme sur les autres types de projets photovoltaïques admissibles en zone agricole (B).
A. Un régime en faveur des projets agrivoltaïques au détriment des projets agri-compatibles
Schématiquement, l’agrivoltaïsme consiste, sur une même parcelle, à faire cohabiter l’exploitation d’une activité agricole et d’une activité de production d’énergie au moyen de modules photovoltaïques.
Pourtant, se limiter à ces seuls éléments de définition apparaîtrait parfaitement réducteur eu égard aux enjeux parfois quasi antagonistes qui sous-tendent le développement des projets agrivoltaïques.
En effet, et d’une part, le législateur cherche depuis plusieurs années à limiter drastiquement la consommation d’espaces agricoles pour des activités non agricoles et à limiter l’artificialisation de ces terres jusqu’à atteindre un objectif de « zéro artificialisation nette des sols »2. Concomitamment, et d’autre part, les efforts législatifs destinés à accélérer le développement des énergies renouvelables sur le territoire français se sont multipliés ces dernières années avec la fixation d’objectifs européens et nationaux qui ne pourront être atteints qu’au prix d’un déploiement massif et rapide des projets d’énergie renouvelable3.
On comprend alors aisément que l’enjeu de l’agrivoltaïsme est double, puisqu’il s’agit à la fois de conserver une activité agricole significative sur la parcelle tout en permettant de produire suffisamment d’énergie d’origine photovoltaïque pour garantir la rentabilité du projet.
C’est ce qui explique les fortes attentes des différentes parties prenantes suite à l’adoption de la loi APER, car celle-ci fait figure de clé de voûte dans le développement du photovoltaïque en zone agricole, naturelle et forestière, en érigeant pour la première fois un régime juridique autonome pour les projets « agrivoltaïques ».
Ainsi, les nouvelles dispositions de l’article L. 314-36 du Code de l’énergie issues de la loi APER qualifient d’agrivoltaïque les installations « de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole ».
Pour pouvoir être qualifiée d’agrivoltaïque, l’installation doit respecter les critères cumulatifs suivants :
- garantir, à un agriculteur actif ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique, une production agricole significative et un revenu durable issu de cette production agricole ;
- apporter directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants :
- l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
- l’adaptation au changement climatique ;
- la protection contre les aléas ; ou
- l’amélioration du bien-être animal.
En revanche, ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation :
- qui porte une atteinte substantielle à l’un des quatre services susvisés ;
- qui porte une atteinte limitée à deux de ces services ;
- qui ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole (étant précisé que le caractère principal de l’activité peut s’apprécier au regard du volume de production, du niveau de revenu ou de l’emprise au sol) ; ou
- qui n’est pas réversible.
Concrètement, pour les porteurs de projets, l’intérêt qui s’attache à la reconnaissance de la qualification d’installation agrivoltaïque réside dans la présomption de compatibilité de ladite installation avec l’exercice de l’activité agricole, instituée par les dispositions de l’article L.111-27 du code de l’urbanisme, compatibilité qu’il leur incombe de démontrer au stade du dépôt de leur demande d’autorisation d’urbanisme4. Il s’agit donc de favoriser l’admissibilité des projets agrivoltaïques.
Mais est-ce à dire que seuls les projets répondant aux critères de l’installation agrivoltaïques pourront voir le jour en zone agricole ? Pas nécessairement, puisque la loi APER intègre aussi au Code de l’urbanisme une nouvelle sous-section relative aux « installations compatibles avec l’exercice d’une activité agricole » et en particulier deux nouveaux articles qui précisent que :
- la compatibilité avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière des installations photovoltaïques doit s’apprécier à l’échelle de l’ensemble des terrains d’un seul tenant, faisant partie de la même exploitation agricole, au regard des activités qui y sont effectivement exercées ou, en l’absence d’activité effective, qui auraient vocation à s’y développer5 ;
- l’implantation de centrales solaires autres qu’agrivoltaïques au sens du code de l‘énergie en zone agricole en dehors des surfaces identifiées dans le document cadre est interdite6 ;
Concrètement, pour être admissibles en zone agricole, les installations autres qu’agrivoltaïques :
- ne doivent pas affecter durablement les fonctions écologiques du sol, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique ;
- doivent être compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain d’implantation7.
