Le 4ème colloque annuel sur les finances publiques, organisé avec le soutien de la Chaire Droit & Transitions Sociétales, du laboratoire Thémis-Um, de Laval Agglo, du département de la Mayenne, de l’AFDR du Maine et du GRALE, a porté sur un thème brûlant d’actualité : le rôle de la fiscalité dans la transition agro-environnementale et la stratégie bas-carbone.
Dans un monde confronté à des défis environnementaux sans précédent, les pouvoirs publics comme les opérateurs économiques et les particuliers cherchent à déployer des modes de vie plus durables. Les agriculteurs, acteurs majeurs des territoires, cherchent en particulier à modifier leurs pratiques professionnelles et à adopter de nouveaux procédés permettant la préservation des écosystèmes.
Les articles publiés dans le présent dossier, réunis par la coorganisatrice du colloque, Mme Élise Rivault1, proposent d’explorer les changements affectant le lien existant entre agriculture et environnement, en l’examinant sous le prisme de la fiscalité. En plaçant la fiscalité au cœur du débat, l’objectif est de déterminer si elle agit en tant que levier incitatif ou dissuasif, venant accélérer ou au contraire freiner la transition agro-environnementale.
Le prisme de la fiscalité est d’autant plus intéressant qu’il a une forte portée historique. La fiscalité entretient en effet depuis longtemps des liens étroits avec la terre. Sous l’Ancien Régime, l’école de pensée physiocrate désignait l’agriculture comme la source de la richesse2. C’est d’ailleurs pourquoi les impôts créés à la Révolution étaient assis sur le foncier et leurs héritiers le sont encore aujourd’hui (taxes foncières, taxe d’habitation, cotisation foncière des entreprises). Toutefois, même s’il est apparu que la source véritable de la richesse n’est en réalité pas la propriété foncière mais le travail3, il n’en demeure pas moins que la fiscalité a toujours des effets sur le monde agricole, en particulier en matière de transition environnementale, en ce qu’elle peut soit l’inciter à produire autrement, soit le dissuader de produire de telle ou telle manière. Dans le premier cas, la fiscalité est utilisée pour encourager le respect des objectifs de la politique publique de protection de l’environnement. Dans le second cas, elle a une vocation répressive.
Tout indique aujourd’hui que ce schéma de pensée, qui doit permettre un équilibre entre production et transition écologique, est altéré et qu’il n’est plus satisfaisant4. Les articles publiés montrent ainsi que la fiscalité ne pèse pas, ou pas suffisamment, sur la transition agro-environnementale, qu’elle soit appréhendée sous le prisme des soutiens fiscaux au secteur agricole à l’épreuve de la transition verte (article de Philippe Luppi), des crédits d’impôts (article de Jérôme Dutertre), des redevances de l’eau (articles de Quentin Guillard et de Valéry Morard), de la comptabilité (articles d’Elsa Boshoff, de Fabrice Dujarrier et de Francky Duchâteau) ou encore des nouvelles techniques telles que l’agrivoltaïsme (article d’Alix-Anne Sauret).
Au fond, comme le relève François Ecalle, auteur du rapport de clôture, « il y a deux agricultures en France. L’une est compétitive et trouve sans difficulté sa place sur les marchés mondiaux. L’autre ne peut survivre qu’avec des aides très importantes et ces aides sont justifiées par les aménités rurales, c’est-à-dire les services que les agriculteurs rendent à l’environnement ».
Cette agriculture à deux vitesses n’est pas à la hauteur des enjeux financiers et environnementaux. Il est à notre sens urgent que l’État assume que la fiscalité, dans ses différentes facettes, y compris punitives, constitue un puissant moyen de modification des comportements, des pratiques et qu’elle peut contribuer à donner une nouvelle impulsion au modèle français d’agriculture, indépendamment de toute considération politique.
Les organisatrices du colloque tiennent à remercier très chaleureusement tous les intervenants et participants ainsi que les soutiens indéfectibles à la recherche universitaire en Mayenne que sont Laval Agglo et le département de la Mayenne. Elles remercient aussi la Revue générale du droit et son rédacteur en chef, Philippe Cossalter, qui nous font l’honneur de publier pour la deuxième fois les actes du colloque annuel lavallois sur les finances publiques.
- Doctorante contractuelle à l’Université du Mans. [↩]
- V. par exemple, T. Demals, « Une économie politique de la nation agricole sous la Constituante ? », Revue Française d’Histoire des Idées Politiques, 2004/2 (n° 20), pp. 83-109. [↩]
- J.-G. Courcelle-Seneuil, A. Smith, Richesse des nations, Paris, Guillaumin, 1888, 264 p. [↩]
- E. Moysan, « Transition agro-environnementale et fiscalité : un couple improbable ? » in Droit de la terre. Droit rural et transitions agricoles (ouvrage collectif rédigé sous la dir. de P.-L. Boyer, H. Juillet-Régis et S. Lebreton-Derrien), Enrick B Éditions, 2024, tome 1, pp. 137-154. [↩]