Ainsi, deux types de projets solaires sont désormais amenés à cohabiter en zone agricole :
- les installations agrivoltaïques, d’une part ; et
- les installations photovoltaïques compatibles avec la destination agricole de la zone aussi appelées « agri-compatibles » , d’autre part.
L’implantation résiduelle de projets agri-compatibles an zone agricole est toutefois mise à mal par le rôle renforcé que le législateur a entendu confier à la Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (CDPENAF), en particulier dans l’attente de l’établissement des documents cadre.
Pour rappel, en application de l’article L. 111-29 du Code de l’urbanisme, la CDPENAF est systématiquement consultée pour tout projet de centrale solaire en zone agricole, après audition préalable du pétitionnaire.
Toutefois, la nature de l’avis rendu par la CDPENAF peut aisément faire obstacle aux projets :
- si le département est doté du document cadre précité alors la CDPENAF rend un avis simple sur le projet agrivoltaïque ou agri-compatible implanté en zone agricole ;
- en revanche, si le département ne s’est pas doté d’un tel document, la CDPENAF rend un avis conforme c’est-à-dire qu’elle disposera d’un véritable « droit de veto » sur le projet.
Précisons que le décret du 8 avril 2024 introduit un nouvel article R. 423-70-2 dans le code de l’urbanisme qui prévoit que l’avis de la CDPENAF sera réputé favorable à défaut de réponse dans un délai de deux mois à compter de sa saisine.
B. Un développement de l’agrivoltaïsme indissociable d’une planification territoriale adaptée
L’apport de la loi APER ne réside pas seulement dans la construction d’un régime juridique propre aux installations agrivoltaïques mais également dans la logique de planification territoriale intégrée qui a vocation à structurer localement et nationalement le développement des projets d’énergie renouvelable (solaire, méthanisation, éolien).
Précisément, plusieurs schémas et plans auront pour objet d’organiser et d’encadrer, à différentes échelles géographiques, le développement des projets agrivoltaïques :
- la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE), document stratégique de pilotage de la transition énergétique en France, devra désormais comporter, au sein de son volet dédié à la quantification des gisements d’énergies renouvelables valorisables, une évaluation du potentiel des installations agrivoltaïques définies à l’article L. 314-36 du Code de l’énergie8.
- le Schéma Régional d’Aménagement et de Développement Durable du Territoire (SRADDET), document de planification à l’échelle régionale qui précise la stratégie et les objectifs fixés par la Région dans plusieurs domaines relatifs à l’aménagement du territoire, pourra également fixer des objectifs relatifs aux installations agrivoltaïques9 ;
- le Schéma Régional du Climat, de l’Air et de l’Energie (SRCAE), document stratégique qui définit les grands objectifs de la Région en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et développement des énergies renouvelables notamment, pourra lui aussi comporter objectifs relatifs aux installations agrivoltaïques10.
Surtout la loi APER prévoit l’établissement d’un « document cadre11 » pris par arrêté préfectoral lequel aura pour objet de définir les surfaces agricoles et forestières ouvertes à un projet d’installation photovoltaïque, ainsi que les conditions d’implantation dans ces surfaces à l’échelle régionale.
En pratique, il appartiendra à la chambre départementale d’agriculture d’établir, dans un délai de 9 mois à compter de la publication du décret du 8 avril 202412, un projet de document cadre, qui sera ensuite soumis à consultation :
- de la Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels, Agricoles et Forestiers (CDPENAF) ;
- des organisations professionnelles intéressées ;
- des collectivités territoriales concernées.
En l’absence de réponse dans un délai de deux mois, leur avis sera réputé favorable13.
Le texte précise que le délai entre la transmission du projet de document cadre et la publication de l’arrêté préfectoral ne pourra excéder un délai de 6 mois.14
En application des dispositions de l’articles R.111-58 du code de l’urbanisme issues du décret du 8 avril 2024 précité les surfaces répondant à l’une des caractéristiques suivantes pourront être identifiées dans les documents-cadre comme ouvertes à l’implantation de projets photovoltaïques au sol :
- les surfaces situées en zone agricole, non exploitées et situées à moins de cent mètres d’un bâtiment d’une exploitation agricole ;
- les sites pollués ou friches industrielles ;
- les anciennes carrières, sauf lorsque la remise en état agricole ou forestière a été prescrite, ou les carrières en activité dont la durée de concession restante est supérieure à 25 ans ;
- les anciennes carrières faisant l’objet de prescriptions de remise en état agricole ou forestière datant de plus de 10 ans mais dont la réalisation est insatisfaisante en dépit du respect des prescriptions de cessation d’activité ;
- les anciennes mines, y compris d’anciens terrils, bassins, haldes ou terrains dégradés par l’activité minière, sauf lorsque la remise en état agricole ou forestier a été prescrite ;
- les anciennes installations de stockage de déchets dangereux ou anciennes installations de stockage de déchets non dangereux ou anciennes installations de stockage de déchets inertes, sauf lorsque la remise en état agricole ou forestier a été prescrite ;
- les anciens aérodromes, délaissés d’aérodromes, anciens aéroports ou délaissés d’aéroports incorporés au domaine public ou privé d’une personne publique ;
- les délaissés fluviaux, portuaires, routiers ou ferroviaires incorporés au domaine public ou privé d’une personne publique ;
- les sites localisés à l’intérieur d’une installation classée pour la protection de l’environnement soumise à autorisation, à l’exception des carrières et des parcs éoliens ;
- les plans d’eau ;
- les sites localisés dans une zone de danger d’un établissement classé SEVESO pour laquelle le niveau de gravité des conséquences humaines d’un accident à l’extérieur de l’établissement est au moins qualifié d’important selon l’échelle d’appréciation de la gravité définie par l’annexe 3 de l’arrêté du 29 septembre 2005 relatif à l’évaluation et à la prise en compte de la probabilité d’occurrence, de la cinétique, de l’intensité des effets et de la gravité des conséquences des accidents potentiels dans les études de dangers des installations classées soumises à autorisation;
- les sites en zone d’aléa fort ou très fort d’un plan de prévention des risques technologiques ;
- les terrains militaires, ou anciens terrains militaires, faisant l’objet d’une pollution pyrotechnique;
- les sites localisés dans un secteur effectivement délimité en tant que zone favorable à l’implantation de panneaux photovoltaïques dans le plan local d’urbanisme de la commune ou de l’intercommunalité.
Reste que les lenteurs attachées à l’élaboration des zones d’accélération d’énergie renouvelable peuvent amener à douter de l’efficience de cet énième outil de planification15.
Si la loi APER a permis de faire émerger un régime juridique dédié en faveur du développement des projets agrivoltaïques, intégré à une démarche de planification territoriale cohérente, de nombreux obstacles s’opposent dans les faits à un développement rapide des projets agrivoltaïques.
II. Des perspectives de développement toujours trop contraintes
Plus d’un après l’adoption de la loi APER, le constat est sans appel, dans l’attente de décrets d’application : l’instruction des projets qui souhaitent s’inscrire dans le régime juridique de l’agrivoltaïsme est le plus souvent bloquée (A). Par ailleurs, le développement de l’agrivoltaïsme est dépendant des évolutions à venir s’agissant tant de la sécurisation du foncier que du partage de la valeur attendu (B).
A. Un développement de l’agrivoltaïsme fragilisé dans l’attente des décrets d’application
Pour voir le jour, les projets photovoltaïques nécessitent l’obtention d’un permis de construire. C’est donc au stade du dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme qu’il appartient aux porteurs de projet de démontrer que leur installation s’inscrit effectivement dans le régime de l’agrivoltaïsme que nous avons évoqué ci-avant.
Or, tant les éléments de définition positifs que les critères disqualifiant issus des dispositions de la loi APER renvoient, pour leur application, à plusieurs décrets pris en Conseil d’Etat dont le premier est intervenu plus d’un an après la promulgation de la loi APER, le 8 avril 2024, soit quelques jours après la tenue du colloque16.
Dans cet intervalle, il était en réalité presque impossible pour les porteurs de projets de faire reconnaître par les services instructeurs la qualification d’installation agrivoltaïque au regard de critères quasiment dépourvus d’effet utile, faute de précisions. Ce point est d’autant plus problématique que le contentieux relatif aux permis de construire délivrés aux porteurs de projets photovoltaïques en zone agricole est abondant17.
Une récente ordonnance de référé a d’ailleurs clairement mis en évidence la difficulté pour les porteurs de projets de voir reconnaître par les services instructeurs la qualification d’installation agrivoltaïque dans l’attente de la publication des décrets d’application. En l’espèce, le porteur de projet contestait par la voie d’un référé-suspension18 le refus de permis de construire lui ayant été opposé par le maire de la commune d’implantation en vue de l’installation de cinquante abris à volailles ouverts avec toiture photovoltaïque, projet qu’il entendait inscrire dans le régime juridique de l’agrivoltaïsme. Or, le motif de refus opposé par le maire à cette demande de permis de construire était fondé sur la simple réticence des services instructeurs à appliquer le régime posé par la loi APER avant l’entrée en vigueur des décrets d’application. Sans surprise, le tribunal administratif a censuré un tel motif.
« 4. D’une part, il résulte de l’instruction que la société Novafrance Energy, spécialisée dans le développement de projets d’énergies durables, propose aux éleveurs de plein air de se charger de la mise en place, sur les parcours de volailles, d’abris artificiels, dotés de modules photovoltaïques, et d’abris naturels, afin de réduire les attaques des prédateurs aériens et de protéger la volaille des intempéries et des fortes chaleurs. Ces abris à volailles sont intégralement financés par la société Novafrance Energy grâce à la vente de l’électricité produite. La société Novafrance Energy fait, toutefois, valoir que depuis plusieurs mois, les maires des communes de plusieurs départements dont le Maine-et-Loire dans lesquelles elle a déposé des demandes de permis de construire lui ont quasi-systématiquement opposé des décisions de refus, au motif notamment de l’absence de nécessité du projet à l’activité agricole. Alors que les vingt demandes de permis de construire déposées dans le département de Loire-Atlantique ont été accordées, seules deux des quinze demandes dans le département du Maine-et-Loire ont, ainsi, donné lieu à la délivrance du permis sollicité. Il est, en outre, ressorti des débats lors de l’audience que le motif de refus opposé fait suite aux avis défavorables émis lors de l’instruction de ces demandes, les services instructeurs étant dans l’attente des textes réglementaires venant encadrer l’ agrivoltaïsme et réticents à autoriser ce type de projet avant leur intervention, et que ses effets dépassent dans leur ampleur le seul projet envisagé à Saint-Paul-du-Bois. Ce motif de refus a ainsi pour effet de rendre impossible le développement de l’activité de la société requérante, alliant agroforesterie et photovoltaïque, et nuit à la poursuite de son modèle d’affaire, basé sur ce concept innovant pour lequel elle a recruté plus de vingt salariés dont sept en région Pays de la Loire. […]
- Au regard de ces éléments, la décision du maire de Saint-Paul-du-Bois refusant d’accorder le permis de construire sollicité doit être regardée comme préjudiciant de manière suffisamment grave et immédiate tant aux intérêts économiques de la société Novafrance Energy qu’à ceux de l’EARL du Châtelier pour que la condition d’urgence, fixée par l’article L. 521-1 du code de justice administrative, soit considérée comme satisfaite» (TA de Nantes, 30 avril 2024, n°2405238).
On aurait donc pu croire que les difficultés d’application seraient surmontées dès l’intervention des décrets d’application. Force est pourtant de constater que les précisions apportées par les dispositions de l’article R. 431-27 du code de l’urbanisme, issues du décret du 8 avril 2024, mettent clairement en évidence le caractère périlleux de cette démonstration, au regard des très nombreuses pièces justificatives à fournir par le pétitionnaire pour justifier du caractère agrivoltaïque de son installation :
« 1° Une description physique de la parcelle mentionnée à l’article R. 314-108 du code de l’énergie ;
2° Une note technique justifiant que l’installation, l’ouvrage ou la construction fournit au moins l’un des services mentionnés aux 1° à 4° du II de l’article L. 314-36 du code de l’énergie selon les conditions fixées à l’un des articles R. 314-110 à R. 314-113 du même code et qu’il ne porte pas une atteinte substantielle à l’un de ces services ou une atteinte limitée à deux de ces services ;
3° Une note technique justifiant que la production agricole est l’activité principale de la parcelle agricole conformément à l’article R. 314-118 du code de l’énergie ;
4° Une note technique justifiant que la production agricole est significative et qu’elle assure des revenus durables à l’exploitant agricole conformément aux articles R. 314-114 à R. 314-117 du code de l’énergie ;
5° S’il y a lieu, d’une description de la zone témoin prévue en application de l’article R. 314-114 du code de l’énergie
6° Une attestation certifiant que l’agriculteur est actif, au sens de l’article R. 314-109 du code de l’énergie. Un arrêté des ministres chargés de l’énergie et de l’agriculture précise, en tant que de besoin, les conditions d’application du présent article. »
Rappelons enfin qu’à la date de rédaction de cette contribution, d’autres décrets et arrêtés sont toujours attendus, s’agissant notamment :
- des différentes technologiques photovoltaïques réputées «éprouvées » ;
- de la mise en œuvre des « documents cadres » visés à l’article L. 111-29 du code de l’urbanisme.
- de la définition de la notion d’ « activité agricole significative » ;
- du statut du fermage ;
- du partage de la valeur entre agriculteurs et développeurs.
L’éclatement du régime juridique de l’agrivoltaïsme constitue donc immanquablement un frein au déploiement rapide de ces projets.
B. Un développement dépendant des évolutions à venir sur d’autre enjeux connexes
Si, à l’évidence, le régime juridique applicable aux installations agrivoltaïques souffre des tâtonnements du législateur, d’autres facteurs peuvent également constituer des freins dans le développement massif des projets agrivoltaïques.
D’abord, la loi APER ne règle pas les problèmes posés par la sécurisation du foncier. Or, il s’agit d’un élément essentiel dans la gestion des conflits d’usage entre le porteur de projet et l’exploitant agricole, en particulier lorsque ce dernier n’est que le locataire des parcelles exploitées.
En effet, dans cette situation le risque réside dans les possibles conflits juridiques tirés de la superposition de plusieurs instruments contractuels portant sur les mêmes parcelles au bénéfice de plusieurs preneurs, dont les intérêts ne sont pas nécessairement convergents.
Pour tenter de maîtriser ces risques, une réflexion est actuellement menée sur la possibilité de mettre en place un bail « agrivoltaïque » afin d’éviter une superposition de baux ruraux (liant le propriétaire des parcelles et l’exploitant agricole) et emphytéotiques (liant l’exploitant agricole et le porteur de projet agrivoltaïque) sur les parcelles d’implantation et de déterminer par anticipation, les différentes obligations des parties au regard du régime propre à l’agrivoltaïsme s’agissant notamment du partage de la valeur.
Ensuite, c’est justement le partage de la valeur qui pourrait constituer un obstacle au développement des projets agrivoltaïques si l’on souhaite éviter l’écueil des projets dits « alibis » pour lesquels l’activité agricole ne serait que subsidiaire par rapport à l’activité de production d’énergie. En ce sens, il est intéressant de préciser que dans une délibération en date du 17 janvier 2024, la Commission de Régulation de l’Energie (CRE) a été amenée à donner son avis sur un projet de décret comprenant l’introduction au sein du code de l’énergie d’un nouvel article D. 314-110 qui prévoit que la contribution des installations agrivoltaïques est fléchée vers des projets contribuant à la résilience agricole et au changement climatique, et sélectionnés après avis de la chambre d’agriculture19. Dans l’attente de la publication de ce décret, l’incertitude reste toutefois entière sur la détermination précise du partage de la valeur dans le cadre des projets agrivoltaïques.
Enfin, et encore récemment, le doute planait sur la possibilité pour les agriculteurs accueillant des projets agrivoltaïques sur leurs parcelles, de continuer à percevoir les aides de la Politique Agricole Commune (PAC). En effet, quelques mois après la promulgation de la loi APER, un arrêté du 13 mai 2023 relatif aux conditions d’éligibilité à la PAC, était venu limiter l’octroi des aides aux installations agrivoltaïques dont les panneaux recouvraient au maximum 30% de la parcelle20. Cet effet de seuil avait alors pour conséquence de restreindre l’intérêt économique de l’agrivoltaïsme pour les agriculteurs dès lors que le taux de couverture des panneaux était supérieur à 30%, alors même que le seuil de couverture fixé par le décret du 8 avril 2024 est de 40%.
Cette difficulté est désormais levée depuis l’intervention heureuse d’un arrêté en date du 21 mai 2024, qui reconnaît à titre dérogatoire l’admissibilité aux aides de la PAC des zones accueillant des installations agrivoltaïques sans conditions tenant au taux de couverture21.
C’est dans ce contexte, non dénué de complexité il est vrai, que le rôle de la fiscalité doit évoluer, car ce qui ce qui interroge le plus au regard des éléments exposés ci-avant, c’est principalement l’absence de régime fiscal dédié aux seules installations agrivoltaïques22. A n’en pas douter, l’outil fiscal pourrait pourtant contribuer à assurer la rentabilité de ces projets, en allégeant l’imposition des exploitants agricoles et ainsi assurer un meilleur partage de la valeur et encourager les projets vertueux.
En conclusion, si le régime juridique associé aux installations agrivoltaïques peut per se constituer, à certains égards, un premier frein au développement de ces projets, on peut espérer que les évolutions réglementaires à venir, s’agissant du statut du fermage ou du partage de la valeur, permettront d’établir un cadre juridique plus sécurisant pour les parties prenantes. Reste que l’attractivité financière de ces projets sera nécessairement conditionnée par le soutien fiscal que le législateur décidera, ou non, d’apporter.
- Loi n°2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. [↩]
- Rappelons que la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite « loi climat et résilience » a fixé un objectif de « zéro artificialisation nette des sols » d’ici 2050, et que les dispositions de la loi n°2023-630 du 20 juillet 2023 visent à faciliter la mise en œuvre de cet objectif et à renforcer l’accompagnement des élus locaux. [↩]
- Pour rappel, le 30 mars 2023, le Conseil et le Parlement européens sont parvenus à un accord politique provisoire visant à porter la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique globale de l’UE à 42,5 % d’ici 2030, avec un objectif indicatif supplémentaire de 2,5 % qui permettrait d’atteindre 45 %. Au niveau national, les dispositions de l’article L.100-4 du code de l’énergie issues de la loi n°2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat visent à porter la part des énergies renouvelables à 33 % de la consommation finale brute d’énergie en 2030. [↩]
- Limite : même si l’article L. 111-28 du code de l’urbanisme ajoute que « l’installation des serres, des hangars et des ombrières à usage agricole supportant des panneaux photovoltaïques doit correspondre à une nécessité liée à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative ». [↩]
- C. urb, art. L.111-29. [↩]
- C. urb., art. L. 111-29. [↩]
- C. urb., art. L. 111-30. [↩]
- Cf. C. énergie art. L. 141-2. [↩]
- CGCT art. L. 4251-1, alinéa 6. [↩]
- C. envir. art. L. 222-1 3. [↩]
- Cf. C. urb. art. L. 111-29. [↩]
- Cf. article 8 du décret du 8 avril 2024. [↩]
- Cf. C. énergie art. R. 111-61. [↩]
- Cf. C. urb. art. L. 111-29. [↩]
- Le zonage prévu par la loi APER : accélération ou stagnation ? ; Jean Gourdou, Elodie Annamayer ; AJDA 2023. 1162. [↩]
- L’agrivoltaïsme à la lumière du droit, Benoît Grimonprez – AJDA 2023. 1168. [↩]
- Voir pour quelques exemples récents : TA de Clermont-Ferrand, 2ème Chambre, 18 mars 2024, n° 2301039 ; TA de Bordeaux, 6ème Chambre ,9 février 2024, n°2104900TA de Clermont-Ferrand, 20 novembre 2023, n°2302179, TA de Pau, 3ème Chambre, 13 décembre 2023, n°2301381. [↩]
- Cf. article L. 521-1 du code de justice administrative. [↩]
- Cf. délibération n°2024-04 de la Commission de régulation de l’énergie du 17 janvier 2024 portant avis sur un projet de décret relatif au partage territorial de la valeur des énergies renouvelables [↩]
- Cf. arrêté du 13 mai 2023 relatif aux définitions transversales relatives à l’activité et aux surfaces agricoles, à partir de la campagne 2023, dans le cadre de la politique agricole commune NOR: AGRT2309974A [↩]
- Cf. arrêté du 21 mai 2024 modifiant l’arrêté du 23 juin 2023 relatif aux définitions transversales relatives à l’activité et aux surfaces agricoles. [↩]
- Fiscalité agricole -Première approche de la fiscalité des activités agrivoltaïques, Etude par Sylvain BERNARD, La revue fiscale du patrimoine n°9, Septembre 2023, étude 18. [↩]
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